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Il se compose de deux recensions (a et ß), l'une de 299 stances, l'autre de 274, de divers mètres, mais çlôkas en majorité, avec introduction et conclusion identiques : très peu de stances reviennent sans variantes dans les deux textes; beaucoup même diffèrent notablement entre elles, quoique portant sur les mêmes racines; et quelques racines manquent dans l'une qui figurent dans l'autre, ou réciproquement. M. Heller a multiplié les références qui permettent de les confronter: je remarque que a 294 devrait renvoyer à ẞ 88, et inversement, puisque cur et cûr sont des variantes d'une seule et même racine. Entre autres particularités, j'ai relevé : le verbe ruj « briser » (a 247) avec le complément au génitif, ce qui, d'après le PW., est exceptionnel quand ce complément désigne une personne ; le verbe ric, au causatif, avec le sens de « se vider » (ẞ 98), ou du moins je n'en vois guère d'autre possible; le mot apamrtyam « danger de mort », auquel il faut sans doute substituer apamrtyum ( ß 174); le mot parigraha (B 224), avec le sens de «< malédiction, juron », marqué d'un astérisque au Dictionnaire; le barbarisme au moins apparent nihsîmâm « immense » accusatif féminin singulier, alors qu'on ne trouve que l'adjectif nihsîman (ẞ 227).

Mais toutes ces observations sont prématurées. M. Heller sait mieux que personne qu'un ouvrage de ce genre ne peut avoir de valeur qu'autant qu'il est accompagné de notes lexicographiques, d'extraits du commentaire et d'un classement des racines. Il se propose de nous donner tout cela dans la suite, et la minutieuse précision, la forte connaissance de la langue, la sagacité, enfin, qu'il a apportées à la collation des manuscrits, nous font très bien augurer de l'achèvement de sa tâche. On doit souhaiter qu'il ne se fasse pas trop attendre. C'est là un heureux début pour la collection de textes sanscrits dont M. Geldner entreprend la publication.

V. HENRY.

Le livre des beautés et des antithèses, attribué à Al-Djahiz, texte arabe publié par G. van VLOTEN. Leyde, Brill, 1898, un volume in-8°, xiv et 383 p. Ibrahim ibn Muhammad Al-Baïhaki-Kitâb al-Mahasîn Wal-Masawi, herausgegeben von Dr F. SCHWALLY. 1 teil, Giessen, 1900, 224 pp.

De ces deux publications dont le sujet est identique la première a déjà deux années de date. Nous attendions pour en rendre compte que le savant éditeur l'eût complétée en y ajoutant l'introduction, les notes et surtout l'index qui en rendront la lecture plus facile. Ce supplément indispensable n'a pas encore paru. Fort heureusement le texte non moins intéressant dont M. Schwally vient de donner le premier fascicule- il y en aura trois nous fournit l'occasion d'appeler l'attention sur le travail de M. Van Vloten et de dire en quelques mots ce que l'on peut attendre de l'un et l'autre.ouvrage.

Mais tout d'abord, en remerciant M. V. V. d'avoir rédigé sa préface en un français correct et clair, nous lui ferons une petite chicane sur la traduction par trop littérale, partant un peu vague qu'il a donnée du titre arabe. Au cours des trois premiers siècles de l'hégire se produisit un genre particulier d'écrits qui s'attachaient à opposer les beaux côtés de la nature humaine à ses faiblesses et à ses laideurs, en particulier à ce que les Arabes prisent le plus, par exemple, la bravoure en face de la lâcheté, la générosité opposée a l'avarice et ainsi de suite. Le génie littéraire de cette race si riche en souvenirs, si merveilleusement douée pour l'anecdote s'est plu à compulser documents. écrits et traditions pour y trouver des modèles à suivre, des exemples à éviter, quelque chose, en un mot, comme une morale en action avec des contrastes bien choisis pour en rehausser la valeur. Or ce que M. V. V. traduit par Livre des beautés et des antithèses nous laisse dans le doute. Je reconnais que l'extrême concision de l'arabe en rendait la traduction malaisée, mais j'aurais préféré, à tout prendre, un équivalent comme Livre des vertus et des vices, ou bien encore Des belles qualités et de ce qui leur est opposé, traduction assez lourde, j'en conviens, pourtant moins imprécise.

Quelle que soit celle qu'on préfère, il n'en est pas moins vrai que tel est le sujet traité avec une verve intarissable à la fois par un écrivain très connu des Orientalistes, El-Djahiz et par un certain Beïhaki dont le nom se révèle ici pour la première fois. Disons d'abord quelques mots du premier qui doit, il est vrai, sa célébrité moins à ses ouvrages fort maltraités par le temps, qu'à la hardiesse de ses opinions philosophiques et à une indépendance d'esprit voisine de l'hétérodoxie. El-Djahiz appartient au 1° siècle de l'hégire; on ignore la date de sa naissance, mais les biographes musulmans les plus autorisés placent sa mort en l'année 255 de l'hégire (869 de notre ère). Ses opinions rationalistes, qui le rattachent à la grande école libérale des Moutazélites, paraissent l'avoir desservi aux yeux de ses contemporains et c'est peut-être là qu'il faut chercher la cause de la disparition de ses principaux traités. Dans l'état de mutilation où ils nous. parvenus, il est difficile d'établir sa valeur réelle comme chef d'école, bien qu'il ait donné son nom à une secte, celle des Djahizyeh, et de constater la part qui lui revient dans l'évolution de l'esprit musulman alors dans toute sa force d'expansion. Un pareil jugement serait d'autant plus incertain que plusieurs des écrits qui portent son nom sont à coup sûr ou apocryphes ou remaniés avec le sans-façon que les mœurs littéraires de l'islam ont toujours autorisé.

