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pas de sa famille, qu'il les doit à la divine providence; que dès-là, il se croit permis d'en disposer à son gré, sans que personne puisse s'en plaindre, n'ayant que des parens éloignés et en état de subvenir à leurs propres besoins; et que le résultat des dispositions qu'il va faire, est le fruit de mûres réflexions faites devant Dieu, pour ne rien faire que de justes et de raisonnable. Il fait ensuite différens Jegs particuliers. Il donne 150 livres aux pauvres de la paroisse d'Olivet; des livres de piété à un cousin éloigné; 150 livres à la fille Badin, sa cousine; 300 livres et quelques meubles à une domestique; 150 livres au sieur Béranger, mari d'une de ses parentes éloignées; ensuite un legs universel du surplus de son mobilier à la communauté des filles du Bon-Pasteur d'Orléans, qu'il nomme et institue ses Légataires universelles.

» Et à l'égard de ses immeubles, consistant en rentes perpétuelles sur particuliers, montant à 850 livres 14 sous 6 deniers, il les donne et lègue à la demoiselle Donville, sa cousine, supérieure de la communauté du Bon-Pasteur, qu'il nomme et institue sa Légataire universelle quant à cet objet, à la charge de faire à sa domestique une rente viagère de 100 livres.

» Il nomme l'abbé Auger, chanoine de SaintAignan d'Orléans (son résignataire), et directeur de la communauté du Bon-Pasteur, son exécuteur testamentaire, et le prie d'accepter une pendule à répétition, et des livres de théologie, déclarant qu'il porterait avec un extrême plaisir plus loin ses largesses en faveur du sieur Auger, s'il ne craignait de faire de la peine à son bon cœur, en diminuant ainsi les legs du Bon-Pasteur.

» Après la mort du sieur Gravier, les scellés furent apposés sur ses effets; on procéda à l'inventaire; la sœur Douville, supérieure de la communauté du Bon-Pasteur, forma, tant en son nom qu'au nom de la communauté, devant le bailli de la justice de Saint-Aignan, contre les héritiers du sieur Gravier, sa demande en délivrance des deux legs universels portés au testament. Une sentence par défaut lui a adjugé ses conclusions. Les héritiers en ont interjeté appel au châtelet d'Orléans, où, la cause plaidée contradictoirement, sentence est intervenue, qui, en confirmant la première, a ordonné l'exécution du testament, et la délivrance des legs universels à la sœur Douville, en affirmant par elle, quant à celui des immeubles, qu'elle ne prêtait son nom directement ni indirectement à sa communauté, et qu'elle entendait profiter seule de ce legs universel.

» La veuve Pitre a interjeté appel de cette sentence au parlement de Paris; et elle en a demandé l'infirmation et la nullité du legs universel fait à la sœur Douville. Elle a fondé ses moyens de nullité sur ce que la sœur Douville étant engagée par des vœux, elle était incapable de recevoir des legs, parce que le vœu en religion emportait la renonciation au monde et à ses biens temporels. Elle soutenait aussi que la circonstance de la durée l'on fait dans la comles vœux que an , pour

d'un

munauté du Bon-Pasteur, n'empêchait pas que la personne liée ne fût pendant cette année frappée de l'incapacité d'héritier, comme tout autre religieux, sans pouvoir, même en rentrant dans le monde répéter les successions ouvertes pendant la profession, et ne recouvrant le droit que pour celles à venir. Elle citait en sa faveur l'édit de Henri IV, de 1605, qui, vis-à-vis des Jésuites dont les vœux n'étaient que des vœux simples de la durée d'un an, décidait, art. 15, que ceux de la société ne pouvaient, tant que leurs vœux subsistaient, prendre ni recevoir aucunes successions directes ni collatérales; et que sortis de la congrégation, ils pourraient rentrer dans leurs droits comme aupa

ravant.

» La veuve Pitre soutenait d'ailleurs que la sœur Douville n'était que le prête- nom de sa communauté, à qui le testateur avait voulu faire passer tous ses immeubles, ce que l'édit de 1749 prohibe disertement. La preuve de ce fait, elle la tirait du contexte même du testament du sieur Gravier et de ses liaisons avec la communauté qu'il chérissait tendrement.

