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Trois raisons très-sensibles justifient notre assertion.

1o On a démontré, dans le § 1 de cette section, qu'un père est autorisé à priver son fils prodigue de sa Légitime, pour le réduire à de simples alimens; et c'est une vérité incontestable. Or, quelle est la conséquence de cette vérité?

Le père peut-il être gêné dans l'exercice de son droit par les créanciers de son fils prodigue? Le père ne leur doit rien ; il n'a point contracté avec eux; les engagemens auxquels son fils s'est soumis, forment la preuve de sa dissipation: c'est cette dissipation qui est le fondement de la disposition du père. Il y aurait donc une contradiction évidente dans la loi, si elle donnait au père une faculté dont il ne pourrait pas faire usage. Tant qu'il n'y a pas de prodigalité, le père ne peut pas priver son fils de sa Légitime; mais lorsque la prodigalité est constante, le père userait inutilement de l'autorité que lui confie la loi, si la distraction de la Légitime pouvait être demandée par les créanciers de son fils.

2o Le droit donné au père de priver son fils prodigue de sa Légitime, a pour objet la conservation des biens dans les familles : il est naturel qu'un père qui a ménagé avec soin le patrimoine qu'il a reçu de ses ancêtres, et qui l'a augmenté, ou par son travail ou par son économie, ait la satisfaction de le transmettre à ses descendans. Le législateur a voulu que le père, en mourant, fût assuré que son bien ne serait pas la proie des créanciers d'un enfant prodigue. Tel est le principal motif de la loi: Potuit pater providere nepotibus. Cet objet serait-il rempli, si les créanciers du fils obtenaient la distraction de sa Légitime?

Ce n'est pas tout l'exlérédation officieuse est établie moins en haine de l'enfant prodigue qu'en sa faveur.

La loi a voulu que le père laissât à ses enfans une Légitime, parce que, leur ayant donné la vie, il a contracté l'obligation de leur laisser au moins une partie de son bien à titre de subsistance; la loi a fixé cette obligation à une certaine portion qu'elle a appelée Légitime.

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Mais dans l'exhéredation officieuse, la subsistance de l'enfant prodigue est assurée, puisque le pêre est obligé de lui laisser des alimens: Eique quod sufficeret alimentorum nomine certum legasset. Ces alimens ne peuvent pas lui échapper; s'il avait la jouissance libre de sa Légitime, elle serait en peu de temps absorbée, et il se trouverait réduit à la plus cruelle extrémité. C'est cet inconvénient que la loi a prévu, et auquel elle a voulu apporter un remède salutaire : les alimens qu'elle lui assure, sont une table qu'elle lui présente dans son naufrage; il a un intérêt évident d'en profiter.

Mais si l'on accorde à ses créanciers la distraction de sa Légitime, toutes les vues de la loi sont dérangées; les principes de sagesse qui l'ont conduite, perdent leur effet, et l'enfant est privé de ses alimens: car il ne peut avoir deux Légitimes, l'une en propriété, l'autre en usufruit. La distrac

tion accordée aux créanciers, fait cesser la disposition qui assure ces alimens; et, par une suite nécessaire, on fait tourner au détriment des enfans, l'institution de la Légitime, qui n'a été faite qu'en leur faveur.

En un mot, on peut dire que la loi a établi deux sortes de Légitimes: l'une en faveur des enfans dont la conduite n'a rien de répréhensible: c'est une portion de biens en propriété, l'enfant en doit jouir librement, et il a la liberté de la transmettre à sa postérité; l'autre est destinée aux enfans prodigues, elle répond à leur situation; on ne peut pas les en priver sans s'écarter des sentimens d'humanité qui ont animé la loi: cependant ils perdraient cette Légitime, si la prétention des créan

ciers était accueillie.

30 Enfin, il est de principe général que les créanciers n'ont pas plus de droit que leur débiteur : l'enfant prodigue ne peut pas se plaindre du jugement de son père; son créancier, qui n'a qu'un intérêt subordonné, ne doit donc pas être écouté.

