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sire ignorantem quod ipse aliam sibi matrimonialiter copulasset, duxerit in uxorem ; et dum ipsa conjux ipsius legitima putaretur, dictum R.... suscepit ex eadem, in favorem prolis potius declinamus, memoratum R.... legitimum reputantes. On vient de voir que les arrêts ont adopté cette décision sans difficulté.

[[V. le n° suivant. ]]

V. La Légitime putative n'habilite pas seule ment les enfans à succéder à leur père et à leur mère: elle les rend encore capables de recueillir à titre héréditaire les biens de leurs aïeuls, et même de leurs parens collatéraux, parce qu'elle forme une image parfaite de la Légitimité véritable, et que la fiction doit avoir autant d'effet dans les cas où elle a lieu, que la réalité : fictio tantum operatur in casu ficto, quantum veritas in casu

vero.

On trouve en effet dans les notes sur Leprestre, un arrêt du 16 janvier 1610, qui juge « que les » enfans nés de mariage non valable, étaient, » pour la bonne foi, capables non-seulement de la » succession directe, mais aussi de la collatérale.» Il s'agissait, dans cette espèce, de la succession d'un oncle maternel.

La même chose a été décidée in terminis par l'arrêt du 24 janvier 1777, rapporté ci-dessus, no 3.

[[Toutes ces maximes sont érigées en loi par les deux articles suivans du Code civil.

201. Le mariage qui a été déclaré nul, produit néanmoins des effets civils, tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfans, lorsqu'il a été contracté de bonne foi.

» 202. Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des deux époux, le mariage ne produit des effets civils qu'en faveur de cet époux, et des enfans issus du mariage. »

Ecoutons M. Portalis, conseiller d'état, dans l'Exposé des Motifs qu'il a présenté, au nom du gouvernement, à la séance du corps legislatif du 16 ventose an 11:

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Quoique régulièrement le mariage valable puisse seul faire de véritables époux et produire des enfans légitimes, cependant, par un effet de la faveur des enfans et par considération de la bonne foi des époux, l'équité a fait admettre que, s'il y avait quelque empêchement caché qui rendit ensuite le mariage nul, les époux qui avaient ignoré cet empêchement, et les enfans nés de leur union, n'en conserveraient pas moins leurs prérogatives.

» De là cette maxime commune, que le mariage putatif, pour nous servir de l'expression des jurisconsultes, c'est-à-dire celui que les conjoints ont cru légitime, a le même effet, pour assurer l'état des époux et des enfans, qu'un mariage véritablement légitime; maxime originairement introduite par le droit canonique, depuis long-temps adoptée

dans nos mœurs.

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du mariage. Quelques anciens jurisconsultes avaient pensé que, dans ce cas, les enfans devaient être légitimes par rapport à l'un des conjoints, et illégitimes par rapport à l'autre; mais on a rejeté leur opinion, sur le fondement que l'état des hommes est indivisible, et que, dans le concours, il fallait se décider entièrement pour la Légitimité. » ]]

VI. Cette règle admet cependant une excep tion par rapport aux enfans d'un religieux profes. Comme ils ne pourraient tenir que de leur père la faculté de succéder à leurs aïeuls ou collatéraux

paternels, et que leur père avait entièrement perdu ce droit à l'époque de son mariage putatif, il est impossible qu'ils l'exercent eux-mêmes, à moins qu'on ne donne à la fiction plus d'effet qu'à la vérité; ce qui serait d'une absurdité insoutenable.

C'est sans doute par ce motif qu'un arrêt du 10 février 1632, rapporté par Bardet, a déclaré les enfans d'un jacobin non-recevables dans leur demande en partage de la succession de leur aïeul paternel, quoique leur mère se fût mariée de bonne foi et sans le moindre soupçon de l'état de leur père.

Voici l'espèce d'un arrêt plus récent, et qui est fondé sur le même principe.

Jacques Fortin, né en Basse-Normandie, eut de Madelaine Pillet quatre filles et un garçon nommé François. Celui-ci entra, vers 1705, dans la maison des cordeliers de Valognes, voisine du lieu qu'habitait sa famille, et, après les épreuves ordinaires, y fit profession.