» La sœur Douville soutenait au contraire, que les vœux faits dans sa communauté ne l'empê chaient pas de recueillir des successions, ni des dispositions universelles; qu'elle entendait jouir réellement et faire son profit personnel du legs dont il s'agissait, sans prêter son nom à sa communauté.

» Arrêt du 6 juillet 1782, conforme aux conclusions de M. l'avocat-général Joly de Fleury, qui a confirmé la sentence, et par conséquent le testament, avec amende et dépens. »>

[[On jugerait encore de même aujourd'hui, si un héritier légitime s'avisait de contester un legs fait à un membre individuel d'une des aggrégations religieuses qui sont autorisées par le gouvernement; car on ne fait et on ne peut faire, dans ces aggrégations, que des voeux simples.

Quant aux vœux solennels, il n'en peut plus être faits en France; et il ne résulte plus aucune incapacité de ceux qui ont été prononcés sous l'ancien régime. V. les articles Profession monastique, Renonciation à une succession future, §. 6; et Væu.

A l'égard des corporations de toute espèce qui existent encore, il peut leur être fait des legs universels comme des legs particuliers; mais elles ne peuvent les accepter qu'avec l'autorisation du gouvernement. V. les articles Donation, sect. 3, § 2, et Institution d'héritier, sect. 5, § 1, no 17.]]

XVIII. Les legs faits à des personnes incertaines, sont régulièrement considérés comme non écrits. Nous avons donné à l'article Institution d'héritier, sect. 3, § 1, no 18, un détail suffisant de tout ce qui peut avoir rapport à cette règle et aux exceptions qu'elle admet.

Voici deux espèces, qui rentrent dans l'une de ces exceptions.

Un Languedocien qui demeurait à Paris depuis long-temps, y fit son testament; et par cet acte,

légua à..... Biou aîné, natif d'Aspirant, en Languedoc, son cousin, 300 livres de pension annuelle et viagère.

Le testateur avait en Languedoc plusieurs parens, nommé Biou: Antoine Biou, l'un d'eux, très -âgé, avait toujours reçu de lui certains secours; il était même son cousin-germain, mais il ne prouvait pas qu'il fût né à Aspirant. Les autres Biou étaient des jeunes gens; leur parenté au testateur était très-éloignée, et d'ailleurs il ne les avait jamais connus; mais leur père, nommé Biou de Montvert, avait écrit au testateur différentes lettres, par lesquelles il lui demandait des secours, et qui étaient restées sans réponse: ces lettres n'étaient signées que du nom de Montvert, le seul sous lequel cet homme était connu.

Dans cette position, le legs fut demandé par Antoine Biou et par le fils aîné de Biou de Mont

vert.

La cause portée au Châtelet, il intervint sentence qui ordonna qu'Antoine Biou serait tenu de justifier, dans six mois, qu'il était natif d'Aspirant, sinon que délivrance des legs serait faite à Biou de Montvert: mais par arrêt du 8 juin 1758 cette sentence fut infirmée, et le legs adjugé à Antoine Biou.

Le sieur Dalleré, officier fruitier chez le roi, vieux garçon, n'ayant pas de parens proches, mais beaucoup de parens très-éloignés qu'il avait perdus de vue, avait été le seul artisan de sa fortune et de son avancement; il est mort au mois d'avril 1783, après avoir fait un testament, en date du jer du même mois. Par cet acte, il a institué deux Légataires universels, l'un de tout son mobilier, et l'autre de tous ses immeubles. Le légataire du mobilier était une personne certaine et nommée : son legs n'a pas été contesté; mais le legs des immeubles était ainsi conçu :

« Je donne tous mes immeubles, tant propres qu'acquêts, ensemble ma charge chez le roi, sous la réserve et distraction des quatre quints des propres seulement, à un enfant-trouvé de la maison des Enfans Trouvés de Paris, du sexe masculin, qui sera nommé et choisi par M. le premier président du parlement, parmi les plus âgés, à la charge et condition de prendre mes noms de baptême et de famille; ensemble, de se faire recevoir dans ma charge d'officier de bouche chez le roi, si, par. les soins et les bons offices de M. le premier pró sident, dont je désire pour ledit enfant la bienveillance et la protection, il peut obtenir du roi la permission de se faire recevoir dans ledit office;

