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ment d'ailleurs, par quelle « ruse » aurait-on ainsi accroché l'attention du lecteur sur xiveīta!? Cette erreur de traduction ne pouvait avoir d'autre effet que de le déconcerter et non d'arrêter sa réflexion sur xvetta, qui, nous le répétons, aux yeux d'un homme du xvre siècle n'est pas la signature de Quentin, parce qu'il n'en est pas l'anagramme exacte. En outre, comment un humaniste aurait-il pu supposer que ces cinq mots grecs seraient jamais traduits comme ils le sont dans le second terme de l'équation posée par M. Cons?

Ainsi, d'après M. Cons, Quentin aurait arrangé le livre V depuis le ch. xvIII jusqu'au ch. xxxvi, et continué le livre, du ch. xxxvi à la fin. - S'il en était ainsi, après avoir comparé les ch. XXIII-XXIV (Tournoi et bal de la Quinte) aux ch. xxxvIIIXXXIX (Bacchus chez les Indiens), il nous faut mettre le continuateur au-dessus de l'arrangeur. Quentin, livré à ses seules forces, égalerait Rabelais; car la description du hourt de Bacchus vaut certainement les plus belles pages du Rabelais authentique, celles qui sont marquées de la « griffe du lion ».

2. Preuves extrinsèques. Jean Quentin était l'ami de Rabelais. Il a fréquenté le cercle de Fontaine-le-Comte'; il est cité au 1. III, ch. xxxiv, parmi les amis de Rabelais qui jouèrent avec lui à Montpellier la farce de la Femme Mute; il a été en relations avec Cotereau, que M. Cons identifie avec le Cotiral mentionné au ch. xvi du livre V; il a voyagé en Orient, ce qui expliquerait certaines allusions du livre V à des lieux situés en Orient.

Voilà de tous les arguments extrinsèques rapportés par M. Cons ceux qui établissent que Quentin a pu être l'arrangeur et le continuateur du livre V. En voici d'autres, que nous empruntons également à son étude, et qui militent contre cette attribution du livre V à Jean Quentin.

Quentin fut, en 1561, l'orateur du clergé aux états généraux d'Orléans. Il édita un catalogue des hérétiques. Il serait étrange, dans ces conditions, qu'il eût donné une suite à un livre condamné par la Sorbonne et considéré, à cette date, comme impie 2.

1. M. Cons écrit, loc. cit., p. 525 : Fontenay-le-Comte; mais l'abbé Ardillon qu'il mentionne résidait à Fontaine-le-Comte. Cf. R. É. R., 1907, p. 52, Sur quelques amis de Rabelais, par Abel Lefranc.

2. Cf. notre article sur Pantagruel lu au Louvre devant le roi

Il mourut en 1561, avant la publication de l'Isle sonante. Comment a-t-il pu rédiger la suite du livre V et en préparer une édition, qui ne devait paraître que trois ans après?

Pour parler net, l'hypothèse de M. Cons nous paraît donc inadmissible, à n'examiner que les seuls arguments produits dans l'article de la Revue bleue. Il nous annonce une étude plus détaillée de la question. Nous doutons qu'il arrive à des résultats plus solides. Mais nous serions bien étonné si de cette enquête sur Jean Quentin il n'y avait pas finalement quelque profit à tirer pour la connaissance de Rabelais.

J. P.

UNE IMITATION DE L'INSCRIPTION DE THÉLÈME PAR EUSTORG DE BEAULIEU. Nous avons déjà vu dans un des numéros des Études rabelaisiennes (1911, p. 172) que le poète Eustorg de Beaulieu connaissait sans doute les ouvrages de François Rabelais. Nous trouvons dans son volume de poésies, les Divers Rapportz, une ballade qui doit son inspiration à la célèbre «< Inscription mise sur la grande porte de Theleme » (Gargantua, ch. LIV).

Ballade mise en ung Tableau par l'aucteur à la porte de la maison d'une Chappelle qu'il a en la ville de Tulle, au bas Pays de Lymosin, intitulée « la Paoureté ».

Salut à vous tous, pervers et iniques,
Chaulx et lubricques, tant ecclesiastiques
Que mecanicques, et nobles, et vilains,
Ioueurs, trompeurs, et remplis de trafficques,
De ces cronicques notez bien les rubriques
Tres autenticques, et iurez tous les sainctz

Qu'ung iour (mal sains) m'apporterez les grains,
Prins par voz mains es champ d'iniquité,
Iusques à l'huys de ceste paoureté.

