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XXVIII.

Rupport fait aux bourgmestres, échevins, receveurs et conseil de la ville de Bruxelles, et ensuite aux états généraux, par Guillaume Vanden Hecke, trésorier, et Corneille Aertssens, secrétaire de cette ville, de leur mission en Hainaut et en Artois (1). ́

9 et 10 avril 1579.

Messieurs, ensuyvant la charge et commission qu'il a pleu à Voz Seigneuries nous donner, sommes partiz de ceste ville le xxvшme de mars et arrivez ce mesme jour au soir en la ville de Mons en Haynault, où de bonne heure avons trouvé monseigneur le conte de Lalaing; et comme pensions pour alors encores avoir audience vers luy, nous fist dire, par ung de ses gentilshommes, que le seigneur d'Ainsy (2) estoit à l'heure venu d'Anvers, et qu'il avoit à négocier avecq luy, requerrant partant que vouldrions retourner le lendemain au matin : ce que fismes, et lui ayant faict signifier qu'estions là, nous fist incontinent entrer en sa chambre. Luy présentasmes les lettres de Voz Seigneuries (5); fismes aussi leurs recommandations en sa bonne grâce; et après qu'il les eut leu, entendit volontiers

(1) On lit, au procès-verbal de la séance des états généraux du 10 avril : << Lettres de crédence du magistrat de Bruxelles, du 9, sur leurs trésorier et secrétaire, qui ont faict rapport de leur voyage faict en Haynault et Arthois, pour y empescher la désunion et réconciliation particulière avecq le Roy. A quoy ceulx de Haynault ont promis tenir la main; et de faict, M. le conte de Lalaing a faict aux garnisons frontières prester serment à messieurs les estatz généraulx : mais en Arthois ilz n'ont eu aulcune audience, et le gouverneur les fist sortir de la ville comme zélateurs de sédition et défendit de retourner, ou que aultrement ils tomberont en grand dangier..... Sur quoy, après les remerciemens convenables,..... les estatz ont requis les députez de Bruxelles de mectre leur verbal par escrit, et y adjouster les lettres escriptes par ceulx de Bruxelles aux estatz de Haynnau et Arthois et aux membres et particuliers seigneurs desdictes provinces, pour résouldre sy l'on les fera imprimer ou aultrement divulguer.

Ce fut ce que les états généraux firent en effet.

(2) Probablement le seigneur d'Inchy, Baudouin de Gavre.

(3) La lettre du magistrat de Bruxelles et toutes les autres dont il est fait mention plus loin, sont insérées dans le livret d'où nous avons tiré ce document.

nostre crédence, que ne fust aultre sinon que luy remonstrasmes la bonne et sincère affection que la ville de Bruxelles luy avoit tousjours porté et porteroit tousjours, et le bien qu'elle lui vouloit ; et reprismes en brief les remonstrances, raisons et exemples contenues èsdictes lettres de Voz Seigneuries, et y adjoustames quelques aultres selon qu'il venoit à propos, le requérant que, pour icelles et aultres qu'il sçavoit mieux que nous, comme le cognoissions seigneur très-prudent et de grand jugement, qu'il voulût continuer à faire tous ses extrêmes debvoirs vers les estatz de Haynault à les maintenir en union générale, comme entendions qu'il avoit desjà faict, dont luy en remerciasmes bien fort, luy mettant devant les yeulx l'honneur immortel qu'il acquerroit, avecq celuy qu'il avoit desjà acquis, pour avoir esté bien le principal autheur de l'union générale des provinces, et l'obligation que luy devront toutes les provinces à jamais. Après, lui déclarasmes qu'avions lettres addressantes au magistrat et commune de la ville de Mons, et priasmes que luy pleust fe faire assembler, pour les leur présenter et faire entendre nostre crédence.