A la charge, en outre, que, dans le cas du décès dudit enfant choisi, avant l'âge de vingt-cinq ans et sans enfans légitimes, l'universalité des biens compris audit legs, appartiendra à tel autre enfant de la même maison, du même sexe, de même âge, choisi également par M. le premier président, aux mêmes clauses, charges et conditions que ci-dessus ».

Après la mort du testateur, M. le procureur5. TOME IX.

général du parlement de Paris a fait assigner les héritiers de Jean Dalleré, pour voir prononcer la délivrance du legs universel au profit de l'enfanttrouvé, qui serait choisi et nommé par M. le premier président, selon les termes du testament.

Les héritiers ont demandé la nullité du fegs, sur le fondement qu'il était fait incertæ personce. M. Seguier, avocat-général, portant la parole pour M. le procureur-général, a soutenu la validité de la disposition. Ce magistrat a dit que, quoique la personne du Légataire universel ne fût pas nommée, néanmoins le legs ne pouvait pas être considéré comme fait incerta persona, puisqu'il était fait à une personne d'une maison désignée clairement, d'un âge déterminé, au choix et à la nomination de M. le premier président; que les lois ne défendent pas de faire un legs à une personne d'une maison désignée clairement, d'un âge déterminé, au choix et à la nomination de M. le premier président; que les lois ne défendent pas de faire un legs à une personne qui sera nommée par un tiers; et que, dans l'espèce présente, la personne à qui le choix est déféré, exclud absolument tout soupçon que le testateur ait eu envie de faire passer son bien à une personne incapable ou à une personne prohibée; en conséquence, M. l'avocat-général a conclu à la délivrance du legs universel, et à l'exécution du testament.

Par arrêt conforme à ses conclusions, du 27 août 1783, le parlement a ordonné l'exécution du testament, et prononcé la délivrance du legs universel au profit de l'enfant-trouvé qui serait choisi et nommé par M. le premier président, selon les intentions du testateur et aux charges, clauses et conditions portées au testament; les héritiers ont été condamnés aux dépens.

XVIII. Une question qui trouve naturellement ici sa place, est de savoir si un testateur peut valablement charger son héritier de donner à une personne de confiance, telle qu'un curé, un confesseur, un exécuteur testamentaire, une certaine somme de deniers, pour être employée ou distribuée par cette personne, conformément à son intention déclarée verbalement, sans qu'elle soit tenue de révéler le secret, ni de rendre compte de l'emploi de la somme,

Les chartes générales du Hainaut décident cette question pour l'affirmative: «Si quelqu'un (por»tent-elles, chap. 32, art. 7) délaissait plusieurs » légats, pour être distribués à la discrétion de ses » exécuteurs, et selon qu'ils sauraient de son in» tention, sans autrement déclarer personne, tels » légats seront vaillables, et seront crus lesdits » exécuteurs par leur serment, et en devront faire la délivrance où il appartiendra: »

La jurisprudence des tribunaux a étendu tette disposition aux autres coutumes.

Jean Ducocq (Joannes Galli) rapporte un arrêt du parlement de Paris, de l'an 1385, par lequel il fut jugé quod dispositio Theobaldi Dozezeau qui in dispositione uxoris suæ, quam dicebat scire

21

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suam voluntatem, posuerat residum bonorum suorum, et quam ad hoc executricem solam fecerat, erat valida.

.

Montholon nous en a conservé un autre, de la même cour, prononcé en robes rouges le 23 décembre 1580, par lequel il fut fait délivrance au curé de Saint-Jacques de la Boucherie, d'un legs de trois mille écus au soleil, pour être employé par ses soins en œuvres pies, suivant la volonté secrète du pasteur.

Bordeau fait mention d'un arrêt semblable, du 14 avril 1615, dans l'espèce duquel il s'agissait d'un legs de 9,000 livres, fait à des exécuteurs testamentaires à la charge d'en faire la distribution à ceux que le testateur lui avait désignés verbalement.