Le créancier a pu contracter avec le fils de famille; le titre de sa créance n'est pas nul, tant que l'enfant, devenu majeur, n'a pas été interdit pour cause de prodigalité : mais ce créancier doit s'imputer sa trop grande confiance et sa facilité; il a suivi la foi d'un homme qui n'avait aucun droit acquis: son débiteur avait une espérance; mais il pouvait en être frustré, ou par son prédécès ou par une exhérédation officieuse : le créancier est présumé s'être volontairement exposé à tous ces

événemens.

Supposons pour un moment qu'un fils contracte un mariage sans le consentement de son père, avant le temps fixé par les dispositions des ordonnances; il a mérité l'exhérédation : son père la prononce, et il n'y a aucun moyen de la détruire. Les créanciers de cet enfant pourront-ils faire valoir la bonne foi avec laquelle ils ont contracté ́et demander leur paiement sur la portion que l'enfant aurait dû avoir dans la succession du père ? Cela ne serait pas proposable.

Supposons encore qu'un enfant soit réduit à sa Légitime, et qu'après la mort de son père, les dettes excèdent le montant de la Légitime même; les créanciers seront-ils recevables à contester la disposition du père, lorsque le fils manque abso lument de moyens pour le combattre? Très-certai

nement non.

Et s'il en est ainsi dans le cas, soit de l'exhérédation complète, soit de la réduction à la Légitime', comment pourrait-il en être autrement de l'exhérédation officieuse?

L'enfant débiteur hypothèque, au profit de son créancier, tous ses biens présens et à venir les biens du père ne peuvent pas être compris dans les biens présens; ils ne peuvent être placés que dans la classe des biens à venir. Mais le père n'était pas obligé de laisser tous ses biens à son fils; il avait la voie de droit, ou de prononcer l'exhérédation, ou de réduire à la Légitime, ou de réduire aux alimens. L'enfant n'a pu donner pour gage que

l'espérance qu'il avait de succéder à son père : le créancier a pris cette espérance dans l'état où elle était, avec tous les événemens qui la rendaient incertaine; il s'en est contenté; il n'a de reproches à faire qu'à lui-même.

Ce n'est point ici le cas d'argumenter des formalités prescrites pour la publication des substitutions; le père n'est point obligé de faire connaitre ses dernières volontés. L'enfant n'a aucun droit pendant tout le temps que son père est vivant; c'est le moment du decès qui donne ouverture au droit du fils: alors le fils doit prendre ce que le père lui laisse, avec les charges et les conditions qui y sont attachées. Toutes les fois que la loi autorise la disposition du père, la condition du créancier doit être la mème, parce que le droit du fils n'existe que sous certaines conditions autorisées par la loi, et sans lesquelles l'enfant débiteur ne pourrait rien prétendre.

Il est vrai qu'une substitution ne peut être opposée aux créanciers que lorsqu'elle a été publiée; qu'elle ne produit d'effet à leur égard que du jour de sa publication: mais ces règles n'ont d'effet' que relativement aux biens qui sont dans la possession du débiteur; elles n'en ont aucun relativement à ceux sur lesquels l'enfant débiteur n'a qu'une expectative, qui peut ou manquer, ou ne se réaliser qu'avec des charges ou modifications.

Les dernières dispositions du père transmettent les biens aux petits-enfans: ainsi, dans aucun temps, les créanciers de l'enfant prodigue n'ont pu y acquérir ni hypothèque, ni aucun autre droit, parce que jamais ils n'ont appartenu à leur débiteur: ils ne cessent point d'appartenir au père tant qu'il est vivant, et ils passent aux petitsenfans. Aussi les créanciers ne peuvent-ils soutenir leur système, qu'en supposant qu'un enfant est propriétaire des biens de son père, même pendant sa vie, et que le père n'est qu'un simple usufruitier j mais c'est abuser de la fiction de droit, que le père et le fils sont censés la mème personne; la continuation de propriété du père aux enfans ne va pas jusqu'à dépouiller le père vivant.

