Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

A mon arrivée ici j'y ai trouvé qu'on construisoit deux batteries à droite et à gauche de l'entrée du canal; celle de la gauche a été rétablie sur les ruines de l'ancien Risban. Cette batterie a été bientôt faite; elle est composée de 14 pièces de canon et de 6 mortiers. Pour la batterie de la droite du canal, on est obligé d'en faire les fondations sur le bord de la mer avec des fascines, des piquets et de trèsgrosses pierres; cet ouvrage est très-coûteux; l'on ne peut y travailler que dans les marées basses et deux fois par jour; et, quoiqu'elle soit déjà élevée de six pieds, la mer la couvroit hier quand elle a été dans son plein. Cette batterie doit porter la même quantité de pièces que celle du vieux Risban. Je doute qu'elle soit finie avant la fin ce de mois. On travaille à un ouvrage qui deviendroit bien plus utile si l'on pouvoit s'en servir incessamment; c'est une écluse de chasse faite pour nettoyer le chenal et rendre l'entrée du port plus susceptible de recevoir de gros vaisseaux. Cette écluse de chasse reçoit ses eaux du canal de la Grande Moer. La dépense journalière de ces travaux dont je viens de parler passe 1,000 écus par jour. Vous savez depuis longtemps ce qui s'est dit sur les évacuations des places de la Barrière; il est certain que depuis Ostende jusqu'à Namur exclusivement, toutes les munitions de guerre ont été portées dans ledit Namur. Le même fonds de troupes existe dans les autres places ainsi qu'elles étoient dans le mois de mars dernier. On a mandé à M. de Baumont, qui est ici pour les travaux, que l'adjudication des palissades de Tournay étoit faite. Il nous est arrivé depuis huit jours des vaisseaux de Saint-Domingue, de Cadix, de Londres et de Danemark. Ceux qui viennent de Saint-Domingue ont rencontré à la hauteur des Sorlingues près de vingt vaisseaux de guerre anglois qui les ont laissés passer en leur demandant seulement s'ils n'avoient point connoissance de vaisseaux de guerre françois. Ceux de Cadix nous ont assuré qu'on armoit à Cadix sept vaisseaux de guerre et cinq à la Corogne, et que la cour d'Espagne avoit envoyé à Cadix neuf millions pour travailler à un armement. Tel est le rapport des vaisseaux qui arrivent d'Espagne. Ceux de Londres commercent ici comme s'il n'étoit question de rien. Les Dunkerquois en font de même. Nous savons par eux qu'il y a près de quarante vaisseaux de guerre anglois qui sont à l'entrée de la Manche et à la hauteur de Brest. Ceci est un fait constaté par dix capitaines de vaisseaux marchands qui les ont vus. Les Danois ne nous ont rien appris. Les commerçants de cette ville qui sont en correspondance avec la Hollande, et même qui en arrivent, nous assurent que les Hollandois ne veulent point la guerre; qu'ils ne font point d'augmentation; qu'ils désirent fort la paix, ou du moins la neutralité. Les ordres pour camper au camp de M. de Soubise sont arrivés. M. de Soubise doit arriver ici le 15, et M. de Crémille doit l'y joindre.

L'arrivée du roi d'Angleterre à Londres est fixée au 27. Il faudra qu'il parle guerre, s'il veut être bien reçu.. Les Anglois rassemblent tous les matelots qu'ils peuvent et complètent leurs vaisseaux de guerre.

Extrait d'une autre lettre de Compiègne, le 17. On vous a mandé le retour du courrier que nous avions dépêché en Espagne, d'abord après la nouvelle reçue de l'hostilité de l'amiral Boscawen contre nos vaisseaux près le banc de Terre-Neuve. Il paroît, par ce que mande M. le duc de Duras (1), que le roi d'Espagne, avec bien des compliments, persiste à vouloir garder la neutralité, qui est tout ce qu'il peut faire de pis dans la circonstance présente.

