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ANNÉE 1756.

JANVIER.

Chapitre de l'Ordre. Le prince Louis de Wurtemberg.

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· Détails sur la terre de Navarre et la principauté de Bouillon. Nouvelles diverses de la Cour. Préparatifs pour la guerre dirigés par le maréchal de Belle-Isle. Le commandement du littoral de la Méditerranée donné au maréchal de Richelieu. Généraux placés sous ses ordres et sous ceux du maréchal de Belle-Isle. Ce que l'on paye pour les serments chez le garde des sceaux. Morts et testaments. Le duc de Chevreuse légataire universel de Mme de Saissac. Mécontentement du Roi contre M. Hocquart, capitaine de l'Alcide. La duchesse de Velours. Tragédie d'Esther, jouée à Saint-Cyr devant la famille royale, sous la direction de Racine le fils. Nom des actrices. Mort du cardinal Caraffa. Tremblements de terre; des religieux exploitent ces calamités. Nouvelles d'Angleterre et de Hollande et de la guerre. Mise en défense du littoral de la France; réforme des gardes-côtes. Forces navales; manque de canons. Plan d'opérations adopté. Réquisitoire du Roi envoyé au roi d'Angleterre et réponse du ministère anglais. - Mort du confesseur de la Reine; nouveau confesseur nommé. Réponse du Roi à la députation du Parlement. Charges achetées et vendues. Nouvelles diverses. La Gazette de France; quel est le rédacteur de l'article de LA COUr. Arrêté du Parlement. Le Dauphin et la Dauphine à Paris. Pensions. Traité du roi de Prusse avec l'Angleterre. Refus de la France de traiter avec la Prusse. La flotte de Toulon. - Intendants des Menus.

Du jeudi 1er. Il y a eu aujourd'hui chapitre de l'Ordre. Il y avoit treize places vacantes; le Roi nous a dit qu'il avoit à nous proposer neuf nouveaux chevaliers, six françois et trois étrangers; M. de Saint-Florentin a aussitôt lu la liste. Les six françois sont le prince Camille, fils de feu M. le prince de Pons, M. le duc de FitzJames, M. le duc d'Harcourt, M. le duc d'Aiguillon, M. de Stainville, M. de Baschi. Les trois étrangers sont M. de Saint-Vital, le prince Jablonowski, père de Mme de Talmond, et le prince Louis de Wurtemberg.

Le prince Constantin a officié, Mme la marquise de Brancas (Grand-Homme) a quêté.

Du mardi 2.- La grâce que le Roi accorda hier à M. de Wurtemberg mérite d'être remarquée. M. le prince Louis de Wurtemberg est cadet d'une maison souveraine; il est au service de France et il n'a que vingt-quatre ou vingtcinq ans; son frère aîné, quoique prince souverain, n'aurpit ici aucun rang; il y seroit incognito comme est M. le duc des Deux-Ponts. A plus forte raison, M. le prince Louis de Wurtemberg étant cadet, ne peut avoir aucun rang ici et n'en a aucun en effet. Son carrosse n'entre point dans la cour du Louvre ni du château, et il n'est ici que comme un homme de condition. Il est d'ailleurs au service de France, comme j'ai dit, et enfin il n'a pas l'âge prescrit par les statuts. Cette règle de l'âge est cependant générale pour les chevaliers titrés ou non titrés, et n'a d'exception que pour les enfants de France et pour les princes du sang. Les enfants de France reçoivent le cordon en venant au monde, mais ils ne sont admis et reçus qu'à quatorze ans, et les princes du sang nommés et reçus à quinze.

Le Roi a bien voulu faire, en faveur des princes lorrains, une exception à la règle générale (1); ils sont nommés et reçus à vingt-cinq ans. Quelquefois le Roi donne des dispenses d'âge, cela est rare; M. le maréchal de Richelieu, reçu en 1729 et né en 1696, eut une dispense d'âge, mais seulement d'environ deux ans. Celle que le Roi accorde à M. de Wurtemberg est bien plus considérable; il est vraisemblable qu'il ne lui conviendra pas de prendre rang seulement du jour de sa réception et parmi les chevaliers non titrés, et que par conséquent il sera admis et non reçu.

Du samedi 3.

Mme de Kinski est ici. La Reine la vit

(1) Il a fallu même pour cela ajouter un statut à ceux de l'Ordre. (Note du duc de Luynes. )

avant-hier dans la galerie; elle ne sera point présentée. Son nom est Palfi; c'est de la grande noblesse de Hongrie ; les Kinski sont de Bohême. Elle est veuve du fils de M. de Kinski que nous avons vu ici ambassadeur de la reine de Hongrie (1).

J'ai appris aujourd'hui plusieurs détails, par rapport à M. de Bouillon, qui peuvent mériter d'être écrits. La terre de Navarre est d'un revenu immense en bois; l'usage est de vendre les bois pour six ans. La dernière vente fut de 1,800,000 livres. M. de Bouillon ayant fait travail ler à une rivière qu'il a rendue flottable, ses bois ont beaucoup augmenté; la dernière vente qu'il vient de faire a monté à 2,250,000 francs, sans compter 50,000 écus qui lui ont été payés sur-le-champ, et en outre un potde-vin de 50,000 francs. On prétend que M. de Bouillon n'arrange pas bien ses affaires, cependant personne ne parle mieux d'arrangement que lui. Il compte que dans ce moment-ci il n'a plus aucunes dettes criardes et qu'il jouit de 234,000 livres de rente, et que dans trois ans il aura remboursé toutes ses dettes foncières et aura 200,000 livres de rente de plus.

