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avait été abolie par la promulgation seule de l'acte constitutionnel.

Pour éclairer le gouvernement dans sa marche, pour porter la lumière dans chaque partie du service, soit civil, soit militaire, les consuls ont senti le besoin d'un Conseil d'État fortement organisé. Ce conseil, dont l'existence sera consacrée par la constitution, est divisé en sections qui répondent à tous les besoins du gouvernement. Chacune d'elles réclame et admet les hommes les plus habiles dans chaque service particulier. Tous les partis, toutes les opinions fournissent leur contingent à ce conseil. Le public étonné admire cette association hardie. Il reconnaît du talent dans tous les membres qui le composent. Le pouvoir saura dominer les opinions et tirer parti du talent.

Deux autres corps, un Sénat conservateur, un Tribunat, doivent entrer aussi dans l'organisation qui se prépare.

Le Sénat conservateur offre une composition dont la France n'a pas moins à s'honorer. Tous les genres de mérite, tous les genres d'intérêt y ont leur représentation. A côté des vétérans de l'armée et de la marine, des jurisconsultes les plus distingués, des négociants et banquiers de nos principales villes de commerce, siégent nos savants les plus célèbres. La littérature et les ma

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thématiques, la chimie et l'histoire naturelle, la médecine, l'astronomie et la peinture elle-même, enfin toutes les notabilités de la société humaine s'étonnent et se réjouissent de se voir rassemblées dans la formation du premier corps de l'État. Quelques noms de l'ancienne monarchie y ont aussi trouvé place, comme pour constater que le nouveau gouvernement réprouve toutes les injustices et surtout les injustices collectives. On dirait que Bonaparte, prévoyant que le Sénat pourrait bien ne pas avoir le relief d'une grande puissance, a pris soin de le recommander du moins à la considération publique par l'illustration individuelle de ses membres.

Les capacités plus actives et plus jeunes ont été réservées pour le Tribunat.

La distribution des commandements militaires

n'est pas moins propre à satisfaire l'opinion publique. Moreau va commander sur le Rhin; Masséna, en Italie; Augereau, en Hollande. Dans les journées de brumaire, la conduite d'Augereau avait été plus que suspecte. Les consuls ne se souviennent que de ses services. Dans tous ces actes, je nomme les consuls, mais n'est-il pas évident déja qu'un seul homme gouverne et que l'esprit de cet homme est de la plus vaste portée? Les préventions vulgaires ne l'atteignent pas. « Comptez, écrivait-il au général Auge

reau, que je n'oublierai jamais la belle journée de Castiglione.

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Bonaparte, consul, n'a pas perdu de vue les devoirs du commandant en chef de l'armée d'Egypte. Plusieurs décrets sont rendus en faveur de cette armée. Il s'occupe d'elle, veille sur elle. Il lui recommande l'obéissance au brave général qu'il lui a laissé. Trop grand pour être accessible à de petites passions, il pardonne au général Kléber l'injustice de ses plaintes contre le général Bonaparte. Il sait que Kléber est d'humeur querelleuse et prompte au murmure; que le même homme qui, la veille, regarde sa situation comme désespérée, est capable le lendemain, mesurant la difficulté à ses forces, de se sentir assez d'énergie et de ressources pour triompher des obstacles et conserver l'Égypte, ce qu'il eût fait sans le poignard du fanatique qui l'arrêta dans sa course. Qu'importe, au dépositaire des destinées de la France, quelques traits d'un esprit satirique et grondeur? Kléber, le fier Kléber, n'a cependant reconnu de supérieur, de maître qu'en lui. Aussi, de son côté, dans son fougueux lieutenant, Bonaparte ne voit que le grand capitaine.

Un autre encore n'eût pas moins mérité peutêtre d'être choisi pour le commandement en chef,

c'était Desaix. Kléber eût été pour Desaix un compagnon indocile. Bonaparte a jugé Desaix assez généreux pour obéir sans résistance à Kléber. Il apprécie, dans Desaix, et les qualités militaires et les qualités morales. Quoique, d'après les instructions qu'il a laissées à son départ, celui-ci doive bientôt le rejoindre, il lui envoie, comme preuve nouvelle de son estime, un sabre richement garni, mais dont le principal diamant est cette inscription: Conquête de la haute Égypte.

L'armée d'Italie avait désappris la victoire. C'était vaincre alors que de sauver l'armée, et ce fut là l'immense service que rendit le général Saint-Cyr dans les derniers mois de 1799. La brillante conduite de ce général ne fut pas laissée sans récompense. Un beau sabre lui fut décerné, avec invitation de le porter dans les jours de combat. Saint-Cyr fut nommé en même temps le premier lieutenant de l'armée. La désignation était nouvelle; le titre, inconnu jusqu'alors; la nouveauté en double le prix.

Une profonde connaissance du cœur humain est une des qualités du général Bonaparte. Nous l'avons vu en Italie, en Égypte, excitant, par des récompenses guerrières, la noble rivalité de ses compagnons d'armes. Par son influence, ce prin

cipe de la nécessité des récompenses nationales est devenu un article I constitutionnel. Pour le moment, il s'arrête au mode 2 qu'il a déja mis en usage; mais de là sortira un jour la Légiond'Honneur.

Non content d'assurer un tribut de reconnaissance aux belles actions présentes et futures, le premier consul ne néglige pas la dette du passé. Déja il a rendu des honneurs particuliers à la mémoire de Joubert. L'hôtel des Invalides, qu'il est jaloux d'embellir, va se peupler par ses ordres de statues représentant les guerriers dont le nom est le plus cher à la patrie. La république française avait affecté de se jeter en dehors de l'ancienne France et de la désavouer. C'était une faute. La France ancienne n'a-t-elle pas aussi sa gloire? En la méconnaissant, la France nouvelle se dépouillait gratuitement d'un riche et glorieux héritage. Bonaparte va par degrés la conduire à en reprendre possession. A côté des statues de Hoche, de Joubert, de Marceau, de Dugommier et de Dampierre, un tact éclairé 3 et juste place celles de Condé et de Turenne. Le nom de prince de Condé n'est pas prononcé encore. L'hommage

1 Art. 87.

2 Arrêté du 4 nivose, 25 décembre. 3 Arrêté du 8 nivose, 29 décembre.

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