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Hommes et femmes s'y baignent en même temps, se tenant plus ou moins séparés, les uns en caleçon et veste ', les autres en robe de toile brune et portant des chapeaux tressés 2. Les dames se font transporter de chez elles au bain, revêtues de ce costume, dans des chaises à porteurs « hermétiquement fermées, prétend un voyageur français, lorsqu'elles sont laides, vieilles ou prudes, et artistement pénétrables à l'œil quand on a de belles formes à lui offrir » 3. Elles se munissent d'un petit plateau de bois qu'elles font flotter devant elles, et qui contient mouchoir, tabatière et mouches, puis se promènent dans l'eau, seules ou avec un guide. Des musiciens jouent tout ce temps; conversations, compliments, plaisanteries vont leur train ; une heure passe; on

1. Dans la série de gravures de Rowlandson intitulée the Comforts of Bath et publiée en 1798, les baigneurs sont représentés le tricorne sur la tête (planche 7). 2. « The ladies wear jackets and petticoats of brown linen, with chip hats, in which they fix their handkerchiefs, to wipe the sweat from their faces... » (Humphry Clinker, Lydia Melford, 26 avril); cf. ci-dessus, chap. 1, p. 19, note 4. En 1724, De foe ditsimplement: «dress'd in your Bathing Cloths, that is stript to the Smock » (t. II, p. 51-52). L'édition de 1748 du Tour thro' Great Britain ajoute: «The greatest Decency is observed here by both Sexes, and while Mr. Nash lives, must always be so » (t. II, p. 295), déclaration répétée dans toutes les éditions jusqu'à la mort de Nash, et en 1769, moins la seconde partie de la phrase. Thicknesse au contraire s'excuse de ne pouvoir répéter décemment « all the transactions which I have seen in the baths, without mentioning those I have heard » (Valetudinarian's Guide, chap. x, p. 55). C'est le témoignage favorable qui doit être le vrai, au moins en gros, et avec toutes les exceptions que l'on voudra. Des désordres habituels, ou même fréquents, eussent été dénoncés dans les satires souvent assez crues qui ont été faites de Bath.

3. Chantreau, Voyage dans les trois royaumes d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande, 1792, p. 232.

4. «...The women that tend you present you with a little floating Wooden Dish like a Bason, in which the Lady puts her Handkerchief, and a Nosegay, of late the Snuff-Box is added, and some Patches; tho' the Bath occasioning a little Perspiration, the Patches do not stick so kindly as they should» (Defoe, op. cit., éd. de 1724, t. II, p. 51; il faut remarquer ici, pour la commodité des références, que chaque tome de cette édition a une double pagination). L'abbé Prévost mentionne également cette petite corbeille qui surnage sur l'eau et qui est attachée à leur ceinture avec un ruban, dans laquelle ils [les baigneurs] ont leur mouchoir et leur tabatière (Pour et Contre, nombre 38, p. 176); elle est signalée dès 1700 dans A Step to the Bath, p. 13.

5. Goldsmith, Life of Nash, p. 525.

6. Here [au bain de la Croix] the Ladies and the Gentlemen pretend to keep some distance, and each to their proper side, but frequently mingle here too, as

reprend les chaises à porteurs pour retourner chez soi, mais tout le monde va se retrouver ensemble tout de suite après à la buvette.

Cette buvette (Pump-Room), ouverte en 1706 et qui fut agrandie en 1751, est le rendez-vous matinal des malades et de ceux qui ne le sont pas . On y va en déshabillé boire les trois verres d'eau chaude qui sont habituellement ordonnés 2, écouter la musique, regarder par les fenêtres les baigneurs qui s'ébattent dans le bain du Roi situé juste au-dessous. La foule, le bruit de l'orchestre, le brouhaha des voix y étourdissent quelque peu les nouveaux venus 3, mais ils se font vite à ce tumulte. La conversation est généralement pleine des riens du jour et des derniers scandales, vrais ou supposés. Sheridan, commençant à rêver de l'École de la Médisance, songe à placer dans cette salle même la scène de sa pièce, et nous avons assurément dans les malins propos de lady Teazle ou les insinuations méchantes de Mme Candour quelques échos de ce qu'il y avait tous les jours entendu lui-même.

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Le déjeuner séparait ensuite la compagnie, les dames se rendant chez elles, les hommes aux cafés ", où les attendaient les

in the King and Queens Bath, tho' not so often; and the Place being but narrow, they converse freely, and talk, rally, make Vows, and sometimes Loves; and having thus amus'd themselves an Hour or two, they call their Chairs and return to their lodgings » (Defoe, ibid., p. 51-52); la remarque est supprimée dans les éditions suivantes.

1. Après plusieurs autres agrandissements, elle fut démolie en 1791 et remplacée par le vaste édifice actuel. L'inscription empruntée à Pindare qu'elle portait et qui a été reprise (άpiotov μèv üôwp) fut, dit-on, suggérée par le docteur Johnson.