On ne peut pas dire que le père trompe les créanciers de son fils, qu'il les induise en erreur; le père use de son droit. Celui-là ne commet point de fraude, qui ne fait qu'exercer un droit légitime. Les créanciers doivent connaître la condition de celui avec qui ils contractent; ils doivent savoir que leur débiteur est enfant de famille, assujetti à l'autorité de son père : ils ne doivent pas même ignorer que cet enfant de famille est de mauvaise conduite, qu'il a dissipé ce dont il jouissait avant de faire des emprunts. La mauvaise conduite est presque toujours publique et connue; on peut ment en acquérir la certitude, lorsqu'on n'en a point la connaissance personnelle.

aisé

Si l'enfant débiteur renonçait par fraude à la Légitime qui lui est due, la réclamation des creanciers serait alors favorablement écoutée : mais quand la privation de la Légitime est fondée sur la disposition de la loi, les créanciers ne

doivent point avoir plus de droit que leur débi

teur.

Les créanciers sont d'autant plus mal fondés, que c'est contre eux que la loi a été faite ; c'est pour soustraire les biens à leurs poursuites, que le père a été autorisé à réduire son fils à la Légitime: la loi a autant en vue les créanciers antérieurs à la substitution que les créanciers postérieurs, puisque c'est l'existence des créanciers antérieurs qui forme la preuve de la dissipation.

Ces réflexions répondent à toutes les objections qu'on oppose à la jurisprudence actuelle. On cite plusieurs auteurs et plusieurs arrêts; mais ces autorités sont détruites par des autorités contraires; et dans une matière aussi intéressante, il serait dangereux de se fixer à des arrêts qui nécessairement doivent dépendre de circonstances particulières. Tantôt la prodigalité n'est pas prouvée, tantôt elle n'est pas exprimée dans le testament; et dans un cas comme dans l'autre, ce n'est point le droit que les arrêts jugent, mais le fait seul.

III. Lorsque le légitimaire n'est pas exclu justement de la portion que la nature et la loi lui donnent, ses créanciers peuvent en demander la distraction libre et entière. On a même vu plus haut, sect. 3, 5, que la jurisprudence française ne permet pas à leur débiteur de les priver de ce droit,

par

la renonciation qu'il y ferait lui-même. Aussi n'a-t-on jamais fait la moindre difficulté de re cevoir leur réclamation, lorsque le légitimaire l'approuvait expressément, ou au moins par son silence. Brodeau en rapporte deux arrêts des 9 mars 1609 et 29 juillet 1625.

Basnage en cite un autre rendu en 1 1658. Le Journal des Audiences nous en fournit un

quatrième du 30 août 1664.

<< Nous en avons un cinquième (disent les ré» dacteurs du Journal du Palais) qui met encore la question hors de toute difficulté. Il a jugé, » le 15 mars 1672, que, nonobstant la substitu» tion faite par le testament de M. le prince de » Guémené père, de toute la portion héréditaire » de son fils puîné, sans cause de dissipation, » M. le prince de Guémené, fils puiné, était en » droit, conjointement avec ses créanciers, de demander distraction de sa Légitime en corps hé» réditaires. >>

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Il y en a un sixième du 6 septembre 1674, rapporté dans la section 6 de cet article.

On en trouve un septième du 30 juin 1678 dans le Journal du Palais.

Le parlement de Flandre a jugé la même chose par un arrêt du 8 août 1729; et cette décision est très-remarquable, en ce qu'elle prouve que la jurisprudence belgique n'exclut les créanciers de la demande en distraction de Légitime, que lorsque leur débiteur y a renoncé expressément.

Le sieur Gaspard Hériguier avait substitué, par son testament du 30 novembre 1625, tous les biens qu'il avait laissés à sa fille.

Celle-ci en avait joui jusqu'à son décès, sans penser à en distraire sa Légitime.

Après sa mort, ses créanciers demandèrent cette distraction: on leur opposa le consentement qu'elle avait donné à l'exécution du fidéicommis sur toute sa portion héréditaire; ce qu'on pouvait, 1° par l'acceptation qu'elle avait faite judiciairement des dernières volontés de son père, avec promesse de les. remplir; 2o par le partage qu'elle avait fait avec ses frères, et dans lequel il était dit qu'elle se soumettait de tout laisser à la conservation de ladite clause de fideicommis, sans jamais aller contre, renonçant par foi et scrment à toutes choses contraires.

