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les biens substitués, on ne peut cependant pas dire qu'ils se soient, par cette approbation, placés textuellement dans la position contradictoire que condamne cette loi.

Mais, si de toutes les lois que nous venons de passer en revue, il n'en est pas une seule que l'on puisse adapter à notre espèce, n'y en a-t-il pas d'autres qui s'élèvent formellement contre la conduite tenue dans cette affaire par les sieurs D-brouchoven et consorts ?

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Qu'ont demandé les sieurs Debrouchoven et consorts dans cette affaire? Deux choses: le délaissement des biens substitués à leur profit par le père du testateur, et dont le testateur avait disposé à leur préjudice, et les Legs dont le testateur luimême les avait gratifiés. Or, pouvaient-ils exiger ces deux choses successivement?

» Il est certain que, s'ils avaient commencé par demander leurs Legs et se les faire payer, ils auraient été non-recevables à critiquer la disposition que le testateur avait faite de leur part dans les biens substitués. C'est un principe universellement reconnu, que le légataire qui accepte son Legs se met, par cela seul, dans l'impossibilité de réclamer utilement contre les dispositions du testateur qui, sans blesser le droit public ni les bonnes mœurs, porte atteinte à ses droits personnels; et ce principe est consacré par les textes les plus précis du droit romain.

» Ainsi, quand un testateur a dit: Je lègue d Pierre mille écus; et je lègue & Paul telle maison qui appartient à Pierre ; si Pierre reçoit les mille écus qui lui ont été légués, il ne pourra, sous aucun prétexte, se dispenser de donner sa maison à Paul. En vain même prétendrait-il que sa maison vaut plus de mille écus; en vain, d'après cela, voudrait-il, pour conserver sa maison, rendre à Paul les mille écus qui lui ont été comptés par l'héritier du testateur; on ne l'écouterait pas: Enim verò si, pecuniâ acceptá, rogatus sit rem propriam, quanquam majoris pretii est, restituere, non est audiendus legatarius, Legato percepto, si velit computare: non enim æquitas hoc probare patitur, si quod Legatorum nomine perceperit legatarius, offerat: ce sont les termes de la loi 70, 1, D. de Legatis 2o.

Il y a pourtant une exception à cette règle; mais elle est restreinte au cas où le Legs fait à la charge de donner sa propre chose qui vaut plus que la somme léguée, a été recueilli par un mineur; et la loi qui établit cette exception, déclare expressément que le légataire majeur à qui une pareille charge a été imposée, n'a que l'option entre son Legs et la conservation de sa chose; qu'il peut bien conserver sa chose en répudiant son Legs; mais qu'en acceptant son Legs, il contracte irrévocablement l'obligation d'abandonner sa chose. Si minor viginti quinque annis (dit la loi 33, de minoribus au Digeste) servum suum qui pluris quam in testamento ei legatum sit, manumittere rogatus fuerit, et Legatum acceperit: non cogendum prestare libertatem, si Legatum reddere pa

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ratus sit Julianus respondit: ut quemadmodum majoribus liberum sit non accipere, si nolint manumittere, sic huic reddendi Legatum neces itas

manumittendi remittatur.

Aussi le premier chapitre de la première Novelle décide-t-il, dans les termes les plus généraux et les plus absolus, que le simple légataire doit, comme le fideicommissaire particulier, comme le fideicommissaire univers!, comme l'héritier instítué, respecter et exécuter toutes les dispositions du testateur de qui il a reçu une libéralité quelconque, pourvu qu'elles ne soient ni contraires aux bonnes mœurs, ni prohibées par la loi : Sancimus eos qui ab aliquibus scripti sunt heredes, aut meruerunt fideicommissa per universitatem forsan aut per speciem, AUT LEGATUM, necessitatem habere, quæcumque testator aut honorans eos disposuerit, omnimodo ea complere, si quod præcipitur legitimum sit, aut si non illud aliqua lex prohibeat. Et pour ne laisser aucun doute sur l'applicabilité de cette loi aux légataires qui, dans le fait, y sont assez clairement désignés par les mots, meruerunt fideicommissa... aut Legatum, Justinien a encore soin d'y revenir dans le § 4 du même chapitre tout ce que nous venons de prescrire (dit-il), devant avoir lieu, his omnibus obtinentibus, quoique ce ne soit pas à son héritier, mais à son légataire, ou à son fideicommissaire, ou à son donataire à cause de mort que le testateur a imposé la charge de donner ou faire quelque chose au profit d'un tiers: Licet non ab herede sed A LEGATARIO, aut fideicommissario, aut mortis causâ præcipiente dari aliquid aut fieri testator voluerit.