2. Goldsmith, Life of Nash, p. 525.

3. « Right under the pump-room windows is the king's bath; a huge cistern where you see the patients up to their necks in hot water », etc. (Humphry Clinker, 26 avril).

4. « The noise of the music playing in the gallery, the heat and flavour of such a crowd, and the hum and buzz of their conversation, gave one the headache and vertigo the first day; but afterwards all these things became familiar and ever agreeable » (Ibid).

5. Le premier brouillon de Sheridan où l'on trouve des traits qu'il a repris pour sa grande comédie est intitulé The Slanderers, a Pump-Room Scene.

6. Il y avait aussi des cafés réservés aux dames (cf. Mme Montagu, Letters, t. 1, p. 72, 27 décembre 1740). L'un était, à ce qu'il semble, situé près de la

journaux de Londres', mais les gens à la mode ordonnaient aux salles d'assemblée ou en quelque autre lieu des déjeuners «< publics », comme on les appelait, où ils invitaient leurs amis et parfois même, en foule, des inconnus 2. Puis venaient les offices quotidiens à l'abbaye, que suivait, par un contraste bizarre, une bonne partie de cette société frivole 3. L'office finit vers midi, et,

buvette (Life of Nash, p. 525); à certains au moins, les jeunes filles n'étaient pas admises, « la conversation roulant sur la politique, les scandales, la philosophie et autres sujets au-dessus de leur capacité », comme dit la tante de Lydia Melford (Humphry Clinker, 26 avril).

1. Et aussi ceux de Bath, car la ville eut de bonne heure ses propres gazettes, qui ne font pas mauvaise figure mème à côté des gazettes de Londres. Les principales sont: le Bath Journal fondé en 1742, le Bath Chronicle fondé en 1757 (tous deux paraissent encore), le Bath Advertiser (1755-1768), etc.

2. Goldsmith, op. cit., p. 525; Wood, part. IV, ch. xi, p. 439. Cf. la description d'un de ces déjeuners dans Anstey, New Bath Guide, XII. Dans Humphry Clinker, un parvenu donne de même « a general tea-drinking » (Jeremy Melford, 30 mai).

3. Même coutume à Tunbridge:

You all go to Church upon hearing the Bell,
Whether out of Devotion-yourselves best can tell.
(Tunbridgiale, p. 8).

L'assistance, paraît-il, manquait parfois de recueillement :
Now for pure worship is the church design'd,
O that the muse could say to that confin'd!
Ev'n there by meaning looks and cringing bows,
The Female Idol her adorer knows!
Fly hence, Prophane, nor taint this sacred place,
Mock not thy God to flatter Cælia's face.

(A Description of Bath, 1734, p. 10). On nous dit déjà en 1700 : « A Sunday, we went to Church to the Abby..; 'tis crowded during Divine Service as much as St. Pauls, in which time there is more Billet Deaux (sic) convey'd to the Ladies than Notes to desire the Prayers of the Congregation at B'-s Meeting House, and as the Ingenious Doctor in his Discourse, told the Audience: He was afraid most of them came more out of Custome and Formality than in Devotion to the Sacred Deity, or a sutable Reverence to the Place of Worship, which was very True I am confident, and the Ladies were the only Saints several came there to Adore » (A Step to the Bath, p. 15). Le Gentleman's Magazine de 1760 nous raconte cette anecdote (p. 536): « Not long since at Bath the subscription Books were opened for Prayers at the Abbey and gaming at the Rooms. In the evening of the first Day, the Numbers stood as under, and occasioned the following Thought:

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en attendant le dîner, les uns se rendent aux parades, les autres font quelque promenade à cheval, en voiture, ou à pied, ou regardent les nouveaux étalages des boutiques, ou tirent à la loterie dans des baraques', ou vont lire chez les libraires 2. Vers deux ou trois heures vient le dîner suivi d'un nouveau rendezvous à la buvette d'abord, aux promenades ensuite: c'est le moment où se déploient sur les parades toutes les recherches de la toilette, toutes les élégances de la mode 3. Le thé se prend ensuite aux salles d'assemblée, et la soirée se termine par les visites', le jeu, le bal ou le spectacle.

Les bals, qui se donnaient le mardi et le vendredi de chaque semaine, étaient naturellement le plus grand divertissement que pût offrir Bath à ses visiteurs, et, de fait, où trouver, même à Londres, un spectacle supérieur en son genre à celui de ces

1. Defoe, op. cit., éd. de 1724, II, p. 52.

2. Goldsmith, op. cit., p. 525; Wood, part. IV, ch. xn, p. 439. Les cabinets de lecture de Bath étaient renommés : « We can offer you...friendly booksellers, who for five shillings for the season will furnish you with all the new books (Lady Luxborough, Letters...to Shenstone, p. 296, 29 février 1752). La Lydia Melford de Smollett s'en montre fort enthousiaste : « ...The booksellers' shops... are charming places of resort, where we read novels, plays, pamphlets, and newspapers, for so small a subscription as a crown a quarter; and in these offices of intelligence (as my brother calls them, all the reports of the day, and all the private transactions of the bath, are first entered and discussed » (Humphry Clinker, L. M., 26 avril). Une autre Lydia, celle des Rivaux, y fait provision de romans à la mode (acte I, sc. 1), tandis qu'ils sont énergiquement condamnés par sa tante et sir Anthony (ibid., infra).