Les créanciers ont répondu qu'à la vérité une renonciation expresse de la part de leur débitrice aurait formé, suivant les lois romaines et les arrêts du parlement de Flandre, une barrière insurmontable contre leur demande; mais que la demoiselle Hériguier ne pouvait pas être censée avoir répudié sa Légitime par l'approbation vague et générale qu'elle avait donnée au testament; que par conséquent ils étaient fondés à en réclamer la distraction, puisque c'était un bien dont elle était saisie au moment de sa mort.

Sur ces raisons, est intervenu, au rapport de M. de Forêt, l'arrêt cité, qui • déclare la Légitime de ladite Hériguier soumise à ce qui reste dû > aux demandeurs de l'obligation de 38,000 livres » de gros, du 2 juillet 1640, etc. ».

Le parlement de Paris vient de confirmer cette jurisprudence par un arrêt célèbre, dont voici l'espèce.

Le duc de Bouteville épousa, en 1717, la demoiselle d'Arlus de Vertilly. Leur contrat de mariage portait une donation universelle de tous les immeubles, présens et à venir, qui leur appartenaient ou leur écherraient par succession, donation ou legs, au fils ainé à naître du mariage, avec charge de substitution en faveur de l'aîné mâle de cet enfant, et ainsi à l'infini tant que la substitution pourrait s'étendre.

De ce mariage est né un seul enfant, le duc d'Olonne.

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En 1735, il épousa, âgé de seize ans, la demoiselle de Bullion de Fervaque, et prit, dans le contrat de mariage, la qualité de donataire de tous les biens compris dans la donation de son père et de sa mère, aux charges de substitution » y portées. » Devenu veuf, il reprit les mêmes qualités en 1753, dans un second contrat de mariage passé avec la dame de la Rochefoucault, et dans un troisième contrat de mariage, en 1762, avec la demoiselle de Martevillle.

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pelé après lui. Le duc et la duchesse de Bouteville, vivaient encore, celle-ci est décédée en 1769.

Un arrêt du 10 décembre 1773 a envoyé le duc de Luxembourg, le prince de Luxembourg, et la dame de Serrant, leur soeur, en possession des biens échus au duc d'Olonne, pour le paiement de leurs créances du chef de la demoiselle de Fervaque, leur mère, à la charge de rendre compte aux autres créanciers de leur père, le duc d'Olonne, unis en corps de direction. Cette même année, les créanciers ont formé une demande en distraction de Légitime, qui a été renvoyée aux requêtes du palais.

Le 31 août 1778, sentence qui donne acte au tuteur à la substitution de ce qu'il s'en rapporte à la prudence de la cour; et, du consentement du duc de Luxembourg, ordonne que la Légitime sera distraite au profit des créanciers sur la succession de la dame de Bouteville; ordonne l'estimation des biens, pour être procédé au partage, si faire se peut, sinon à la licitation par-devant le commissaire de la cour nommé à cet effet, le duc de Luxembourg, comme l'un des premiers créanciers, chargé des opérations.

Le 29 août 1781, M. le procureur général, comme chargé de veiller aux droits de substitutions, a interjeté appel de la sentence de distraction. Le tuteur à la substitution en a également appelé; et c'est ce qu'a aussi fait le duc de Luxembourg, en prenant des lettres de rescision contre son acquiescement à la demande en distraction..

La cause a été plaidée sur l'appel, par MM. Courtin et de Bonnières, pour le tuteur à la substitution et pour le duc de Luxembourg; par M. Martineau, pour le prince de Luxembourg et la dame de Serrant, créanciers du duc d'Olonne, à raison des indemnités et reprises de feue la dame d'Olonne, leur mère; et par M. Target, pour les syndics et directeurs des créanciers unis du duc d'Olonne.

