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vernais, chap. 27, art. 7, ordonnent que les donations inofficieuses soient révoquées jusqu'a concurrence de la Légitime; quoique la première soit conforme à celle de Senlis, et que la second permette de stipuler, par l'acte de donâtion, que le donataire ne sera pas tenu de rapporter. Voilà bien des preuves claires et évidentes que l'exclusion du rapport n'emporte pas celle de la Légitime, et que tout l'effet de la Légitime, relativement aux donations, et de les réduire jusqu'à concurrence du préjudice qu'elles lui portent.

On abjecte encore que la plupart des coutumes locales d'Artois admettant l'entravestissement entre époux, on doit croire qu'elles ont voulu exclure la Légitime, avec laquelle ce droit singulier est incompatible.

Mais ceci n'est qu'un pur paralogisme. L'entravestissement est, dans la personnes des époux, un titre onéreux, au contrat do ut des, qui dépouille le premier mourant au moment même de son décès, et par l'effet duquel les biens sur lesquels il frappe, ne font point partie de la succession de celui-ci. Comme la Légitime ne peut être prise que sur les biens qui restent dans la succession du defunt, ou dont il a disposé à titre gratuit, et non sur ceux qu'il a aliénés à titre onéreux, 'il peut arriver qu'elle se trouve exciue par l'entravestissement, comme elle le serait par une vente universelle que le défunt aurait fait de son patrimoine. Mais conclure de là qu'elle ne doit point avoir lieu quand le défunt a conservé quelques biens ou qu'il à tout aliéné à titre gratuit, c'est une conséquence contraire aux premières règles du raisonnement.

Il ne reste plus qu'une objection, et l'on va voir qu'elle n'est pas mieux fondée que les autres. La Légitime, dit-on, est due aux petits enfans comme aux enfans; c'est la décision expresse d'une foule de textes du droit romain: or, la représentation n'a point lieu en Artois, la coutume l'exclud formellement; on ne doit donc pas non plus y admettre la Légitime

1o La représentation a été introduite en Artois par des lettres-patentes du mois d'avril 1773, enregistrées à Arras le 7 décembre suivant, et par l'édit cité du mois d'août 1775, enregistré au parlement de Paris le 19 du même mois.

2o Les coutumes de Ponthieu et de Boulonnais excluent aussi la représentation en ligne directe, et celle de la châtellenie de Lille ne l'admet que pour les meubles et les choses réputées tels : cependant les arrêts cités des 1er janvier 1620, 7 septembre 1668 et 22 juillet 1698, ont jugé que la légitime devait avoir lieu dans le Ponthieu et le Boulonnais, et telle a toujours été la pratique de la hâtellenie de Lille. Ainsi, tout ce qu'on peut conclure de l'exclusion de la représentation, c'est qu'un petit-fils ne peut exercer aucun droit héré ditaire dans la succession de son aïeul, sans le secours du rappel ; et par conséquent, s'il n'a pas de légitime à y prendre, c'est uniquement parcequ'il n'est pas appelé à l'herédité ab intestat. Enfin, le parlement de Paris n'a rien remarqué 5e. TOME IX.

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:

soit dans les réserves prescrites par la coutume d'Artois, soit dans l'entravestissement, soit dans l'exclusion du rapport et de la représentation, qui dût faire obstacle à l'exercice de la légitime de droit aussi l'a-t-il accordée par plusieurs arrêts. Maillart nous en fournit un du 22 juin 1671, « rendu à la grand'chambre, au rapport de » M. Brillac, à l'occasion de la terre d'Auzi-Châ>>teau--Artois, où l'on a supposé qu'un fils avait » une légitime à prendre sur les biens à lui assignés >> en partage par son père; quoique ces biens fus» sent chargés de fideicommis perpétuel v.