Le 6 mai 1709, il obtint du pape un bref qui, d'après les faits de violence articulés dans sa supplique, le relevait de ses vœux. Mais, avant de procéder à l'entérinement, l'official de Coutances ordonna que l'impétrant se retirerait au convent des jacobins de la même ville pendant l'instruction.

Au lieu d'obéir à cette ordonnance, le frère Fortin prit la fuite, traversa la France, passa les Alpes, et se présenta au souverain pontife dans un état fait, à tous égards, pour émouvoir sa pitié.

Le pape lui expédia un second bref qui le relevait de ses vœux de plano. Mais rentré dans sa patrie, il se vit exposé aux poursuites de son couvent et de sa famille, qui, de concert, cherchaient à le faire emprisonner. Cependant, le 19 novembre 1716, il fit avec ses beaux-frères, une transaction par laquelle ils s'obligèrent de lui payer 40 livres de rente viagère.

Quelque temps après, il s'embarqua et s'étab'it à la Martinique. Là, il conçut pour la fille du sieur Lamarre, des sentimens qu'elle partagea; il demanda à sa famille un certificat qui lui fut eavoyé, et dans lequel on ne parlait nullement de son état de cordelier. Il présenta ce certificat aa père de la fille, et fut accepté pour gendre. Le mariage fut célébré le 22 juin 1722.

Dès l'année 1725, le sieur Fortin était père; et depuis cette époque jusqu'au 17 novembre 1756,

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jour de son décès, il eut encore plusieurs enfans: le plus âgé avait à peine treize ans, lorsqu'ils le perdirent.

Cependant tous les biens du père et de la mère du sieur Fortin avaient passé dans les mains de ses sœurs et de leurs époux. Ses filles vinrent en France, et firent assigner ceux-ci en délaissement de ce qu'elles appelaient la part de leur père, avec restitution de fruits, intérêts, etc.

La contestation fut portée, en 1771, devant le juge de Valognes, qui, par sentence, débouta les parens de l'opposition qu'ils avaient formée à l'état des demoiselles Fortin, déclara celles-ci légitimes, et ordonna qu'en cette qualité, tous moyens de droit tenant, et défenses au contraire, les parens seraient tenus de leur communiquer les actes dont ils avaient produit l'état à l'audience, pour être instruit entre les parties sur le partage demandé.

Les parens appelèrent de cette sentence.

Les demoiselles Fortin se renfermèrent d'abord dans quatre fins de non-recevoir :

1o La reconnaissance de leur état par ceux qui venaient ensuite l'attaquer;

2o L'acte de 1716, passé entre le cordelier et ses beaux-frères;

3o Le certificat que sa famille lui avait envoyé avant son mariage à la Martinique;

4o Enfin, la possession de leur état, commencée par le père et continuée dans ses enfans pendant l'espace de trente-six ans.

D'abord (disait le défenseur), une des demoiselles Fortin, à son arrivée en France, avait reçu toutes les marques de tendresse que peut attendre une parente chérie et dont on s'honore. Reproches affectueux sur ce qu'elle avait préféré la maison d'un étranger; invitations réitérées de venir loger dans le sein de sa famille, qui furent enfin acceptées; séjour de deux mois partagé entre les différens domiciles de ses parens, qui se disputaient le plaisir de loger cette cousine, et lui prodiguèrent tour à tour l'amitié la plus vive et la plus sincère. « Ce ne fut point une vaine curiosité » qui les rassembla autour de cette parente arrivée » du Nouveau-Monde. Les expressions de la sen» sibilité se mêlèrent dans leurs entretiens; leur » bouche, organe de leur coeur, lui répéta vingt >> fois le nom si doux qu'ils lui envient aujour» d'hui : si l'intérêt a répandu depuis quelques » nuages passagers sur les sentimens de la nature, » la nature reprend son empire, et de nouvelles » marques de tendresse et de sensibilité rappro» cheront des cœurs que l'intérêt n'a divisés que » pour un moment. Après avoir reconnu si publi» quement l'état des demoiselles Fortin dans leur » sœur aînée, les appelans n'ont plus le droit de » s'élever contre elles pour les en priver; ils les >> ont reconnues pour leurs parentes; ils n'ont » pu, en leur donnant ce titre, se réserver la » faculté cruelle de le leur enlever. Dès qu'on a une » fois reconnu l'état des personnes, on n'est plus »> admis à le contester. »

