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apporté d'agréable. Je crois que les Anglois ont attaqué le tout ou partie du convoi de M. Dubois de la Motte, et que nous y avons perdu plus ou moins, auquel cas voilà la guerre déclarée. Ce seroit un grand malheur.

La Reine a appris ce matin la nouvelle de la mort de M. Helvétius, arrivée hier au soir. Elle a été toute la matinée en pleurs, et est véritablement affligée (1). Elle a parlé au Roi de M. Delavigne pour la place de médecin consultant; on paroît résolu à les supprimer toutes à mesure qu'elles vaqueront; cela est fort cher, et assez raisonnable à faire (2).

La flotte angloise a attaqué la nôtre auprès du banc de Terre-Neuve; on ne sait point encore le détail de l'action, mais voilà les hostilités commencées, et l'on craint bien que cela n'ait de grandes suites. On dit tout bas que l'on nous a pris deux vaisseaux; cela mérite confir

mation,

Mme de la Mosson, veuve de M. de Bonnier, a épousé M. de Castelmore, ci-devant aide-major de la gendarmerie, officier estimé et que l'on dit très-aimable.

Les troupes de Hesse et de Hanovre, à qui les Hollandois ont remis les places de sûreté, n'annoncent rien de bon. Le cardinal de la Rochefoucauld doit revenir ici dimanche, comme à son ordinaire.

De Compiègne, le 19. — Le vaisseau de M. Hocquart et

(1)

((

Lettre de la Reine au duc de Luynes.

Compiègne, le 14 juillet 1755.

Vous avez bien raison de dire que c'est un ami que je perds dans mon pauvre Helvétius, car jusqu'au dernier moment il étoit occupé et attendri quand on lui parloit de moi. Il est mort comme un saint, et il y avoit longtemps qu'il étoit dans la grande piété jointe à ses charités immenses, mais c'est vous entretenir bien tristement. »

(2) M. Helvétius mourut à Versailles le 17, âgé de soixante et onze ans. Il étoit premier médecin de la Reine, médecin de la faculté de Paris, l'un des médecins consultants du Roi et inspecteur général des hôpitaux de Flandre. M. Delavigne avoit la survivance de la charge de premier médecin de la Reine depuis plusieurs années. (Note du duc de Luynes.)

celui du Lys (ce dernier étant de transport) s'étant un peu égarés au point du jour, ils ont aperçu 13 vaisseaux qu'ils ont pris pour être de l'escadre de M. Dubois de la Motte; ils se sont avancés pour pouvoir les rejoindre; c'étoient des vaisseaux anglois qui les ont entourés, et après quelques défenses, où le chevalier de Rostaing a été tué, ils ont été pris avec les 800 hommes de troupes qui faisoient partie du régiment de Languedoc et de celui de la Reine. Cela fait ici le plus grand mouvement; on est sans cesse occupé de conseils et de comités, et on ne doute pas que cela ne mène à une guerre ouverte ; il se peut cependant que l'Angleterre désavoue cette prise, et offre de la réparer. Le chevalier de Brienne arriva hier au soir ici; il sera fort aise de savoir qué son régiment n'a pas été pris; on sait qu'il est arrivé à Louisbourg.

J'arrive dans le moment de l'audience publique de l'envoyé de Danemark qui remplace M. de Reventlaw; il est jeune et a une figure agréable. La Reine trouve même qu'il ressemble un peu à M. de Richelieu. Il se nomme M. le baron de Wedel-Fries. La Reine a dîné entre la messe et l'audience. Nous avions six dames assises, qui étoient Mmes de Mirepoix, de Fitz-James, de Tessé la jeune, Mmes les marquises de Brancas, de Pompadour et Mme de Lède.

M. de la Galaisière arriva hier au soir avec des lettres du roi de Pologne, qui auroit désiré ne venir à Versailles qu'après le retour de Fontainebleau ; la Reine ne le veut pas absolument, à cause de la mauvaise saison; elle désire que ce soit presque aussitôt qu'on sera rendu à Versailles. Je ne doute pas qu'on ne vous ait mandé que la statue du Roi est fondue, qu'elle a très-bien réussi, et que le roi de Pologne en est comblé de joie; il espère qu'elle sera en place à la fin du mois d'août.

MM. de la ville de Bordeaux ont présenté à la Reine le plan de leur ville gravé; cela me paroit fort beau.

On exécuta, samedi 12, l'acte d'Églé, des Talents lyriques

de Rameau. Lundi 14, on exécuta l'acte de Sapho, tiré du même ballet. M. de Blamont donne, aujourd'hui samedi 19, les Caractère de l'amour, opéra de lui. On répéta hier pour la première fois un acte destiné pour les spectacles de Fontainebleau. Le titre est Palmire, sujet pastoral; les paroles sont de M. le duc de la Vallière et la musique de M. de Bury; on ne doute point que cet acte ne plaise beaucoup. On dit les paroles très-bonnes; la musique en est charmante, c'est-là-dire agréable et savante.

