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de province et dont la progresse extinction n'offre pas d'intérêt ', regardons là-bas en Allemagne, vers ce « jardin commun de toute l'Europe » comme l'appelle Michelet2, vers Bade, tel que nous le décrit par exemple un Thackeray. Qu'y retrouvons-nous, un peu élargi, un peu moins compassé, beaucoup plus international, si ce n'est le Bath d'antan? « La plus jolie ville, s'écrie le romancier, entre tous les lieux où le plaisir a dressé ses tentes, celle où, joyeux ou mélancoliques, occupés ou oisifs, graves ou dissipés, tous vont chercher amusement, profit, ou distraction; où les beautés de Londres, après avoir dansé et coqueté toute la saison, peuvent danser et coqueter encore un peu ; où se rassemblent de toutes les parties du monde des coquins en beaux habits; ... où d'ingénieux calculateurs conspirent, marquent des cartes et méditent le coup infaillible, ...... où les vertueuses dames d'Angleterre elles-mêmes risquent leur petit enjeu et ramènent d'un râteau tremblant leur gain, aux côtés d'autres dames qui ne sont pas vertueuses du tout, oh non! et n'en ont même pas le renom, où l'on rencontre des comtesses et des princesses merveilleuses, dont les maris sont presque toujours au loin dans leurs vastes domaines.... tandis que les nobles

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gnages contraires, ceux du moins que j'ai rencontrés, se rapportent surtout à la période révolutionnaire ou à celle qui la suit immédiatement (citations dans Babeau, Les Anglais en France après la paix d'Amiens, p. 78-79, et dans La France et Paris sous le Directoire, du même, p. 272 et 281; en 1822, cependant, un ouvrage assez libre de D. Carey place dans notre capitale quelques aventures peu édifiantes. L'opinion anglaise, en tout cas, devait s'être établie en dehors des écrivains; Mme Trollope, qui la combat, parle des Français comme d'un peuple « whose morality is considered as so much less strict than our own » (Paris and the Parisians, t. II, ch. vi, p. 37) et, après s'être élevée contre ce préjugé, déclare très justement : « I do very strongly suspect, that many of the pictures of French depravity which have been brought home to us by our travellers, have been made after sketches taken in scenes and circles to which the introductions I so strong by recommend to my countrywomen could by no possibility lead them >> (ibid., p. 38). Ces « scènes » et ces « cercles » dont parle l'auteur, les Anglais oubliaient qu'ils les avaient eus très récemment, et nullement dissimulés, en particulier dans leurs villes d'eaux; ils étaient donc scandalisės, les uns sincèrement, les autres en paroles, de les retrouver ailleurs.

1. Elle est totale, peut-on dire, vers 1840 (cf. Earle, Bath Ancient and Modern, p. 253, et Warner, Literary Recollections, t. II, ch. 1). Un article paru cette même année dans le Blackwood's Magazine remarque l'abandon complet où sont tombées toutes les villes d'eaux anglaises (p. 789), et prêche (p. 790) un retour aux vieilles méthodes de Nash (organisation des plaisirs, autorité conférée à un maître des cérémonies obéi, etc.).

2. La France devant l'Europe, p. 84.

épouses, Pénélopes errantes, sont entourées d'une foule de prétendants, boyards de Russie, grands d'Espagne décorés de la Toison, comtes de France, princes polonais et italiens sans nombre, qui parfument de leur fumée de tabac les salles dorées et jurent dans toutes les langues contre la rouge et contre la noire »'. Il y a là un trait qui n'a jamais convenu à la ville anglaise; elle n'a point été un rendez-vous international et, quoiqu'elle ait assurément reçu des étrangers, elle n'a jamais offert le spectacle d'un petit monde cosmopolite. Tous les autres par contre, un peintre du XVIIIe siècle eût pu les recueillir (et aucun d'eux, à vrai dire, ne les a omis), pour faire le tableau de Bath.

De Bath comme de Bade, répondra-t-on peut-être, et des deux pas plus que de cent autres stations thermales de tout temps et de tout pays. Ces stations ne sont-elles pas après tout extrêmement semblables? n'appellent-elles pas précisément les mêmes classes de visiteurs? ne reproduisent-elles pas, à bien peu de chose près, le même train de vie? Assurément, et nous n'avons garde de nier les analogies nombreuses qui rapprochent toutes les villes d'eaux et proviennent de leur condition même; analogies dont nous avons eu l'occasion d'énumérer plusieurs quand nous comparions brièvement les stations anglaises naissantes aux françaises du même temps. Mais nous disions alors et nous croyons avoir montré que, cette part faite aux ressemblances