L'ancien additionnaire de Ricard nous en fournit deux autres: l'un, du 28 février 1678, rendu au profit du directeur spirituel du testateur; l'autre, du 27 janvier 1684, confirmatif du legs universel, fait par un testateur à l'apothicaire qui l'avait pansé dans sa maladie.

Dans cette dernière espèce, le Légataire ne s'était pas tenu à un secret rigide sur les intentions du défunt; il avait déclaré être chargé de distribuer ses biens à l'Hôtel-Dieu et à l'hôpital de

Meaux.

On lui objectait que, n'étant pas capable de recevoir un legs universel, il ne devait pas l'être non plus de faire une déclaration qui frustrât les héritiers.

Mais il répondait qu'il n'avait aucun intérêt à la chose, et qu'il n'était pas défendu de nommer pour exécuteur testamentaire une personne incapable de profiter elle-même de la disposition.

Il pouvait citer à l'appui de cette défense, la loi 1, § 1, D. si quis aliquem testari prohibuerit; la loi 8, § 14, D. de inofficioso; la loi 42, D. de legatis 20; la loi 28, D. de legatis 30, et plusieurs autres textes, dont il résulte qu'on peut disposer en faveur d'un incapable, lorsqu'on joint à la disposition, la charge de restituer à une per sonne capable, parce qu'alors l'incapable ne sert que d'instrument, ou, pour ainsi dire, de canał aux libéralités du défunt.

Peckius, Rodemburg et Voët concluent de là que la prohibition des avantages testamentaires entre mari et femme, n'empêche pas que l'un ne puisse léguer à l'autre une certaine partie de ses Liens, à la charge d'en faire la distribution aux pauvres. C'est aussi par le même principe, qu'un arrêt du parlement de Rouen, du 29 novembre 1696, a ordonné l'exécution d'un legs fait à un confesseur, pour être employé à des usages indiqués en confessica, en affirmant par le Légataire, que la volonté du testateur lui avait été déclarée sous le sceau de son ministère, et que le legs n'était destiné ni pour lui, ni pour aucun de ses parens, ni pour des personnes prohibées.

La seule objection plansible qu'on puisse oppoşer à cette jurisprudence [[abstraction faite de l'article de l'ordonnance de 1735 dont il sera parlé

dans un instant, ]] c'est qu'en jugeant ainsi, on autorise en quelque sorte les testateurs à déléguer le pouvoir de tester, pouvoir néanmoins qui est essentiellement personnel, et dont les lois défendent de transférer l'exercice en des mains tierces.

Mais il est évident que, dans l'espèce proposée, c'est le testateur lui-même qui dispose; il fait même plus, il règle, par sa propre volonté, l'application de ce qu'il donne. Il est vrai que cette application est un secret entre son exécuteur testamentaire et lui, mais elle n'en est pas moins certaine et déterminée.

& Des dispositions de cette nature (dit M. Bergier, dans ses notes sur Ricard, part. 1, no 592) ne pèchent pas contre la règle qui rejette celles qui sont livrées à la volonté d'un tiers, puisque le tiers dont on emprunte l'entremise, n'est que l'exécuteur des intentions secrètes dont le testateur l'a rendu dépositaire.

Mais elles présentent un danger: elles pourraient servir de voile pour déguiser un fideicommis tacite en faveur d'une personne incapable, ou même un legs prohibé en faveur d'un confesseur, qui est ordinairement choisi par le testateur pour exécuter les dispositions dont il fait un mystère. L'affirmation qu'on ne manque jamais d'exiger de ces exécuteurs des volontés secrètes du testateur, écarte le danger de fraude; et ce danger écarté, le secret du testateur, qui presque toujours est cetui de sa conscience dans ces dispositions mystérieuses, doit être sacré. La charité chrétienne et l'humanité exigent cette condescendance.

