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trait d'une lettre de Versailles que je reçois aujourd'hui.

On n'a point eu de nouvelles du Portugal samedi; on dit que c'est les inondations qui arrêtent les courriers. On me dit hier que la loterie étoit entièrement remplie il y a déjà quatre ou cinq jours. M. de Séchelles en envoya demander avant-hier dix billets, et on ne put pas lui en donner. Il y a beaucoup de notaires qui sont au désespoir parce qu'ils avoient beaucoup d'argent qu'ils comptoient y placer; cela fait un si grand murmure à Paris, que M. de Montmartel a été obligé de demander une garde à sa porte, qu'on lui a donnée; cela prouve bien qu'il y a une grande abondance d'argent.

On apprend par les nouvelles de Londres du 24 du mois dernier que M. Pitt, trésorier de la guerre, a été remercié; on ignore qui le remplacera.

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Les lettres de Boston du 15 octobre ne disent rien de nouveau, seulement que Johnson avoit avec lui 9,000 hommes, mais que les François étoient si bien retranchés qu'il n'osoit les attaquer; qu'il avoit eu l'intention de couper la communication entre Québec et l'armée françoise ; d'autres ajoutent que les François y étoient en plus grand nombre qu'on ne pensoit.

On a donné ordre à Londres d'assembler les six régiments de milice de ville pour la semaine prochaine.

On fait défiler tous les jours des troupes dans les provinces de Kent et de Sussex; on dit qu'elles seront commandées par le duc de Marlborough. Le régiment de cavalerie d'Écossois gris fait la patrouille sur le bord de la mer dans Sussex, et on prend toutes les précautions comme si on attendoit une invasion de la part de la France.

Le désastre arrivé à Lisbonne cause ici une tristesse incroyable parmi les négociants qui sont fortement intéressés dans ce commerce.

Ce soir il court un bruit sourd que Johnson a été battu; mais on n'en donne aucun détail.

Mon frère a été nommé pour remplir la place vacante

à l'académie des sciences par la mort de M. l'ancien évêque de Mirepoix, et M. le président Hénault pour remplir celle vacante à l'académie des inscriptions et belles-lettres par la mort de ce même prélat. On trouvera ci-après un plus grand détail dans une lettre de mon frère.

M. l'ancien évêque de Mirepoix avoit place dans trois académies, comme précepteur de Mgr le Dauphin : l'Académie des sciences, l'Académie des inscriptions et belles-lettres et l'Académie françoise. Dans l'Académie des sciences je lui succède; dans celle des inscriptions et belles-lettres, le Président, et dans l'Académie françoise l'abbé de Boismont. Mon élection se fera aujourd'hui. On écrit au ministre, qui est M. d'Argenson, que l'élection est faite en faveur d'un tel sous le bon plaisir de S. M.; il marque par une lettre que le Roi a agréé et tout est fait. L'élu se présente à la première séance qui suit, prend sa place sans harangue ni compliment; il dit seulement à ses nouveaux confrères ce que la politesse dicte en pareille circonstance. J'ai été mercredi et jeudi chez tous MM. les académiciens et j'ai fait soixante-quatre visites. M. de Mairan, ancien secrétaire de l'Académie des sciences et membre ancien de cette compagnie, m'a dirigé. M. de Saint-Florentin, que j'ai vu hier, m'a dit que j'en avois trop fait, qu'on n'alloit que chez les honoraires et les principaux officiers; si j'ai erré, je me suis trompé en règle; il vaut mieux en faire trop que trop peu, et il n'y a en cela que les planches à craindre; peut-être M. de Saint-Florentin ne s'en souvient-il pas bien.

Du lundi 15.-On me dit hier que M. l'évêque d'Amiens a donné sa démission et s'est retiré, je crois, à Sept-Fonds. M. le cardinal de la Rochefoucauld travailla hier avec le Roi; M. le prince de Conty y a travaillé aujourd'hui.

Jeudi prochain, le Roi recevra une députation du Parlement qui lui apporte des remontrances au sujet de la lettre circulaire du Clergé qui a été imprimée (1). On y a mis des notes scandaleuses. On dit que les remontrances sont composées de huit articles.

On trouvera ci-après l'arrêté du Parlement du 12 du présent mois.

(1) La lettre circulaire du clergé aux évêques contenait un extrait du procèsverbal de l'assemblée du clergé; il y était question de la bulle.

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Les gens du Roi ayant rendu compte aujourd'hui aux chambres de la lettre circulaire de l'assemblée du clergé à eux remise il y a huit jours, et ayant conclu à ce que la dite lettre soit portée au Roi, il a été arrêté de faire une députation au Roi en la forme ordinaire pour remettre ledit imprimé de la lettre circulaire à S. M. et lui faire à cet égard de très-humbles représentations, pour la rédaction desquelles on a nommé des commissaires qui s'assembleront dans l'après-midi chez M. le premier président. L'assemblée continuée à demain pour entendre les représentations qui auront huit objets.

Il arriva il y a quelques jours dans nos ports une frégate nommée la Syrène, commandée par M. le chevalier de Tourville. M. le chevalier de Rohan (Guéméné) étoit sur ce bâtiment. M. le chevalier de Tourville est parti de l'Amérique le 25 octobre dernier. Il a rapporté que M. le baron Dieskau, que l'on avoit cru mort, est mieux de ses blessures. Il est prisonnier ; nous le savions; mais les prétendus avantages remportés par les Anglois sur nous, le siége et la prise du fort Frédéric sont des chimères débitées par le parti anglois qui veut la guerre.

