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sans être la marveille des marveilles, coume ceti là de Vallon, c'est une marveille.

Savez don que le bon seigneur de Charenton, qu'était un grand Syre à ce moument là, a douné soun ainde pour Saint-Pierre, mais i' coumandait sus Épineuil, Meilland, Bruère, Mont-Rond et il a évu çartainement de l'ainde de ceus Seigneuries pour l'œuvre râle qu'est là plantée comme un chef coumandant sans que je peuche saveoir le just pour quoé. Mon-sieu Gaulmier ou ben Mon-sieu Chaput, les deus, peut-être ben, vous diront le fin mot là-dessus et sus le festin qu'a été douné dès quant la croé a été pousée sur le faît du clocher si tant beau.

Mes bons amis, cependant que le bon Géant fait ses apprêts de départiement de Saint-Pierre-des-Étieux et de Charenton, si voulez me suire je vons nous transporter au Mont-Joï là où je vons causer un peu des ravages, des saccages que les brigands avont fait, non point seulement au Mont-Joï, mais dans les alentours.

Coument avai' été saccagé le châtiau du Mont-Joï.

Gargantua devait remainier le fort châtiau du Mont-Joï après des dégâs abominabes que la troupe des caterres, des libartins boèmes, des routiers et des patarins avaint fait non point tant seulement anprès le dihors et le dedans du châtiau, mais itou anprès le perieuré et les bâtiments que restaint de l'ancienne ville. Vous dire les douleurs et malheurs qu'avaint enduré les genss qu'étaint resté à Joï, c'est ren de le dire. Sancoing avait souffri comben t'i et au mesme temp que Joï. On dit, les uns le grand Syre de Courtenay, les autres le grand Syre de Sancerre, l'un ou l'autre, peut-être l'un et l'autre, avaint envoyé des capitaines et des gens d'armes pour les mettre à la raison, ceus caterres, ceutis boèmes libartins, ceus routiers qu'avaint mosiblé Joï et Sancoing et asseurément ben ailleurs dans les alentours, coume le marquait mon grand-père Regnaud, et que je peus pâs vous marquer, moé, dans cetelle histoire qu'est pour le bon Géant Gargantua.

Coument on a vu la prise du châtiau de Mont-Joï par les caterres, les boèmes libartins et les patarins.

Asseurément, c'est besoin que je vous conte coument cetelle troupe de mange-pain pardu est venue au-dessus de Joï et de Sancoing et, malhureusement, pas qu'une foés, pace que je veoirons ben toût Gargantua prêcher conter ceus brigands et faut ben que vous soyaint en counaissance des brigandages de ceus monstres infarnals.

C'était par les Chaumes Sauteriau que ceus infâmes galmandis étrangers avaint panêtré dans le giron du MontJoï qu'était soi-disant inpernabe à cause de sa grand' ceinture d'iaue qu'était la pus arnoumée, paraît, dans nouter Mitant, après Bourges. Dum-le-Roi venait après Joï.

Cetelle troupe d'écumeurs, de détrouceurs et de détruiceurs avait, à ce qu'on dit, un chef que tenait anprès li toute les malices du grand Loucifer. Des genss disaint ben que c'était grand doumaige que ceutis vices infâmes étaint au sarvice du Diâbe, pace que ceus infâmies tournées dans la boune veine ça aurait été à la gloire de nos pays du Mitant au ïeu d'être à leu deveine.

Moé je crais, coume le crayait mon grand-père Regnaud, que ceti chef de libartins était in enfant de garse engendré par le Vieus Belzébuth d'an' un bouzin d'enfer, ni mais, ni moins. Point ne faut tenter Dieu, point ne faut s'étouner de veoir maintes foés les apparences de vartus parer en dihors les pires infâmies du dedans. Le tout, pour les brâves gens, est de soupeser les propos en grattant doucement la fleurs de piau du grous malin que se fait boun apôtre. On tarde point à veoir monter du cœur de la mauvaise bête le vrin empoésouné.

Y a ren que me met pus hors de moé quante j'entends dire d'un riscatout: « C'est doumaige qu'i soye si chétit, coume i' serait bon si i' veoulait s'en douner la peine. »>

Le bon du chétit, le chétit du bon, ça fait le jeu des lic

tins fisolofes que vivont de la sottise du monde, mais nous autres j'avons besoins d'appeler un chat un chat, in hounête houme c'est pas un fripon et un fripon c'est pas un hounête houme. Asseurément, c'est le devoir d'un chacun qu'a de l'hounêteté véritabelment, de montrer la malice du Diâbe que prend souvent la formance des grâces de Dieu pour faire les pires malfaçons et mauvaisetés.

Ceti chef des lictins fisolofes, des boèmes libartins, des caterres et des patarins, des begigis et des maignans avait tué un rabouilleus que voyâgeait sur les iaues de la grand' ceinture d'iaue coume i' veoulait anvé une neoire' de joncs et de rouziaus qu'il avait fait pour pêcher des sangsuies, cueillir des grands joncs et des grand'rauches qui vendait pour faire des couvartures de mainsons.

Après aveoir pris les habits de ceti rabouilleus et jité son calâbre dan' un précipice, i' s'était habillé anvé ceus habits du pourâs minabe qu'il avait émité tant qu'il avait pu dans son parlage, dans sa dégain-ne, en tout et pour

tout.