La même chose a été préjugée par l'arrêt du 22 juillet 1698, que nous avons dejà cité pour les coutumes d'Amiens, de Boulonnais et de Ponthieu : en voici le dispositif; tel qu'il est rapporté par Duchesne sur l'art. 20 de cette dernière loi (il s'a gissait de la succession de Marie Truchot, veuve en premières noces du sieur Dauvillers, et en seconces du sieur du Camp):

« La cour, faisant droit sur le tout, ordonne que partage et division seront faits de tous les biens de la succession de ladite Marie Truchot, entre lesdits Dauvillers, Marie-Charlotte de Mannay, et Marc-Antoine-Augustin de Mannay, dont il sera donné audit Dauvillers deux quints des propres situés dans la coutume de Paris, pour sa Légitime; et la dame Marie-Charlotte de Mannay, deux autres quints pour sa portion héréditaire; et audit Marc-Antoine-Augustin de Mannay, l'autre quint desdits propres, comme légataire universel de ladite Marie Truchot, sa mère ; et que de ceux situés dans la coutume d'Amiens, Boulonnais et Normandie, il en sera donné audit Dauvillers sa portion légitimaire, suivant lesdites coutumes.

« Et à l'égard des biens situés en Ponthieu, ordonne qu'il en sera donné audit Dauvillers, le tiers, dès à présent, pour le droit de Légitime dans lesdits biens; et pour régler si elle sera portée jusqu'à la moitié de la portion héréditaire que ledit Dauvillers aurait eue ab intestat, ordonne que les parties rapporteront des jugemens des juges d'Amiens, Boulogne, Artois, Péronne, Montdidier et Roye, et des transactions, partage ou autres actes, si aucuns y a dans lesdites coutumes, et des actes de notoriété des officiers des siéges, pour justifier si la légitime doit être de la moitié de la portion héréditaire ab intestat, conformément à la coutume de Paris, ou du tiers seulement, suivant le droit écrit pour se fait et rapporté, être fait droit sur la demande dudit Dauvillers, à ce qu'il lui soit donné la moitié desdits biens sis en Ponthieu, pour sa Légitime, ainsi que de raison... »

Cet arrêt juge, comme on le voit, très-formellement que la Légitime de droit a lieu en Artois, et ne laisse d'incertitude que sur la loi qui doit en régler la quotité. Le parlement ne cherchait point à reconnaître si les juges d'Artois étaient dans l'habitude d'accorder une Légitime aux enfans ; il supposait le fond de ce droit au-dessus de la jurisprudence et des usages des siéges subalternes, mais seulement quel était le taux auquel on avait cou

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Aussi l'acte de notoriété qui a été donné par le conseil d'Artois, en exécution de cet arrêt, le 10 octobre 1698, n'a-t-il pas empêché que le parlement de Paris ne rendit encore de nos jours cinq arrêts en faveur de la Légitime artésienne.

Les trois premiers ont été rendus pour la succession des sieurs et dame Coffin, domiciliés et décédés à Hesdin.

Ils avaient laissé des biens considérables, mais c'étaient presque tous des acquêts; et par les dispositions qu'ils en avaient faites, ils avaient réduit feur fils aîné à une portion infiniment moindre que

celle de ses cadets.

Par un premier arrêt du 18 mars 1749, il a été jugé que ces dispositions devaient être exécutées, sauf à l'aîné à se pourvoir pour sa Légitime, s'il prétendait qu'elle fût entamée par les actes dont il s'agissait.

L'aîné ayant fait l'option de sa Légitime, les autres enfans ont soutenu qu'il ne pouvait pas en exercer les droits dans leur coutume. Ils ont invoqué l'usage constant et uniforme de la province, les actes de notoriété donnés en différens temps par le conseil d'Artois, le suffrage de Desmazures, d'Hébert et de Maillart. Mais toutes ces autorités ont été inutiles: un arrêt du 6 septembre 1752 a déféré à l'aîné l'option entre réserves coutumières et la Légitime, réglé conformément à l'art. 298 de la coutume de Paris, c'est-à-dire de la moitié de ce qu'il aurait eu ab intestat.

Le troisième arrêt, rendu entre les mêmes parties, le 7 septembre 1765, a liquidé et fixé la Légitime accordée à l'aîné par les deux précédens.

Le quatrième arrêt, qui est de l'année 1769 ou environ, a pareillement adjugé à la demoiselle Flahaut une Légitime de droit dans la succession de sa mère, mariée, domiciliée et morte à Bé

thune.

Le cinquième arrêt, qui a été rendu le 1o septembre 1770, a adopté la même décision en faveur de Théodore Crespel, dont le père était domicilié à Neuville-Saint-Vaast.

La Légitime en Artois n'est pas seulement fondée sur la jurisprudence des arrêts, elle est encore autorisée formellement par des lois faites pour cette province. L'art. 27 de la coutume du bailliage de Saint-Omer porte que «la Légitime sera de la moitié de telle part et portion que chacun enfant au>> rait eue en la succession desdits père ou mère, ou >> autre ascendant........... » L'art. 37 de la coutume du bailliage d'Aire décide absolument la même chose.

