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à la suédoise que l'on charge très-promptement, et qui sont assez aisées à transporter pour que quatre homines puissent les tirer dans un terrain uni et de plain-pied. On tiroit de but en blanc; on avoit tendu pour cela une toile qui tenoit exactement l'espace que remplit un bataillon; il y eut plusieurs coups qui portè rent dans la toile; mais en général il paroît qu'on ne fut pas fort content de l'épreuve, du moins pour tirer de but en blanc.

Avant-hier dimanche, on fit ici sur le canal l'épreuve d'un bateau de cuir qui est une espèce de ponton assez facile à transporter pour qu'on en puisse mettre trois ou quatre dans une charrette. Le projet étoit de voir si on en pouvoit faire usage pour des débarquements; il paroît que cette épreuve n'a pas réussi. Ce bateau n'étant que de cuir seroit aisément percé et exposé à périr; indépendamment de cela, par sa construction, il faut, quand on y monte, garder un équilibre très-difficile à conserver, sans quoi le bateau est en grand danger de tourner. A l'occasion de cette épreuve, on demanda quelques soldats du régiment des gardes pour les différents transports de ce bateau dont on vouloit faire l'épreuve. Un sergent fut chargé de mener le nombre de soldats qu'on avoit demandé; il les mena avec leurs armes et voulut passer par le jardin; un des Suisses refusa d'abord de les laisser passer, et les ayant enfin laissé passer, il fut mis en prison. J'ai entendu dire à M. le comte de Noailles que les Suisses du jardin ont ordre de n'y laisser entrer qui que ce soit avec des armes, pas même les gardes du corps, et que s'il avoit été averti, il auroit demandé les ordres du Roi et les auroit donnés en conséquence; mais que cette règle, établie du temps du feu Roi pour les jardins de Versailles, Trianon et Marly, étoit si exactement observée, que même à Marly où il y a un corps de garde des gardes françoises sur le grand chemin de la grille royale, et un autre du même

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régiment, comme l'on sait, auprès de la petite chapelle du commun, les soldats ne peuvent traverser le jardin en armes pour aller d'un de ces corps de garde à l'autre, et sont obligés de faire le tour par le grand chemin. M. le comte de Noailles a ajouté qu'il avoit demandé permission au Roi pour qu'ils traversassent le jardin et que le Roi l'avoit refusée.

Il est mort encore un cardinal; il s'appeloit Bolognetti; il n'avoit que soixante-cinq ans; il est mort le 12 février. Il étoit cardinal de 1743. On est persuadé que la promotion des Couronnes se fera dans cette semaine, d'autant plus que les difficultés qui subsistoient depuis longtemps entre la cour de Rome et celle de Turin d'une part, et de l'autre avec la république de Venise sont terminées.

Du mercredi 10. M. le Camus mourut il y a cinq ou six jours; il avoit soixante-huit ans. Il portoit le cordon bleu parce qu'il avoit été prévôt-maître des cérémonies de l'ordre du Saint-Esprit ; le Roi lui avoit donné cette charge en 1715 sur la démission de M. de Pontchartrain; M. le Camus la vendit en 1721 à M. de Breteuil. M. le Camus avoit été ci-devant premier président de la cour des aides; il étoit le troisième président de cette cour de père en fils; il avoit vendu sa charge à M. de Blancmesnil, aujourd'hui chancelier. Il avoit épousé en premières noces Me Baugier, fille d'un homme d'affaires et fort riche. Mlle Baugier avoit eu une sœur aînée qui avoit épousé M. le Mairat, maître des requêtes; elle est morte sans enfants, et Mme le Camus en a hérité. M. le Camus avoit épousé en secondes noces Me le Maître, fille d'un conseiller honoraire au Parlement et dont il a eu un garçon, mort l'année passée conseiller au Parlement, une fille qui n'est point mariée et qui est au couvent avec sa mère et une autre fille que M. le Camus a mariée, malgré Mme le Camus, à un Provençal de son nom, capitaine dans le régiment de Conty-Infanterie. M. le prési

sident le Camus ne laisse point d'enfants de son premier mariage.

Il paroit depuis quelques jours une lettre qui a pour titre: Lettre d'un Suisse à un de ses amis sur le projet d'union entre les maisons de Bourbon et d'Autriche. Quoique cette lettre soit datée de Berne, il y a tout lieu de croire qu'elle a été faite à Lunéville, et que c'est l'ouvrage du roi de Pologne. On trouvera ci-après la copie de la réponse que j'ai faite à M. Alliot, conseiller intime de ce prince, qui me l'a envoyée de sa part en me marquant qu'on venoit de la recevoir de Suisse.