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En second lieu, par l'arrangement fait entre le sieur Fortin et ses beaux-frères, le 19 novembre 1716, ceux-ci se sont obligés de lui faire 40 livres de rente; et dans le même acte, ceux même qui l'avaient poursuivi, qui avaient déterminé contre lui l'official de Coutances et surpris une ordonnance pour lui ravir la liberté, ont reconnu que la seule violence lui avait arraché ses vœux : comment peuvent-ils soutenir, soixante ans après, qu'il a été lié par ces vœux forcés, qu'il a toujours vécu esclave, après l'avoir confessé libre?

Troisièmement une fin de non recevoir non moins puissante résulte du certificat envoyé à la. Martinique. Il était signé de la mère du sieur Fortin, de ses beaux-frères et de plusieurs parens. Ce certificat n'annonçait pas même que le sieur Fortin eût jamais connu le cloitre des cordeliers de Valognes; tout y parlait de lui comme d'un homme libre. Il y a donc lieu de présumer qu'il l'était en effet. Il avait laissé, avant de s'expatrier, une procuration à un de ses parens, pour poursuivre l'entérinement de son bref: ce fut en 1716 qu'il abandonna la France, et c'est en 1722 qu'il demanda à sa famille ce certificat. Si le bref qui le relevait de ses vœux n'eût pas été entériné, comment croire que ceux qui avaient intérêt à révéler les noeuds dont il était lié, auraient gardé un profond silence sur cet article, et n'en eussent pas fait mention dans son certificat? Tout devait faire présumer que le bref avait été entériné. Si cette sentence ne se trouve pas, il faut s'en prendre à la négligence des greffiers de ce temps-là : et une lettre d'un grand-vicaire de Coutances, qui a fait des recherches inutiles, attribue leur inutilité à la négligence de ces officiers, comme à une cause connue.

On ne trouve pas non plus de jugement qui ait débouté le sieur Fortin de sa demande; et cependant, s'il eût existé, les religieux n'eussent pas manqué de le conserver dans leurs registres et dans leur couvent. Nouvelle raison de présumer que le sieur Fortin avait réussi, et que, si le titre de sa liberté avait disparu, il fallait en accuser la négligence avouée des officiers conservateurs de ce dépôt.

Quatrièmement, après tant de présomptions favorables et des reconnaissances si positives de la liberté du sieur Fortin, que demander de plus que la possession réelle de cette liberté? Or, il a joui de son état pendant quatorze ans, et ses enfans en jouissent depuis trente-six années.

Les appelans répondirent à ces fins de non-recevoir d'une manière victorieuse.

L'accueil fait à l'une des demoiselles Fortin, était dû aux mouvemens d'une curiosité bienfaisante. Un bâtard, caressé par les parens de son père, ne devient pas pour cela légitime. La demoiselle Fortin pouvait s'attendre à trouver de la sensibilité et de la bienveillance dans le cœur des parens de son père, sans pouvoir s'en faire un titre pour acquérir des droits sur leurs biens. Tous

cus procédés domestiques ne forment point une reconnaissance légale de son état; il faudrait des actes où la famille eût contracté avec elle sous le titre qu'elle lui conteste en justice; et l'on n'en produisait aucun.

Celui de 1716 ne pouvait passer pour une reconnaissance authentique, de la part des parens, que le sieur Fortin ne fût pas religieux. Il portait que les parens qui l'ont signé, mus de bonne volonté pour le sieur Fortin, leur frère, ayant fait ses vœux dans l'état de cordelier, et n'ayant pu y réussir, lui promettent annuellement la somme de 40 livres, sa vie durant; ce que le sieur Fortin a accepté, et leur en a rendu grâces. Que signifient ces mots, n'ayant pu y réussir? Rien autre chose que le dégoût qu'avait pris le sieur Fortin pour l'état de cordelier. Ces mots ne pouvaient tomber sur ses vœux; il était constant qu'il les avait prononcés.