Cette disposition, il est vrai, n'a été consignée dans ces coutumes qu'à la rédaction de 1743; mais l'intention des commissaires, en l'ajoutant, n'a point été d'introduire un droit nouveau; ils n'ont cherché, comme l'atteste le procès-verbal de la première, qu'à couper la racine des procès qu'occasionnaitse silence de la coutume générale d'Artois sur la quotité de la Légitime.

VI. Les coutumes de Boulonnais, d'Amiens, de Ponthieu et d'Artois ne sont pas les seules dans lesquelles la Légitime a trouvé des antagonistes: elle

en a eu de tout temps, et elle en a encore un grand nombre en Hainaut; ils se fondent sur l'art. 10 du chap. 31 des chartes générales, dont voici les termes: Moyennant que les enfans, par av's de leur père et mère, soient partagés, seront sujets à l'entretènement dudit avis, ores que (quoique) leur partage füt moindre que des autres.

« Sur ce mot partagés, dit Dumées, une infinité » de praticiens ont cru qu'il suffisait qu'un père et » une mère laissassent la moindre petite chose à leurs » enfans, pour exelure la querelle d'inofficiosité. »* C'est aussi la conséquence que tire de cette disposition un ancien conseiller de la cour souveraine de Mons, dans des notes manuscrites qui nous ont passé sous les yeux. Cet article, dit-il en substance, fait entendre que la Légitime n'a pas lieu en Hainaut; et c'est ainsi que l'a tenu Jacques Vivien, célèbre avocat, dans ses observations manuscrites sur les chartes générales de 1534.

Cette opinion a même été suivie au parlement de Flandre, dans une affaire jugée en 1770, au rapport de M. Maloteau: il s'agissait d'un avis de père et de mère, par lequel un enfant était réduit à cinq sous de rente. Il réclamait contre un partage aussi manifestement inégal, et il prétendait qu'au moins on ne pouvait pas lui refuser un supplément de Légitime l'arrêt l'a débouté de toutes ses demandes.

Il y a cependant de fortes raisons pour le parti de la Légitime.

Il est constant, et nous l'avons établi à l'article Hainaut, que les chartes et les coutumes de cette . province doivent être éclaircies et suppléées par le droit romain dans les points sur lesquels elles paraissent en avoir emprunté quelques dispositions.

"Or, nous trouvons dans l'article qui précède immédiatement celui que nous venons de rapporter, une disposition tirée presque mot pour mo des lois romaines, et bien analogue à la Légitime; la voici : « Si les enfans pés auparavant ou après avis » de père et mère, ne sont partagés avant les trépas » desdits père et mère, ils pourront prétendre par>>tage, si avant que par la loi leur peut appartenir, » comme s'il n'y eût eu avis. »

Ainsi, la prétérition produit en Hainaut, par rapport à l'enfant passé sous silence, le même effet qu'elle produisait chez les Romains; elle annulle à son égard le testament de son père et de sa mère, et lui donne le droit de prendre dans leur succession sa part légale et ab intestat, comme s'ils n'avaient point disposé.

Voilà conséquemment la querelle d'inofficiosité reconnue, établie dans cette province or, qui est-ce qui ignore la connexité d'une pareille action, avec la demande en supplément de Légitime? Celle-ci n'est même qu'un remède introduit par l'empereur Justinien pour faire cesser celle-là, lorsqu'un père laisse quelque chose à ses enfans, sans néanmoins compléter leur portion légitimaire: car avant ce législateur, les enfans, en pareil cas, faisaient déclarer le testament nul, comme s'ils avaient été prétérits, et recueillaient la succession.

ab intestat. C'est ce que prouvent nettement ces paroles de la loi 32, C. de inofficioso testamento, qui est de l'empereur Justinien: Quoniam in prioribus sanctionibus illud statuimus, ut si quid minus legitima portione his derelictum sit qui ex antiquis legibus de inofficioso testamento actionem movere po- · terant, hoc repleatur, ne occasione minoris quantitatis testamentum rescindatur.

