Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

que François eût pris possession de sa nouvelle dignité, les poursuites contre les Jésuites étaient commen

cées. Une banqueroute inexplicable et les révélations qui en furent la suite avaient soulevé tous les

esprits contre une société qu'on accusait d'attac aquer la monarchie dans ses fondements. On a vu quelle fut, dans cette circonstance, la marche du parlement de Toulouse et la conduite de Dominique de Bastard, alors son doyen. Le premier président se montra plus favorable aux intérêts de la Société; soit qu'il fût moins frappé du danger de ses doctrines que touché de l'utilité de ses services, soit qu'il lui parût plus sage de réformer l'institution que de la détruire. Aussi, après l'arrêt qui venait de supprimer les Jésuites, il prononça ces paroles devenues prophétiques: « Vous venez de donner, Messieurs, « un exemple funeste, celui des sup« pressions vous serez supprimés « à votre tour. » Huit ans ne s'étaient pas écoulés que cette haute prévision fut confirmée par la suppression des parlements et l'établissement des Conseils Supérieurs (1771). Plus tard ils essuyèrent une suppression encore plus funeste, et dont les causes furent peut-être les mêmes. François de Bastard joiguait à un zèle éclairé pour les droits du trône, une opinion toujours indépendante et une grande fermeté de caractère. Ces qualités ne tardèrent pas à être mises à de difficiles épreuves. Divers édits de finance ayant été rejetés au parlement de Toulouse, le duc de Fitz-James, gouverneur de Languedoc, fut chargé (1763) d'en exiger l'enregistrement,

:

par faveur spéciale, en survivance de son « père), magistrat distingué par des lumières « et une integrité héréditaires.» (FALCONET, Barreau français moderne.

et eut l'imprudence, malgré les conseils du premier président, de donner pour appui à ses réquisitions un appareil militaire qui offensa le parlement et ne put vaincre sa résistance. On prit alors des mesures rigoureuses; on voulut empêcher la cour de se réunir, et il fut ordonné à la plupart de ses membres de garder les arrêts dans leurs propres maisons. Le parlement, à son tour, décréta le gouverneur de prise de corps. Il y avait excès des deux côtés. Des libelles diffamatoires furent répandus contre les conseillers fidèles à leur devoirs et la vie du duc de Fitz; James (Voy. ce nom, au Suppl.), fut un instant menacée par suite d'un décret de prise de corps (2). François se plaça utilement entre les esprits irrités; mais s'il était blessé, comme sa compagnie, de la violence dont elle avait été l'objet, il ne put demeurer insensible à l'affront reçu par le représentant du roi, ou indifférent aux suites qu'il pouvait entraîner; et il ne craignit pas de manifester hautement, soutenu par l'approbation de son vieux père qui ne se sépara jamais de lui, les sentiments que lui inspirait la conduite de ses

(2) Le fait suivant donnera l'idée des pouvoirs que s'étaient attribués les parlements, et de la promptitude avec laquelle, en matière politique, ils faisaient exécuter leurs propres arrêts. Le gouvernement avait envoyé au parlement de Toulouse un édit établissant un droit sur les vins. L'enregistrement avait été refusé. Nonobstant le refus, un employé de la régie vint exercer son emploi dans la capitale du Languedoc, et jusque dans l'enceinte et les dependances du Palais. Dominique de Bastard, alors doyen, et qui, en cette qualité, avait la police de cette enceinte, fait conuire l'agent devant lui, et le condamne, seance tenante, à etre fouette par la main du bourreau, et à étre banni du ressort du parlement. Le condamné en appelle à la grand'chambre, qui s'assemble à l'instant, confirme la sentence et en ordonne l'exécution immédiate sur la place même du Palais. La cour fut obligée de fermer les yeux sur cet acte, aussi injurianx quant au fond, qu'outrageant par la rapidite des formes, et qui ne put qu'ajouter à l'irritation des esprits dejà si grande.