Bouillon, où il dit avoir tout droit de souveraineté et même d'y battre monnoie, a soixante-quatre paroisses et ne lui vaut que 50,000 livres de rente. Il dit que, lorsqu'il y est, il reçoit le même traitement de la garnison françoise que M. de Monaco lorsqu'il est chez lui. M. le prince de Turenne, son fils, en comptant 30,000 livres que M. de Bouillon lui donne par an, 9,000 livres du Roi comme survivancier, 12,000 livres de Mme de Turenne et ce qu'il a eu de M. le comte d'Évreux et de Mme de Monbazon, jouit à présent de 104,000 livres de rente; M. de Bouillon dit qu'outre cela il lui donne bien, ou à Mme de Turenne, 2 ou 3,000 louis par an. M. de Bouillon, sachant que M. de

(1) Le comte de Kinski avoit été ambassadeur en France en 1729.

la Tour-du-Pin, qu'il reconnoît être de sa maison, vouloit faire un mauvais mariage, lui a donné 30,000 livres de pension viagère. M. de la Tour-du-Pin ne lui a cédé pour cela qu'une terre d'environ 10,000 livres de rente. auprès de Paris, dont M. de Bouillon ne jouira qu'après la mort de M. de la Tour-du-Pin. M. de Bouillon l'a fait recevoir chevalier de Malte et lui a fait faire ses vœux.

Les droits de M. de Bouillon dans sa souveraineté ne sont pas exempts de contestations; l'évêque prince de Liége a des prétentions sur Bouillon; la souveraineté même qu'il a n'est pas comme prince de Liége, puisque c'est le chapitre qui a la principale autorité; c'est en qualité de duc de Bouillon. M. de Bouillon, qui compte aller passer quelques mois à Bouillon cette année, a le projet et l'espérance de terminer ces contestations avec le prince de Liége, qui lui cèdera ses droits et prétentions sur Bouillon en gardant sans doute le titre et les prérogatives de souverain. Il compte faire des échanges; ce qui est d'autant plus nécessaire qu'il y a dans la principauté de Bouillon des terres appartenant à M. de Bouillon dont l'évêque de Liége est réellement souverain et qui appartiennent à l'évêque de Liége. M. de Bouillon compte qu'il lui en coûtera 2 ou 300,000 livres. Tout cet arrangement se fera avec l'agrément et par la volonté du Roi.

Du dimanche 4. Le Roi donna hier audience aux États de Bretagne ; ils haranguèrent aussi la Reine; M. l'évêque de Nantes porta la parole.

M. d'Avaugour est mort à Paris le 18 du mois dernier; il avoit quatre-vingt-quatre ans; il étoit le plus ancien brigadier de cavalerie.

Du lundi 5.- Mme la marquise de Broglie fut présentée hier; elle est grande, d'assez bonne mine et n'a point l'air embarrassé (1).

(1) Elle est fille de M. de Besenval, colonel des gardes suisses, et de Mile de Bielinski. Il y a longtemps qu'elle est mariée et a un fils qui a quinze ou

Le Roi donna hier le commandement de la Normandie haute et basse à M. le comte d'Estrées, qui a sous lui M. le duc d'Harcourt, M. de Raymond et M. de Puységur, et le commandement de la Provence à M. le maréchal de Richelieu, qui a sous lui M. le comte de Maillebois, M. le duc de Mirepoix et M. de Graville.

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Du jeudi 8. Il y a environ trois semaines qu'il a été fait, par ordre du Roi, un écrit qu'on appelle une réquisitoire. Il fut lu, le jour de l'an, à tous les ministres étrangers, chez M. Rouillé, sans en laisser prendre copie. Il y avoit avant-hier vingt ou vingt-cinq étrangers, ministres ou autres, chez M. Rouillé, à dîner, et M. le maréchal de Belle-Isle y dinoit; on y parla tout haut des préparatifs que fait la France; et en faisant des questions à M. de Belle-Isle sur l'objet de ces préparatifs, il dit qu'il ne savoit rien, mais qu'il étoit prêt à exécuter tous les ordres qui lui seroient donnés; que le Roi avoit 100,000 hommes de troupes réglées prêtes à être employées où il jugeroit à propos; qu'il y avoit sur l'Océan 240,000 gardes-côtes armés (1), et qu'outre cela le Roi avoit encore un corps de milices considérable dont il pourroit faire usage. Les étrangers demandèrent si c'étoit pour faire une descente en Angleterre. « Pourquoi pas, dit le maréchal, le Roi envoie bien des troupes en Amérique, pourquoi n'en en verroit-il pas à sept lieues de chez lui? »

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Du samedi 10. M. le duc de Béthune, qui est incommodé depuis longtemps et qui croyoit que c'étoit de la gravelle, ainsi que feu M. le duc de Charost, son père, s'est enfin fait sonder par le frère Cosme, feuillant, qui a acquis une grande réputation pour les opérations de la taille, surtout depuis l'heureux succès de M. le cheva

seize ans ; mais son beau-père, qui étoit un peu singulier, n'avoit pas voulu qu'elle fût présentée. (Note du duc de Luynes.)

(1) El cela est très- vrai, il y en a 96,000 seulement en Bretagne. (Note du duc de Luynes. )

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