Comment croire, après cela, que les rédacteurs des chartes du Hainaut aient eu l'intention d'exclure de leur jurisprudence la demande en supplément de Légitime? Et puisqu'ils ont puisé dans le droit romain la querelle, d'inofficiosité, dont elle est comme le supplément, ne doit-on pas interpréter leur silence sur cette demande par les textes du même droit qui l'ont introduite, et qui en ont fait une des actions les plus favorables qu'on puisse porter en justice?

Ce qui prouve d'ailleurs qu'il n'est pas dans l'esprit des chartes générales de la rejeter, c'est qu'elle est expressément autorisée par la coutume particulière de Chimay, décrétée par le conseil de Mons lui-même en 1612. Voici ce que porte l'art. 7 du chap. 2 de cette coutume: « Père et mère peuvent, » par traité de mariage, avantager leurs enfans >>comme bon leur semble, soit de meubles ou en > biens héritiers. Les mêmes peuvent-ils faire paravis » de père et mère passé conformément au prescrit » de la loi de ce pays, ou par testament...., sauf >> aux autres enfans de prétendre en son temps leur » Légitime ès-biens paternels et maternels, telle » que le droit écrit donne. »

On a vu plus haut que la coutume de Valenciennes admet également la Légitime; et quoique ces deux coutumes ne soient pas, à proprement parler, locales des chartes générales de la province (1), leur disposition n'en doit pas moins être prise en grande considération, puisqu'il faut régulièrement interpréter les coutumes voisines les unes par les autres, surtout lorsque le résultat d'une interprétation de cette espèce est en faveur du droit commun, auquel le retour est toujours favorable.

VII. L'ancienne coutume de Normandie n'accordait point de Légitime aux enfans; mais, comme on l'a vu plus haut, la nouvelle a abrogé cette jurisprudence barbare.

Il s'est élevé à cette occasion une difficulté touchant le comté d'Eu. On sait que ce pays a été distrait du ressort du parlement de Rouen pour être uni à celui de Paris; de là est venue la question de savoir si le tiers coutumier introduit en Normandie depuis cette distraction, devait y avoir lieu. On peut voir dans le procès-verbal des coutumes particulières de Normandie, les raisons par lesquelles M. le procureur-général Thomas établit que les habitans du comté d'Eu sont soumis, quant au fond des choses, aux mêmes lois que les Normands: il nous suffit de remarquer ici que son avis a été

(1) V. Particle Hainaut, § 2.

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confirmé, relativement au tiers coutumier, par deux arrêts très-formels, l'un du parlement de Paris, du 9 mai 1676, l'autre du parlement de Rouen, du 31 août 1683, et, rapportés tous deux dans le commentaire de Basnage sur sa coutume.

SECTION II. De la nature de la Légitime.

Nous avons déjà dit que la Légitime est une portion de ce qu'aurait eu ab intestat celui à qui elle est due. Mais pour avoir une idée nette et précise de sa nature, il faut la comparer avec l'hérédité en général, avec le douaire des enfans et avec les réserves coutumières; il résultera de cette triple comparaison, des rapports, des principes et des conséquences qui jetteront le plus grand jour sur toute la matière que nous avons à traiter.

SI. En quoi conviennent ou diffèrent la Légitime et l'hérédité?

I. Cette question en renferme plusieurs. la pre mière, et celle dont la décision entraînera celle de toutes les autres, est de savoir si la Légitime forme une portion de l'hérédité, ou une portion des biens du défunt.

On sent la différence qu'il y a entre ces deux hypothèses: l'hérédité comprend tout l'actif et le passif d'une personne décédée : hereditas nihil aliud est quam successio in universum jus quod defunctus habuerit (loi 62, D. de regulis juris); les biens, au contraire, ne s'entendent que de ce qui reste après les dettes acquittées: bona intelliguntur cujusque, quæ, deducto aere alieno, supersunt. (Loi 59, S1, D. de verborum significatione.)

Que la Légitime soit une quote des biens, et non de l'hérédité, c'est ce qu'a jugé une décision de la rote romaine rapportée par Fachinée, liv. 12, chap. 4, et c'est ce que soutiennent Mantica, Grassus, Jason, Alexandre, Gayl, le président Favre, Voët, Furgole, et plusieurs autres auteurs.