On soutenait, en faveur de la substitution, que les créanciers étaient mal fondes dans leur demande en distraction de Légitime; et l'on invoquait «< la faveur des contrats de mariage, qui sont » des actes synallagmatiques, obligatoires pour >> tous les contractans, dont l'effet est de lier, par >> des engagemens mutuels et réciproques, les do>> nateurs, le donataire, et les deux familles qui >> contractent sous cette assurance. » On prétendait qu'il ne doit pas y avoir lieu à une demande en distraction de Légitime de la part d'un enfant qui doit recueillir la totalité des biens de son père et de sa mère, en qualité de donataire universel par son contrat de mariage, le vœu de la loi étant beaucoup mieux rempli quand l'enfant reçoit tout, que lorsqu'il restreint ses droits à la moitié; qu'il est toujours permis à un père et à une mère de faire la condition du légitimaire meilleure, et à celui-ci de l'accepter; que les créanciera, n'ayant pas plus de droit que leur débiteur, ne peuvent exercer que les droits que l'intérêt du legitimaire bien entendu lui aurait conseillé de soutenir; que

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la faveur de la Légitime n'a été introduite que pour l'avantage des enfans; qu'elle n'a d'autre objet que leur subsistance; que, si la loi a défendu aux pères et aux mères d'y porter atteinte, c'est parce qu'elle a voulu que les enfans trouvassent une subsistance assurée dans leur Légitime; que ce serait abuser évidement de l'esprit et des termes de la loi, que d'interpréter contre les enfans un privilége qui n'a été créé que pour eux; en un mot, que ce serait les priver eux et leur postérité des biens que la prudence et la sagesse de leurs aïeux avaient voulu leur assurer.

De la part des créanciers, on a établi en point de droit, que jamais un enfant ne peut être privé de sa Légitime entière et franche par le fait de son père et de sa mère; que, quelques dispositions que fassent le père et la mère, l'enfant qui n'a pas encouru leur disgrâce, doit toujours avoir sa Légitime, et l'avoir en pleine propriété et sans aucune charge, à moins qu'il n'y ait renoncé expressément et dans un temps utile, c'est-à-dire, postérieurement à l'ouverture des successions, toute autre renonciation antérieure étant nulle. Ils ont d'ailleurs établi, dans le point de fait, que jamais leur débiteur n'avait renoncé expressément, ni été à même de renoncer à la demande en distraction de Légitime; que, dès-lors, ayant toujours été en droit de former cette demande, les créanciers, qui exercent tous les droits de leur débiteur, sont bien fondés à la demander.

M. l'avocat général Séguier avait été frappé des moyens présentés en faveur de la substitution, contre la demande des créanciers; il les avait même développés avec toute l'énergie dont il est capable, et avait conclu à l'infirmation de la sentence et à ce que les créanciers fussent déboutés de leur demande.

Mais l'arrêt du 9 août 1782, après un délibéré sur-le-champ, a confirmé la sentence des requêtes.

tier's, tantôt la moitié, tantôt les deux tiers de la portion qu'on aurait recueillie ab intestat.

Cette quotité, à entendre Lebrun, est toujours en raison inverse du nombre des copartageans ab intestat; en sorte que plus il y a de copartageans, moins elle est forte; et moins il y a de copartageans, plus elle est considérable. Il importe donc à un légitimaire, suivant le mème auteur, qu'il y ait peu de personnes à compter dans la supputation dont il s'agit; et au contraire, l'intérêt de celui qui est chargé de fourrir la Légitime, demande qu'il y en ait beaucoup.

Cette observation est indistinctement vraie dans la coutume de Paris et dans toutes celles qui ne font pas dépendre la quotité de la Légitime du nombre des légitimaires: mais elle est trop géné– rale pour le droit romain et les coutumes qui s'y conforment. En effet, lorsqu'il s'agit de fixer la quotité d'une Légitime, les légitimaires sont certainement intéressés à ce que le nombre des copartageans ab intestat soit de cinq, plutôt que de quatre, puisqu'au premier cas, leur Légitime est la moitié de leur portion ab intestat; au lieu que, dans le second, elle n'en forme que le tiers. Ce n'est que quand la quotité est déterminée et qu'il ne s'agit plus que d'en. régler la distraction, que les légitimaires ont intérêt d'avoir peu de concurrens alors, il est vrai, leur condition est d'autant plus avantageuse, que le nombre des copartageans ab intestat est moins grand. Supposons, par exemple, qu'un père laisse six enfans, et qu'un autre en laisse huit; les premiers et les seconds auront également pour Légitime la mo.. é de ce qu'ils auraient eu ab intestat; mais cette moitié sera plus forte pour les uns que pour les autres, parce que ceux-ci n'ayant droit ab intestat qu'à un huitième chacun, leur Légitime ne peut être que d'un seizième : au lieu que ceux-là ayant droit ab intestat à un sixième chacun, leur Légitime doit être d'un douzième.