collègues (3). Pour mettre fin à ces agitations, le gouvernement fit demander par le duc d'Orléans au parlement de Paris, assemblé comme Cour des Pairs, l'annulation de ce qu'avait fait le parlement de Toulouse. Cette annulation fut définitivement prononcée par arrêt du 30 déc. 1767, le duc de Fitz-James n'étant justiciable que de la Cour des Pairs. Le grand dauphin, ce prince trop tôt enlevé à l'amour des Français (Voy. Louis, dauphin, XXV, 241), écrivit à François de Bastard « pour « le féliciter de sa digne couduite. » Le roi lui fit écrire en son nom par le chancelier, et le remercia «de sa sagesse dans la position dif« ficile où il s'était trouvé, et du « zèle qu'il avait montré pour les in«térêts de la justice et de la couron« ne. » Mais, dans l'état d'exaspération où les esprits étaient arrivés, le parlement de Toulouse, déjà irrité de la conduite de son chef lors del'affaire des Jésuites (4), ne put comprendre qu'en cette seconde casion il n'eût pas partagé tous les sentiments dont le corps était animé. Sa prudence et sa fidélité parurent une sorte de défection; et c'est

OC

(3) Il était en correspondance avec le duc de Fitz-James. Une de ses lettres, en date du 19 sept. 1763, suffira pour faire connaitre la na

ture de ces relations, qui d'ailleurs existaient

dans tous les parlements du royaume, entre

quelques membres dévoués à la cour et les prin

cipaux dépositaires de l'autorité. « J'ai été in«formé, Monsieur, des ordres que vous avez

donnés. Vous avez cru devoir le faire; votre « l'exigeait, je n'ai rien à dire: ces ordres fe. «ront sensation; je vous prie de me rendre justice. « Ce n'est pas que j'en sois inquiet; je préférerai

« pouvoir vous y autorisait, le bien du service

« toujours d'obéir à mon maitre à tout le reste.

«Mais il est important, pour le bien du service, u que l'on sache que je n'y ai aucune part... Je me « rendrais très-volontiers chez vous, mais il est a plus nécessaire que jamais que vous m'en envoyiez « l'ordre par écrit. Signé BASTARD.>> V-VB.

(4) Le premier président avait continué d'admettre publiquement les Jésuites à sa table, et il en avait retiré deux chez lui, lors de la suppression de l'ordre.

сс

[ocr errors]

сс

alors que la colère dicta cet arrêté (27 mars 1764) portant que, « pour certaines causes et considéraa tions à ce mouvant la cour, il « est délibéré de ne plus travailler « avec le premier président au Pa« lais ni ailleurs; » arrêté, pris en l'absence de celui qu'il concernait, dont les expressions inusitées ne pouvaient appartenir qu'à l'autorité royale, et dont l'opinion publique fit justice, avant même qu'il eût été cassé par le conseil du roi. Abreuvé de dégoûts, François de Bastard se serait démis de sa charge, s'il n'avait puisé un nouveau courage dans les conseils du prince dont le suffrage ne l'a jamais abaudonné. Le dauphin lui écrivait, le 26 sept. 1764, qu'il « soutenait avec la fermeté la plus digne d'éloges une position pénible, pour ne rien dire de plus, par « attachement aux intérêts du roi ; « et que lui, il regardait comme si important de le conserver dans sa place, qu'il ne pouvait que l'exhor«ter à y rester avec le courage qu'il « avait fait voir, espérant des temps « et des circonstances plus heureu«ses. » En outre de ce témoignage de l'héritier présomptif de la couronne, François, deux ans plus tard, en obtint un autre qui doit trouver ici sa place. Les habitants de Toulouse, instruits que le chef de leur parlement allait leur être rendu après une longue absence, lui préparaient une sorte de réception publique, en envoyant au devant de lui une nombreuse cavalcade composée de l'élite de la cité. Ces dispositions blessèrent le parlement qui feignit de les trouver conformes à la gravité des mœurs de la magistrature, et un arrêté ordonna que les capitouls seraient mandés « pour leur faire connaître que l'intén