Après aveoir pâssé la ceinture d'iaue sur la neoire de joncs, de rauches et de rouziaus, le patarin a été cogner à une petite potarne qu'était à une avancée du fort châtiau. Qui qu'est là? a querié fort le garde de la potarne. Ami! qu'a répounu le brigand. Quoé veus-tu? a dit le garde, et le pourâs a répounu: Je veus parler à ton Seigneur! Pâsse ton chemin, ventrâille du diâbe, qu'a dit encore le garde, ou je te fait dévoérer par mes chiens. Ne t'avise point d'une si telle sottise, maudit vâlet, qu'a répounu le rabouilleus; j'appourte ton salut et ceti là de ton maître. Va t'en te faire pendre dans l'enfer du Diâbe, de là où tu deven, mauvais hère, et laisse moé tranquille, qu'a dit encore le garde. Mais le brigand infâme, fasant l'émitation de la voix doulante du

1. Radeau.

rabouilleus, a dit pitieusement: malhureus! malhureus! C'est toé que sera pendu sans rémission si tu parmet pas à un bon sarvant de ton Seigneur de sauver le châtiau de Joï que l'armée des caterres, des libartins boèmes et des patarins va prenre demain matin, de belle heure sans faute1.

Entendant çà, le garde a évu peur et il a songé de faire part à son Seigneur de la nouvelle qu'i venait d'ouïr. Le Seigneur a ri en entendant ceus propos et il a voulu veoir ceti là que les tenait. En voyant le déchet humain que li perdisait sa parde pour le lendemain, il a souri, et coume il était bounhoume, il a fait appourter une soupe de pois chiches au pourâs. Par mainière de badinage, il a veoulu causer, le Seigneur, anvé le guerdau que li a redit l'asseurance que son châtiau serait pris le landemain par l'armée des caterre et des boèmes et que c'était à coup seur pour soé, son monde, ses capitaines et ses gens d'armes, un grand malheur pace que li pourâs malhureus, minabe, -s'était trouvé, par hasard, à pourtée d'entendre ceus brigands que se sont vantés d'égorger tous et toutes parsounes humaines qu'i prenront au châtiau de Joï. Et c'est pour çà, mon Seigneur, qu'a dit le misérabe, que je me seus mi en danger de parde la vie pour vous avartir de ce grand malheur qu'est en décide à l'heure que j'en parle, pour vous frapper demain à mort, vous, vos capitaines, vos gens d'arme et toutes vos genss.

Rassurez-vous, mon poure houme, qu'a dit le Seigneur, ne vous mettez point tant en peine, à cause de moé, mais asseurément, puisque vous savez que ceti grand malheur es' en décide de m'advenir, vous savez ben sans doute coument i' se prépare! Et ben seur que je le sais, mon

1. Le lecteur est prié de ne pas oublier que tous ces récits étaient des préceptes d'instruction et d'éducation, au physique comme au moral, et des digressions se faisaient au gré du conteur, selon le but qu'il voulait atteindre. J'ai entendu nombre de fois conter ce siège du « châtiau de Joï » avec des détails divers; le fond restait invariable.

REV. DU SEIzième siècle. ii.

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Seigneur, coument alle se prépare la prise de vouter chatiau. C'est par l'étranguellement que fait le Mont-Roi anprès la grand' ceinture que ceint le Mont-Joï.

Oh! ben! rassurez-vous, poure houme, qu'a dit le bon Seigneur, je crains ren de ce coûté-là. Si c'était aus Chaumes-Sauteriau, çà serait une auter paire de manches; et faurrait veoir, mais du Mont-Roi y a ren à faire. Ren du tout! Faites en çà qu'ou vourrez, mon Seigneur, qu'a dit le pourâs, asseurément, veillez y tout de mesme. Un boun avarti en vaut deux, vous savez ben! Moé j'ai veoulu vous sarvir pace que je sais que vous êtes pour la boune cause, mon cher Seigneur, à persent je vous demande pardon de vous aveoir été à çarge et je vous souhaite bon pourtement à vous, à vos capitaines, à vos gens d'armes et à toutes vos genss. Et que le bon Dieu vous ainde!

Dès quante le pourâs a été parti, le Seigneur s'est arsongé en li mesme et, s'en pouveoir s'en empêcher, la venue dans son châtiau de cetelle chiure du diabe li saboulait tout son calâbre du fait de sa tête aux fins de ses artous. Il a envoyé de ses genss veoir si on artrouverait le guerdau, mais on n'a ren trouvé qu'une chetite guenille de mantiau, vès le bord du lac, que le garde de la potarne et le Seigneur avont recounu pour être la souquenille que traîn'nait le gueu.

Le Seigneur, de mais en mais tormenté par les dire du çarche-pain, a coumandé doubel garde du coûté du MontRoi, et li mesme a veoulu de ses œils veoir si vraiment les attaques se fasaint coume le miteu l'avait dit.

On a ben vu, vès le coup de la mi-nuit, des houmes d'armes et d'auters individus que pourtaint et plantaint des pieus dans l'ieau et qu'attachaint des parches anprès sans se presser. D'auters manoeuvraint des bachaus, tous

1. Doigts de pieds.

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