Ainsi, selon le système du droit romain, lorsSECTION VIII. De la liquidation de la qu'on fait entrer quelqu'un dans une supputation Légitime. de Légitime, c'est, tantôt pour augmenter la portion du légitimaire, tantôt pour la diminuer.

Une fois la quotité d'une Légitime bien connue, il reste à en faire la liquidation, c'est-à-dire, déterminer les objets qui doivent la former, et mettre le légitimaire à portée d'en obtenir la distraction ou de s'en procurer le paiement..

Pour faire cette opération avec justesse, il est essentiel de savoir

10 Quelles personnes on doit compter pour supputation de la Légitime;

la

20 Quels biens on doit faire entrer dans la composition de la masse dont la Légitime doit être distraite;

3 Quelles imputations le légitimaire est tenu de souffrir.

§ I. Des personnes que l'on doit compter pour la supputation de la Légitime.

I. Nous avons dit que la Légitime est tantôt le

Il importe de ne pas perdre de vue cette distinotion outre qu'elle empèche de confondre deux choses très-distinctes l'une de l'autre, elle peut encore simplifier certaines questions que les commentateurs ont embrouillées.

II. On dit communément, des personnes qui entrent dans la supputation, qu'elles font part: cette expression ne convient qu'à ceux dont l'existence fait, diminuer la Légitime celle de faire nombre est plus juste, parce qu'elle s'applique aussi bien à l'augmentation qu'à la diminution.

III. Ces notions présupposées, voyons quelles sont les personnnes qui font nombre, et quelles sont celles qui ne le font pas.

Dans la première classe, sont incontestablement tous ceux qui, ayant le droit de prendre une Légitime, la prennent effectivement, ou se portent héritiers ; c'est une de ces vérités qui se sen

tent d'elles-mêmes et qu'on obscurcirait en voulant les démontrer. Voilà pourquoi les frères sont comptés dans la liquidation de la Légitime d'un ascendant, lorque le défunt a institué une personne infâme.

Il faut cependant remarquer que ceux qui ont droit de Légitime, sont quelquefois comptés d'une maniére différente les uns des autres. C'est ce qui arrive dans le cas où des petits-enfans concourent avec leurs oncles ou leurs tantes dans la succession d'un aïeul; car alors ils ne font tous ensemble qu'une tête, tandis que chacun des oncles et des tantes fait nombre à part.

IV. Jusqu'ici tout est clair; mais voici quelque chose de plus embarrassant. Il peut arriver qu'une personne refuse d'exercer un droit de succession ou de Légitime, quoiqu'il soit ouvert en sa faveur : dans ce cas, fera-t-elle nombre?

Il faut distinguer 1° si la renonciation est gra. tuite ou faite moyennant une récompense quelconque; 2o si, étant gratuite, elle est pure et simple, ou en faveur de quelqu'un.

Lorsque la renonciation est tout à la fois gratuite, pure et simple, celui qui l'a faite ne doit point être compté dans la supputation de la Légi

time.

C'est ce qu'établissent Ricard, Lebrun, Rousseaud de Lacombe ; et c'est ce qui résulte clairement de la loi 17, D. de inofficioso testamento: celui, dit-elle, qui répudie la querelle d'inofficiosité dont il pourrait se servir pour faire casser un testament, ne fait point part au préjudice de ceux qui. veulent intenter cette action: Qui repudiantis animo non venit ad accusationem inofficiosi testamenti, partem non facit iis qui eamdem querelam movere volunt.

La loi 10, § 4, D de bonorum possessione contra à tabulas, établit implicitement la même chose, en mettant en principe que toute personne qui ne prend rien, ne doit point faire part; Liberi qui contra tabulas habere non possunt, nec partem faciunt, si per alios commitatur edictum; quo enim bonum est eis favere, ut partem faciant, nihil habituris?

