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besoin d'y croire. Ceux qui se croient incrédules croient, mais autrement.

Ce mot de foi est grand, il y a la foi qui possède, il y a la foi qui cherche; la foi à la vérité voilée encore, la foi au vrai qu'on découvre.

Chercher, c'est être homme, et plutôt mourir que de ne pas chercher l'infini. Ces grands chercheurs sont nos aïeux. A côté de la noble et jeune église qui croyait et possédait, il y avait l'humble et pauvre église qui cherchait, rêvait, désirait. Soyons indulgents pour leurs rêves.

... Cet infini qui est nous fait effort en tous sens pour se réaliser dans le lieu, nous allons au monde (voyages), le monde vient à nous (journaux, etc.); dans la pensée, ces notions, nous les sondons en profondeur; hélas! dans le temps aussi, nous absorbons le passé, nous en déduisons l'avenir.

Ainsi, autant qu'il est en nous, nous expions la dureté de la nature elle nous fait petits, nous nous faisons grands; elle nous fait éphémères, nous tâchons de vivre. par nos immortelles filles les idées, sinon par nos sentiments. Ainsi, la nature brise et nous renouons sans cesse nos fibres sanglantes. C'est le premier besoin de l'homme. de chercher ainsi sans cesse à se compléter. Mieux vaut mourir que de rester fini, de ne pas assouvir son infini...

Il y a un moyen sûr d'obscurcir toute cette histoire, c'est d'en faire un accident du protestantisme, c'est de rattacher l'histoire éternelle de la liberté aux petites affaires de Genève et de Calvin, de subordonner les libres penseurs au théologien fataliste qui supprimait le repentir, la pénitence, qui sauvait et damnait d'avance.

Il ne faut pas enfermer cela dans un coin de la théologie, mais le prendre dans l'histoire totale de l'esprit humain.

J'ai dit les deux mouvements opposés de la Renaissance, comment le Christianisme submergé dans la légende, dans la diversité des symboles locaux, des saints, avait abouti au culte de Notre-Dame, au culte de la femme,

lequel, mal pris, risquait d'être celui de la sensualité et de

la nature.

Eh bien! contre cette école de la vie s'élève l'école de la mort, qui brisera les images, et veut sans intermédiaire l'esprit, l'unité d'esprit, l'intérieur...

Le premier degré de cette guerre à l'art me paraît être un artiste qui, tout en représentant la vie, ne fut amoureux que de la mort, qui, le plus savant de tous dans la forme, n'y chercha jamais que l'esprit.

[Michel-Ange.] Ce violent esprit était sorti du bûcher de Savonarole. On lui parlait de la vie : « J'aime autant la mort, dit-il, c'est du même maître. »

Grand anatomiste, poète, prophète et juge, il a représenté trois choses: la mort (la notte de' Medici), le jugement, l'avenir (sibylles...).

Michel-Ange resta dans l'orage de l'art, dans la pesante atmosphère de Rome. La ville de la mort lui plaisait et devait le retenir. On n'avait pas encore retrouvé l'immensité de la Rome souterraine, mais à la surface seule, on sentait que Rome est la tombe énorme où l'humanité antique est venue apporter ses os, le sépulcre de vingt peuples et de vingt siècles.

Qu'a fait Rome? Elle a brisé la vie antique; et que faisait Michel-Ange? Il faisait effort pour briser la vie du moyen âge, pour échapper vers l'avenir, pour échapper au symbole convenu, pour exprimer dans les formes de la vie et de la nature l'esprit et la mort.

Plus haut, vers le climat plus serein de la Grande. Grèce, planait la philosophie...

Cette haute influence éleva l'artiste au-dessus de la forme humaine; il s'éleva, tout en restant artiste, artiste sublime, aux formes abstraites de l'architecture (SaintPierre), et à l'art de la pensée pure, la poésie philosophique. Chaque soir il faisait son unique repas, et il écrivait un sonnet à Vittoria Colonna, dégrossissant, dit-il, son bloc intellectuel.

La Sibylle de Michel-Ange fut une Romaine : Vittoria

Colonna. C'était cette illustre veuve, qui vivait seule dans l'île d'Ischia, mais qui agissait sur toute l'Italie par ses poésies, par ses lettres, gouvernant à la fois MichelAnge et Bernardino Ochino.

L'amour divin au XVIe siècle.

.

21 juin 1841.

