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VIII.

Déclaration des états de Hainaut sur la proposition du seigneur de Froidmont et du secrétaire Martini (4).

27 octobre 1578.

Les estatz de Haynnau, ayans entendu, par la proposition verbale de M. de Froymont et son adjoinct, et veu par leur instruction, le soing que Son Altèze et messeigneurs des estatz généraulx ont heu d'eulx, et pour les accommoder dépeschié par-devers eulx ambassade sy notable, les en remerchient en toutte humilité, prestz et appareillez en leur endroict aussy de s'accommoder à toutte chose bonne, ne cherchant en riens leur particulier, mais en tout et partout la gloire et honneur de Dieu, la paix, repos et tranquillité publicque, et la conservation de la paciffication de Gand et de l'unyon par tous sy solempnèlement jurée.

Estans extrêmement marris que, faulte d'avoir proveu en temps aux affaires, a causé tèle altération entre les Ganthois et Walons, en apparence de passer à plus grand désastre, s'il n'y est tost proveu et remédyé.

Combien que au regard desdicts Walons ne se peult passer soubz silence, comme chose toutte notoire et publicque, que les insolences et déportemens insupportables de ceulx de Gand, le tout coulé et passé impuniment et sans en avoir ou démonstrer quelque ressentiment, a esté suffisant argument pour exciter et esmouvoir non-seulement les hommes bien naiz, mais aussy les élémens, voires les pierres.

N'ayans toutesfois entendu ne oy que lesdicts Walons ayent

(1) Les états avaient donné audience aux envoyés de l'archiduc et des états généraux le 25 octobre, après avoir pris la résolution que nous donnons sous le n° VII.

Le procès verbal de cette séance mentionne, en quelques lignes seulement, la proposition du seigneur de Froidmont.

TOME 11.

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faict quelques actz d'hostilité, mais bien se opposé et proveu à leur deffence et sceurté contre les embusches et machinations qu'on dreschoit à leur enthière ruyne.

Dont, au vray dire, se pooient et debvoient bien doubter, puisque l'on s'est attaché si cruèlement à aulcunes de leurs compaignies quy ne se poelt excuser par raison quelconque, veu que c'estoient soldatz conduictz et menez par commissaires de Son Altèze et des estatz généraulx.

à ce

Lesquelz, au vray dire, méritoient tout aultre traictement, veu que, habandonnant l'Espagnol, ilz se sont rengez, au temps de la nécessité, du party des estatz, et ont continué au service d'iceulx, voires exécuté les principaulx effectz; mesmes, qu'on entend, se sont offert et présenté d'aller et servir au camp avecq bien peu de prest et avanchement. Mais on les a regecté et négligé, les laissant ainsy vaulerer (1) et vagabonder sans les payer, employer ny casser, à la grant charge et foule du povre peuple.

Sy ceulx de Flandres se plaindent d'en estre présentement chargez, ceulx de Haynnau, à plus forte raison, s'en doibvent griefvement ressentir, quy en ont esté foullez continuèlement, de sorte que par eulx et par aultres ne se trouve ung scul coing du pays quy ne soit exténué jusques aux os.

Cependant on s'est chargié à tous costez d'estrangiers de cheval et de pied, à double, voires triple despence, et tous de religion contraire, ayans les Flamengs laissé desbarquer en leur province plusieurs compaignies d'Anglois et Escossois n'ayans aulcune retenue des estatz généraulx, le tout au desceu d'iceulx. Sy a-on grandement excédé l'arrest sur ce prins, assçavoir de y employer vro mil florins par mois seulement: de manière qu'on voidt à l'œil et touche du doigt que non-seulement, à l'exemple de l'Espagnol, aulcuns taichent à la ruyne totale du pays et du tout habandonner les naturelz d'iceluy, mais aussy à chose plus pernicieuse, si comme de estaindre et altérer la religion catholicque, abolir et supprimer la noblesse, accabler touttes gens de bien et renverser tout ordre d'Estat, eslevant

(1) Vaulcrer, vaucrer, courır çà et là.

gens de basse et vile condition aux estatz et offices publicqz de magistrat et d'aultres, encoire qu'ilz ne y soyent oneques esté nourrys ny instruictz: dont aussy le fruict en réussit tel que chascun void, remplissant le pays de sédition, de massacre, de pillaige, de saccagement et choses semblables, qui sont les beaux fruictz de la licence effrénée et par trop desbordée permise à la populaice.

Toutesfois n'y a cause de se louer grandement d'iceulx estrangiers, puisque, pour ung faict particulier, rompent et desmembrent le camp, renforceant par cela et encourageant tellement l'ennemy, qu'est bien à craindre il viendra accabler et subjugher derechief les pays, à la grande et perpétuèle désolation d'icelluy.

Ne trouvant aulcun fondement, ny pour les Ganthois d'avoir mandé le duc Casimir contre les Walons, ny pour lediet seigneur duc d'avoir embrassé la cause desdicts Ganthois, pour ce premièrement que lesdicts Walons ne sont sur les bornes de ceulx de Gand, ny en termes d'offenser, mais cerchant par nécessité le moyen de s'entretenir, comme ilz ont faict ès aultres provinces, ne poant estre vivre en l'air. Et au regard dudict seigneur duc, son obligation estoit de rendre le service à la patrie, et non de son auctorité privée empoigner une tant injuste querelle, désarmant pour cest effect d'aulcunes de ses trouppes le camp estant à la barbe de l'ennemy, voires sans le consentement du général de l'armée.

