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aller à celle des Récollets. Lorsque ces mêmes musiciens remontèrent pour aller reprendre leur place en haut, les gardes ne vouloient pas les laisser rentrer. M. de Rennes me contoit que lorsqu'il revint d'Espagne, il y eut un jour de la Pentecôte une grande messe à laquelle il ne fut pas possible aux musiciens de chanter ni l'Introït, ni le Kyrie, parce qu'ils n'avoient point de place.

Mme de Galiffet fut présentée avant-hier par Mme la comtesse de Noailles. Me de Galiffet est Lévis (1); elle fut mariée le 19 du mois dernier.

Du mercredi 4. M. de Nesle a perdu son procès au Châtelet, mais on en a appelé au Parlement; ce procès est au sujet de l'état du prince de Nassau. Me de Mailly, sœur de M. de Nesle, épousa le prince de Nassau en 1711. Il y a deux branches de Nassau, Nassau-Siégen et NassauDietz, qui descendent toutes deux de Jean de Nassau, mort en 1706; la branche aînée est catholique; la puînée est protestante et établie en Hollande; le stathouder en est. Le mari de Mlle de Mailly avoit trois frères qui sont morts sans enfants; il n'y en a eu qu'un des trois de marié dont la veuve est vivante. Mme de Nassau-Mailly se brouilla avec son mari; il y eut des accusations violentes de part et d'autre. Elle vint en France; des discussions d'intérêt entre elle et M. de Nesle les ont brouillés ensemble; elle prétend que c'est la cause de ses malheurs et de ceux de son petit-fils. M. de Nassau étant le chef de la branche catholique avoit grand intérêt d'avoir des enfants; il paroit par plusieurs lettres qu'il chercha à se raccommoder avec sa femme, qu'il vint à Paris incognito, qu'elle devint grosse, qu'elle accoucha d'un fils, qui épousa une

(1) Le père de Mme Galiffet étoit capitaine aux gardes; sa mère est sœur et héritière de M. de Lautrec, frère de mère de M. d'Arpajon. M. Galiffet avoit toujours été regardé comme fils d'un négociant qui avoit fait fortune aux iles; on sait ce qui est arrivé quand son mariage a été fait avec Mme de Lostanges; depuis il a apporté une généalogie et a prouvé ce qu'il étoit. M. Galiffet est de Provence. (Note du duc de Luynes.)

Mouchy, de laquelle il a eu le prince de Nassau d'aujourd'hui. On voit aussi par ces lettres que le prince de Nassau, mari de Mile de Mailly, parut désirer que la grossesse de sa femme fût heureuse. M. de Nesle soutient les lettres fausses et prétend que le fils dont sa sœur accoucha est bâtard. M. de Nesle a été condamné en 100,000 livres de dommages et intérêts. Si ce jugement est confirmé, il faudra bien qu'on prenne les 100,000 livres sur les biens abandonnés aux créanciers, M. de Nesle n'ayant qu'une pension alimentaire.

On ne doit point être étonné de trouver dans ce journal des anecdotes étrangères à l'histoire du jour; on m'en contoit une hier qui mérite d'être remarquée. M. le président Hénault, dans la cinquième édition de son livre, met ainsi que dans les autres, à la fin de l'année 1708 : << Alberoni, protégé par M. de Vendôme, obtient du Roi une pension de 1,000 écus. » Cette année 1708 est celle où M. le duc de Bourgogne fit la campagne de Flandre et s'empara de la ville de Gand ayant sous lui M. de Vendôme. Il y eut pendant cette campagne grand nombre de lettres écrites avec beaucoup de méchanceté sur la conduite de M. le duc de Bourgogne. On accusa l'abbé Alberoni d'être l'auteur de ces lettres ou au moins d'avoir donné des conseils à ceux qui les écrivoient. Il seroit naturel de penser que le Roi, qui fut mécontent de ces lettres, ôta en conséquence à Alberoni la pension qu'il lui avoit donnée; cependant cela n'est point dit dans l'Abrégé de l'histoire de France. M. de Saint-Aignan dit qu'étant en 1714 ambassadeur de France à Madrid, il reçut une lettre de M. de Torcy qui lui manda que le Roi, sachant les pouvoirs qu'Alberoni avoit acquis sur l'esprit de la reine d'Espagne (Élisabeth Farnèse), désiroit attacher cet abbé aux intérêts de la France. M. de Saint-Aignan eut ordre par cette dépêche de se conduire en conséquence par rapport à cet abbé, et pour l'y disposer mieux de lui annoncer que le Roi lui rendoit la pension de 1,000 écus.

M. de Saint-Aignan parla à Alberoni; Alberoni parut embarrassé de la proposition; se voyant enfin obligé de donner une réponse, il dit après quelques réflexions qu'il n'y avoit qu'un moyen, qui seroit de faire l'arrangement de manière qu'il parût que la pension ne lui avoit point été ôtée et qu'on lui en payât les arrérages. Le Roi ne put s'empêcher de rire de cet expédient. On suivit cependant ce qu'Alberoni désiroit. Mais on voit par ces deux circonstances que la pension avoit bien réellement été retranchée, et il est vraisemblable que lorsqu'elle fut donnée en 1708, c'étoit avant la campagne. Alberoni étoit protégé par M. de Vendôme, qui lui avoit trouvé de l'esprit et qui s'en étoit servi utilement en plusieurs occasions. Sa connoissance avec M. de Vendôme est assez singulière. M. de Vendôme commandoit l'armée du Roi en Italie, en 1705; quelques discussions d'intérêts avec le duc de Parme donnèrent occasion à ce duc d'envoyer un homme de confiance à M. de Vendôme; il jeta les yeux sur l'évêque de Saint-Donain. Cet évêque vint avec une assez grande suite d'ecclésiastiques, desquels étoit l'abbé Alberoni. M. de Vendôme, qui étoit toujours sur sa chaise percée, reçut dans cet état cette espèce d'ambassade, et après avoir traité l'affaire en question, il parla de sa santé ; il dit qu'il avoit beaucoup de boutons sur le corps et pour preuve les montra à la compagnie. Alberoni prétendit avoir été si touché de cette singulière marque de confiance de M. de Vendôme et de la bonté avec laquelle il leur avoit parlé, que de ce moment il désira de lui marquer beaucoup d'attachement. L'évêque de Saint-Donain ayant jugé à propos de laisser quelqu'un pour achever la négociation, Alberoni se présenta et eut la préférence. M. de Vendôme avoit alors pour secrétaires Campistron (1) et