Il était clair encore que cet acte n'était qu'un effet de la bonne volonté de ses parens, puisque Fortin leur en rend grâces. S'il eût été libre, s'il avait pu partager, il n'aurait pas reçu la loi, il l'aurait faite.

Prétendre qu'il s'était fait relever de ses vœux, et qu'il y avait eu une sentence qui avait entériné le rescrit du pape, parce qu'on ne trouvait pas de sentence qui l'eut débouté de sa demande, c'était un sophisme des plus aisés à refuter: son état certain ét connu était l'état de religieux; c'était donc à lui ou à ses représentans à prouver l'existence d'un jugement qui depuis eut anéanti sa profession

et ses vœux.

Il a tout lieu de présumer que Fortin avait abandonné sa réclamation ; et que le fondé de procuration qu'il avait laissé en France à son départ pour la Martinique, n'avait jamais conduit cette procédure jusqu'à un jugement définitif.

Evadé de la retraite que l'official lui avait indiqué, décrété de prise de corps, il était impossible qu'il réussit à se faire relever de ses voeux sans reprendre ses habits et revenir dans sa retraite. Il n'était pas relevé de ses vœux, lorsqu'il partit pour l'Amérique; il n'avait donc pu l'èire depuis. Tel était l'état des choses, lorsqu'en 1722, il demande à sa famille un certificat d'origine, de moeurs et de catholicité. Quelques parens l'accordent. Le certificat ne disait pas que Fortin fût cordelier, apostat et décrété de prise de corps; mais il ne disait pas non plus qu'il fût libre, et qu'il n'eût pas fait profession.

La famille, disait-on, n'ignorait pas l'usage qu'il voulait faire de ce certificat. Mais où est la preuve qu'elle sût qu'il voulait s'en servir pour se marier? Si ce certificat était donné pour le mariage, il devait contenir le testament de la mère, et il ne s'y trouve point; du mcins devrait-on produire quelques lettres écrites à sa famille sur cette établissement: on en montrait aucune.

Dès-lors, que devenait la possessiou d'état dont on prétendait que Fortin avait joui paisiblement pendant quatorze ans? Fortin était cordelier lors

qu'il s'est marié; il devait bien savoir qu'il n'avait jamais été relévé de ses vœux. Il connaissait donc parfaitement le vice de sa possession et la nullité du mariage qu'il avait contracté, malgré les défenses qui lui avait été expressément faites par l'ordonnance de l'official.

Après ce premier combat sur les fins de noa-recevoir dont l'avantage ne restait pas aux demoiselles Fortin, on discuta le fond, et l'on en vint à la question de droit.

Le défenseur des enfans convint du principe établi par l'art. 273 de la coutume de Normandie, qui déclare le religieux profès incapable de succóder, et transmet son héritage au parent le plus proches. Mais il soutenait que la profession du sieur Fortin était nulle, comme forcée; et il soutenait que cette nullité, résultant, non d'un simple vice de forme, mais du défaut de liberté et de consentement, était radicale et destructive des vœux que sa bouche avait articulés.

D'ailleurs, les rescrits du saint-siége (continuait-il), l'en ont relevé. S'il n'ont point été en térinés, du moins avaient-ils un effet suspensif. Tant que la protestation du sieur Fortin a subsisté, tant que ces rescrits n'ont pas été écartés par un jugement, Fortin n'a pu être regarde comme un vrai religieux; et mourant avant qu'on eût prononcé sur sa reclamation, il est mort libre et integristatus. Il est dans le cas d'un accusé, d'un coupable qui meurt jouissant de tous ses droits civils, quand son décès arrive avant que la peine de son délit soit prononcée par un jugement définitif.

» Un autre principe veut que les enfans sortis d'un second mariage contracté de bonne foi par l'un des deux époux, soient légitimes; et l'on admet point cet état bizarre, où un fils serait réduit, d'un côté, a partager la honte des enfans de la prostitution; et placé, de l'autre, au rang honorable des enfans du père de famille. Les jurisconsultes et la jurisprudence sont d'accord sur la vérité de ce principe, et sur les effets de la bonne foi du père et de la mère, par rapport à l'état de leur postérité. Nul doute sur la bonne foi de la femme Fortin, lorsqu'elle l'épousa: ses enfans sont donc legitimes, et doivent heriter des droits de leur père. »

Le défenseur des appelans (M. Ducastel), combattit ces moyens avec autant de force que de précision.

ce

« Dans l'ordre civil (ce sont ses termes), sont les actes qui constituent l'état des citoyens, Un acte en forme l'emporte sur la disposition des témoins. Il ne reste d'autre ressource que de prouver qu'il est l'ouvrage de la violence et de la súduction mais tant que les lettres de restitution ne sont pas entérinées, l'acte subsiste. En matière de vœux et de mariage, la rigueur de la loi est encore plus stricte.