sont

Un écrivain arabe bien connu, Maçoudi, l'auteur des Prairies d'Or, après avoir fait un éloge pompeux d'El-Djahiz, ajoute un renseignement qui vient à l'appui de ce que nous disions plus haut de l'impopularité où le rigorisme musulman avait relégué cet esprit indépendant. Un de ses ouvrages venait de paraître et n'avait aucun succès dans

le monde des lettrés. El-Djahiz, choqué de ce dédain injustifié, écrivit peu de temps après, un traité de médiocre valeur, mais qu'il eut soin d'attribuer à El-Mokaffa' ou à un autre savant des âges précédents. L'accueil fut tout autre; on porta le livre aux nues et le véritable auteur put ainsi se convaincre du goût peu éclairé de ses contemporains et de la partialité de leurs jugements.

Quoi qu'il en soit de l'authenticité de ses œuvres, El-Djahiz fut un des hommes les plus éclairés de son temps: philosophie, belleslettres, sciences naturelles, il traita à peu près de tous les sujets et, par un juste retour des choses d'ici-bas, plusieurs savants qui ne le valaient pas furent obligés, pour assurer quelque succès à leurs travaux, de lui en attribuer la paternité.

Est-ce aussi le cas du texte publié par M. V. Vloten? Le Livre des beautés est-il bien de l'auteur dont il porte le nom, mais plus ou moins remanié par ses éditeurs, ou bien n'est-ce qu'un apocryphe? M. V. V. ne manquera pas sans doute d'élucider cette question d'origine. C'est par là, croyons-nous, qu'il devra compléter son utile travail avant de poursuivre la publication des œuvres que la tradition attribue à El-Djahiz, et dont la véritable origine restera toujours douteuse. Dès à présent et sans préjuger des conclusions auxquelles un examen minutieux des deux ouvrages pourra donner lieu, il semble qu'on est en droit de les rapporter l'un et l'autre à une seule et même source. En d'autres termes, El-Djahiz et Baïhaki, loin de se faire des emprunts réciproques, ont eu sous les yeux le même document original qu'ils ont tantôt remanié, tantôt reproduit sans changement, ce qui, pour les compilateurs musulmans, ne constitue nullement un plagiat. Tel est d'ailleurs, je crois, le sentiment de M. V. V. qui serait porté à placer le texte primitif entre le règne de Motewekkil et celui de Mouktadir, c'est-à-dire dans une période d'environ un siècle, entre la seconde moitié du Ixe et la première moitié du xe de notre ère. Le document parallèle (le Kitab el-Mahasîn, etc.) dont M. Schwally vient de commencer la publication et qui, selon sa promesse, ne tardera pas à être achevé, ne nous donnant encore qu'un fragment et des variantes, il serait prématuré de lui consacrer une analyse détaillée. Il n'est cependant que juste de reconnaître que, sous le rapport de la critique et de la correction du texte, il mérite d'ètre mis au même rang que l'ouvrage de M. V. V. Toutefois en ce qui concerne la valeur intrinsèque des deux livres, j'inclinerais, autant qu'une lecture un peu rapide m'y autorise, à accorder une certaine préférence à celui qui porte le nom de Baïhaki. Son plan est plus régulier, mieux suivi, la thèse et l'antithèse y sont mieux en relief; l'étude politique et sociale du khalifat des trois premiers siècles aura beaucoup à prendre dans ce document, si la suite répond à la partie déjà publiée. Le style est plus sec que celui d'El-Djahiz, on y trouvera moins d'anecdotes galantes, moins de poésies du genre nesîb,

mais une foule d'anecdotes et de traits de moeurs ayant tous les caractères de l'authenticité y complètent dans une large mesure les historiens classiques, Tabari, Ibn el-Athîr, etc.

En résumé et sans pousser plus loin le parallèle entre denx publications inachevées, je n'hésite pas à constater qu'elles font l'une et l'autre le plus grand honneur au savoir consciencieux des deux érudits qui les ont restituées à la science. C'est grâce à des textes de cette date et reconstitués avec un soin aussi scrupuleux que la connaissance du monde arabe, de sa civilisation et de ses mœurs à l'apogée de son existence fera chaque jour de nouveaux progrès. Le travail méritoire de Weil a fait son temps et ne peut plus suffire aux exigences de la critique moderne. On ne saurait donc accueillir avec trop d'encouragements les efforts des jeunes savants qui préparent avec une si louable émulation les matériaux de l'histoire définitive de l'Orient musulman.