»Objectera-t-on que cette novelle et les deux lois citées du Digeste, dont elle retrace les décisions, ne portent que sur le cas où le testateur a grevé directement le légataire, de la disposition à l'accomplissement de laquelle celui-ci se refuse; que, dans notre espèce, il n'y a, de la part de Gottignies fils, aucun ordre donné, aucune prière adressée aux sieurs Debrouchoven et consorts, d'abandonner aux héritiers universels qu'il institue, les parts qu'ils peuvent prétendre dans les biens substitués par son père; qu'ainsi, on ne peut pas regarder les Legs dont il les gratifie, comme grevés de la charge de cet abandon ; et que conséquemment les textes dont il s'agit, ne sont pas applicables à ces Legs ?

Nous répondrons que le fait et le droit concourent également ici à écarter cette objection.

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Dans le fait, le testateur a mis dans son testament tout ce qu'il fallait pour équipoller à l'ordre qu'il aurait pu donner, à la prière qu'il aurait pu adresser directement aux sieurs Debrouchoven et consorts, d'abandonner à ses héritiers institués les parts qu'ils avaient à prétendre dans les biens grevés de substitution; et en effet, il y a dit en termes exprès: Nous déclarons ceci être notre ordonnance de dernière volonté, que nous voulons valoir en la meilleure forme et manière qu'elle pourra subsister; et dans l'acte notarié du lendemain, par lequel il a reconnu authentiquement, pour son

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propre ouvrage le testament qu'il avait fait la veille en forme olographe, il a encore dit: Voulant et ordonnant qu'il sorte son plein et entier effet, soit par forme de testament, codicille, donation à cause de mort et disposition de dernière volonté, ou autrement, en la meilleure forme que faire se pourra; déclaration qui constitue bien clairement ce qu'on appelle en droit la clause codicillaire, c'est-à-dire, la clause par laquelle le testateur est censé prier ceux au préjudice desquels il dispose, et au besoin leur ordonner d'exécuter comme fideicommis les dispositions qu'il fait en faveur d'autres personnes.

» Dans le droit, il n'est pas vrai que les deux lois du Digeste et la novelle dont nous venons de rappeler les expressions, soient restreintes au cas où le testateur, en disposant des propres biens de son légataire, lui a expressément imposé la charge d'exécuter sa disposition. Elles décident, au contraire, simplement et en général, que le légataire des biens duquel le testateur a disposé, doit, après avoir reçu son Legs, abandonner ses biens à la personne à qui le testament les défère : elles n'exigent point pour cela que la charge de les abandonner soit littéralement écrite dans le testament; et comment pourraient-elles faire dépendre d'une pareille clause, le sort de la disposition faite par le testateur des biens du légataire? une clause de cette nature est nécessairement sous-entendue dans un testament qui contient à la fois et la disposition d'un bien qui n'appartient pas au testateur, et un Legs au profit du propriétaire de ce bien. Il est évident que le testateur, en honoraut d'un Legs le propriétaire du bien dont il dispose, entend le mettre dans l'alternative, ou d'exécuter la disposition qu'il fait de son bien, ou de renoncer au Legs dont il l'honore. Les lois et la novelle citées seraient souverainement ridicules, si elles disaient autre chose; mais la vérité est qu'elles ne disent que cela. » Il peut bien y avoir là-dessus quelque équivoque dans la loi 70, § 1, D. de legatis 2o, qui dit: Si, pecuniâ acceptâ, rogatus sit rem propriam restituere; ces termes peuvent bien signifier: « Au » moyen de telle somme que je vous lègue, je vous prie de donner à un tel telle chose qui vous ap» partient. »>

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Mais la loi 33, de minoribus, s'exprime d'une manière qui embrasse à la fois et le cas où le testateur a fait du Legs du bien du légataire, la condition du Legs dont il gratifie celui-ci, et le cas cù le testateur s'est contenté purement et simplement de léguer telle chose qui lui appartient, à Paul, et de léguer à Pierre telle chose qui appartient à Paul lui-même : Si minor viginti quinque on ris servum suum qui pluris quam in testamento ei legatum sit, manumittere rogatus fuerit.