Sur quoy ledict seigneur nous a fort libéralement respondu qu'en premier lieu il remerchioit bien fort Voz Seigneuries de la démonstration de la bonne affection que luy portez et de la recognoissance des bons offices qu'il avoit faict pour la tuition. de la patrie et de nostre liberté, et des offres que lui faictes; et quant à ce que luy avez faict requérir par nous de bouche, en vertu de crédence, et aussi par voz lettres, qu'il avoit bien considéré le contenu d'icelles, et aussi auparavant de combien dommageable seroit une division et desjonction des provinces unies, et que partant il ne fauldroit de faire tout son extrême pour les maintenir unies, et principalement celle de Haynault, et monstreroit par effect de quel zèle et bonne intention il s'estoit tousjours employé et employeroit à la patrie jusques à la dernière goutte de son sang, encores qu'il y en avoit aucuns qui taschoyent à rompre sa négociation, combien qu'il espéroit bien autant faire que les gens de bien et bons bourgeois de la ville de Mons entendront à la raison, comme faisoyent toutes les villes frontières de Haynault et celles de l'entour, en la première assamblée des estatz d'illecq, que s'auroit le vie d'apvril, et qu'elles se rallieront avecq la généralité : asscurant que où

me

la ville de Bruxelles en son particulier le vouldroit employer, que Voz Seigneuries le trouveront très-prompt, et monstrera par effect la bonne affection et amitié qu'il leur porte, et qu'il estoit procréé en Bruxelles.

Dont le remerciasmes bien humblement. Et fist ledict seigneur incontinent assambler le magistrat et aulcuns de la commune de ladicte ville de Mons, nous accordant de leur pouvoir présenter les lettres de Voz Seigneuries, et de communicquer et traficquer aussi verbalement avecq eulx.

Certes, messieurs, nous ne vous sçaurions assez faire entendre la bonne démonstration, affection et recueil que ledict seigneur nous a faict, et de combien nous luy estions les bienvenus, tant nous caressoit-il et si grandes offres fist-il, et tant vouloit-il de bien à ceste ville; et regrettoit fort le tort que l'on nous faisoit que la cour estoit si longtemps absente, et que la congrégation des estatz généraulx ne se faisoit là : nous promectant qu'il s'esforceroit par tous moyens de les y faire venir, et que luy-mesmes seroit le premier.

Ledict jour, à noeuf heures du matin, nous ayant ledict seigneur conte faict signifier que le magistrat et commune estoyent assemblez à la maison de ville, y sommes allé; lesquels nous ont incontinent faict entrer en leur assemblée et donné audience, ausquels aussi avons présenté les lettres de Voz Seigneuries avecq vos recommandations en leurs bonnes grâces, et copie des lettres qu'avez escriptes aux estatz de Haynault et Arthois, lesquelles ayants leu, ont désiré d'entendre et ouyr nostre crédence dont elles estoyent chargées. Laquelle leur avons déclairé, savoir : remonstré le bon soing et affection que la ville de Bruxelles avoit tousjours eu au bien publicq, et principalement à la ville de Mons, et ce pour le bon voisinage, traficque et négociation qu'ils faisoyent et traictoient journellement par ensemble, qui avoit causé entre nous un parentaige tel qu'il n'y avoit quasi personne qui n'avoit respectivement en l'une ou l'aultre ville ou père, mère, frère, soeur, oncle et cousin; représentans aussi en brief les remonstrances, raisons et exemples contenus ès lettres de Vosdictes Seigneuries, et priasmes bien fort qu'ils les vouldroyent bien peser et conseiller, et que partant ils se vouldroyent maintenir en l'union générale des estatz et ne l'abandonner pour chose quelconque

(encores que l'on taschoit les divertir), et de continuer ladiete bonne voisinage et trafficque.