» Un profès ne peut résoudre ses vœux sans un rescrit du pape : ce rescrit n'a aucune force en France sans ètre entériné; il ne peut l'ètre sans un motif évident, cette évidence n'est point acquise sans des preuves judiciaires. La déclaration du

profès, le consentement de sa famille, l'aveu du couvent ne suffisent point; il faut un jugement ré gulier qui approuve les causes d'après lesquelles on doit dissoudre ce que la religion déclare indissoluble.

» Fortin a réclamé, a obtenu des rescrits; mais ces réscrits ne le relevaient de ses voeux qu'à la charge de prouver les faits qu'il articulait, et d'obtenir un jugement. Ces rescrits n'ont point d'effet suspensif, et ne l'ont point mis dans la position d'un accusé qui, condamné par une sentence, mais venant à mourir pendant l'appel, meurt dans la possession de son état; il n'y a point de parité. Tout citoyen est présumé innocent; la loi veut qu'il ne soit convaincu de son crime qu'après une sentence et un arrêt; s'il meurt avant l'arrêt, la conviction légale n'est point acquise, la présomption de l'innocence est pour lui. Tout profès, au contraire, est censé avoir fait ses vœux librement: s'il prétend le contraire, il faut qu'il le prouve; s'il meurt sans le prouver, sans faire adopter ses preuves, il décède profès.

» Autrement, tout religieux qui se dégoûte de son état, qui suppose des faits, qui en impose au pape, qui réclame contre ses vœux et abandonne sa réclamation, pourrait donc se marier, donner à l'état des enfans légitimes, leur transmettre le droit de lui succéder qu'il a lui-même perdu, ct mourir libre? Ne serait-ce pas autoriser l'apostasie, blesser toutes les lois, et troubler toutes les familles? Quant à la bonne foi de la mère et aux effets qu'elle peut donner à un mariage, il faut distinguer entre les laïques, les prètres et les profès. Entre laïques, la bonne foi des conjoints souvent fait tolérer les mariages des bigames, des adultérins; et cependant il y a deux observations importantes à faire.

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» C'est que, suivant les arrêts qui sont dans cette espèce, c'étaient des collatéraux qui venaient contester aux enfans leur titre et la succession paternelle et maternelle : ce n'étaient point les enfans qui venaient disputer aux collatéraux des successions déjà acquises.

D 2o Ces arrêts n'ont pas toujours accordé aux femmes l'intégrité de leurs droits, ui aux enfans les successions du père et de la mère.

» Entre un prêtre et un laique, on n'a jamais étendu le droit de succéder à la ligne collatérale. L'édit de 1675 porte que lesdits mariages ne peu vent produire d'effets civils relativement aux collatéraux.

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» Entre les religieux! Tout religieux est mort civilement; son mariage est donc sans effet civil, et, si la bonne foi de la mère peut légitimer les enfans, ces enfans du moins ne peuvent succéder à leurs collatéraux paternels, parce que le profès n'ayant plus de famille, n'en peut donner une à ses enfans, ni leur transmettre un droit de succéder qu'il n'a plus lui-même. »>

De cette distinction d'espèces et de gradation de principes, M. Ducastel concluait que Fortin n'ayant jamais pu succéder, et étant mort reli5e. TOME IX.

gieux, ses enfans ne pouvaient rien prétendre dans la succession de leur aïeul, ni exiger, au nom de leur père et par représentation, ce qu'il n'aurait pas pu exiger lui-même.

Ces principes ont triomphé. Par arrêt rendu en 1772, le conseil supérieur de Bayeux déclara les filles de Fortin non-recevables à demander la succession de leur aïeul de leur oncle paternel, et confirma cependant la première partie de la sentence qui les avait déclarées légitimes.