Mais la novelle re veut, dans les termes les plus absolus, que les légataires accomplissent toutes les volontés du testateur qui les a honoré de ses bienfaits necessitatem habere quacumque testator aut honorans eos disposuerit, omnimodo ea complere ; mais ces lois et cette novelle ne sont que la con

séquence immédiate et l'application directe d'un grand principe de droit que nous trouvons consigue dans la loi 149, D. de regulis juris, savoir que l'on ne peut pas diviser les dispositions simultanées d'une même personne, accepter celles qui sont favorables, et rejeter celles qui sont onéreuses Ex quâ persona quis lucrum capit, ejus factum præstare tenetur : elles ne sont que la conséquence immédiate et l'application directe de cet autre principe, non moins conforme au bon sens et à l'équité naturelle, que l'on ne peut pas jouir des profits sans supporter les charges, et qu'en acceptant les uns, on se soumet nécessairement aux autres: Quisent commodum, sentire debet onus.

>> Nous avions lonc bien raison de dire que, si les sieurs Debrouchoven et consorts avaient com

mencé par se faire payer leurs Legs, ils n'auraient plus éte recevables à s'élever contre la partie du testament qui disposait, à leur préjudice, de tous les biens substitués par Gottignies père. Mais cela posé, comment ont-ils pu, après avoir fait annuler cette partie du testament, obtenir la délivrance de leurs Legs? Comment la cour d'appel de Bruxelles a-t-elle pu ne pas leur dire: Vous aviez l'option entre vos Legs et votre part dans les biens substitues; vous avez demandé, vous avez obtenu votre part dans les biens substitués, il n'y a donc plus pour vous de Legs à réclamer: rons avez consommé votre choix; vous ne pouvez plus varier? Et n'a-t-il pas toujours été de principe, qu'un majeur ne peut plus revenir sur une option qu'il a faite volontairement?

>> Prétendra-t-on, du moins, qu'en jugeant ainsi, la cour d'appel de Bruxelles ne s'est écartée d'aucune loi expresse?

Mais quoi! y a-t-il des lois plus expresses que celles qui interdisent aux majeurs toute variation en matière de choix? Cette interdiction n'estelle pas écrite dans toutes les lois romaines qui s'occupent notamment de dispositions testamentaires? N'est-elle pas consignée en toutes lettres dans la loi 5 et dans la loi 84, § 8 et 9, D. de legatis 10; dans la loi 11, D. de legatis 2o; dans la loi 20, D. de optione vel electione legata?

» Ne sait-on pas d'ailleurs que les lois romaines déclarent formellement indigne des bienfaits d'un testateur, le légataire qui s'est refusé à l'accomplissement de ses volontés? Cur enim (dit la loi 55, $3, D. ad senatus-consultum Trebellianum) non videretur indignus, ut qui destituil supremas defuncti preces, consequatur aliquid ex voluntate?

éta

» Le chapitre premier de la première novelle n'est pas moins positif là-dessus. Après avoir, comme nous le disions il n'y a qu'un instant, bli que les héritiers et les légataires ne peuveut se dispenser d'accomplir toutes les dispositions du testateur de qui ils tiennent leurs institutions ou leurs Legs; après avoir par là, décidé que les sieurs Debrouchoven et consorts n'auraient pas été recevables, s'ils avaient commencé par accepter et recevoir leurs Legs, à demander leur portion dans les biens substitués dont Gottignies fils les avait entièrement exclus; Justinien prévoit le cas où les

dispositions du testateur demeureraient sans exécution, soit de la part des héritiers institués, soit de la part des légataires qui en étaient chargés.

Et d'abord, il déclare que l'héritier institué doit être privé de l'hérédité, si, averti juridiquement, il laisse écouler une année sans se mettre en devoir d'obéir à la volonté du défunt: Si non implens quod dispositum est, sed dùm competat ei qui honoratus est, quod relictum est, etiam ex decreto judicis admonitus, annum totum protraxerit, non agens hoc quod præceptum est.

