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reconstruite, fut mise sous la direction d'un employé spécial; on commença d'édifier un théâtre ', et un certain Harrison bâtit, à l'instigation de Nash, les premières salles d'assemblée 2, auxquelles furent joints des jardins. L'achèvement de ces salles eut pour résultat un effacement des distinctions et la fusion de coteries jusque-là séparées; tout le monde y vint, comme tout le monde alla se promener dans les allées verdoyantes 3. En même temps, l'essor visible que prenait Bath poussait de nombreux spéculateurs à construire de toute part, et le temps ne tarda pas à arriver où un architecte de grand talent, Wood le père, vint bâtir dans la ville ces places et étager sur les collines environnantes ces colonnades qui sont restées jusqu'aujourd'hui un enchantement pour les yeux '.

Le roi de Bath continuait cependant, non sans quelque résistance de ses sujets, à organiser la vie élégante. Il s'ingénia à combiner une succession de plaisirs ou de passe-temps qui prît le visiteur à son lever et le conduisit sans fatigue jusqu'au bout du jour. Toutes les heures eurent leur emploi déterminé ; l'intervalle entre le bain matinal et les danses ou le spectacle du soir fut rempli par des rendez-vous réguliers à la buvette, au concert, à la promenade. La foule oisive se plia sans peine à un programme de vie tracé pour elle et qui la réunissait à intervalles réglés. Les invitations et les parties de plaisir particulières, décrétées de mauvais ton, tombèrent en désuétude, et il ne fut pas jusqu'au déjeuner du matin qu'on ne prît ensemble aux salles d'assemblée.

Les occupations et les divertissements ainsi établis, le maître des cérémonies les soumit à une sévère étiquette, et ce fut là qu'il eut le plus d'obstacles à vaincre. Une autorité étendue lui était reconnue officiellement, puisqu'il avait « le gouvernement de toutes les assemblées publiques et un pouvoir absolu de

1. En 1705 (Wood, t. II, ch. xi, p. 223).

2. En 1708 (ibid., p. 225).

3. But when proper Walks were made for Exercise, and a House built for Assembling in, Rank began to be laid aside, and all Degrees of People, from the Private Gentleman upwards were soon united in Society with one another >> (Wood, part. IV, ch. 1x, p. 411).

4. Voy. ci-dessous, chapitre x. C'est en 1728 qu'il commença à édifier Queen Square.

reprendre quiconque, par inadvertance, peut enfreindre les convenances ou choquer les bonnes manières». Cette autorité, Nash l'exerça d'abord par persuasion, et ensuite par des coups d'audace qui ressemblaient parfois singulièrement à de l'impertinence, ou pis encore. C'est ainsi qu'au bain, où les dames se rendaient en toilette et coiffées, Nash ayant entendu un jour adresser assez haut à l'une des baigneuses un compliment qu'il jugea un peu trop vif, il n'imagina rien de mieux que de précipiter le complimenteur tout habillé dans l'eau. Il lui en coûta un duel et une blessure au bras, mais son autorité se trouva affermie par le bizarre procédé 2.

La réforme du costume l'occupa ensuite, et nous trouvons ici un autre exemple de la hardiesse, pour ne pas dire plus, avec laquelle il veillait à l'exécution de ses arrêts. Il avait interdit aux dames les tabliers blancs dans les salles d'assemblée. La duchesse de Queensbury s'étant un jour aventurée au bal avec le sien, il le lui arracha et le jeta au loin en disant que ce genre d'ornement était bon pour les servantes. La chose fut faite d'un tel air que la duchesse l'accepta sans mot dire, et demanda même à Sa Majesté pardon 3.

1. By the various Laws relating to Bath, the Government of the City appears to be in the Corporation, their Officers, Ministers, and Titular Monarch... The Titular king has the Government of all the Publick Assemblies, with an absolute Power vested in him to Rebuke whoever may, thro' Inadvertency, infringe, in the least, upon the Bounds of Decency and good Manners : An Undertaking so nice and delicate, that till the Humours of the Place are, by the various Ceremonies of Initiation, perfectly known, no Monarch can discharge it so as to induce People to submit to his Decrees » (Wood, part. IV, ch. xi, p. 415). Fleming remarque: «The magistrates of the city found he was necessary and useful, and took every opportunity of paying the same respect to his fictitious royalty that is generally paid to or claimed by real power »> Life...of T. Ginnadrake, t. III, p. 61).