» Si l'on forçait les testateurs, auxquels le remords commande quelquefois des dispositions que r'honneur défend d'avouer, à consigner leur propre turpitude dans leurs testamens, combien n'en verrait-on pas qui, manquant de courage pour sacrifier le soin de leur mémoire à l'intérêt de leur salut, aimeraient mieux mourir injuste que déshonorés? Que dis-je? ce sacrifice de la réputation ne peut pas être condamné il est contre la nature. Dispenser les héritiers d'être fidèles aux dispositions dont le testateur n'a confié le secret qu'à son confesseur ou à un ami prudent, ce serait done dispenser le testäteur d'être juste. »

On a même porté souvent bien plus loin la déférence pour les intentions secrètes des défunts, car on trouve plusieurs arrêts de differens parlemens, qui ont ordonné que des dépôts faits verbalement par des moribonds, pour acquitter leur conscience, seraient respectés.

On n'a cependant jamais étendu cette jurisprudence jusqu'au cas où le testateur, sans léguer une somme fixe et certaine, autorisait indéfiniment le ministre de ses pienses libéralités à exiger de son héritier tout ce qu'il faudrait pour remplir ses intentions déclarées verbalement. Brodeau rapporte un arrêt du 26 novembre 1637, qui a déclaré nulle une pareille disposition, sur le fondement que le Légataire pouvait abuser du pouvoir indéfini qui lui était donné, et épuiser toute la succession par des scrupules de conscience. On pou

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Au surplus (dit encore M. Bergier, à l'endroit cité), lors même que le testateur a spécifié la somme ou l'objet dont l'application est confiée à un exécuteur sous le sceau du secret, les circonstances sont toujours beaucoup à considérer. La nature de la chose léguée, son importance, l'état du testateur, et le degré de confiance que mérite le dépositaire du secret, par ses mœurs, son état et sa conduite, tout cela doit être pesé avec sagesse, afin de ne pas laisser glisser la fraude sous le manteau de la conscience.

[[Voilà ce que j'ai écrit, sur la question proposée au commencement de ce numéro, dans les trois premières éditions de cet ouvrage. Depuis, il s'est présenté une espèce dans laquelle j'ai eu occasion de la méditer de nouveau.

Le 27 août 1807, Jean Mérendol, négociant à Marseille, fait un testament qui, entre autres dispositions, contient les deux suivantes :

« Mes exécuteurs testamentaires mettront à la disposition de M. Jean-Laurent Laugier, prêtre de cette ville, y demeurant, rue des Chapeliers, la somme de 14,000 francs, pour laquelle je lui ai fait connaître mes intentions.

» Quant au surplus de mes biens meubles, immeubles, effets mobiliers, etc.; j'en fais, nomme et institue mon héritier universel et général JeanBaptiste-Alexandre Mérendol, à présent élève au lycée de Rouen, pour du tout en jouir et disposer lorsqu'il aura atteint sa vingt-quatrième année; voulant que, jusqu'à cette époque, mes biens soient réglés et administrés par MM. Jean-Baptiste Carry, Jean-Pierre Laugier et Fabre..... »

Au mois de décembre de la même année, décès de Jean Mérendol.

Peu de temps après, Emmanuel Mérendol et les autres 'héritiers naturels du défunt font assigner au tribunal de première instance le sieur Laugier, prêtre, le sieur Carry, la veuve Mérendol, tutrice de Jean-Baptiste-Alexandre Mérendol; héritier institué, et les exécuteurs testamentaires, pour voir dire que le legs de 14,000 francs sera déclaré nul, et que le montant leur en sera délivré pour être réparti entre eux, suivant leurs droits respectifs dans la succession ab intestat.

Le sieur Laugier, prêtre, conclut au rejet de la demande..

La tutrice de l'héritier institué déclare ne vouloir prendre aucune part à la contestation.

Le 2 juin 1868, jugement qui déclare le legs de 14,coo francs valable, « attendu qu'il ne pré» sente rien de contraire à la loi; qu'il ne peut » être considéré comme une substitution, puisque » le sieur Laugier, prêtre, ne doit pas rendre, >> mais seulement faire emploi du legs d'après le » vœu du testateur; que le caractère du sieur » Laugier et l'estime publique dont il jouit, éloi»gnent toute idée que ce legs est destiné à une

» personne incapable; et que l'annuler, se serait >> empêcher l'exécution des intentions louables du

» testateur. »>

Appel de la part des héritiers ab intestat.