» Il règle ensuite le sort de l'hérédité dont est ainsi prive l'héritier réfractaire; il la fait passer à ses coinstitués; à leur défaut, à ceux que le défunt lui a substitués vulgairement; au défaut de ceuxci, aux légataires et aux fidéicommissaires, et enfin, au défaut de ceux-ci, au fisc.

» Puis, venant aux légataires, aux fideicommissaires et aux donataires à cause de mort, qui vont pareillement contre les dernières volontés de leur bienfaiteur, il veut qu'on leur applique tout ce qu'il vient d'ordonner contre l'héritier institué; qu'on les prive de leur Legs, de leurs fideicommis, de leurs donations; que ces Legs, ces fideicommis, ces donations passent à ceux que le testateur a appelés à leur defaut; et qu'en cas que le testateur n'en ait point appelé, le fisc en recueille tout l'avantage : His omnibus obtinentibus, licet non ab herede, sed à legatario aut fideicommissario aut mortis causa præcipiente, dari aliquid ant fieri testator voluerit; eodem ordine in occasione ABLATARUM RERUM servando, et inchoando quidem à subtitutis legatariis, terminante vero in fisco.

» Nous savons bien que cette loi est tombée en désuétude relativement à celles de ses dispositions qui concernent les intérêts du fisc, et que depuis long-temps le fisc ne profite plus des effets de l'indignité qu'encourt un légataire par sa résistance aux dernières volontés du testateur. Mais l'indignité elle même n'en subsiste pas moins; mais les effets qu'elle produisait dans le droit roniain, n'en sont pas moins reconnus par notre jurisprudence; mais il n'en est pas moins constant parmi nous comme il l'était à Rome, que le légataire ne peut pas conserver ce que le testateur lui a légué, lorsqu'il ne fait pas ce que le testateur lui a ordonné; lorsqu'il fait ce que le testateur lui a defendu; lorsqu'il se met, d'une manière quelconque, en opposition avec l'intention formelle et bien prononcée du testateur.

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les sieurs Debrouchoven et consorts avaient à choisir entre l'acceptation de leurs Legs et l'exercice des droits que leur donnait la substitution créée par Gottignies père.

» Eh bien! le choix qu'ils avaient à faire, ils l'ont fait ils ont combattu, ils ont fait détruire la disposition du testateur qui les privait des biens substitués ; ils se sont donc rendus eux-mêmes indignes des Legs que le testateur leur avait laissés; ils ne peuvent donc plus réclamer ces Legs; ils en sont donc irrévocablement exclus; la cour d'appel de Bruxelles a donc, en jugeant le contraire, violé la loi 55, § 3, D. ad senatus-consultum Trebellianum, et le chap. 1 de la première novelle de Justinien.

» Mais, a dit la cour d'appel de Bruxelles, c'est par erreur que Gottignies fils a privé les sieurs Debrouchoven et consorts des biens substitués : il ne les en a privés que parce qu'il croyait erronément en tenir le pouvoir du testament de son père; il n'a donc pas voulu les en priver réellement : car errantis nullus est consensus; on doit donc considérer son testament comme disposant au profit des sieurs Debrouchoven et consorts, non-seulement des Legs qui y sont écrits, mais encore des biens auxquels ils étaient appelés par substitution; les sieurs Debrouchoven et consorts peuvent done réclamer à la fois et ses biens et leurs Legs.

» Est-ce bien sérieusement, messieurs, que la cour d'appel de Bruxelles a consigné un pareil argument dans son arrêt ? Est-ce bien sérieusement qu'elle a dit que Gottignies fils avait donné aux sieurs Debrouchoven et consorts, ce qu'il leur avait expressément ôté ? Est-ce bien sérieusement qu'elle a présenté ces mots donner et ôter comme synonymes dans l'intention de Gottignies fils?

Mais ces cas quels sont-ils ? Ce sont ceux où l'erreur est l'unique cause finale, non-seulement de la disposition, mais encore de la volonté de disposer.

» Sans doute il est des cas où, dans les testamens comme dans les conventions', l'erreur est, aux yeux de la loi, exclusive de la volonté, et où, par suite, le testateur est, par la loi, réputé n'avoir pas voulu ce qu'il a écrit.