[ocr errors]

cc

peu

«tion du parlement est qu'ils aient a à empêcher toute assemblée illicite «< et tumultueuse, et notamment une «< cavalcade annoncée pour l'arrivée du « premier président (21 fév. 1767).» Quelque fut le motif de cet arrêté, il tint lieu au premier président des honneurs qu'on lui avait destinés, et servit à les constater. Cependant, en 1768, François donna sa démission qui fut acceptée au bout de quelques mois. On lui offrit l'ambassade de Constantinople; et, sur son refus, on le nomma conseiller d'état (1769), fonctions dont l'importance était fort grande alors et plus en harmonie d'ailleurs avec les habitudes de sa vie laborieuse (5). Peu de temps après, le duc de Choiseul, premier ministre, qui déjà prévoyait sa disgrâce, voulut lui donner la succession de Maynon d'Ynvau au contrôle-général des finances; mais ni les désirs du roi, ni l'attrait du pouvoir ne purent vaincre la résistance de François, et c'est alors que l'abbé Terray obtint ce ministère qui devait rendre son nom si tristement célèbre (V. TERRAY, XLV, 175). François espérait trouver,daus les fonctions de conseiller-d'état, le repos qu'il avait en vain cherché dans la magistrature; ce repos ne fut pas de longue durée. Le chancelier de Maupeou venait d'être placé à la tête du ministère (1770), et la cour, ne supportant qu'avec impatience des résistances souvent dangereuses, résolut de détruire les parlements (Voy. MAUPEOU, XXVII, 516), et de les remplacer par des magistrats réduits à la

(5) Le grand dauphin lui écrivait à cette occasion: « Si dans le projet qu'on vous a pro«posé, Monsieur, l'autorité est encore blessée,

du moins conserve-t-elle et récompense-t-elle avec éclat un sujet qui l'a servie avec tant de « zèle et de distinction. C'est ce qui me déter<< mine à vous conseiller d'accepter, Monsieur; « vous savez la joie avec laquelle je verrai tou. u jours ce qui sera à votre avantage. Signe Louis.»

seule administration de la justice. StPriest, Caumartin, Calonne, François de Bastard, d'Ormesson, Amelot de Chaillou, Esmangard et plusieurs autres conseillers d'état furent désignés pour accomplir ces changements dans les treize parlements du royaume (6). François résista, fit des représentations réitérées; tout fut inutile. Le roi ne voulut tenir compte ni de la répugnance qu'il devait éprouver, comme parlementaire, à entrer dans ces mesures rigoureuses, ni de l'éloignement qu'avait cet esprit sage pour tout bouleversement. Il fallut obéir; et, assisté, à Besançon du maréchal de Lorges, et à Rennes du duc de Fitz

(6) Le comte de Périgord et M. de Saint-Priest furent chargés de la dissolution du parlement de Toulouse; le comte de Clermont-Tonnerre et M. Pajot de Marcheval furent envoyés à Grenoble; le maréchal de Richelieu et M. Esmaugard à Bordeaux; le marquis de la Tour-du-Pin et M. Amelot de Chaillou, à Dijon; le duc d'Harcourt et M. Thiroux de Crosne à Rouen ; le comie de Rochechouart et M. Le Noir à Aix; le ina

réchal d'Armentières et M. de Calonne, à Metz; Douai; le comte de Ruffey et M. de Flesselles,

le chevalier du Muy et M. de Caumartin, à

à Trévoux. Le parlement de Pau avait été soumis dès l'année 1765, il n'opposa point de resistan

ce; et l'ancien parlement de Nancy, ou plutôt

de Saint-Mihiel, cassé par Louis XIII, ne fut recréé qu'en fevrier 1775, lors du rétablissement de tous les parlements, celui de Dombes excepté. On tint dans chaque cour un espèce de lit de justice où le pouvoir militaire representait l'autorité

royale, et le conseiller d'etat en mission, le chan

celier de France, organe de cette autorité. Le parlement de Paris avait été réservé au comte de la Marche, prince du sang royal, qui, assisté du maréchal de Richelieu et de MM. d'Ormesson

et de la Galaisière, conseillers d'état, installa

en personne les Conseils Supérieurs. L'établissement de cette grande mesure se fit presque partout sans résistance. La noblesse de Normandie et de Bretagne joignirent seules leurs protestations à celles des princes et des bailliages ressortissant de Paris. Leclergé, le tiers-état et la masse de la nation restèrent impassibles devant un évènement qui, arrivé dix ans avant la mort de Louis XV, eût acquis la sanction du temps, et aurait retardé peut-être la marche si rapide de la révolution. A Besançon et ailleurs, il failut employer les troupes à protéger l'exil des conseillers opposants contre la fureur d'une populace effrénée, qui les traitait de Monopoleurs et d'Accapareurs, et leur imputait la disette du moment. On prétendit, selon l'usage, que les émissaires du gouvernement étaient auteurs de ces rumeurs et de ces bruits calomnieux.