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On a répandu grand nombre de terrassiers vis-à-vis la terrasse du Roi, qui travaillent à former l'enceinte du jardin et potagers projetés. Il y a 52 arpents d'employés. Les terrasses du Roi et de la Reine sont jalonnées; on doit, d'ici à l'année prochaine, former ces jardins et terrasses. Dans deux ans, on commencera l'aile qui doit faire symétrie avec celle qu'on vient de finir, en abattant l'appartement de la Reine et celui de Mme la duchesse de Luynes. L'aile neuve, bâtie à l'italienne, est admirable. Du 20. Il n'est que trop vrai que le voyage est prolongé jusqu'au 18 août; qu'il est certain qu'on ne reviendra pas plus tôt, mais qu'il ne l'est pas qu'il ne puisse aller jusqu'au 28. Il est fort douteux qu'on y puisse revenir l'année qui vient. On ne parle que de guerre dans ce moment-ci. Il y a sans cesse des conseils, des comités, et l'on compte que M. de Mirepoix arrivera aujourd'hui ou demain. Les partis sont difficiles à prendre, parce qu'il n'y a que des Anglois qui nous ayent offensés; et jusqu'à ce que les alliés se soient déclarés, il paroit qu'on ne peut se venger que sur l'électorat de Hanovre, où il y a encore bien des difficultés pour y arriver. Voilà les raisonnements généraux que l'on fait et que je ne donne pas pour bons.

Un moment avant que je me misse à table, la Reine est venue à ma fenêtre et m'a dit que sur la prolongation du voyage elle avoit envie de faire venir le roi son père ici, qui le désire, et elle sait que le Roi le trouveroit bon.

En ce cas elle m'a demandé si je voulois bien lui prêter mon appartement. Vous croyez bien que j'y ai consenti, et même tout meublé; l'embarras étoit de savoir où je me mettrois, mais je lui ai dit que je croyois que M. de Pen-thièvre ne demeureroit pas tout le voyage, ou au moins M. le prince de Lamballe; ainsi s'il vouloit me le céder aussi tout meublé, l'arrangement seroit fait; et si le roi de Pologne vient, je crois que cela se passera comme cela. La Reine est charmée de ces expédients.

M. le prince de Lamballe prêta hier serment pour la charge de grand veneur. M. le duc de Penthièvre est toujours dans la même tristesse.

Du lundi 21, Dampierre. -On trouvera ci-après l'extrait d'une lettre que je reçois de Commercy, du 16; c'est au sujet de la fonte de la statue que le roi de Pologne va ériger à Nancy pour le Roi.

« Je ne perds pas un moment à vous apprendre l'heureux succès de la fonte de la statue que le roi de Pologne doit ériger à l'honneur du Roi, son gendre. Elle a parfaitement réussi hier à huit heures du soir. J'en ai reçu l'agréable nouvelle aujourd'hui à cinq heures du matin. Les sieurs Guibal.et Cifflé, qui ens ont les auteurs, l'ont annoncé au Roi avec M. Heré, son premier architecte. Le Roi est dans la plus grande joie de donner au Roi son gendre la plus grande marque de son amour. Il est bien surprenant de voir deux hommes, dont l'un a toute sa vie été sculpteur en pierre et l'autre ciseleur, entreprendre un ouvrage de cette conséquence. Mais il est vrai qu'ils sont habiles l'un et l'autre dans leur métier. Ils ont enfin réussi, et les parieurs contre eux n'ont pas beau jeu; vous voyez, Monsieur, que nous pouvons en Lorraine nous passer de toutes sortes d'ouvriers. Tout Lunéville dispersé dans la plaine, au moment de la nouvelle du succès, jeta des cris d'allégresse et de Vive le Roi!

De Compiègne, le 21. M. de Bauffremont vient de mourir; cela n'a pas fait le plus petit effet ici (1) et à peine le savoit-on ; on m'a dit seulement qu'on avoit pris

(1) Il avait épousé l'héritière de la maison de Courtenay, branche de la maison royale de France.

dans ses billets d'enterrement le titre de très-excel

lent (1).

Voilà les nouvelles que je reçois dù Parlement, datées d'hier, 20.

L'assemblée des chambres vendredi fut occupée à entendre finir la plaidoirie sur les demandes des cinq chanoines d'Orléans contre le surplus du chapitre et ordonna un délibéré.

Hier samedi, les chambres ont rendu arrêt en jugeant le délibéré par lequel arrêt, après avoir mis hors de cour sur les demandes des cinq chanoines qui tendoient à profiter des fruits des prébendes des trois chanoines décrétés de prise de corps, il a été ordonné que la mainlevée provisoire précédemment accordée aux cinq chanoines des revenus de leurs prébendes demeurera définitive en conséquence, qu'ils seront payés en entier de la totalité desdits revenus. Ordonné en outre que lesdits cinq chanoines, et même leurs successeurs dans leurs prébendes, seront affranchis de toute participation aux frais, dépens et amendes pour cause de procès criminel, au sujet des refus de sacrements. Ordonné pareillement que la succession du feu chanoine Coignou sera payée en entier du revenu de la prébende jusqu'au moment de sa mort, sans participation aux dépens dudit procès criminel. Les chanoines, c'est-à-dire ceux qui ont concouru au refus de sacrements, condamnés à tous les dépens envers toutes les parties.

Du mardi 22, Compiègne. Il arriva hier matin un courrier d'Espagne qui apporta la nouvelle d'une algarade (c'est le mot qu'on m'a dit) que les Anglois avoient faite aux Espagnols, et dont ils sont fort piqués. On n'a pas pu nous dire ce que c'étoit, mais la circonstance est. favorable pour réunir toutes les forces françoises et espagnoles. On prétend même qu'il seroit très-pressé d'envoyer quelqu'un en Espagne, mais cela n'est pas encore décidé. Cette grande affaire fait un peu taire sur celle du Clergé, dont il n'est plus question ici.

M. d'Autun est venu ici samedi et s'en est retourné dimanche; il n'a pas vu le Roi, il a vu les ministres. M. de

(1) M. de Bauffremont mourut à Paris le 18. Il avoit soixante-treize ans; il étoit lieutenant général et chevalier de l'ordre de la Toison d'or. (Note du duc de Luynes.)

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