Sur cet appel, la tutrice de l'héritier institué conclut. « A ce qu'il plaise à la cour, en lui con» cédant acte de ce qu'elle rectifie la déclaration » par elle faite en première instance, lui concéder >> acte seulement de ce qu'elle n'entend pas contes»ter l'exécution du testament dans la disposition >> concernant le sieur Laugier, prêtre; et subsidiai>>rement, là où la cour annullerait ledit legs, » pour causes de l'incapacité du sieur Laugier, ou » pour raison d'interposition de personne, il sera » dit et ordonné que, sans s'arrêter aux fins des » héritiers naturels tendantes à se faire adjuger la » somme dont il s'agit, ladite somme fait partie de la succession testamentaire et appartient à l'hé>> ritier institué. ».

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Le sieur Laugier conclut : « A ce que, par dé» faut d'intérêt et d'action, les successibles soient » déclarés non-recevables dans leur appel, et en » même temps mal fondés. »

Il offre d'ailleurs d'affirmer que, dans l'emploi qu'il est chargé par le testateur de faire de la somme de 14,000 francs dont il s'agit, il n'entre rien de contraire à la loi ; et il demande acte « de » ce qu'il consent, et requiert même, si la cour le juge nécessaire, que l'emploi dudit legs sera fait » au vu et su de telle personne qu'il plaira à la » cour de nommer. »

כל

Le 5 juin 1809, arrêt de la cour d'appel d'Aix ainsi conçu :

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» 1o Les héritiers naturels ont-ils action pour réclamer la nullité du chef du testament qui porte que les exécuteurs testamentaires mettront à la disposition du sieur Laugier, prêtre, la somme de 14,000 francs, pour laquelle le testateur lui a fait connaître ses intentions? En d'autres termes, cette disposition supposée caduque, la caducité devait-elle profiter auxdits héritiers?

» 20 Cette disposition est-elle valide ou contraire à la loi?

« Considérant 2o que le prêtre Laugier a soutenu les héritiers du sang non recevables à poursuivre la nullité de la disposition relative aux 14,000 francs, sur le motif qu'en la supposant caduque, ce serait à l'héritier universel à en profiter, et qu'ainsi ils étaient sans intérêt et conséquemment sans action; que ce système a été également plaidé par le défenseur de la tutrice de l'héritier institué;

» Considérant que ce système repose sur une base fausse, sur la supposition que les anciens principes du droit d'accroissement et les règles qui en étaient résultées en faveur de l'héritier testamentaire, et notamment celle par laquelle nemo pro parte testatus et pro parte intestatus decedere potest, ont été consacrées par le Code civil;

» Qu'il résulte au contraire de ce Code, que cette ancienne règle est un sacrifice que les pays de droit écrit ont eu à faire, et que toute l'an

A

cienne théorie du droit d'accroissement a été ciairement réduite à deux articles, selon les expressions de M. Jaubert, de la Gironde, dans son rapport au tribunat sur la loi des donations entre-vifs et des testamens ;

>> Que ces deux articles sont les 1044,1045; que, d'après l'art. 1044, il n'y a plus lieu à accroissement au profit des Légataires que dans le cas où le legs aura été fait à plusieurs conjointement.

» Le legs sera réputé fait conjointement, ajoute la loi, lorsqu'il le sera par une seule et même disposition, et que le testateur n'aura pas assigné la part de chacun des colégataires dans la chose leguée..

» Il sera encore réputé fait conjointement, dit l'art. 1045, quand une chose qui n'est pas susceptible d'être divisée sane détérioration, aura été donnée, par le même acte, à plusieurs personnes, même séparément; ..