Les motifs qui déterminèrent l'arrêt, furent que la bonne foi de la mère peut bien suffire pour légitimer les enfans, mais qu'elle ne suffit pas pour transmettre aux enfans d'un religieux un droit qu'il n'aurait pas eu lui-même, et qu'il ne pouvait jamais avoir, étant mort civilement, et n'ayant jamais été relevé de ses vœux. On laissa aux demoiselles Fortin leur Légitimité et le droit du succéder tant à leur père qu'à leur mère; mais le père ne pouvant prétendre à aucune succession directe ni collatérale, ses enfans, qui ne venaient que par représentation, n'y pouvaient pas plus prétendre que lui.

[[ La question décidée par cet arrêt ne peut plus se présenter depuis l'abolition des vœux monastiques. (V. l'article Célibat.) Mais les principes qui en ont déterminé la décision, ne sont pas pour cela étrangers à la législation actuelle; ils sont encore applicables aux enfans nés de mariages qui seraient contractés de bonne foi avec des personnes mortes civilement. V. mon Recueil des Questions de droit, au mot Légitimité, § 5. ]]

VII. Pour que la bonne foi rende légitimes les enfans issus d'un mariage putatif, il faut que ce mariage ait été contracté avec toutes les formes et les solennités prescrites par les lois. C'est la décision expresse du chapitre cum inhibitio (1), et elle est fondée sur deux raisons: la première, que la bonne foi est peu probable dans deux personnes qui s'unissent dans une forme probibée: on la présume aisément dans ceux qui s'engagent publiquement, parce que l'innocence ne cherche jamais les ténèbres mais il n'en est pas de même de ceux qui, méprisant toutes les lois, ne forment qu'un concubinage, au lieu d'une union légitime; la seconde, que cette prétendue bonne foi ne les excuse pas, parce qu'ils commencent par une action illicite, et que c'est à eux à s'imputer tout ce qui arrive en conséquence.

Dulauri nous a conservé un arrêt du grand conseil de Malines, du 28 fevrier 1711, « par lequel (dit-il) la cour jugea que, pour déclarer un en» fant légitime d'un mariage nul, la bonne foi de » l'un ou de l'autre ne suffisait pas, mais qu'au

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» dessus devait concourir que le mariage fût cé. » lébré solennellement in facie ecclesiæ.

Cette maxime a été confirmée, en 1784, avec une grande solennité par le conseil souverain de Brabant.

Le prince Albert Octave de T'serclaes-Tilly, général des armées du roi d'Espagne, et la demoiselle Alexandrine de Bacq, fille d'un gentilhomme espagnol, ont donné le jour à une fille nommée Albertine, qui est née le 24 juillet 1703, et a été baptisée le 22 août suivant.

Cette fille était-elle légitime ? C'était la question à juger.

On alléguait pour l'affirmative, que le 17 octobre 1702, il avait été célébré entre le père et la mère un véritable mariage a dans l'oratoire du » prince (qui était alors en Brabant), en présence » de son valet de chambre, de son chirurgien, de » la mère de l'épouse et de Florence Valvoden, par » un prêtre nommé Ratemburg, chapelain ordinaire » de l'armée. »

On ne rapportait point d'acte de célébration: mais on se prévalait 1o d'une promesse de mariage sans date; 2o de plusieurs lettres écrites par le prince à Alexandrine de Bacq. L'adresse de trois de ces lettres était à madame la princesse de Tilly. Dans l'une, le prince l'appelait sa chère femme; dans une autre, il lui disait : soyez-moi fidèle, et vous rencontrérez un mari qui ne saura que vous chérir. Dans une troisième, ne doutez pas, 6 mon aimée femme ! Et dans une quatrième, il l'appelait ma chère épouse.