C'est aujourd'hui celui qui a le plus de crédit. Les partisans de la princesse de Galles sont pour la paix, et c'est par cette raison qu'elle a eu défense de venir à la Cour; car quoique le Roi d'Angleterre ne désire pas la guerre, que ce ne soit pas même son intérêt en quelque manière, puisque ses États d'Hanovre pourroient souffrir des suites de la guerre, et que d'ailleurs, à son âge, il lui soit plus avantageux de rester en paix, cependant il est emporté par le parti contraire; il a cependant seul le pouvoir de faire la paix ; il peut aussi déclarer la guerre; mais il ne peut pas la faire sans les subsides qui lui sont accordés par le Parlement. Il paroît jusqu'à présent qu'il se porte à la guerre pour plaire à la nation, et peutêtre dans la crainte de quelque révolution fâcheuse.

On a donc appris par M. le chevalier de Tourville que les Anglois n'avoient seulement pas tenté d'attaquer le fort Frédéric, qui est fort avant dans les terres, et dont le siége auroit été aussi difficile que la marche

pour y arriver; et qu'à l'égard de nos troupes nous avons débarqué en Amérique 1,770 hommes, et qu'il en reste encore 1,693. On dit même que les Anglois ont perdu autant et même plus que nous dans le combat où M. Dieskau a été fait prisonnier. Ce qui est à désirer présentement, c'est de pouvoir transporter dans ce pays-là ́ 7 à 800 hommes de recrues ou de nouvelles troupes qu'on y désire fort. Cette entreprise ne doit pas paroître impossible, puisqu'il vient d'arriver tout à l'heure de Louisbourg une frégate qui n'a rencontré personne en chemin; on en a eu la nouvelle par un courrier arrivé cette nuit. Cette frégate, armée en flûte et ayant 20 canons, étoit montée par des officiers du port. Elle partit de Brest, il y a deux mois et demi chargée d'une grande quantité de munitions de bouche pour Louisbourg. Elle a fait le trajet d'aller et venir sans aucun accident; tout étoit en bon état à Louisbourg.

L'Angleterre continue ses préparatifs de guerre, sans cependant la déclarer encore. Le subside accordé pour l'entretien de 50,000 matelots doit paroître d'autant plus extraordinaire que dans les grandes guerres soutenues par le roi Guillaume et par la reine Anne, le nombre des matelots n'a jamais monté qu'à 40,000; mais il ne faut pas se faire illusion sur ce nombre de matelots. On évalue tout en matelots en Angleterre ; lorsque l'on dit : 4 livres sterling par mois pour chaque matelot, l'entretien des officiers supérieurs et inférieurs, l'approvisionnement et l'entretien du vaisseau y sont compris. Ils comptent treize mois dans l'année, et chaque mois sur le pied de 28 jours. Quelque prodigieuse que paroisse la puissance de l'Angleterre sur mer, on peut cependant estimer qu'elle n'est en état d'armer que 90 vaisseaux de guerre, sans les frégates, et que ses troupes de terre ne montent qu'à 24 ou 25,000 hommes. La France aura vraisemblablement d'ici à trois ou quatre mois 48 ou 60 vaisseaux de guerre, sans compter les frégates et autres bâtiments. Le Roi a plus de

200,000 hommes de troupes sur pied, et l'on n'en compte que 100,000 nécessaires pour garnir toutes les places et toutes les frontières.

On trouvera ci-après un détail que je reçus hier sur le tragique événement de Lisbonne. On ne peut pas savoir encore au vrai le nombre des habitants qui ont péri; on dit par estimation de 8 à 13 mille personnes. Ce tremblement s'est fait sentir, comme je l'ai dit ci-dessus, sur toute la côte de l'Océan ; il est certain qu'il y a eu une commotion violente dans toutes les eaux. Les nouvelles d'Arras constatées par un procès-verbal apprennent qu'il y a eu le même jour, 1" novembre, un ébranlement prodigieux, que les bateaux se sont choqués les uns contre les autres avec une si grande violence, qu'il y a eu des anneaux auxquels ils étoient attachés qui se sont en-foncés dans la muraille, et qu'on a vu s'élever une espèce de jet d'eau, qui a duré peu de temps, mais assez pour effrayer beaucoup tous ceux qui en ont été témoins. La Loire s'est débordée et a emporté une partie des ponts de Tours. Les eaux du Rhône se sont étendues jusqu'à une lieue et demie hors de leur lit. A Auxonne, les cloches ont sonné sans que personne y touchât; l'on a cru s'apercevoir du tremblement même jusqu'à Dijon."

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Copie de la lettre de Lisbonne du 19 novembre 1755.

Le tremblement du 1er novembre de cette année a produit de si terribles effets à Lisbonne et a eu des suites si funestes, que cette ville si riche se trouve ruinée de toutes façons pour bien des années. L'air avoit paru chargé d'un brouillard rougeâtre et malsain, au lever et au coucher du soleil, dans les derniers jours d'octobre.

Quelques personnes ont prétendu que la veille de la Toussaint on avoit pu s'apercevoir de quelques mouvements, avant-coureurs de la terrible secousse qui se fit sentir un peu avant dix heures du matin. Elle ne parut d'abord que comme un ébranlement causé par un carrosse, et les commencements ne furent pas des plus forts; sa durée fut au moins de cinq minutes; quantité de maisons en furent abattues et il en est peu dans la ville et dans la campagne qui n'aient été ébranlées jusqu'à s'entrouvrir, et dont les planchers et les plafonds

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