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fort âgée et d'une mauvaise santé ne s'y trouva point. Ce petit voyage étoit censé ignoré.

Mme la maréchale de Duras fit hier ses remerciments; elle en a beaucoup à faire en même temps. Le Roi a donné à M. le maréchal de Duras le gouvernement de FrancheComté, vacant par la mort de M. le duc de Tallard, et un brevet de retenue de 50,000 écus, pareil à celui qu'avoit M. le duc de Tallard; à M. le duc de Duras le gouvernement du château Trompette à Bordeaux qu'avoit M. le maréchal son père; outre cela le Roi fait M. le duc de Duras pair de France. Cette pairie n'aura point lieu pour M. le maréchal, qui n'est que duc héréditaire et qui a donné la démission de son duché en faveur de son fils. M. de Durfort, de même maison que M. de Duras, est nommé ambassadeur à Venise, comme je l'ai dit ci-dessus, et Mme de Durfort, sa femme, a eu le bel appartement qu'avoit M. le duc de Tallard dans le pavillon qui est au bout de l'aile des Princes, qu'on appeloit anciennement la surintendance. On pourroit ajouter aux compliments que l'on fait à Mme la maréchale de Duras, celui du rétablissement de la santé de M. le duc de Duras, qui a pensé mourir d'une colique à Madrid. Depuis la conquête de la FrancheComté, il n'y a eu que trois gouverneurs françois; M. le maréchal de Duras est le quatrième. M. le maréchal de Duras, son père, eut le premier ce gouvernement en 1674 (1); ensuite M. le maréchal de Tallard en 1704, et après lui M. le duc de Tallard qui vient de mourir, et qui avoit la survivance de son père. M. le maréchal de Duras avoit fort peu de bien par lui-même et même par sa femme; le Roi avoit donné 20,000 livres de pension à M. le maréchal alors duc de Duras; M. le maréchal de Duras remet au Roi ces 20,000 livres de pension.

Cette date de 1704 mérite d'être remarquée; c'étoit

(1) Il fut fait duc en 1689 et mourut le 12 octobre 1704, âgé de soixantequatorze ans.

l'année de la malheureuse bataille d'Hochstet donnée le 13 août. On sait qu'au lieu d'éviter un combat, démarche qui auroit obligé les ennemis de se retirer du côté du Mein faute de subsistances, l'électeur de Bavière, qui commandoit l'armée du Roi, se détermina à attaquer le prince Eugène. Ce fut le renfort amené par M. le maréchal de Tallard qui décida cette bataille. M. de Tallard y perdit son fils aîné, qui mourut des blessures qu'il avoit reçues à cette occasion. M. de Tallard y fut aussi blessé et fait prisonnier; il fut conduit en Angleterre. Il y étoit dans le moment de la mort du maréchal de Duras. Le malheur arrivé à M. de Tallard, auquel on jugeoit alors qu'il pouvoit avoir donné occasion, sembloit faire croire qu'il étoit moins à portée d'obtenir une grâce considérable, cependant le Roi lui donna le gouvernement de Franche-Comté. Monseigneur étoit à Meudon lorsque ce gouvernement fut donné; le Roi étoit dans l'usage de lui mander sur-le-champ toutes les grâces qu'il accordoit; il lui envoya donc dire sur-le-champ ce qu'il venoit de faire pour M. de Tallard. Dans le moment que le courrier du Roi arriva, Monseigneur étoit dans son cabinet tête à tête avec M. le duc d'Orléans (depuis régent). Monseigneur, après avoir assuré le courrier de sa reconnoissance et de son respect pour le Roi, étant demeuré seul avec M. le duc d'Orléans, circonstance bien remarquable, il lui demanda ce qu'il pensoit de cette grâce. M. le duc d'Orléans, qui avoit beaucoup d'esprit et une plaisanterie vive et caustique, lui dit : « Monseigneur, cela ne surprend point; cela est juste; il faut bien que le Roi donne quelque chose à un homme qui a tout perdu. » Le lendemain matin, M. le duc d'Orléans vint à son ordinaire au lever du Roi; le Roi lui dit sur-le-champ: « Mon neveu, ne vous corrigerez-vous jamais de vos bons mots et de vos mauvaises plaisanteries sur les grâces que je fais? »

On pourroit dire, comme à l'aventure de Mme de Puisieux avec le cardinal Mazarin, qu'il falloit que le Roi fût