» Qu'aucune de ces conditions, ne se réalisant dans l'espèce de la cause, de l'aveu même de ceux qui réclament le droit d'accroissement, ce droit ne saurait donc appartenir au Légataire universel; et dès lors, si la disposition relative aux 14,000 francs est caduque, la somme doit revenir aux héritiers du sang, tout comme si le testateur n'en eût disposée en faveur de personne;

» Que, pour repousser cette conséquence, on a été obligé de soutenir que les règles tracées dans les art. 1044,1045, n'étaient relatives qu'aux legs à titre particulier, et non au cas où le droit d'accroissement était invoqué par un Légataire universel, dans le cas où la loi lui donne la saisine légale et où les héritiers naturels n'ont aucune réserve;

» Que c'est là une pure supposition démentie par une foule de preuves positives. D'un côté, on remarque que ces articles se trouvent faire partie de la section qui traite, d'une manière générale, de la révocation des testamens et de leur caducité. D'autre part, ce sont les orateurs qui ont exposé les motifs de la loi, qui attestent que c'est aux dispositions de ces deux articles qu'on a réduit toute l'ancienne théorie du droit d'accroissement. Enfin, les mots Légataire,legs et chose léguée, que le législateur emploie dans ces deux articles, indiquent parfaitement par eux-mêmes la généralité des dispositions, puisqu'il avait pris soin d'annoncer qu'il n'existait plus aucune différence entre le legs et l'institution, entre le Légataire et l'héritier, et que l'un serait désormais synonyme de l'autre, pour ne produire que le même effet et n'avoir que les mêmes droits;

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Que cet amendement tendait à faire ajouter à l'art. 1044 précisément la disposition de l'ancien droit que l'on voudrait supposer conservée, c'està-dire, que le droit d'accroissement devait avoir lieu aussi lorsqu'un legs est à la charge de l'autre ; en ce cas, disait la cour, le legs qui devait être pris sur un plus considérable, devenant caduc, accroit au Légataire du plus fort legs;

» Qu'en rejetant ces observations et en maintenant purement et simplement l'art. 1044, tel qu'il existait dans le projet, le législateur a clairement condamné la règle qu'on lui proposait de maintenir;

» Considérant d'ailleurs, que, cette règle sup-. posée maintenue, il resterait à juger si elle pourrait recevoir son application dans les circonstances de la cause;

>>Qu'en point de fait, il ne résulte pas clairement du contexte du testament du sieur Merendol, que le legs de 14,000 francs ait été mis par lui à la charge de l'héritier institué, qu'on y voit au contraire que le legs précède l'institution ; que la charge de prélever la somme sur l'hoirie, est confiée aux exécuteurs testamentaires; et que la disposition en faveur du Légataire universel n'est relative qu'au surplus des biens du testateur, ce prélèvement fait;

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Qu'ici, la circonstance est d'autant plus remarquable, que plusieurs autres legs sont mist d'une manière positive à la charge de l'héritier institué ;

>> Considérant que, d'après ces motifs il " y a lieu de décider que les hoirs légitimes de Jean Mérendol ont intérêt et action à poursuivre la nullité de la disposition relative aux 14,000 fr.;

» Considérant 2o que cette disposition est nulle en effet, comme présentant un mode de disposer non autorisé par la loi, et qui contrarierait d'ailleurs d'une manière absolue son vou, dans toutes les règles relatives à la capacité de recevoir;

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Qu'il s'agit en effet d'une libéralité dont l'objet est incertain, que le sieur Laugier déclare ne lui être pas destinée, dont la destination dépend conséquemment d'un tiers et n'est pas

connue;

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Qu'il faut dire d'abord avec M. Jaubert, de la Gironde, dans son rapport précité, qu'en matière de disposition des biens, il ne peut y avoir de facultés que celles qui sont définies par la loi; l'orateur en conclut que le projet ne s'expliquant pas sur la faculté d'élire, le silence de la loi suffit pour avertir que cette faculté ne peut plus être conférée ;

» Que, si cette conséquence est juste à propos de faculté d'élire, qui était toujours accompagnée d'une indication de sujets ou de concurrens qui devaient être l'objet de ce choix, à combien plus forte raison doit-on conclure que le Code civil n'a pas entendu autoriser un mode de disposer qu'aucune loi ancienne n'avait admis; et qui aurait pour résultat de transmettre les biens du défunt à des êtres tout à fait inconnus et dont on ne pour

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