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CHAPITRE III.

Des circonstances qui rendent le gouvernement représentatif plus nécessaire maintenant en France que partout ailleurs.

LE ressentiment de ceux qui ont beaucoup souffert par la révolution, et qui ne peuvent se flatter de recouvrer leurs priviléges que par l'intolérance de la religion et le despotisme de la couronne, est, comme nous venons de le dire, le plus grand danger que la France puisse courir. Son bonheur et sa gloire consistent dans un traité entre les deux partis, dont la charte constitutionnelle soit la base. Car, outre que la prospé rité de la France repose sur les avantages que la masse de la nation a acquis en 1789, je ne sais pas ce qui seroit plus humiliant pour les François, que d'être renvoyés dans la servitude, comme des enfans qu'il faut châtier.

Deux grands faits historiques peuvent se comparer, à quelques égards, à la restaura¬ tion en France : le retour des Stuarts en Angleterre, et l'avénement de Henri IV. Examinons d'abord le plus moderne de ces événemens;

nous retournerons ensuite au second, qui concerne de plus près la France.

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Charles II fut rappelé en Angleterre après les crimes des révolutionnaires et le despotisme de Cromwell; la réaction que produisent toujours sur le vulgaire les forfaits commis sous prétexte d'une belle cause, comprima l'élan du peuple anglois vers la liberté. Ce fut la nation presque entière qui, représentée par son parlement, redemanda Charles II; ce fut l'armée angloise qui le proclama: aucun soldat étranger ne se mêla de cette restauration, et, sous ce rapport, Charles II se trouva dans une situation beaucoup meilleure que celle des princes françois. Mais comme il y avoit en Angleterre un parlement déjà établi, le fils de Charles ler. ne fut point dans le cas d'accepter ni de donner une charte nouvelle. Le débat entre lui et le parti qui avoit fait la révolution, porta sur les querelles religieuses: la nation angloise vouloit la réformation, et considéroit la religion catholique comme inconciliable avec la liberté ; Charles II fut donc obligé de se dire protestant: mais comme il professoit au fond du cœur une autre croyance, pendant tout son règne il rusa constamment avec l'opinion; et, lorsque son frère, qui avoit plus de violence de caractère,

la

permit toutes les atrocités que le nom de Jefferies nous retrace, la nation sentit la nécessité d'avoir pour chef un prince qui fût roi par liberté, au lieu d'être roi malgré elle; et plus tard l'on porta l'acte qui excluoit de la succession au trône tout prince papiste, ou qui auroit épousé une princesse de cette religion. Le principe de cet acte étoit de maintenir l'hérédité, en ne cherchant pas un souverain au hasard, mais d'exclure formellement celui qui n'adopteroit pas le culte politique et religieux de la majorité de l'Angleterre. Le serment prononcé par Guillaume III, et depuis par tous ses successeurs, constate le contrat entre la nation et le roi; et, comme je l'ai déjà dit, une loi d'Angleterre déclare coupable de haute trahison quiconque soutiendroit le droit divin, c'est-àdire, la doctrine par laquelle un roi possède une nation comme un seigneur une ferme, les bestiaux et les peuples étant placés sur la même ligne, et n'ayant pas plus les uns que les autres le droit d'influer sur leur sort. Lorsque les Anglois accueillirent avec transport l'ancienne dynastie, ils espéroient qu'elle adopteroit une doctrine nouvelle, et, les héritiers directs s'y refusant, les amis de la liberté se rallièrent à celui qui se soumit à la condition, sans la

quelle il n'y avoit pas de légitimité. La révolution de France, jusqu'à la chute de Bonaparte, ressemble beaucoup à celle d'Angleterre. Le rapprochement avec la guerre de la ligue et l'avénement de Henri IV, est moins frappant; mais, en revanche, nous le dirons avec plaisir, l'esprit et le caractère de Louis XVIII rappellent bien plus Henri IV que Charles II.

A ne considérer l'abjuration de Henri IV que sous le rapport de son influence politique, c'étoit un acte par lequel il adoptoit l'opinion de la majorité des François. L'édit de Nantes aussi peut se comparer à la déclaration du 2 mai de Louis XVIII; ce sage traité entre les deux partis les apaisa pendant la vie de Henri IV. En citant ces deux époques si différentes, et sur lesquelles on peut disputer longtemps, car les droits seuls sont incontestables, tandis que les faits donnent souvent lieu à des interprétations diverses, j'ai voulu uniquement démontrer ce que l'histoire et la raison confirment; c'est qu'après de grandes commotions dans l'état, un souverain ne peut reprendre les rênes du gouvernement, qu'autant qu'il adopte sincèrement l'opinion dominante dans son pays, tout en cherchant à rendre les sacrifices de la

minorité moins pénibles. Un roi doit, comme Henri IV, renoncer jusqu'à un certain point à ceux même qui l'ont servi dans son adversité, parce que, si Louis XIV étoit coupable en prononçant ces fameuses paroles : « L'état, c'est » moi; » l'homme de bien sur le trône doit dire au contraire: Moi, c'est l'état.

La masse du peuple n'a pas cessé, depuis la révolution, de craindre l'ascendant des anciens privilégiés; d'ailleurs, comme les princes étoient absens depuis vingt-trois ans, la nation ne les connoissoit pas; et les troupes étrangères, en 1814, ont traversé la France sans entendre exprimer ni un regret pour Bonaparte, ni un désir prononcé pour aucune forme de gouvernement. Ce fut donc une combinaison politique, et non un mouvement populaire qui rétablit l'ancienne dynastie en France; et si les Stuarts, rappelés par la nation sans aucun secours étranger, et soutenus par une noblesse qui n'avoit jamais émigré, se perdirent, en voulant s'appuyer sur le droit divin, combien n'étoit-il pas plus nécessaire à la maison de Bourbon de refaire un pacte avec la France, afin d'adoucir l'amertume que doit causer à un peuple fier l'influence des étrangers sur son gouvernement intérieur! Il falloit donc qu'un appel à la nation sanction

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