Combien que l'on entend, comme aussy est vraysemblable, ilz avoient intelligence par ensemble devant l'arryvée desdicts Walons en Flandres, veu que lesdicts Ganthois longhement paravant s'estoient armez à toutte oultrance, et qu'est assez sceu que aulcuns de Gand se sont trouvez par-devers luy en la ville de Bruxelles.

Ne voyant tel le faict de M. de Montigny, veu, comme il propose et escript à Son Altèze, que, par charge et lettres d'icelle en datte le xxr jour de septembre, il s'est transporté vers lesdictes compaignies, pour les rassembler et contenir en la meilleure discipline, à la moindre foulle du povre peuple que seroit possible.

Et ores qu'il ayt heu quelque mescontentement des actz indeuz perpétrez par les Ganthois, samble que tant s'en fault

il en doibve estre blasmé, que meisme en doibt recepvoir grande louange, pour y estre obligé et de nature et par le serment de l'unyon qu'il a juré et signé, laquelle dégrade de noblesse, de nom, d'armes et d'honneur, et tient pour parjures, desloyaulx et ennemys de la patrie, ceux qui par tous moyens n'assistent par force et aultrement les envahis, oppressez et emprisonnez.

Trouvant fort mauvais que aulcunes provinces se sont sy avant oublyées que de faire ligues au préjudice de ladicte unyon et de la paciffication de Gand: chose, au vray dire, fort pernicieuse et tendant à une ruyne et éversion totale de l'Estat publicque, puisque, deffaillant le fondement, est impossible que l'édiffice puist subsister.

Supplyans et requérans très-humblement les estatz généraulx, et adjurans Son Altèze, par le serment qu'elle a presté à sa réception, de empescher et rompre touttes ces ligues contraires et préjudiciables au bien et salut et repos commun et à la foy publicque; offrant par lesdicts estatz de Haynnau de y assister de tous leurs moyens, pooir, advis et conseil, selon l'obligation qu'ilz y ont.

Protestans que le zel qu'ilz ont tousjours heu de s'en acquicter les a esmeu de représenter le meisme debvoir, tant ausdicts estatz généraulx que aux villes particulières, par diverses lettres qu'ilz leur en ont escript cy-devant, sans toutesfois en avoir apperceu aulcun amendement.

A raison de quoy, et voyant le feu embrasé ne se mitiguer, mais de plus en plus pulluler et accroistre, ont esté poulsez de représenter l'inconvénient apparant aux provinces voysines, les sommant et stimulant aussy de leur debvoir.

Mais tant s'en fault que ce soit faire nouvelles ligues et contraires à l'unyon générale et paciffication de Gand, comme aulcuns (à ce qu'on prétend) l'ont volu calumpnier et interpréter, que meismement c'est le seul remède et unicque moyen pour l'entretènement et exécution d'icelle, selon que par exprès se y trouvera couché, et à quoy non-seulement ceulx de Haynnau et leurs voysins, mais aussy touttes les provinces unyes, se doibvent joindre et bander.

La charge et instruction aux députez vers ceulx de Gand (selon que l'a proposé le seigneur de Froimont) se trouve assez

pertinente, combien que l'espoir n'est fort grand d'en rapporter le fruict désiré, veu que pour tant de commandemens fais à ceulx de Gand, iz n'y ont jamais volu obéyr; attendu aussy que lesdicts députez (à ce qu'on dict) excèdent en divers endroictz leur charge, forgeans nouveaulx poinctz et articles, examinant le faict des prisonniers, et aultrement : quy ne poelt estre que fort suspect et mauvaix, donnant l'apparence d'une triste yssue de leur charge et embassade. A quoy sera fort bon de proveoir de bonne heure, et aultant qu'on désire d'assoupir et estaindre cest embrasement et parvenir à ung repos privé, pour, d'une mutuèle conjunction et assistence, résister et repoulser l'ennemy commun.

Estant à espérer toutte aultre chose des Walons, puisqu'on voidt par leur prétention n'y avoir touché que chose fort juste, équitable et raisonnable, voire conforme au subject de la susdicte instruction: par moyen de quoy n'y aura difficulté de s'accorder, sy les aultres se veullent renger à la raison.

Mais de s'armer de tous costez à tèle furie, lever le ve homme par toute la Flandre, retenir tous les deniers dont la cause commune se doibt servir, rapeller toutes les vielles garnisons de Hollande et Zeelande, désarmer le camp, faire ligues contraires à la paciffication et unyon et choses semblables assez sceues et descouvertes, et tout pour accabler, perdre et ruyner ceulx quy ne demandent que la raison, ce n'est là la voye pour estaindre ce feu naissant, mais pour l'allumer davantage, et donner évidantment à cognoistre aux provinces catholicques et gens de bien qu'ilz n'averont en après meilleur party que les Walons, veu le grand avancement jà apperceu.

Et pour en dire et déclairer ce qu'il en samble ausdicts estatz de Haynnau tout ouvertement et sans dissimulation, combien que jamais n'ont usé d'aulcune dissimulation, mais en touttes leurs actions procédé rondement et tout ouvertement, comme se poelt veoir et descouvrir par leurs lettres et escriptz, il fault et convient nécessairement quicter et habandonner ce pied et revenir à la raison, rejecter toutte passion et particulière affection, et par ensamble, sur le fondement de la paciffication et unyon, entendre au salut et délivrance du povre peuple.

Regrettant sur touttes choses qu'on n'a heu meilleur esgard,

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