James (août et octobre 1771), il installa dans ces deux villes les Conseils Supérieurs. Lorsqu'on forma la maison du comte d'Artois (1773), qui depuis fut le roi Charles X, François fut appelé aux deux charges de chancelier-garde-des-sceaux et de surintendant des finances et bâtiments, sans cesser toutefois de siéger aux conseils du roi. Il fut du nombre des conseillers d'état qui assistèrent au sacre de Louis XVI: et, le 19 mars 1776, il accompagna, comme conseiller d'état, avec Feydeau de Marville et le maréchal de Nicolaï, aussi conseillers d'état, le comte d'Artois, à la cour des aides, pour l'enregistrement de l'Edit portant suppression des corvées; mesure à laquelle il avait puissamment contribué par un mémoire qui fit une grande impression sur l'esprit du roi. Mais, suffisamment occupé par les fonctions de chancelier et la présidence du conseil du prince, auquel le roi avait attribué un immense apanage et des droits régaliens, François renonça bientôt à la charge de surintendant (sept. 1776), dont l'exercice se composait d'ailleurs de détails peu conformes à ses goûts. Toutefois il y rendit d'importants services, en établissant un ordre parfait dans les finances; et il obtint les témoignages les plus honorables de satisfaction dans les lettres-patentes qui séparèrent, sur sa demande, la charge de surintendant de celle de chancelier, qu'il exerça jusqu'à sa mort arrivée le 20 janvier 1780. Les services et l'intégrité de François de Bastard furent rappelés par Louis XVI dans les provisions de chevalier d'honneur de la cour souveraine de Montauban, accordées, en 1781, au comte d'Estang (Jean de Bastard), et dans celles de conseiller au parlement

de Bourgogne, accordées à son fils en 1782. On a dit que François de Bastard, vivement affecté d'un procès odieux autant que ridicule, et dont l'issue cependant ne pouvait être douteuse, avait abrégé ses jours; mais ses sentiments religieux, la publicité de sa maladie et le témoignage du vieux maréchal de Biron, son ami, qui ne le quitta point dans ses derniers instants, firent tomber aussitôt cette calomnie, répandue par le parti janséniste. En 1775, le portrait de François de Bastard a été gravé par Patas, dans le costume de chancelier et dans celui de conseiller d'état. L'histoire de son dissentiment avec sa compaguie, à l'occasion de l'affaire du duc de Fitz-James, se trouve longuement traitée par de Vic, dans le Journal des discussions du parlement de Toulouse. M-D j.

BASTARD (DOMINIQUEFRANÇOIS DE), de la même famille que les précédents, chanoine de Lectoure et vicaire-général du diocèse de Lombez, fils de Pierre de Bastard, comte d'Estang, en Armagnac,et de N. de Catellan(V.ce nom, VII,359), naquit à Nogaro (Gers), en 1747. Il fut élevé au collège de Pontlevoy, dirigé par les oratoriens; et, dès sa jeunesse, la pureté de ses mœurs et sa piété le firent remarquer parmi ses camarades: Egregia eruditionis, bonis moribus, et fama præditus, dit l'auteur de son éloge. Il fut envoyé ensuite à Saint-Sulpice, ce séminaire de l'épiscopat, d'où sortaient, à celle époque, les hommes les plus distingués de l'église de France, où il se lia intimement avec l'abbé de Fénelon, évêque de Lombez, qui le choisit pour son grand-vicaire.

et

Dans l'exercice des fonctions ecclésiastiques, l'abbé de Bastard se si→ gnala par son zèle et sa charité envers

[graphic]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
« VorigeDoorgaan »