L'on a déterminé d'ordonner l'augmentation très-nécessaire de dix maîtres par compagnie dans toute la cavalerie; l'on va remonter tous les dragons à pied et porter également toutes les compagnies à quarante. Nous avons deux mois bien précieux à passer, pour d'une part prendre toutes les mesures que nous avons en main et faire toutes les démarches nécessaires, et de l'autre pour voir arriver dans nos ports nos pêcheurs de la morue, neuf vaisseaux de la compagnie des Indes riches de plus de 15 millions, ceux de toutes les Échelles du Levant et ceux de nos colonies de la Martinique, d Saint-Domingue, etc. Il nous reste après le retour de M. Dubois de la Mothe et celui de M. du Guay. Les dernières nouvelles qu'on en a reçues sont de la rade de Cadix.

Il est aussi arrivé hier au soir des lettres de Québec du 30 juillet dernier, qui apprennent que M. Dubois de la Mothe y étoit arrivé avec toute son escadre en très-bon état ; qu'il n'étoit mort que sept hommes des troupes, et qu'il n'y avoit que soixante-trois malades. Ils ignoroient encore la destinée de l'Alcide et du Lys dont ils étoient fort en peine. M. Dieskau mande que M. de Vaudreuil (2) ayant reçu nouvelle de la marche des Anglois contre les forts Duquesne et de Niagara, venoit de lui donner ses ordres pour aller s'y opposer et les combattre partout où il les trouveroit. M. Dieskau ajoute que sa petite armée est composée de 4,000 hommes avec un train d'artillerie; que ses troupes ont la plus grande volonté, et il ne doute point de les battre. Nous avons calculé que cette bataille (car il y en aura certainement une) aura pu être vers le 10 ou le 15 d'août, et je ne doute pas qué nous ne la gagnions (3).

(1) Ambassadeur à Madrid.

[ocr errors]

(2) Gouverneur du Canada sous le titre de Gouverneur et lieutenant général pour le Roi dans la Nouvelle France, iles et terres en dépendantes. (3) Ces calculs furent déjoués; l'affaire eut lieu du 8 au 11 septembre et nous y fûmes vaincus.

Du jeudi 21, Versailles.

Le roi de Pologne, duc de Lorraine, arriva avant-hier au soir, entre six et sept heures.

M. Marcot (1) mourut hier à dix heures du matin; le Roi ne le sut que pendant le grand couvert. On ne sait pas précisément son âge : les uns disent soixante et onze ans ou soixante-douze, les autres soixante-quatorze ou soixante-quinze. Ses héritiers sont deux neveux, dont il y en a un qui est banquier en cour de Rome. M. Marcot étoit veuf depuis deux ou trois ans. Il s'étoit brouillé avec sa femme le jour même de son mariage; il lui donnoit une pension et elle demeuroit à Montpellier. Il n'a voulu voir ni médecins, ni chirurgiens, excepté M. Ponce à Paris qui le fit saigner malgré lui, mais il étoit trop tard. Il avoit eu grand soin d'emporter son argent quand il partit d'ici, et on croit qu'il en avoit beaucoup. Il ne dépensoit pas plus de 1,000 livres par an. Il avoit été six ou sept ans avec 7,000 livres d'appointements ou pension, et depuis dix ans il en avoit eu 14 ou 15,000. Il avoit ici un cabinet où personne n'entroit que lui; il y plaçoit souvent son argent, et n'étoit éclairé que par une lampe. On lui avoit donné en présent 200 livres de bougie, il les avoit vendues. Il avoit dans son antichambre quelques bûches qui y étoient toujours restées depuis plusieurs années.

M. du Theil, secrétaire du cabinet, ci-devant employé dans les négociations, mourut aussi hier. Il avoit la plume chez Mgr le Dauphin, ce qui vaut 6,000 livres et la charge 8,000 livres; mais celle-ci s'achète et l'autre se donne. Il avoit un brevet de retenue de 200,000 livres. On croit que la plume sera donnée à M. Tercier, qui est dans les affaires étrangères, et qui cependant n'achètera pas la charge. On assure que la Reine et le roi de Pologne s'y intéressent.

(1) Eustache Marcot, docleur de la faculté de Montpellier, médecin ordinaire du Roi et des enfants de France.

M. l'archevêque de Rouen, qui a été sondé le jour de la Saint-Jean par le frère Cosme, qui lui a trouvé la pierre, se prépare à l'opération. Tout est arrangé pour aujourd'hui.