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« J'ai lu avec plaisir et empressement la petite brochure que vous avez bien voulu m'envoyer. Je suis bien flatté de la bonté du respectable et aimable prince qui vous a chargé de cette commission. On voit dans cet ouvrage que la nation suisse, quoi qu'on en puisse dire, sait raisonner et parler le langage d'une politique sensée. La description de la tranquillité de cet État et des raisons sur lesquelles elle est fondée est admirable et agréable à lire. Le projet de conciliation proposé seroit d'autant plus désirable que l'élection sera difficile à empêcher, qu'on n'y peut mettre obstacle que pour quelques années, et qu'il seroit à souhaiter d'en tirer au moins un parti avantageux; la France seroit encore bien plus grande et plus redoutée après une telle union. Les inconvénients dans l'exécution sont prévus; l'auteur, quoique Suisse, ne se laisse point éblouir par son projet. Il n'est pas permis de chercher à découvrir son nom; mais quel qu'il soit, j'ai grande opinion de son esprit et de son cœur. »

Du vendredi 12, Dampierre.-M. de Durfort, qui est de la même maison que M. le maréchal de Duras et frère de M. de Durfort, ambassadeur à Venise, étoit exempt des gardes du corps depuis plusieurs années et aide-major; il vient de quitter. On en ignore la raison. Mme la maréchale de Duras, qui s'intéresse fort à tout ce qui regarde MM. de Durfort et en qui ils ont beaucoup de confiance,

dit que M. de Durfort a eu raison de quitter; mais cependant c'est un mystère que je n'ai entendu expliquer à personne. Les uns disent qu'il sera menin de M" le Dauphin, les autres gentilhomme de la manche ou même sous-gouverneur de Mgr le duc de Bourgogne. C'est lui que ses amis nomment par plaisanterie Laurent; chez Mme de Duras on ne l'appelle point autrement. Lorsqu'il a été question de remplir la place d'aide-major, M. le maréchal de Noailles vouloit qu'elle fût donnée à M. de la Billarderie, neveu de celui qui étoit ci-devant major des gardes du corps; mais le Roi y a nommé M. de Montaigu, neveu du chevalier de Crénay, vice-amiral, ce qui a fort déplu à M. le maréchal de Noailles (1).

Le Parlement se rendit hier à Versailles; c'étoit la grande députation; ils étoient trente-sept. Le Roi leur donna audience dans sa chambre, après la messe. M. le premier président parla pendant un quart d'heure ou environ; la mémoire lui manqua un moment, et, en tout, son discours n'a pas été aussi approuvé que les autres. Voici la réponse du Roi : « Je réfléchirai sur tout ce que vous venez de me dire et je vous ferai savoir mes volontés. »

J'ai toujours oublié de parler de l'aventure de M. de Morosini; ce n'est pas celui que nous avons vu ici ambassadeur de Venise, c'est un de ses parents, ou au moins de la même maison. Il est tombé malade à Venise et on l'a cru mort. L'usage est à Venise de revêtir d'une robe de religieux ceux qui meurent; on les expose dans l'église avec cet habit avant que de les enterrer. M. de Morosini fut mis sur un catafalque assez élevé ; il n'étoit qu'en léthargie; il se réveilla, et au premier mouvement qu'il se

(1) M. de Corn, aide-major des gardes du corps, s'est aussi retiré, et on a nommé à sa place M. de Prisye. M. le chevalier de Lussay a été fait sousaide-major. M. le chevalier de Ligondès a été fait exempt dans la compagnie de Noailles à la place de M. de Fumereau qui a quitté. (Note du duc de Luynes.)

donna, il tomba du haut en bas du catafalque et se tua. Cette aventure tragique est si singulière, qu'on a douté pendant quelques jours de la vérité; mais elle n'est que trop certaine.

Du lundi 15, Versailles. M. le comte de Maillebois prèta serment entre les mains du Roi, le 7, pour la lieutenance générale du haut Languedoc ; il a eu cette charge sur la démission de M. le maréchal de Maillebois, son père.

M. de Mailly, lieutenant général et premier écuyer de Me la Dauphine, vient d'avoir le gouvernement de la ville et du château de Dieppe; ce gouvernement étoit vacant par la mort de M. de Salière.

La place d'inspecteur général d'infanterie qu'avoit M. de Salière a été donnée à M. le comte de ChoiseulBeaupré, menin de Mer le Dauphin. M. de Choiseul étoit inspecteur surnuméraire.

M. le marquis du Châtelet vient d'être fait grand'croix de l'ordre de Saint-Louis; il étoit commandeur du même ordre. M. de Valory a obtenu la grande croix honoraire de cet ordre, et M. de Brassac, maréchal de camp, a eu une place de commandeur.

Le Roi a donné le régiment Royal- étranger-cavalerie à M. le comte de Chabot, colonel dans les grenadiers de France, fils de M. de Chabot, ci-devant chevalier de Rohan, frère de feu M. le prince de Léon. M. le comte de Charleval, qui étoit colonel de ce régiment, vient d'en donner sa démission.

Mme de Cernay mourut, le 2, au château de Raimes, près de Valenciennes. Elle étoit la Pierre en son nom; elle avoit quarante-six ans.

On trouvera ci-après l'arrêté du Parlement du 13. En conséquence de cet arrêté, M. le premier président se rendit seul ici hier matin. Le Roi lui donna audience dans son cabinet, après la messe, en présence de ses ministres qui y étoient tous, excepté M. Rouillé, M. de Paulmy et M. le

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