A. BARBIER DE MEYNARD.

J.-L. WINDENBERGER : Essai sur le système de politique étrangère de J.-J. Rousseau : La république confédérative des petits États. A. Picard, 1900.

Selon M. Windenberger, le Contrat social est inachevé. Restreinte aux dimensions d'une ville, la cité idéale de Rousseau est, de son aveu, fort en péril. Tous les États «< tendent à s'agrandir aux dépens de leurs voisins, comme les tourbillons de Descartes» (II, 1x). « Les faibles risquent d'être bientôt engloutis ». Les petites cités ou républiques ne pourront donc atteindre leur fin qui est d'assurer la conservation, la liberté et l'égalité des individus, si elles ne trouvent un moyen de se garantir contre les entreprises des grands États ou monarchies. Ce moyen, Rousseau le leur suggère; c'est l'établissement de confédérations. Il se proposait de l'exposer dans la suite de l'ouvrage (III, XVI en note). Ce qui l'en a empêché, il ne nous le dit pas; mais nous savons qu'il avait rédigé des Principes du Droit de la guerre « mes principes du Droit de la guerre ne sont point prêts », dit-il à son éditeur en 1758. Et à la fin de l'Émile, il annonce qu'il en traitera quelque jour et qu'il cherchera le remède aux maux de la guerre dans « une bonne association fédérative ». Très probablement la publication annoncée eut compris, selon la méthode de composition de Rousseau, le grand fragment du manuscrit de Neuchâtel sur l'état de guerre : << Mais quand il serait vrai... » (n° 7856 du catalogue) et quelques autres moins étendus (no 7840); elle eut contenu enfin les 32 pages sur les confédérations léguées par Rousseau au comte d'Antraigues, et détruites par celui-ci. A défaut de ce document irremplaçable, est-il possible, avec les fragments dont nous disposons et les passages des divers écrits de J.-J. qui peuvent avoir trait à ce qu'il appelle le

droit des gens de reconstituer l'ensemble de ces idées sur ce sujet ? M. W. l'a pensé et tel est l'objet de son livre.

L'entreprise n'était pas facile. Il est déjà malaisé de saisir la pensée de Rousseau là où il l'a exprimée nous avons montré que celui-ci n'est jamais parvenu à se mettre d'accord avec lui-même sur les points essentiels de sa philosophie sociale '. Pour tirer de cette philosophie générale une doctrine particulière non exprimée qui y serait implicitement contenue, il faut attribuer aux idées de Rousseau une cohérence, une liaison qui, croyons-nous, leur manque à un degré rare. Ainsi a fait M. W. qui ne tient pas compte de notre travail. Il procède comme nous faisions jadis à l'agrégation de philosophie, il repense le système de Rousseau; il le ramène à de grandes lignes continues et symétriques, et cela fait, il s'enhardit à le compléter, là où le dessin appuyé s'arrête, par une nouvelle figure régulière en pointillé qui fait exactement pendant à l'ensemble de la composition tel qu'il le conçoit. Voici son raisonnement. Rousseau déclare que, tandis que les individus sont sortis de l'état de nature, les corps politiques y sont encore. Comment ceux-ci pourront-ils passer à l'état civil? Évidemment de la même façon que les individus, par un contrat. Il y a donc lieu d'appliquer aux cités la suite des propositions qui forment la trame du Contrat social. Et alors M. W. écrit le Contrat social des peuples qui lui paraît devoir se clore par cette conclusion le seul moyen de faire sortir les corps politiques de l'état de guerre est de les unir sinon tous, du moins les plus petits, en confédérations, qui seront à chacun d'eux ce qu'est l'État à chaque particulier.

Cela est ingénieux et peut séduire. A une première lecture rapide, des connaisseurs y seront pris peut-être. Mais quand on examinera ce système à tête reposée, les objections surgiront de toutes parts.

D'abord les textes manquent. M. W. écrit des pages entières sans références, sans qu'on sache si c'est lui ou Rousseau qui a la parole. Ou bien il transcrit simplement des textes qui s'appliquent au pacte individuel, sans établir qu'ils s'appliquent aussi dans la pensée de Rousseau au pacte international. Ou bien enfin il fait entrer dans son exposé, en les infléchissant, des considérations que Rousseau a émises à propos d'un tout autre objet. Les grandes discussions sur la société générale du genre humain et sur l'état de guerre ne sont point du tout chez Rousseau le préliminaire d'une théorie des confédérations. Elles se réfèrent à la question très différente de l'origine de la société civile et à la réfutation de Hobbes. L'honnêteté des intentions n'exclut pas ici quelque artifice esthétique. La construction reste ainsi trop souvent sans autre appui que des analogies ou des vraisemblances (Exemples: pp. 131 et 153).

Ensuite la théorie repose sur des propositions dont plusieurs n'eus

1. Revue internationale de l'Enseignement, 1895.

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