M. l'ancien évêque de Mirepoix (1) mourut hier ici à quatre heures du matin. Il avoit, à ce que l'on dit, quatrevingt-trois ou quatre-vingt-quatre ans. Il a été enterré aujourd'hui à la paroisse Notre-Dame. On ne dit point encore qui aura la feuille des bénéfices; beaucoup de gens nomment M. le cardinal de la Rochefoucauld.

La Reine arriva samedi dernier de Compiègne; elle trouva Mgr le Dauphin dans la plus grande douleur. Il arrivoit de la chasse à tirer. En déchargeant son fusil, il l'appuya sur l'épaule d'un page qui cacha entièrement un écuyer du Roi qui étoit de service auprès de lui; il se nomme M. de Chambors. Le coup porta entièrement dans le bras de l'écuyer et le cassa auprès de l'épaule. Mr le Dauphin courut à lui, l'embrassa et lui parla d'une manière si touchante, que M. de Chambors lui dit : « Ah Monsieur! la douleur où je vous vois ne sert qu'à augmenter ce que je souffre! » Cette douleur en effet a été si vive que l'on étoit inquiet de la santé de Mgr le Dauphin. La blessure s'est trouvée si considérable, que par l'avis des plus habiles chirurgiens qu'on a fait venir de Paris, et de M. de la Martinière que le Roi envoya sur-le-champ, il fut décidé qu'il n'étoit pas possible de couper le bras; malgré les soins extrêmes que l'on a eus du blessé, il mourut le 20 sur les huit heures. Le Roi lui avoit donné 4,000 livres de pension reversible à sa femme et à l'enfant dont elle accouchera; elle est grosse de quatre mois (2).

(1) Jean-Baptiste Boyer.

(2) Cette femme s'appelle le Petit d'Aveine. Elles sont trois sœurs qui ont chacune 10 ou 12,000 livres de rente. - M. de Saumery de Normandie en a épousé une; il y en a une troisième à marier. M. de Chambors a une sœur mariée à M. le chevalier de Manerbe, à qui le Roi a donné un logement dans le cul-de-sac autrefois appelé de Saint-Vincent, et présentement Dauphin,

En considération de ce malheureux accident, le Roi a conservé à Me de Manerbe la jouissance du logement en cas qu'elle devint veuve. Le père de M. de Chambors a eu la croix de Saint-Louis et 2,000 livres de pension avec un brevet de comte. MM. de Chambors sont une grande noblesse de Bretagne ; leur nom est Boissière.

Du vendredi 22. Le frère Cosme a sondé M. l'archevêque de Rouen avant que de faire l'opération; ni lui ni aucun des chirurgiens ne lui ont trouvé la pierre, par conséquent on n'opérera point. C'est un malheureux état que d'être aussi incertain de son sort.

Mme de Parabère est morte; elle avoit soixante-deux ans. C'étoit une femme grande et bien faite, et qui sans être fort belle avoit une figure noble et agréable. Elle étoit fille de M. le marquis de la Vieuville. Mme de Parabère laisse un fils qui n'est point marié, et une fille qui est Mme de Rottembourg, veuve sans enfants.

Voilà l'arrêté du Parlement d'aujourd'hui.

L'assemblée des chambres a décrété d'assigné pour être ouï le P. Raynaud, jacobin, accusé d'avoir parlé contre le Parlement en prêchant dernièrement à Paris.

Les chambres ont mandé MM. les gens du Roi et les ont chargés de se retirer vers ledit seigneur Roi pour lui demander la prolongation du Parlement et qu'il n'y eût point de vacances cette année.

J'ai parlé ci-dessus du retour de M. Dupleix. On a été longtemps incertain du jugement qui seroit porté sur sa conduite dans l'Inde; mais il paroît que l'on en est content, puisque le Roi lui a accordé le titre de marquis.

M. le comte de Noailles partit hier pour aller à Turin. Il doit aller de là à Parme et être trois ou quatre mois dans son voyage. Ce n'est plus un mystère que M. l'abbé de Bernis va en Espagne et que M. le duc de Duras en re

parce que Mgr le Dauphin y a passé une fois à pied. (Note du duc de Luynes.)

« VorigeDoorgaan »