» Ainsi, un testateur institue un particulier dont il se croit le père, et qu'il désigne comme son fils, quasi filium suum. On découvre après sa mort, la source de l'erreur qui lui faisait considérer comme son fils, une personne qui ne l'était pas ; et il s'agit de savoir si, nonobstant la preuve de cette erreur, l'institution doit subsister. La loi 5, C. de testamentis, et la loi 4, C. de heredibus instituendis, répondent que non, parce qu'il n'est pas à présule testateur eût voulu disposer comme il l'a fait, s'il ne se fût pas cru père de l'institué. » Androsthènes, par un premier testament, appelle à son hérédité Pactumeia, sa nièce, fille de son frère. Quelque temps après, son frère vient à mourir, et le bruit se répand que sa nièce est morte en même temps. Frappé de cette nouvelle, il fait un second testament dans lequel il dit : « Parce » que je n'ai pu avoir les héritiers auxquels j'avais

mer que

» destiné mes biens, j'institue Novius Rufus. » Après la mort du testateur, Pactuméia, sa nièce, reparaît, et demande l'exécution du premier testament; et la loi dernière, D. de heredibus instituendis, prononce en sa faveur, sur le fondement que, par les termes mêmes du second testament il est prouvé que le testateur n'aurait pas institué Novius Rufus, s'il n'eût été trompé par la fausse nouvelle de la mort de sa nièce.

Pourquoi, dans ces espèces, le testateur estil censé n'avoir pas eu la volonté dont son testament renferme l'expression ? Ce n'est pas seulement parce que la cause finale de cette volonté se trouve fausse; c'est encore, et c'est surtout parce que la cause finale de cette volonté est absolument scule; c'est parce qu'il est évident que, s'il eût connu la fausseté de cette cause, il n'aurait pas eu cette volonté.

» En est il de même dans notre espèce? Il est aisé de sentir que non. A la vérité, le testateur annonce lui-même qu'il se croit investi par son père, de la faculté de donner tous les biens substitués à ceux des appelés à la substitution qu'il lui plaira de choisir. Mais ce n'est point dans cette opinion qu'est la causé finale de la disposition. qu'il fait de tous ces biens au profit de JosephAlbert-Ferdinand-Ghislain Devisscher-Celles; la cause finale de cette disposition est dans son affection pour ceux-ci; elle est dans l'intention qu'il a de les avantager; elle est dans son dessein clairement manifesté de leur laisser l'universalité de ses biens. Et dans cette affection, dans cette intention, dans ce dessein, il n'entre point d'erreur : tout y est vrai, tout y est réel. Il n'y a d'erreur que dans le moyen à employer pour accomplir ce dessein, pour exécuter ceite intention, pour satisfaire cette affection; ou, en d'autres termes, il n'y a d'erreur que dans l'opinion de l'existence d'un pouvoir qui n'existe pas, et sans lequel son affection ne peut pas être satisfaite, sans lequel son intention ne peut pas être remplie, sans lequel son dessein ne peut pas être exécuté, mais au défaut duquel son affection, son intention, son dessein restent toujours.

Et ceci nous conduit nécessairement à dire que, si la disposition faite par Gottignies fils, des biens substitués, a été déclarée nulle par les arrêts de 1787 et 1788, ce n'a pas été par défaut de volonté, mais par défaut de pouvoir: deux choses qu'il est aussi important que facile de bien distinguer, et que la cour d'appel de Bruxelles a cependant confondues.

Est-il d'ailleurs jamais venu à la pensée d'un seul jurisconsulte, que la disposition testamentaire d'un bien indisponible fût nulle par défaut de volonté ? Et n'a-t-on pas, au contraire, toujours dit, en pareil cas, que le seul défaut de pouvoir annulait cette disposition? N'a-t-on pas toujours dit du testateur qui avait ainsi disposé, fecit quod non potuit ?

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S'il en était autrement, qu'arriverait-il ? Une chose absurde. Supposons, par exemple, qu'un père, sous l'empire du Code civil, lègue à un étran

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ger une quotité de ses biens qui excède la portion disponible, et que son fils approuve cette disposition. Si le légataire n'avait pas pour lui la volonté du testateur, si ce n'était pas en vertu de la volonté du testateur que la totalité de son Legs lui est déférée, à quel titre pourrait-il la conserver et qu'aurait-il à répondre aux parens collatéraux du défunt qui viendraient réclamer l'excédant de la portion disponible, sous le prétexte que le testateur étant censé n'avoir pas disposé de cet excédant, cet excédant est resté dans la succession ab intestat, laquelle leur est dévolue par la renonciation du fils? Ainsi, dans cette hypothèse, l'excédant de la quotité disponible n'appartiendrait pas au fils, parce qu'il y aurait renoncé; il n'appartiendrait pas non plus au légataire, parce que le testateur serait considéré par la loi comme ne le lui ayant pas légué; il appartiendrait nécessairement. aux héritiers collatéraux : disons plus, il appartiendrait nécessairement au fisc, si les héritiers collatéraux ne le réclamaient pas; le fisc pourrait s'en emparer comme d'un bien vacant.