(1) Campistron, né à Toulouse en 1656, acquit une grande réputation dans la république des lettres et même dans l'armée, principalement à la bataille de Steinquerque; il étoit de l'Académie françoise, où il fut reçu en 1701 ; il mou

Magnani qui avoient fait grande connoissance avec Alberoni et qui disposèrent M. de Vendôme à désirer de garder cet abbé auprès de lui.

Du jeudi 5. — J'ai parlé quelque part dans mon journal d'un fait qui m'a été conté par M. de Belle-Isle et qui mérite bien d'être remarqué. C'est ce qui arriva à un chef d'escadre nommé M. de Massiac, qui amena un convoi des îles françoises à Toulon, malgré une flotte angloise trèsnombreuse qui étoit dans la Méditerranée; mais il y a vraisemblablement plusieurs circonstances qui n'y sont point marquées et que M. de Belle-Isle m'a contées depuis. Cette flotte marchande étoit composée de 35 tartanes. M. de Massiacn'avoit que deux vaisseaux de ligne et une frégate; la flotte angloise étoit composée de 40 vaisseaux commandés par l'amiral Bing. Cet amiral avoit séparé sa flotte en plusieurs petites escadres, sachant que la flotte françoise devoit revenir des îles et voulant lui fermer le passage de tous côtés. M. de Massiac étoit instruit de cette disposition; il savoit que chacune de ces petites escadres étoit trop forte pour qu'il pût combattre sans désavantage. Il étoit donc question de diriger sa manœuvre de manière à éviter le combat, entreprise fort difficile dans une aussi longue route et vis-à-vis d'un ennemi aussi vigilant, aussi bien instruit et qui avoit tant d'intérêt à prendre une flotte aussi richement chargée. Tous ces obstacles n'arrêtèrent point M. de Massiac; il ne lui auroit fallu que 40 ou 50 jours pour revenir à Toulon avec un vent favorable; il aima mieux être plus longtemps en chemin et éviter tout accident. Son voyage dura quatre mois; il aperçut plusieurs fois les vaisseaux anglois ; il trouva le moyen de les éviter. Enfin il arriva à Toulon avec les 35 voiles chargées de 20 millions. C'étoit en 1747; M. de Belle-Isle commandoit alors l'armée du Roi en Provence et avoit

rut d'apoplexie à Toulouse, sa patrie en 1723. Il a fait sept tragédies, une comédie et un opéra. (Note du duc de Luynes.)

quelquefois des occasions d'écrire à l'amiral Bing. On a marqué dans ce journal une galanterie que lui fit cet amiral par rapport à une provision de liqueur appelée marasquin, venant de l'île de Corfou, que cet amiral envoya exprès chercher à Corfou et dépêcha un petit batiment exprès pour apporter ce marasquin à M. de BelleIsle. M. de Belle-Isle n'avoit demandé qu'un passe-port et étoit étonné de n'avoir point reçu de réponse à sa lettre. Ce fut là la réponse de l'amiral Bing. Dans une des occasions que M. de Belle-Isle eut de faire quelques prières à cet amiral, il y en eut une où il lui envoya un officier ; c'étoit quelque temps après l'arrivée de M. de Massiac à Toulon. L'amiral Bing reçut l'officier françois avec toute la politesse imaginable; il lui demanda le nom du commandant de la petite escadre qui avoit escorté les 35 voiles arrivés à Toulon ; il lui dit qu'il avoit bien compté prendre cette flotte marchande, ayant partagé la sienne de manière qu'il étoit plus fort partout que l'escorte; qu'indé. pendamment de son zèle pour sa patrie et du désir qu'il avoit de rendre un service aussi essentiel au Roi et à la nation, il avoit encore un grand intérêt à cette expédition, qu'il savoit que la flotte étoit chargée de 20 millions et que ses droits comme amiral lui en donnoient le tiers; qu'on ne pouvoit donc pas douter qu'il n'eût fait tout ce qui dépendoit de lui; que malgré la douleur et les regrets que tant de motifs devoient lui donner, il voudroit avoir assez de bien pour ériger une statue d'or à un officier qui avoit fait une manœuvre aussi belle et aussi savante. Voilà un témoignage bien flatteur. Ce M. de Massiac commande actuellement la marine à Toulon.

On trouvera ci-après la copie d'une lettre écrite par Mgr le Dauphin à la veuve de M. de Chambors (cet écuyer de quartier blessé à mort à la chasse à tirer); cette lettre est une réponse. Mme de Chambors imploroit la protection de Ma le Dauphin. Elle étoit prête d'accoucher; elle vient d'accoucher depuis cinq ou six jours d'un garçon. Cette

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