Nous ayants lesdicts seigneurs du magistrat faict retirer, prindrent conseil et advis par ensemble, et rappellez, nous firent responce, sçavoir: qu'ils remerchioyent bien grandement la ville de Bruxelles de la bonne affection qu'elle leur démonstroit porter et désiroit de continuer, asseurant que de leur costé elle ne seroit pas moindre, et que leur poisoit fort que l'on se doubtoit des estatz de Haynault, pourveu que l'on sçavoit desjà leur résolution, laquelle le sieur marquis de Havrech avoit envoyé aux estatz généraulx, en laquelle ils persistoyent, et que ce n'estoyent que esprits malings qui avoyent aultre opinion d'eulx et faisoyent courir ce bruit, désirant que en advertirions incontinent Voz Seigneuries, comme avons faict. Et comme ils entendoyent qu'avions charge d'aller en Arthois, l'ont trouvé bon, et requis que vouldrions repasser par Mons, et qu'ils nous donneroyent responce par escript sur les lettres de Voz Seigneuries. Et les ayants remerchié, prinsmes congé d'eulx.

Messieurs, nous ne pouvons passer icy sans vous déclarer que avons aussi trouvé mesdicts seigneurs du magistrat et commune fort bien affectionnez à la cause commune et à nostre ville, et qu'ils ont aussi par effect bien monstré que leur estions les bien-venuz : car, par-dessus les offres des aultres correspondences et services qu'ils ont offert à ceste ville et à Voz Seigneuries, nous ont présenté douze geltes de vin.

De laquelle négociation nous sommes incontinent allez faire rapport audict seigneur conte de Lallaing, comme avons veu que aussi avoient faict aulcuns dudict magistrat, luy ayant communiqué les lettres de Voz Seigneuries; et nous a déclairé que icelle négociation luy estoit agréable, réitérant tout ce qu'il nous avoit dict le matin. Et comme pensions prendre congé, nous fist demeurer disner auprès de luy. Il nous a faict boire à la santé des provinces unies et prospérité de la ville de Bruxelles, et entre aultres un qui nous a semblé bon le raconter à Voz Seigneuries, sçavoir que ledict seigneur conte disoit que la ville de Bruxelles avoit fait quatre choses incroyables, surnommé la vaert (1), qu'ils ont refusé le

(1) Le canal allant à Willebroeck.

dixiesme denier, enchassé les Espagnols et faict en si peu de temps leurs boulevards: dont le royaume d'Espaigne auroit assez à faire à une pièce seule.

Ayants achevé le disner, avons prins congé de luy, et remerchié de l'honneur qu'il nous avoit monstré.

Le xxxme de mars au matin, sommes party de Mons, et sommes allé à giste à Valenchiennes.

Le xxxme sommes party de Valenchiennes et allé disner à Douay, où avons trouvé le monde changé, et gens tout d'un aultre humeur et bien altérez, leur estant le nom de patriot si odieux que, à nostre arrivée, un capitaine de ladicte ville, nostre bon amy, en lieu de nous bienveingner ou saluer, nous dist que nous debvrions bien garder de sonner mot de patriot en hostellerie ou aultre part, ou que aultrement nous nous mectrions en dangier, et que, sur ceste condition, il estoit content de venir disner avec nous. Ayant disné, sommes passez oultre, et arrivé soir en la ville d'Arras.

Le lendemain, premier d'apvril, sommes allez saluer monseigneur le marquis de Havrech et le prélat de Sainct-Bernard, illecq envoyez par messeigneurs les estatz généraulx aux mesmes fins que nous, lesquelz le viconte de Gand avoict faict loger en sa maison; ausquelz avons faict les recommandations de Voz Seigneuries en leurs bonnes grâces; et sont esté trèsaises de nous veoir et qu'estions venus là, et leur a semblé un allèguement (1) d'avoir une fois eu moyen de pouvoir racompter le mauvais traictement que ledict viconte et M. de Capres leur avoient faict, et le peu de respect qu'ils leur avoyent porté, et bravades qu'ils leur avoyent faict, non plus ni moins s'ils y fussent esté blistres (2) et vilains, les ayants tenu si abstract (3) qu'il n'estoit permis à aulcun bourgeois d'Arras librement parler à eux.

Ce faict, leur avons communiqué nostre charge et commission, ensemble communiqué les lettres de Vos Seigneuries qu'avions au viconte de Gand, estatz de Haynault et Arthois, et

(1) Alléguement, pour allégement.

(2) Blistres, bélitres.

(3) Si abstract, si à l'écart,

TOME II.

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