» Voilà où conduit le système qui sert de base à l'arrêt attaqué; et c'en est assez pour nous faire sentir que ce système est aussi ridicule dans ses résultats, qu'il est incohérent et faux dans ses élémens.

» Mais d'ailleurs, comment peut-on ne pas voir que ce système tend directement à détruire même les Legs dont l'arrêt attaqué ordonne la délivrance? S'il était vrai, en effet, que le testateur fût censé n'avoir pas disposé des biens substitués, par cela seul qu'il s'est trompé sur l'étendue du droit qu'il tenait à cet égard de son père, il serait vrai aussi, et il faudrait nécessairement reconnaître qu'il n'a point fait aux sieurs Debrouchoven et consorts les Legs dont il s'agit. Car, dans un testament comme dans un contrat, toutes les dispositions, toutes les clauses dépendent les unes des autres; il existe toujours entre les unes et les autres un lien qui, quoique non apparent, n'en est pas moins réel ; le testateur n'a voulu ceci à la fin de son testament, que parce qu'au commencement il avait voulu cela. Gottignies fils n'a donc fait des Legs aux sieurs Debrouchoven et consorts, que parce qu'il les excluait des biens substitués; telle est du moins la présomption à laquelle les principes veulent qu'on se tienne à défaut de preuve du contraire; et de là suit évidemment la conséquence que les sieurs Debrouchoven et consorts n'ont plus eu de titre pour demander leurs Legs, du moment qu'ils ont pris part aux biens substitués.

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Il n'y a donc aucun prétexte qui puisse couvrir ni pallier la contrariété qui existe entre l'arrêt de la cour de Bruxelles et les lois romaines que nous venons de rappeler.

>> Mais cette contrariété est-elle de nature à entraîner la cassation de l'arrêt dont il s'agit? Ici se présente notre seconde question, celle de savoir si, avant la publication du Code civil, les lois romaines avaient à Bruxelles une autorité véritablement législative.

Nous disons à Bruxelles, car c'est dans cette ville que s'est ouverte la succession de Gottignies fils; et tout le monde sait que les Legs mobiliers, tels que sont tous ceux dont l'arrêt attaqué ordonne le paiement, se règlent uniquement par la loi du lieu de l'ouverture de la succession sur laquelle ils doivent être pris; tout le monde sait que, pour juger, ou si ces Legs sont valables ou non, ou si la demande en est ou n'en est pas recevable, on ne doit s'attacher qu'à cette loi; tout le monde sait que, sur ces points, on ne doit avoir aucun égard aux lois des autres territoires dans lesquels sont situés les immeubles du testateur.

» Nous disons, une autorité véritablement législative car il ne suffirait pas, pour motiver ici une cassation, que le droit romain eût été obligatoire à Bruxelles par la seule force de l'usage; il faudrait qu'il l'eût été par l'effet d'une loi expresse qui eût enjoint aux tribunaux de cette ville de prendre le droit romain pour règle de leurs décisions. C'est la conséquence nécessaire du principe constitutionnel, qu'un jugement en dernier ressort ne peut être cassé que pour contravention à une loi précise; et c'est ce que la cour a jugé le 5 vendémiaire an 11, en rejetant, au rapport de M. Audier et sur nos conclusions, la demande du sieur Boubert en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Douai, par lequel il avait été décidé, contre le texte formel de la loi 67, § 2, D. pro socio, que les avances de fonds entre associés ne produisaient pas des intérêts sans stipulation. La contestation s'était élevée dans la ville de Dunkerque, qui était soumise à la coutume de Bruges, et le demandeur en cassation ne manquait pas d'observer qu'en violant une loi romaine, la cour d'appel de Douai avait violé les lettres-patentes approbatives de la coutume, qui lui donnaient pour supplément le droit romain. Mais ce n'était pas comme loi territoriale, que la coutume de Bruges gouvernait la ville de Dunkerque; elle ne la gouvernait que comme loi d'adoption, introduite dans cette ville par un usage, à la vérité immémorial, mais non écrit, et dépourvu de la sanction du législateur. Ainsi, violer le droit romain, à Dunkerque, ce n'était pas, comme à Bruges, violer les lettres-patentes approbatives de la coutume; c'était tout simplement violer un usage; et, comme vous l'avez dit vous-mêmes, messieurs, en rejetant, par l'arrêt dont il s'agit, la réclamation du sieur Boubert, la violation d'un usage qui n'a été fixé et reconnu par aucune loi, n'est pas un motif pour autoriser la cassation.