Ah! combien je sens de cœur ces douloureuses aventures de l'amour divin, cette passion de l'invisible, qui saisit tout à coup le xvie siècle et lui fait poursuivre, à travers les cachots, le fer, la flamme, une beauté éternelle! Lorsque chacun s'aperçut de l'incomplet du symbole, de l'insuffisance des figures, des images, où il avait mis son cœur; quand le légiste s'aperçut que le symbole juridique, la stipula, les autres jouets du droit ne devaient pas plus longtemps matérialiser l'équité, quand le croyant s'aperçut que Dieu n'était pas tellement sur l'autel qu'il ne fût aussi partout et commença à voir le monde comme une gigantesque hostie; quand enfin tous, abjurant la patrie, la famille même, s'en allèrent, le cœur brisé, vivre où ils pourraient rêver Dieu dans la liberté, chacun ne voulant plus de foyer, de père, de mère, de fils, sinon son Dieu même, je dis son Dieu, celui de sa création et de sa pensée.

Il faudrait pouvoir retrouver tout le douloureux détail de ces déchirements cruels, par lesquels chacun immolait ses habitudes, son pays, ses affections, son monde individuel, où il avait depuis sa naissance engagé ses fibres vivantes... et dire par quel puissant effort cette masse de sanglantes fibres, cette forêt de veines et d'artères s'arrachait d'un coup.

Car enfin, quels pensez-vous que furent les sentiments d'un Bernardino Ochino, lorsque l'infortuné, parvenu au haut des Alpes, jeta bas sa pauvre robe de cordelier où il avait si glorieusement vécu, prêché, souffert..., la robe de saint François d'Assise, tous les souvenirs du mysticisme italien, toutes les douces et amusantes comédies de ce

charmant culte, hélas! quitter la sainte Vierge, aux pieds de laquelle il avait vécu, renoncer aux consolations de Notre-Dame, ne plus lui confier rien, n'avoir plus jamais les genoux maternels pour déposer ses douleurs?

Je me figure qu'au moment où il s'assit au sommet du Saint-Bernard, au moment où il jeta sa robe, sa vie première, du côte de l'Italie qu'il ne reverrait jamais, au moment où, du pays de la lumière, il reporta ses regards vers le Nord, vers le pays de la nuit, vers les lacs brumeux de la sombre Suisse, le ferme raisonneur sentit quelque chose qui se brisait en lui et ne put s'empêcher de dire « Je vous suis, raison divine, où que vous me conduisiez; je vous suis jusqu'à la mort... Comment, oh! comment me dédommagez-vous, sagesse éternelle; vous semblez ne vouloir m'apparaître qu'en me voilant l'éternelle beauté ! N'importe, recevez toujours ce pauvre fils de la beauté, de l'Italie..., et puisse venir le temps où, les voiles disparaissant, nous voyions se confondre en même lumière le beau et le vrai, l'art et la sainteté!..... »

Compatissons, Messieurs, à ces douleurs, à ces arra

chements cruels!...

On retrouve dans ces pages brûlantes, nous l'avons vu, le germe de bien des idées auxquelles Michelet donnera plus tard une forme définitive. On y trouve aussi bien des pensées que cette nature trop riche épandait sans cesse, comme ces torrents de lave qui se perdent sur les pentes de la montagne. On y trouve surtout, et bien plus souvent que dans son œuvre écrite, ces effusions, ces appels de l'âme à l'âme, qui faisaient de ses cours du Collège de France moins un enseignement qu'une prédication.

Ce n'est plus ainsi que nous comprenons l'histoire, et ce subjectivisme déchaîné nous effraie. Mais peut-être que ces dons de prophète, que cette exaltation d'un voyant étaient nécessaires pour pénétrer les mystères, alors insoupçonnés, de la vie du xvre siècle.

Henri HAUSer.

RABELAIS

ET

JEAN LE MAIRE DE BELGES

On sait que le chapitre xxxix du Ve livre de Pantagruel, que tout juge compétent reconnaît comme portant la griffe du Maître, est traduit en grande partie du Dionysos de Lucien. Mais Rabelais, comme d'habitude, ne s'est pas restreint à une seule source. Pour compléter son tableau, il a mis à contribution un auteur beaucoup plus proche de lui. J'ai nommé Jean Le Maire de Belges, dont la jolie description des noces de Pelée et Thetis, dans le premier livre des Illustrations de Gaule et singularités de Troyes, a dû plaire singulièrement à l'auteur de Pantagruel. C'est surtout des portraits si expressifs de Bacchus et de Pan qu'il s'est souvenu :

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