bien servi ou que Monseigneur ou M. le duc d'Orléans le fussent bien mal. Mme de Chevreuse, veuve du connétable de Luynes et qui avoit toujours été fort attachée à la Reinemère Anne d'Autriche, avoit été exilée et étoit à Montargis; toutes ses démarches étoient exactement observées. Mme de Puisieux, grande tante de M. de Puisieux d'aujourd'hui, femme de beaucoup d'esprit, étoit allée dans ses terres et revenoit par Montargis; elle y vit Mme de Chevreuse qui lui remit une lettre pour la Reine-mère. Mme de Puisieux arrivée à Paris, y acheta un manchon d'une grande beauté et singulier; elle vint aussitôt faire sa cour à la Reine-mère. La Reine-mère, soit qu'elle se doutât de quelque chose ou non, s'approcha d'elle et après quelques moments de conversation elle loua la beauté de son manchon et le lui demanda. La Reine y sentit une lettre; elle fit encore quelques moments de conversation avec d'autres dames tenant toujours le manchon; elle passa ensuite dans son cabinet où elle resta très-peu de temps; elle revint avec le même manchon, parla à plusieurs personnes, et enfin elle dit à Mme de Puisieux : « J'oubliois de vous rendre votre manchon, » et elle le lui rendit. Mme de Puisieux alla immédiatement après chez le cardinal Mazarin, dont l'appartement étoit fort près de celui de la Reine-mère; aussitôt qu'elle entra, le cardinal lui dit : « Madame, vous vous mêlez de beaucoup de choses, vous venez de rendre à la Reine une lettre de Mme de Chevreuse. » Mme de Puisieux, sans paroître embarrassée, lui dit : « Cela est vrai, Monseigneur; si la Reine étoit aussi bien servie que Votre Éminence, vous n'en auriez jamais rien su. >>

M. l'abbé de Bernis, a remercié aujourd'hui pour l'ambassade de Madrid. M. d'Affry est aussi nommé pour l'ambassade de Hollande; il avoit déjà été en Angleterre et en Hollande à l'âge de vingt ans, voulant s'appliquer aux négociations. Il resta six mois en Hollande, et M. de Fénelon eut ordre de lui communiquer

ses dépêches; c'étoit sous le ministère de M. le cardinal de Fleury. Les bruits de guerre déterminèrent M. d'Affry à revenir en France, voulant absolument servir. Il avoit depuis ce temps-là perdu de vue le projet de se livrer aux négociations, mais on l'en a jugé digne, et on peut croire que c'est avec raison, car il a beaucoup d'esprit.

Du lundi 15, Versailles. M. le maréchal de Duras a prêté serment aujourd'hui dans la chambre du Roi à balustre, qui est entre le cabinet du conseil et le cabinet ovale. Il a ôté son épée; on a décidé que c'étoit l'usage. Mme de Civrac prêta serment hier dans la même chambre.

La place de contrôleur de Marly de feu M. de Lassurance est donnée à M. de Moranzel, contrôleur de Fontainebleau, en cas qu'il lui convienne de l'accepter. Le frère de M. de Lassurance, qui a le contrôle de SaintGermain, a eu 2,000 livres de pension.

Mme la princesse de Chimay (Beauvau) a été avec Mme la princesse de Conty au convoi de Madame; elle a été nommée par Mme la princesse de Conty et avertie de sa part, suivant la prétention des princes et princesses, mais elle a été aussi avertie par un billet de M. de Dreux de la part du Roi. Ce dernier avertissement a infiniment déplu aux princes du sang ; ils ont eu des conférences ensemble à cette occasion, et on croit qu'ils feront des représentations. La même chose arriva du temps de M. le cardinal de Fleury à Mme la princesse de Rohan d'aujourd'hui avec Mme la Duchesse. Il y eut ordre de retirer le billet d'invitation envoyé de la part du Roi. Il y a eu dans une autre occasion des protestations de Mme de Tallard et d'une autre duchesse dont j'ai oublié le nom, pour un avertissement de la part des princesses sans en avoir de la part du Roi. Il paroît que Mme la Marquise prend cette affaire vivement, pour les intérêts de la dignité.

Mme de Pompadour est allée diner aujourd'hui à Ecquevilly, à sept lieues d'ici, avec Mmes de Brancas douairière et de Châteaurenaud.

Tous les sols accordés dans les fermes sont supprimés sans exception; mais M. de Séchelles compte remettre entre les mains du Roi, tous les ans, une somme sur le nouveau bail, sur laquelle S. M. pourra faire telles gratifications qu'il jugera à propos.

On dit que les bâtiments marchands saisis par les Anglois dont on ne convient pas du nombre, l'ont été non comme marchands, mais comme portant des provisions de bouche en Amérique.

M. le duc de Béthune va à Paris, résolu de se mettre entre les mains du frère Cosme; on croit qu'il sera obligé de se faire faire l'opération.

Le Roi est allé dîner à Trianon, il revient travailler ici et soupe au grand couvert.

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Du mardi 16. Il n'y aura ni spectacle ni concert à à Versailles pour Mme la Dauphine pendant Fontainebleau. M. de Montazet, frère de l'évèque d'Autun, a obtenu aujourd'hui l'honneur de monter dans les carrosses du Roi.

M. de Saint-Séverin a obtenu aujourd'hui la permission qu'il demandoit de se retirer du conseil d'État. Le Roi lui conserve tout ce qu'il avoit, ce qui peut aller à 40,000 livres, en comptant les appointements de ministres et les pensions.

Depuis la mort de Madame, fille de Mar le Dauphin, on ne savait pas si Madame Adélaïde seroit nommée Madame tout court, parce que ce nom peut changer si Mme la Dauphine accouche d'une fille. Cependant on annonça il y a quelques jours Madame Adélaïde sous le nom de Madame, chez Mme la Dauphine, et encore hier au grand couvert.

J'ai toujours oublié de marquer qu'il y a une augmentation de 140 hommes par bataillon dans les compagnies des gardes.

On vient d'imprimer à l'Imprimerie royale un livre en trois volumes in-4° avec une petite carte à la tête du pre

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