» La question n'est donc pas ici de savoir si, avant le Code civil, le droit romain était observé à Bruxelles au défaut de la coutume et des ordonnances: l'affirmative est constante, et jamais on ne l'a mise en controverse. Mais à quel titre étaitil observé dans cette ville? L'était-il vi legis, ou ne l'était-il que vi usus? Dans la première hypothèse, la contravention au droit romain dans la ville de Bruxelles, peut motiver la cassation d'un arrêt. Dans la seconde, elle ne peut y former qu'un

moyen d'appel; elle ne peut y motiver que la réformation d'un jugement de première instance.

» Or, d'une part, la coutume de Bruxelles ne renvoie ni expressément ni implicitement au droit romain la décision des cas sur lesquels elle est res tee muette; de l'autre, quand elle l'y renverrait effectivement, quand elle l'y renverrait de la manière la plus positive, ce renvoi ne suffirait pas par lui-même pour donner force de loi au droit romain dans le territoire de cette coutume; il ne pourrait avoir cet effet, qu'autant qu'il eût été sanctionné par le législateur; et personne n'ignore que la coutume de Bruxelles n'a jamais éte révêtue de lettres patentes des ci-devant ducs de Brabant.

» Mais si, avant le Code civil, le droit romain n'avait pas force de loi à Bruxelles, en vertu de la coutume, ne l'avait-il pas du moins en vertu des lois générales de la province de Brabant, dont Bruxelles était la capitale.

>> Devant la section des requêtes, nous avons présenté l'affirmative comme non douteuse, et nous nous sommes fondés sur la doctrine de Stockmans, dans le premier chapitre de ses Decisiones Brabantine. Ce magistral, en effet, demande quelle est, dans le Brabant, l'autorité du droit romain? Quatenus Brabantia adstricta sit juri Romano? Et voici sa réponse: A princibus nostris CENTIES constitutum est ut, deficiente jure proprio, hoc est, constitutionibus patriis et constitutionibus regiis, recurratur ad leges Romanas uti jus commune, quod non tantum INNUMERIS EDICTIS insertum est, quæ passim nos eo remittunt, sed in omnium municipalium legum confirmatione adjectum, ut quæ ibi decisa non sunt, judicentur ex jure Romano.

» Ainsi, selon Stockmans, ce n'est pas seulcment par les lettres - patentes dont ils ont revêtu certaines coutumes que les ducs de Brabant ont donné force de loi au droit romain, c'est encore par des édits communs à tous leurs états, et par des édits sans nombre, innumeris edictis; et si cette assertion est exacte, nul doute que pour tout ce qui est antérieur au Code civil, la contravention aux lois romaines ne soit, à Bruxelles, comme dans les autres parties du Brabant, un moyen péremptoire de cassation.

» Mais cette assertion est-elle aussi exacte qu'on le croit communément? Est-elle aussi exacte que nous l'avons cru nous-mêmes devant la section des requêtes? Ne porte-t-elle pas au contraire le cachet de l'erreur, et ne se dément-elle pas ellemême parl'une des preuves qui paraissent l'étayer

» S'il en faut croire Stockmans, toutes les contumes de la Belgique qui ont été approuvées par le législateur, portent, dans leur approbation même, la clause expresse que, dans les cas où elles seront en défaut, on aura recours au droit romain}: In OMNIUM municipalium legum confirmatione adjectum, ut quæ ibi decisa non sunt, judicentur ex jure Romano. C'est ce qu'on remarque notamment, ajoute-t-il, dans les coutumes de

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