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et les progrès du genre humain, est condamnable, uniquement parce que c'est un changement, il sera facile d'opposer à l'ancien ordre de choses que vous invoquez, un autre ordre de choses plus ancien qu'il a remplacé. Ainsi, les pères de ceux de vos aïeux, auxquels vous voulez vous arrêter, et les pères de ces pères auroient eu à se plaindre de leurs fils et de leurs petits-fils, comme d'une jeunesse turbulente, acharnée à renverser leurs sages institutions. Enfin, quelle est la créature humaine douée de son bon sens, qui puisse prétendre que le changement des mœurs et des idées ne doive pas en amener dans les institutions? Faudra-t-il donc toujours gouverner à trois cents ans en arrière? Ou un nouveau Josué commandera-t-il au soleil de s'arrêter? Non, dira-t-on, il y a des choses qui doivent changer, mais il faut que gouvernement soit immuable. Si l'on vouloit mettre en système les révolutions, on ne pourroit pas mieux s'y prendre. Car, si le gouvernement d'un pays ne veut participer en rien à la marche des choses et des hommes, il sera nécessairement brisé par elle. Est-ce de sangfroid qu'on peut discuter, si les formes des gouvernemens d'aujourd'hui doivent être en accord avec les besoins de la génération pré

le

sente, ou de celles qui n'existent plus? si c'est dans les antiquités obscures et contestées de l'histoire qu'un homme d'état doit chercher la règle de sa conduite; ou si cet homme doit avoir le génie et la fermeté de M. Pitt, savoir où est la puissance, où tend l'opinion, où l'on peut prendre son point d'appui pour agir sur la nation? Car sans la nation on ne peut rien, et avec elle on peut tout, excepté ce qui tend à l'avilir elle-même les baïonnettes servent seules à ce triste but. En recourant à l'histoire du passé, comme à la loi et aux prophètes, il arrive en effet à l'histoire ce qui est arrivé à la loi et aux prophètes : elle devient le sujet d'une guerre d'interprétation interminable. S'agit-il aujourd'hui de savoir, d'après les diplômes du temps, si un roi méchant, Philippe-le-Bel, ou un roi fou, Charles VI, ont eu des ministres qui, en leur nom, aient permis à la nation d'être quelque chose? Au reste, les faits de l'histoire de France, bien loin de servir d'appui à la doctrine que nous combattons, confirment l'existence d'un pacte primitif entre la nation et les rois, autant que la raison humaine en démontre la nécessité. Je crois avoir prouvé qu'en Europe, comme en France, ce qui est ancien, c'est la liberté; ce qui est moderne, c'est le

despotisme; et que ces défenseurs des droits des nations qu'on se plaît à représenter comme des novateurs, n'ont pas cessé d'invoquer le passé. Quand cette vérité ne seroit pas évidente, il n'en résulteroit qu'un devoir plus pressant d'inaugurer le règne de la justice qui n'auroit pas encore été mis en vigueur. Mais les principes de liberté sont tellement gravés dans le cœur de l'homme, que, si l'histoire de tous les gouvernemens offre le tableau des efforts du pouvoir pour envahir, elle présente aussi celui de la lutte des peuples contre ces efforts.

CHAPITRE II.

De la doctrine politique de quelques émigrés françois et de leurs adhérens.

LES opposans à la révolution de France en 1789, nobles, prêtres et magistrats, ne se lassoient pas de répéter qu'aucun changement dans le gouvernement n'étoit nécessaire, parce que les corps intermédiaires existans alors suffisoient pour prévenir le despotisme; et maintenant ils proclament le despotisme comme le rétablissement de l'ancien régime. Cette inconséquence dans les principes est une conséquence dans les intérêts. Quand les privilégiés servoient de limite à l'autorité des rois, ils étoient contre le pouvoir arbitraire de la couronne; mais depuis que la nation a su se mettre à la place des privilégiés, ils se sont ralliés à la prérogative royale, et veulent faire considérer toute opposition constitutionnelle, et toute liberté politique, comme une rébellion.

Ils fondent la puissance des rois sur le droit divin: absurde doctrine qui a perdu les Stuarts, dès lors même leurs adhérens les plus

et

que

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éclairés repoussoient en leur nom, craignant de leur fermer à jamais l'entrée de l'Angleterre. Lord Erskine, dans son admirable plaidoyer en faveur du doyen de Saint-Asaph, sur une question de liberté de la presse, cite d'abord le traité de Locke, concernant la question du droit divin et de l'obéissance passive, dans lequel ce célèbre philosophe déclare positivement que tout agent de l'autorité royale, qui dépasse la latitude accordée par la loi, doit être considéré comme l'instrument de la tyrannie, et que sous ce rapport il est permis de lui fermer sa maison, et de le repousser par la force, comme si l'on étoit attaqué par un brigand ou par un pirate. Locke se fait à lui-même l'objection tant répétée, qu'une telle doctrine répandue parmi" les peuples, peut encourager les insurrections. « Il n'existe aucune vérité, dit-il, qui ne puisse » conduire à l'erreur, ni aucun remède qui ne puisse devenir un poison. H n'est aucun des >> dons que nous tenons de la bonté de Dieu, >>> dont nous puissions faire usage, si l'abus qui >> en est possible devoit nous en priver. On n'au>> roit pas dû publier les Évangiles; car, bien

qu'ils soient le fondement de toutes les obligations morales qui unissent les hommes en » société, cependant la connoissance imparfaite

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