Leur opinion paraît très-bien justifiée par la . loi 6, C. de inofficioso testamento, qui l'appelle bonorum partem, une portion des biens: cum quæritur, dit-elle, an filii de inofficioso patris testamento possint dicere, si quartam bonorum partem, mortis tempore, testator, reliquit, inspicitur. La loi 5, C. de inofficiosis donationibus, la qualifie pareillement de secours dû aux enfans sur les biens de leur père, debitum bonorum subsidium. Le chap. 1o de la novelle 18 n'est pas moins formel sur ce point: il fixe la Légitime à une certaine quote, non de l'hérédité, mais de la propre substance du défunt, propriæ substantiæ.

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A ces trois textes trop clairs pour que les subtilités de certains auteurs puissent les obscurcir, se réunissent des raisons trop évidentes pour qu'il soit possible d'y opposer rien de solide.

D'abord, il est constant que la détraction de la Légitime ne doit être faite qu'après toutes les dettes et les frais funéraires payés. La loi 8, § 9, D. de inofficioso testamento, ne laisse là-dessus aucun doute Quarta autem accipietur, scilicet deducto are alieno et funeris impensa.

Or, nous venons de voir qu'on appelle biens ce qui reste après la déduction des dettes : c'est donc sur les biens, et non sur l'hérédité, que se fait le retranchement de la Légitime.

On ne prétendra pas sans doute qu'un enfant légitimaire puisse jamais être poursuivi sur son propre patrimoine par les créanciers de son père (1); c'est cependant ce qui arriverait très-fréquemment, si la qualité de légitimaire emportait celle d'héritier; car une hérédité peut devenir très-onéreuse à celui qui la recueille en tout ou en partie; les biens, au contraire, sont toujours utiles, et on les appelle ainsi, suivant la loi 49, D. de verborum.significatione, parce qu'ils contribuent toujours au bonheur de ceux qui les possèdent : bona ex eo dicuntur quod beant, hoc est, beatos faciunt; beare est prodesse.

En second lieu, nous ferons voir ci-après que la Légitime ne peut être ni diminuée ni grevée par le testateur; rien ne serait cependant plus commun ni plus journalier que les contraventions à ce grand principe, si la Légitime était une quote de l'hérédité; dans cette supposition, non-seulement le légitimaire serait tenu des dettes au-delà de la valeur des biens qui lui auraient été adjugés; mais encore si le défunt s'était avisé de vendre ou de donner un héritage du légitimaire, celui-ci serait obligé d'entretenir la vente ou la donation jusqu'à concurrence de la quote que formerait sa Légitime dans la succession.

Troisièmement, l'ancien droit romain et notre droit coutumier permettent, comme on le verra dans un instant, de laisser la Légitime à ceux qui en ont le droit, sous le titre de legs, de fideicommis ou de donation à cause de mort. Or, le moyen de concevoir la moindre connexité entre de pareils titres et celui d'héritier? Le moyen de regarder comme une quote d'hérédité, une portion de bien dont on serait redevable à la qualité de légataire, -de fideicommissaire, ou de donataire ?

Les objections qu'on oppose à cette doctrine ne sont pas assez fortes pour la détruire.

La première est tirée du S 3, Inst. de inofficioso testamento, qui semble désigner la Légitime par les mots pars hereditatis: mais ce texte ne prouve rien contre nous; que porte-t-il en effet? « La que»relle d'inofficiosité n'a lieu que quand le testateur » n'a rien laissé à ses enfans, ce que nous avons ainsi ordonné pour épargner à la nature des » plaintes aussi outrageantes pour elle. Ainsi, lorsqu'il a été laissé aux enfans une portion quelconque de l'hérédité, ou une chose particulière, la » querelle d'inofficiosité doit cesser, et l'on doit » ajouter à la disposition du défunt ce qui y manque » pour compléter la Légitime. » Sed hoc ita acci

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pienda sunt, si nihil eis peditus a testatoribus testamento relictum est; quod nostra constitutio ad verecundiam naturæ introduxit. Sin vero quantacumque pars hereditatis vel res eis fuerit relicta, de inofficioso querela quiescente, id quod eis deest usque ad quartam Legitimæ partis repleatur.

On voit que, dans ce texte, la Légitime n'est appelé une portion de l'hérédité, que parce qu'on la suppose laissée par le testateur à titre d'institution; ce qui est si vrai, qu'après les mots pars hereditatis, se trouvent ceux-ci, vel res eis fuerit relicta, termes dont l'opposition aux premiers prouve très-clairement que la Légitime n'est point une quote de l'hérédité, pars hereditatis, quand elle est laissée par le testateur à titre de fideicommis ou de

legs.