2. Thicknesse, qui raconte l'anecdote en grand détail (New Prose Bath Guide, p. 26-28), et dit la tenir de Nash lui-même, ajoute que par ce coup double dimmersion et le duel), il avait réussi à se montrer homme d'enjouement et de courage: By this double Stroke, he, however, shewed himself a Man of Pleasantry as well as Spirit. Two excellent Qualities for a Prince, who presides over the Pleasures and Pastimes of Youth ». Nash cherchait évidemment l'occasion d'un duel qui établit son courage et rehaussât son prestige.

3. ...The good-natured Duchess acquiesced in his censure, and with great good sense and good humour, begged his Majesty's pardon ». Le dernier membre de phrase, ajouté dans la seconde édition, est omis dans la Globe Edition (p. 523).

Les hommes opposèrent plus de résistance quand le maître des cérémonies s'en prit à leurs épées et à leurs grandes bottes. Contre les bottes, il eut recours au ridicule. Il composa une poésie contre ceux qui en portaient', puis fit jouer par les marionnettes une petite pièce où Polichinelle faisait la cour à sa fiancée tout botté et tout éperonné et refusait de quitter ses bottes la nuit même de ses noces. « Je ne puis m'en passer plus que de mes jambes, s'écriait-il. Je ne marche ni ne monte à cheval sans les porter, et c'est la seule façon de faire qui soit reçue à Bath. Nous dansons toujours bottés dans notre ville, et les dames gardent souvent leurs coiffes pour le menuet ». Comment résister à une satire si fine? C'est tout au plus si de loin en loin quelque réfractaire s'aventura botté dans les salons. Nash en ce cas ne manquait pas de se diriger vers lui et de lui demander gravement s'il n'avait pas oublié son cheval 2.

Il y avait à interdire les épées un intérêt plus évident, car elles constituaient un danger permanent. Il n'était pas de jour où quelque insolence des porteurs de chaises n'excitât les gentilshommes à tirer leurs armes et à commencer des rixes qui

1. Goldsmith donne ce petit morceau. Il est intitulé: Frontinella's Invitation to the Assembly :

'Come, one and all, to Hoyden Hall,

For there's the assembly this night;
None but prude fools

Mind manners and rules;

We Hoydens do decency slight.

Come, trollops and slatterns,

Cocked hats and white aprons,

This best our modesty suits;

For why should not we

In dress be as free

As Hogs-Norton squires in boots ?

2. L'excentrique Peterborough résista : « Lord Peterborough has been here some time, though by his dress one would believe he had not designed to make any stay, for he wears boots all day, and, as I hear, must do so, having brought no shoes with him. It is a comical sight to see him with his blue ribbon and star and a cabbage under each arm, or a chicken in his hand, which after he himself has purchased at market, he carries home for his dinner» (lettre de lady Hervey, 7 juin 1725, dans la correspondance de la comtesse de Suffolk, t. I, p. 181). Le règlement des Nouvelles Salles d'assemblée (1771) renouvelle la prohibition: « That no gentleman in boots or half boots be admitted into any of these rooms on ball night, or public card or concert nights » (Nightingale, Beauties of England and Wales, t. XIII, p. 419).

effrayaient les dames et entraînaient parfois de fâcheuses conséquences. Inconvénient pire encore, les querelles de jeu dégénéraient immédiatement en duels. Nash, bien qu'il eût commencé par se battre lui-même, résolut de supprimer ceux-ci et, dès que le bruit d'un cartel parvenait à ses oreilles, il faisait arrêter les deux adversaires. Un combat nocturne entre deux joueurs de profession, où l'un d'eux fut percé de part en part, vint à propos donner du poids à son opposition. Le port de l'épée fut définitivement interdit 2, petit changement en apparence, mais qui ne laissa pas d'avoir d'assez sérieuses conséquences. Les jeunes gentilshommes ne reprirent pas à Londres l'épée quittée à Bath, et cet abandon des armes dans la vie ordinaire atteste et favorise à la fois un notable adoucissement des mœurs 3.