Charles IX en 1563, dans la R. É. R., t. IX, p. 442. Nos lecteurs trouveront quelques extraits du discours prononcé par Quentin aux États d'Orléans dans un article que M. Lange a consacré à Quelques sources probables des discours de Ronsard dans la Revue d'histoire littéraire, 1913, p. 807 et suiv. Des phrases comme celle-là sont d'un fanatique « Bats-les [les hérétiques], frappe-les jusqu'à internecion (qui est la mort). »

Braues, bragardz, couuers de mirlifiques,
Sotz fantastiques suyvans voyes obliques,
Folz lunatiques, et tous foybles des reins,
Apres voz faictz et gestes impudiques,
Vaines praticques, et moyens falcificques,
Dyabolicques, et trop plus que inhumains,
Venez au moins veoir là où ie remains,
Et de voz gaings portez la cothité
Iusques à l'huys de ceste paoureté.

Charmeurs, et vous docteurs es ars magicques,
Gens maleficques, crocheteurs de boutiques,
Et tous ethicques d'amours prins et attains,
Et vous (aussi) grosses putains publicques,
Corps veneriques farsis d'ordes relicques,

Fainctz cœurs duplicques, deceuant tous humains,
Plusieurs demains ie atendz que de voz trains
Et plaisirs vains, mon droict soit apporté
Iusques à l'huys de ceste paoureté.

Prince prodigue, aulcuns folz trop haultains
Prez et loingtains, sont tous seurs et certains,
D'estre contrainctz venir par equité

Iusques à l'huys de ceste paoureté.

(Divers Rapportz, édition 1537, fol. 58.) Helen J. HARWitt,

New-York.

TEMPS.

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RABELAIS RÉPUTÉ POÈTE PAR QUELQUES ÉCRIVAINS DE SON Nous avons dit dans un article de la R. É. R., t. X, p. 291-293, que Rabelais est cité par quelques écrivains du XVIe siècle parmi les poètes contemporains de Marot. Aux textes que nous avons allégués, il faut joindre le suivant, que nous signale notre confrère M. Hugues Vaganay. Il est de Robert le Rocquez de Carentan en Normandie; dans son Miroir d'eternité, publié à Caen en 1589, mais composé vers 1560, Rabelais y figure parmi les poètes du « sixiesme aege du monde » (fol. 113 vo) :

au

Les Poëtes regnans temps de Frâ çois de Va

Lors fleurissoit Heroët en la France,
Lequel a faict entiere recouurance
De vray amour, en sa parfaite amie,
Euure excellent en haute poësie,

loys. Heroët, Merlin, Marot, Chappuy, Sceue, deux du Beslay,Rabelais Medecin, Charles Fontaines.

Et qui d'amour a touché le vray poinct,
Qui ame, et cœur diuinement espoinct.
Homme lequel pour son sçauoir notoire
A merité sur tout autre la gloire.

Aussi estoyent Merlin de sainct Gelais,
Marot, Chappuy, Sceue, aussi Rabelais,
Deux du Beslay, auec Charles Fontaines :
Plusieurs aussi de sciences hautaines,
Comme le Maire, en lettres vray touchet,
Et en Poictiers le docte Jean Bouchet:
Lequel a peinct de sa plume doree
Le vray discours de l'ame incorporee.

J. P.

Le gérant: Jacques BOULENGer.

Nogent-le-Rotrou, impr. DAUPELEY-GOUVERNEUR.

RABELAIS

ET LES PEUPLES CONQUIS

Il y a, dans le premier chapitre du Tiers Livre, une déclaration formulée par Rabelais avec le désir évident d'affirmer ses sentiments d'humanité à l'égard des peuples conquis, qui m'avait toujours attiré et quelque peu intrigué, en ma qualité de membre impénitent du Comité de protection et de défense des indigènes, fondé par le regretté Paul Viollet. Je me demandais toujours quel pouvait être le motif de cette profession de foi, développée avec complaisance, à propos de la conquête de la Dipsodie, et appuyée sur une série de curieux exemples. Voici le texte principal (en réalité tout le chapitre s'applique à cette question):

Noterez doncques icy, Beuveurs, que la maniere d'entretenir et retenir pays nouvellement conquestez, n'est (comme a esté l'opinion erronée de certains espritz tyrannicques à leur dam et deshonneur) les peuples pillant, forçant, angariant, ruinant, mal vexant et regissant avecques verges de fer; brief les peuples mangeant et devorant en la façon que Homere appelle le roy inique Demovore, c'est à dire mangeur de peuple. Je ne vous allegueray à ce propous les histoires antiques, seulement vous revocqueray en recordation de ce qu'en ont veu vos peres, et vous mesmes, si trop jeunes n'estez. Comme enfant nouvellement né, les fault alaicter, berser, esjouir. Comme arbre nouvellement plantée, les fault appuyer, asceurer, defendre de toutes vimeres, injures et calamitez. Comme personne saulvé de longue et forte maladie et venent à convalescence, les fault choyer, espargner, restaurer. De sorte qu'ilz conçoipvent en soy ceste opinion, n'estre au monde Roy ne Prince, que moins voulsissent ennemy, plus optassent amy.» (Suivent les exemples, qui vont jusqu'à la fin du chapitre.)

REV. DU SEIZIÈME SIÈCLE. II.

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