Il y a plus. Quoiqu'elle soit nominalement une quote de l'hérédité, lorsqu'elle est déférée à titre d'institution, elle ne l'est cependant pas réellement et quant aux effets; autrement, il arriverait que de deux enfans légitimaires dont la condition serait égale de droit, l'un se trouverait néanmoins plus favorisé que l'autre, en ce que l'appelé à titre d'institution serait sujet aux charges héréditaires audelà de son émolument, tandis que l'appelé à titre de legs en serait affranchi; ce qui formerait un contraste aussi absurde qu'injuste.

Cette observation répond d'avance au texte sur lequel nos adversaires fondent leur seconde objection c'est le chap. 3 de la novelle 115, suivant lequel la Légitime doit toujours être laissée à titre d'institution on infère de là, que les légitimaires sont vraiment héritiers, mais c'est sans fonde

ment.

Il est certain qu'avant cette loi, la Légitime n'était point une quote de l'hérédité puisqu'elle pouvait être déférée à titre de legs, et que comme on vient de le voir, elle ne prenait pas même cette qualité lorsque le testateur l'avait revêtue du titre d'institution. Or, non-seulement la novelle de Justinien ne change rien sur cette matière à l'ancienne jurisprudence, mais encore elle annonce assez clairement que son intention est de la laisser subsister. En effet, elle déclare, chap. 5, que c'est pour l'avantage des légitimaires qu'elle introduit la nécessité de les appeler par institution: Unde et constat ad utriusque partis utilitatem atque cautelam præsentem legem fuisse prolatam, quam ex hac occasione promulgandam esse perspeximus. Or, s'il résu!tait de ce titre qu'ils fussent réellement héritiers, loin d'en tirer quelque utilité, ils en ressentiraient au contraire un véritable préjudice; et par-là, on contreviendrait manifestement à cette maxime si naturelle et si universellement admise, qu'il ne faut jamais tourner contre quelqu'un ce qui n'a été introduit qu'en sa faveur: Nulla juris ratio aut æquitatis benignitas patitur ut quæ salubriter pro utilitate hominum introducuntur, ea nos duriore interpretatione contra ipsorum commodum producamus ad severitatem. (Loi 25, D. de legibus.)

Une autre preuve que la novelle 115 n'a point donné au titre d'institution dont elle a introduit la

nécessité par rapport aux légitimaires, la vertu de faire considérer la Légitime comme une quote de l'hérédité, et celui qui la recueille comme un héritier, c'est qu'elle n'exige pas que l'institution soit universelle, c'est-à-dire, par quotité, et qu'au contraire elle permet de la borner à une chose particulière Caterum (porte-t-elle, chap. 5), si qui heredes fuerint nominati, etiam si certis rebus jussi fuerint esse contenti, hoc casu testamentum quidem nullatenus solvi præcipimus: quidquid autem minus legitima portione eis relictum est, hoc secundum nostras alias leges ab heredibus impleri. Sola enim est nostræ serenitatis intentio à parentibus et liberis injuriam præteritionis et exheredationis auferre.

Or, on a vu à l'article Institution d'héritier, sect. 2, que l'institué dans un effet certain, in re certa, n'est point héritier, mais légataire.

La troisième. objection qu'on nous oppose, a pour fondement le § 3, Inst. de lege falcidia. Il résulte de ce texte que la falcidie ne peut être distraite des legs dont un héritier est grevé, qu'après le prélèvement de toutes les dettes et charges héréditaires. Or, disent nos adversaires, ce prélèvement n'empêche pas que la falcidie ne soit prise à titre d'héritier: pourquoi donc en serait-il autrement à l'égard de la Légitime?

La réponse se présente d'elle-même. Un héritier institué n'est point héritier, parce qu'il fait sur l'hérédité la détraction du quart des biens, que l'on appelle falcidie; mais il fait cette détraction, parce qu'il est héritier, parce que la loi lui accorde ce privilége pour l'empêcher de répudier l'hérédité, dans la crainte de n'en tirer aucun profit. Il était donc héritier par son institution et son adition, avant qu'il fût question du retranchement de la falcidie; et l'appréhension qu'il fait de la falcidie, n'ajoute rien à sa qualité.

