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un objet singulier de jalousie pour un grand nombre des courtisans de Bonaparte ; et de leurs mains vigoureuses ils auroient volontiers, comme Samson, renversé l'édifice afin de faire tomber la salle dans laquelle ils n'étoient pas admis au festin. Les généraux qu'illustroient des batailles gagnées vouloient être, gentilshommes de la chambre, et que leurs femmes fussent dames du palais : singulière ambition pour un guerrier, qui se prétend le défenseur de la liberté ! Qu'est-ce donc que cette liberté? Est-ce seulement les biens nationaux, les grades militaires et les emplois civils? Est-ce l'argent et le pouvoir de quelques hommes, plutôt que de quelques autres dont il s'agit? Ou bien est-on chargé de la noble mission d'introduire en France le sentiment de la justice, la dignité dans toutes les classes, la fixité dans les principes, le respect pour les lumières et pour le méritpers onnel?

Néanmoins il eût été plus politique de donner à ces généraux des places de chambellan, puisque tel étoit leur désir; mais en vérité les vainqueurs de l'Europe auroient dû se trouver embarrassés de la vie de courtisan, et ils pouvoient bien permettre que le roi continuât de vivre dans son intérieur avec ceux dont il

avoit pris l'habitude pendant de longues années d'exil. Qu'importe en Angleterre que tel ou tel homme soit dans la maison du roi? Ceux qui se vouent à cette carrière ne se mêlent d'ordinaire en rien des affaires publiques, et l'on les Fox et les Pitt fussent

n'a

pas ouï dire que bien désireux de remplir ainsi leur temps. C'est Napoléon qui pouvoit seul faire entrer dans la tête des soldats de la république toutes ces fantaisies de bourgeois gentilshommes qui les assu jettissoient nécessairement à la faveur des cours. Qu'auroient dit Dugommier, Hoche, Joubert, Dampierre, et tant d'autres qui ont péri pour l'indépendance de leur pays, si pour récomde leurs victoires on leur eût offert une place dans la maison d'un prince, quel qu'il fût? Mais les hommes formés par Bonaparte ont toutes les passions de la révolution, et toutes les vanités de l'ancien régime; pour obtenir le sacrifice de ces petitesses, il n'existoit qu'un moyen, c'étoit d'y substituer de grands inté

pense

rêts nationaux.

Enfin, l'étiquette des cours dans toute sa rigueur ne peut guère se rétablir dans un pays qui s'en est déshabitué. Si Bonaparte n'avoit pas mêlé la vie des camps à tout cela, personne ne l'auroit supporté. Henri IV vivoit fa

milièrement avec toutes les personnes distinguées de son temps; et Louis XI lui-même, Louis XI soupoit chez les bourgeois et les invitoit à sa table. L'empereur de Russie, les archiducs d'Autriche, les princes de la maison de Prusse, ceux d'Angleterre, enfin tous les sou verains de l'Europe, vivent à quelques égards comme de simples particuliers. En France, au contraire, les princes de la famille royale ne sortent presque jamais du cercle de la cour. L'étiquette, telle qu'elle existoit jadis, est toutà-fait en contradiction avec les mœurs et les opinions du siècle; elle a le double inconvénient de prêter au ridicule, et cependant d'exciter l'envie. On ne veut être exclu de rien en France, pas même des distinctions dont on se moque; et, comme on n'a point encore de route grande et publique pour servir l'état, on s'agite sur toutes les disputes auxquelles peut donner lieu le code civil des entrées à la cour. On se hait pour les opinions dont la vie peut dépendre, mais on se hait encore plus pour toutes les combinaisons d'amourpropre que deux règnes et deux noblesses ont développées et multipliées. Les François sont devenus si difficiles à contenter par l'accroissement infini des prétentions de toutes les

classes, qu'une constitution représentative est aussi nécessaire au gouvernement pour le délivrer des réclamations sans nombre des individus, qu'aux individus pour les préserver de l'arbitraire du gouvernement.

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CHAPITRE XI.

Du système qu'il falloit suivre en 1814 pour maintenir la maison de Bourbon sur le trône de France.

BEAUCOUP de

personnes croient que, si Napoléon ne fût point revenu, les Bourbons n'avoient rien à redouter. Je ne le pense pas; mais, il faut en convenir du moins, c'étoit un terrible prétendant qu'un tel homme; et, si la maison d'Hanovre a pu craindre le prince Édouard, il étoit insensé de laisser Bonaparte dans une situation qui l'invitoit, pour ainsi dire, à former des projets audacieux.

M. de Talleyrand, en reprenant, dans le congrès de Vienne, presque autant d'ascendant sur les affaires de l'Europe que la diplomatie françoise en avoit exercé sous Bonaparte, a certainement donné une très-grande preuve de son adresse personnelle; mais le gouvernement de France ayant changé de nature, devoit-il se mêler des affaires d'Allemagne ? Les justes ressentimens de la nation allemande n'étoient-ils pas encore trop récens pour être effacés? Le

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