1. «...The prettiest town of all places where Pleasure has set up her tents; and where the gay, the melancholy, the idle or occupied, grave or naughty, come for amusement, or business, or relaxation; where London beauties, having danced and flirted all the season may dance and flirt a little more; where well-dressed rogues from all quarters of the world assemble; ...where wistful schemers conspire and prick cards down, and deeply meditate the infallible coup; ...where even virtuous British ladies venture their little stakes, and draw up their winnings with trembling rakes, by the side of ladies who are not virtuous at all, no, not even by name; ...where you meet wonderful countesses and princesses, whose husbands are almost always absent on their vast estates... while trains of suitors surround those wandering Penelopes their noble wives; Russian Boyars, Spanish Grandees of the Order of the Fleece, Counts of France and Princes Polish and Italian innumerable, who perfume the gilded halls with their to bacco-smoke, and swear in all languages against the Black and the Red >> (The Newcomes, xxvII; cf. également d'autres passages du même chapitre, ainsi que le roman de Tourguénief, Fumée).

2. Voy. ci-dessus, ch. 1er, p. 13-14.

inévitables, un caractère original et particulier au XVIIIe siècle avait distingué les villes d'eaux anglaises, et Bath fort au-dessus d'aucune. Ce caractère, que l'on chercherait en vain ailleurs, c'est d'être restées, durant cent ans et plus, non point un simple lieu de guérison et de divertissement, mais comme un sanctuaire national de la mode et du bon ton, un conservatoire des belles manières; c'est, en attirant par leur éclat tout ce qui dans les trois royaumes se piquait d'élégance, d'être devenues comme des creusets de fusion sociale; c'est enfin, et cela au grand profit des lettres, d'avoir mis sous les yeux de quelques grands observateurs un spectacle merveilleusement instructif et divers. Ni l'origine de ces villes d'eaux n'est fortuite, ni leur rôle n'est indifférent. C'est un souffle venu de France qui les fit sortir du sol. Elles surgirent au jour précis où, en dehors de la Cour, mais sur son modèle et sous son influence plus ou moins lointaine, tendit à se constituer ce qui s'appelle le beau monde, au jour où, par un phénomène nouveau, c'est le goût d'une même politesse, la recherche des mêmes plaisirs de bon ton qui, plus que le rang et la naissance, commença à rapprocher les personnes. Ce beau monde nouveau, elles n'en furent pas seulement le centre, mais encore, pour ainsi dire, le collège, où il se laissa organiser, régler, discipliner même. Puis, quand les circonstances eurent progressivement multiplié ce monde au point que ses membres n'en furent plus isolés nulle part dans les Iles Britanniques, quand d'ailleurs trop de profanes eurent envahi le temple des élégances, alors elles disparurent sans retour avec les circonstances qui les avaient mises au jour et soutenues. Elles avaient eu part, une part sensible, à la lente mais profonde transformation des mœurs anglaises: au milieu de beaucoup de frivolité, de dissipation et même de vice, elles avaient contribué à répandre dans toute la nation ce raffinement des manières qui ne laisse pas d'aider souvent au raffinement de l'esprit même et des sentiments, qui en est comme la préparation et en demeure l'ordinaire accompagnement; elles avaient également abaissé certaines barrières, amené des contacts désirables, fondu des classes diverses et ignorantes les unes des autres en une même bonne compagnie. Ce sont là résultats qui ne sont pas insignifiants. N'en eussent-elles même produit que de moindres, et à ne voir en elles qu'objets de curiosité, on jugera peut-être qu'elles ne seraient

pas encore tout à fait indignes de retenir un instant les regards de quiconque veut étudier l'histoire des mœurs anglaises : est-il indifférent, pour connaître une société, de voir en quel lieu et de savoir de quelle façon elle prend ses plaisirs?

APPENDICE

(Voy. chap. VIII, p. 244-245)

A BALLAD OF BATH'

Like a queen

enchanted that may not laugh nor weep, Glad at heart and guarded from change and care like ours, Girt about with beauty by days and nights that creep Soft as breathless ripples that softly shorewards sweep, Lies the lovely city whose grace no grief deflowers. Age and grey forgetfulness, time that shifts and veers, Touch not thee, our fairest, whose charm no rival nears, Hailed as England's Florence of one whose praise gives grace, Landor, once thy lover, a name that love reveres :

Dawn and noon and sunset are one before thy face.

Dawn whereof we know not, and noon whose fruit we reap,
Garnered up in record of years that fell like flowers,
Sunset liker sunrise along the shining steep

Whence thy fair face lightens, and where thy soft springs leap

1. Reproduit avec l'autorisation de M. Swinburne. Mes lecteurs sauront autant de gré que moi à l'illustre auteur de la permission qu'il m'a gracieusement accordée.

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