Une autre lettre fortifiait, et en même temps expliquait les présomptions qui naissent des quatre premières. En voici les termes: a Les écrits qui >> peuvent vous donner du contentement, et vous » préserver de tout souci, sont dans la cassette de »ma secrétairerie... J'ai reçu votre lettre, ma fille

D

bien-aimée, et vos déplorations de n'avoir pu » obtenir la cassette où étaient les écrits concer»nant notre mariage: ce n'est pas ma faute si » mon frère l'a emportée avec lui; mais, pour ré»médier à tout, je vous envoie mon blanc seing, » pour que vous en fassiez tout ce que vous esti» merez qui conviendra mieux, que vous preniez » votre sûreté, enfin, que vous ordonniez de ma » dernière volonté et de mes dispositions, en cas » que je meure, etc. J'ai beaucoup de chagrin de » celui que je vous ai causé, madame; vous êtes » ma femme, mais je vous ai dit qu'il était im» possible que cela se manifestat à cette heure. Ac>> cordez-moi cette grâce; que si vous me la refu» scz, je dirai que ce n'est pas la vérité, etc. »> Cette lettre, en prouvant qu'il existait effectivement un mariage clandestin, annonce qu'il régnait déjà entre les deux amans une certaine mésintelligence.

Quelque temps après, la demoiselle de Bacq présenta requête au proviseur-vicaire général de Pampelune, à l'effet d'obliger le prince de déclarer le mariage qu'il avait contracté avec elle, ou de le contracter de nouveau. A l'appui de cette demande,

elle produisait ses lettres, la promesse qu'il lui avait faite, et l'acte de baptême d'Albertine.

Le prince se défendit, et soutint qu'il n'y avait jamais eu de mariage.

Le proviseur, avant de prononcer sur le fond, condamna la demoiselle de Bacq à donner la caution judicatum solvi. Elle appela de cette sentence à tout juge compétent. Un second appel au nonce d'Espagne traduisit les parties devant lui pour éviter les longueurs et l'éclat de la procédure, elles s'empressèrent de faire un compromis entre

ses mains.

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Le 9 avril 1709, le nonce prononça en ces termes : Je condamne ledit seigneur don Albert» Octave, prince de T'serclaes, à se marier in » facie ecclesiæ, par paroles qui forment ́un mariage véritable, avec ladite dame dona Alexan» drine de Bacq, en dedans de trente jours, et en défaut de ce faire, je le condamne à ce qu'il dote » ladite dame à raison des dommages, et en consi» dération de son honneur, honnêteté et noble qualité, à la somme de 8,000 ducats, monnaie » de vellon, usitée et ayant cours dans ce royaume » de Castille. J'ai condamné aussi, comme je » condamne ledit seigneur à ce qu'il ait à donner » chaque année 350 ducats pour les alimens et » éducation de la fille qu'il a procréée de ladite » dona Alexandrine. »

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Le même jour que cette sentence fut rendue, la demoiselle protesta d'en appeter.

Elle se retira ensuite avec Albertine au couvent de las Ballecas, où le prince de Tilly lui fit remettre différentes sommes à compte des condamnations prononcées contre lui; elle y oublia pendant plus de trois ans sa protestation: mais lors qu'elle apprit qu'Albert - Octave se disposait à épouser la comtesse de Tilly, sa nièce, elle fit un manifeste qu'elle adressa au roi d'Espagne, au pape, aux cardinaux, aux évèques, et à toute la chrétienté, pour réclamer son époux, et protester contre l'atteinte qu'il allait porter à sa qualité d'epouse légitime, dont elle renouvelait la prétention. Cependant, malgré le manifeste, le roi approuva le mariage, le pape donna les dispenses nécessaires, et l'évêque de Madrid souffrit que le mariage fùt célébré dans son diocèse; ce qui prouve que la demoiselle de Bacq n'était pas regardée par toute l'Espagne comme l'épouse légitime du prince de Tilly. Ce mariage contracté en 1712, ne fut pas de londurée. Le prince de Tilly mourut le 3 septembre 1715, après avoir fait un testament qui contenait de nouvelles protestations de l'illegitimité de l'union à laquelle sa fille Albertine devait le jour.

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A la nouvelle de cet événement, la demoiselle de Bacq fit à la junte royale de justice et gouvernement de Barcelone, differentes poursuites qui tendaient à assurer l'exécution des condamnations pécuniaires prononcées à son profit et à celui de sa fille par la sentence de 1709.

Dix ans après, la mère et la fille présentèrent

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