Le domaine propre du maître des cérémonies étant les divertissements publics, on peut compter que Nash travailla de toutes ses forces à les multiplier, à les rendre attrayants, mais là encore en faisant régner une stricte régularité. Il y eut deux bals par semaine, le mardi et le vendredi; ils commençaient à six heures pour finir à onze, afin de ne pas exposer les malades à la tentation de se coucher tard. A onze heures sonnantes, l'orchestre cessait de jouer, et la princesse Amélie, fille de George II, ayant une fois demandé à Nash une seule danse de plus après ce signal, s'entendit répondre que les lois de Bath ne souffraient pas plus d'exception que celles de Sparte, et qu'une seule infraction ruinerait toute leur autorité.

1. It was the Insolence of the Chairmen that gave rise to the first of these Laws; it having been usual with those turbulent People to provoke Gentlemen to draw their Swords upon them; and then, by Defending themselves with their Chair Poles, the Danger of Murder frighted the Ladies to such a Degree, that the Publick Assemblies for Diversion seldom ended without the utmost Confusion » (Wood, part. IV, chap. ix, p. 413).

2. Plusieurs allusions sont faites à cette défense dans les Rivaux de Sheridan : « We wear no swords here» (III, 4) « A sword seen in the streets of Bath would raise as great an alarm as a mad dog » (V, 2).

3. Cf. Lecky : « Between 1720 and 1730 it was observed that young men of fashion in London had begun in their morning walks to lay aside their swords, which were hitherto looked upon as the indispensable signs of a gentleman. Beau Nash made a great step in the same direction by absolutely prohibiting swords within his dominions, and this was perhaps, the beginning of a change of fashion which appears to have been general about 1780, and which has a real historical importance as reflecting and sustaining the pacific habits that were growing in society » (History of England, t. II, ch. v, p. 198).

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Ces lois de Bath ne firent que s'étendre et devenir plus précises. En 1742 fut affiché à la buvette le code suivant, assez curieux par ses prescriptions, et aussi par ses prétentions mal justifiées à l'esprit. Comme le dit Goldsmith, « s'il fallait donner des lois à des enfants, on les ferait puériles; ces statuts, quoique sots, étaient adressés à de beaux messieurs et à de belles dames, et furent probablement reçus avec une approbation sympathique » 2. Les beaux messieurs et les belles dames furent donc dûment avertis :

« 1° Qu'une visite à l'arrivée et une autre au départ sont tout ce qu'attendent ou désirent les dames de qualité et de bon ton sauf de la part des impertinents;

2o Que les dames qui viennent au bal doivent fixer une heure pour que leurs laquais viennent les reconduire afin d'éviter du désordre pour elles-mêmes et autrui;

3° Que les gens de bon ton montrent du savoir-vivre et du respect en ne se présentant pas le matin devant les dames, qui sont en robe simple et en bonnet;

4° Que personne ne doit se fâcher si quelqu'un se rend au spectacle ou au déjeuner offert par un autre 3 hors les gens susceptibles; 5° Que personne ne doit donner son billet de bal qu'à des dames respectables N. B. à moins de n'en pas avoir parmi

ses relations;

6o Que les messieurs qui font cercle devant les dames au bal montrent peu de savoir-vivre, et que personne ne doit le faire à l'avenir-hors ceux qui ne respectent qu'eux-mêmes;

soi

7° Que nul ne doit se fâcher d'en voir danser d'autres avant hors ceux qui n'ont aucune chance de danser eux-mêmes; 8° Que les dames âgées et les enfants doivent se contenter de la seconde banquette au bal, comme ayant passé ou n'ayant pas atteint l'âge de la perfection;

1. Goldsmith semble attribuer ces règles aux tout premiers temps de la royauté de Nash, mais Wood déclare qu'elles ne furent établies (après délibération en commun) et affichées qu'à la date ici indiquée (Description of Bath, ch. x, p. 412).

2. «... Were we to give laws to a nursery, we should make them childish laws; his statutes, though stupid, were addressed to fine gentlemen and ladies, and were probably received with sympathetic approbation » (Life of Nash, p. 522). 3. Cf. ci-dessous, p. 59 et 66.

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