La quatrième objection est plus spécieuse, mais n'est pas plus solide que les autres. Celui, dit-on, qui est institué dans sa Légitime avec charge de la restituer à un autre, peut être forcé, en vertu du sénatus-consulte Trébellien, d'appréhender la portion à laquelle il est appelé, pour en faire la resti.tution au fidéicommissaire; c'est la décision textuelle de la loi 27, § 13, D. ad senatus-consultum Trebellianum. Or, il n'y a que des personnes appelées comme héritières qui puissent être obligées à faire une pareille adition; le sénatus-consulte Trébellien n'a été porté que contre elles; et jamais un légataire, jamais un donataire particulier, n'a été dans le cas d'accepter malgré lui une libéralité quelconque: Ut Trebelliano locus esset (dit la loi 22, S5, D. ad senatus-consultum Trebellianum), non sufficit de hereditate rogatum esse, sed quasi heredem rogari oportet. Denique si cui portio hereditatis fuerit legata (legari enim posse etiam portionem hereditatis placet nobis), rogatusque fuerit hanc partem restituere, dubio procul non fiet restitutio ex senatus-consulte.

Cette objection serait peut-être sans réplique, si, dans la première des lois citées, il s'agissait d'un Jegitimaire qui ne fût institué que dans sa Légi

time: mais, on le sent, il n'est pas possible que ce soit là l'espèce précise de ce texte, puisque la Légitime ne peut être grevée de fideicommis, ni assujétie à aucune restitution. Ainsi, quoique cette loi semble d'abord ne parler que d'une institution dans la Légitime si patronus ex parte debita heres institutus, il faut néanmoins supposer qu'elle ne s'exprime ainsi que pour faire voir que la Légitime est entièrement remplie par l'institution dont elle s'occupe; et cela est si vrai, qu'immédiatement après, elle fait entendre que toute l'hérédité est comprise dans la charge de restituer, et par conséquent aussi dans l'institution, et rogatus restituere •hereditatem suspectam sibi esse dicat. Il s'agit donc, dans cette espèce, d'un patron institué universellement, avec charge de restituer ce qui excédera sa Légitime. La loi décide qu'il peut être contraint d'appréhender l'hérédité; mais s'il résulte de là que son institution le rend héritier présomptif, c'est parce qu'elle n'est pas bornée à la portion-légitimaire; et conséquemment on ne peut pas en conclure que l'institution dans la seule Légitime fasse un héritier.

Enfin, on objecte que le légitimaire est saisi de plein droit de sa portion, et que cela ne pourrait pas avoir lieu, s'il n'était pas héritier d'effet et de

nom.

Deux réponses à cette objection.

Premièrement, le douaire saisit en plusieurs coutumes; cependant il est incompatible avec la qualité d'héritier. Il n'y a donc pas de conséquence à tirer de la saisine légale au titre héréditaire.

En second lieu, est-il bien certain que la Légitime saisit? Cette question, à la première vue, paraît au moins fort problématique, et l'on trouve là-dessus des autorités pour et contre.

D'un côté, Dumoulin, sur l'art. 3 du chap. 18 de la coutume de Berry, dit que in Gallia filius non tenetur venire per actiones supplementi, sed est saisitus de sua Legitima. Mais, 1o Richebourg remarque, d'après un anonyme, « qu'il y a de l'erreur dans cette annotation, et qu'elle ne se peut réformer, si l'on ne voyait l'original de feu M. Charles Dumoulin. » 2° Dumoulin lui-même fait mention dans cette note d'une sentence qui avait débouté un légitimaire de sa complainte, sans préjudice de demander le supplément de sa Légitime; et, quoique Dumoulin désapprouve cette décision, il s'était néanmoins trouvé un de ses confrères qui l'avait jugée conforme aux principes: dominus Canaye putabat bene, ego contra male judicatum.

On ne peut donc pas faire de la note citée tout le cas que méritent d'ailleurs les opinions de Dumoulin.

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Voici une autorité qui paraîtra peut-être plus grave; c'est Papon qui parle: « A été arrêté au procès de demoiselle Ysabeau Boyen, mère dé » feu Jacques Guittard, demanderesse en nouvel>>> leté contre demoiselle Anne de l'Estrange, veus e » dudit feu Guittard, défenderesse audit cas de >>> saisine et nouvelleté, au rapport de M. Le Cirier,

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