3. On pourrait glaner dans les diverses productions locales de quoi faire toute une histoire du costume anglais au XVIIIe siècle, mais comme la mode de Bath ne fait que refléter celle de Londres, il est inutile de s'arrêter à des détails qui n'ont rien de caractéristique et de spécial.

4. Bath différait à cet égard des autres villes d'eaux: « I told you in my former Letters that Epsom and Tunbridge does not allow visiting, the Companies there meet only on the Walks, but here Visits are received and returned >> (A Journey to England, 1722, tome II, lettre vin, p. 127).

5. Il y avait deux salles d'assemblée où la compagnie se réunissait alternativement, celle qu'avait construite Harrison en 1708 et qui avait été agrandie à plusieurs reprises, et une autre ouverte en 1728 par un certain Thayer. On les désignait par les noms de leurs propriétaires successifs (Harrison, Mme Hayes, plus tard lady Hawley, Gyde, Simpson, pour l'une; Thayer, Mae Lindsay, Wiltshire, pour l'autre). En 1771, l'architecte Wood éleva dans la ville haute de nouvelles salles plus vastes et plus luxueuses, et une grande rivalité s'éleva entre celles-ci, appelées Upper Rooms en raison de leur situation, et les anciennes salles de Harrison, dénommées désormais Lower Rooms. Celles-ci déclinèrent, puis furent détruites par un incendie en 1820.

vastes salles éclairées et ornées, où se pressait toute l'élite de la société anglaise '?

Il régnait à ces bals un cérémonial singulier, et cette gravité que les Anglais ont eu longtemps la réputation de mettre à leurs plaisirs 2. Nous avons vu comment les heures des danses et leur ordre, les costumes de ceux qui y prenaient part, les préséances avaient été réglés par Nash. A six heures, le bal s'ouvrait par les menuets3. Un premier couple s'avance, l'assemblée assise autour de la salle fait silence et observe les danseurs; la dame est reconduite à sa place une fois le menuet achevé, tandis que le maître des cérémonies amène au cavalier une autre danseuse avec qui il danse un second menuet. Un nouveau couple vient ensuite, répète ce qu'a fait le premier, et ainsi de suite pendant deux heures environ, chaque cavalier dansant successivement avec deux dames. Il n'y a, comme on le voit, que deux personnes d'engagées à la fois; elles sont le point de mire de l'attention

1. Wood trouve à ces fêtes « a real splendour perhaps equal to that of the most Brilliant Court of Europe » (part. IV, ch. xi, p. 443), et Thicknesse les déclare «...one of the most pleasing Sights that the Imagination of Man can conceive; and what, we are convinced, no other Part of Europe can boast of... >> (New Prose Guide, p. 36-37). Ces jugements sont sans doute partiaux, venant d'habitants de Bath; l'on ne voit guère néanmoins où en Angleterre, en dehors de la cour, on eût pu rencontrer aussi brillante société. Un voyageur allemand, qui avait assisté à l'un de ces bals en 1775, commence ainsi sa description: Ich habe am Montage Abends einen Ball beygewohnt, und bin überzeugt, dass er alles, was man von der Art prächtiges sehen kann, weit hinter sich zurücke liess (Bemerkungen eines Reisenden, tome III, lettre LXVI, p. 85).

2. It is always remarked by Foreigners, that the English Nation, of both Sexes, look as grave when they are dancing, as if they were attending the Solemnity of a Funeral. This Charge is in general true; and... we strongly recommend it to the Ladies to remove this national Charge, and to consider, that the Features and Countenance ought to be in Unison, and as perfectly in Tune with the Body, as the Instruments are which direct its Motions. And that that Sort of bewitching Look, bordering on the Smile, which always accompanies cheerful Conversation, should never be omitted in the Dance... We are aware that the Ladies think Gravity of Countenance a necessary Attendant on Modesty and Sentiment; but, till they can prove that a cheerful pleasing Smile is incompatible with Virtue, Prudence, or Discretion, we must beg Leave (while we allow them all imaginable Praise for such ill-placed Precaution) to assure them, that they cannot bestow, on mortal Man, a more pleasing nor a more innocent Mark of their Public Favour, than by shewing their Features, under the Advantage of a Smile », etc. (New Prose Guide, p. 37-39). Il est curieux que de tels conseils aient paru nécessaires.

3. L'ordre du bal est donné par Goldsmith, Life of Nash, p. 522.

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