D

On peut ajouter avec Lebrun, liv. 2, art. 3, sect. 6, no 4, a que la Légitime étant une certaine portion de ce qu'on aurait eu ab intestat, il n'est pas juste que celui qui est exclu par..... sa renonciation pure et simple, et qui ne serait pas » venu à la succession, fasse part dans la Légi» time pour diminuer les portions des légitimaires...

C'est ainsi qu'en matière de substitution, celui » qui ne recueille pas actuellement le fideicommis, » n'est point compté et ne fait point. de degré, » parce que les degrés se comptent avec effet, et » ne se peuvent trouver remplis que par une res>>titution actuelle. »

Ce passage et les lois citées ne roulent que sur la question de savoir si le renonçant fait part, c'est-à-dire, s'il doit être compté pour la diminution de la Légitime: mais on peut dire indistinctement qu'il ne fait pas nombre, c'est-à-dire, qu'on

.

ne doit pas non plus le compter pour l'augmenta

tion.

En effet, pourquoi l'empereur Justinien a-t-il voulu que la quotité de la Légitime augmentât en raison directe du nombre des successeurs ab intestats en sorte qu'elle fût bonnée au tiers, lorsque ceux-ci ne seraient pas plus de quatre, et qu'elle fût portée à la moitié, quand ils excéderaient ce nombre?

C'est parce que naturellement la quotité d'une portion ab intestat doit être d'autant moins avantageuse, que la portion elle-même est plus petite, et que la portion est toujours d'autant plus petite, que le nombre des copartageans est plus grand. Justinien n'a donc cherché, dans sa novelle 18, qu'à compenser le tort que faisait aux légitimaires la multitude des copartageans: et en effet, il leur a rendu, ou du moins il a cru leur rendre, par l'augmentation de la quotité à prendre sur leur portion ab intestat, ce que leur ôtait la diminution de la portion même. Or, celui qui renonce purement et simplement à l'hérédité, ne diminue pas

la portion de ses cohéritiers, puisqu'il ne concourt point avec eux;il ne diminue pas non plus la quotité à prendre sur cette portion, puisqu'on ne peut pas entamer une partie, lorsqu'on laisse le tout entier, il n'est donc pas possible de lui appliquer le motif de la novelle 18; et comme on ne doit pas étendre une loi au delà de la raison qui l'a fait porter, sa personne ne doit être d'aucune considération pour le réglement de la quotité de la Légitime.

V. Lorsque la renonciation est à la vérité gratuite, mais en faveur, il faut distinguer si elle a été faite au profit de tous les héritiers, ou d'un d'entre eux. Dans le premier cas, le renonçant ne fait point nombre, parce que c'est absolument la même chose de renoncer purement et simplement, ou de le faire en faveur de tous ceux que la loi appelle à la succession. « Car (dit Lebrun), si quel» qu'un renonce au profit de ses frères et de ses >> sœurs, avec clause de cession et transport, il » semble qu'il ne fait que s'abstenir de la succession, et que sa cession n'est en effet qu'une re» nonciation pure et simple, parce qu'elle n'a que » le même effet., ses frères et soeurs profitant éga»lement de sa renonciation, et l'un d'entre eux » n'étant pas plus favorisé que l'autre. »

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Si la renonciation est en faveur d'un seul, ou même de plusieurs d'entre les cohéritiers, elle a tout l'effet d'une cession; et comme on ne peut rien donner sans l'avoir acquis auparavant, elle équivaut à une acceptation d'hérédité de la part de celui qui l'a fait. Or, il est constant qu'on doit compter et mettre en nombre tous ceux qui, ayant droit de Légitime, prennent réellement part à la succession. Il faut donc nécessairement faire entrer le renonçant dont il s'agit, dans la supputation de la Légitime, comme Dumoulin sur l'ancienne coutume de Paris, § 9, gl. 4, no 7, le fait entrer dans la liquidation du droit d'ainesse.

Les arrêts ont confirmé la différence que nous

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