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XXIII. Item que depuis lesdictz dépourtemens desdictz d'Ancier et Lambelin, ilz n'ont cesser de practiquer par tous moiens indirectz, tant par eulx que leurs ministres, mectre division entre les gouverneurs modernes et aultres gens notables dudict Besançon, dictz et faictz semer plusieurs propos de menasses contre l'auctorité et obéissance de Sadicte Majesté pour leur donner craincte et terreur, affin de faire tomber les choses en confusion et que l'on fût contrainct recourir à eulx, pour par telz moiens rentrer en leur crédit, qu'est chose fort à craindre.

Pourquoy l'on supplie qu'il plaise à Icelle Majesté considérer les grandz inconvéniens qui peullent advenir par leurs moiens audict Besançon, comm'il est dict ci-dessus, tant en ce qui touche la foy catholicque, l'obéissance et fidélité de Sadicte Majesté, que aussi à la Républic d'icelle cité, et y donner l'ordre nécessaire.

SAINT-SIMON ET L'ABBÉ DUBOIS

LEURS RELATIONS DE 1718 A 1722,

D'APRÈS LES MÉMOIRES DE SAINT-SIMON ET LES CORRESPONDANCES DU TEMPS.

Parmi les nombreux personnages que Saint-Simon a poursuivis de sa haine, il n'en est aucun qu'il ait plus cruellement flagellé que l'abbé Dubois. Dans le portrait qu'il a tracé de ce ministre vers la fin de ses Mémoires 1, il le charge de tous les vices et ne lui reconnaît d'autre habileté que celle de la basse intrigue. On devrait croire, d'après ce passage et en général d'après les Mémoires, que sous la régence du duc d'Orléans, à l'époque où il siégeait dans les conseils du prince, Saint-Simon a été un des adversaires les plus constants et les plus redoutables de l'abbé Dubois. Il s'en vante plus d'une fois dans ses Mémoires, et on serait persuadé, à n'écouter que ce témoignage, qu'il n'a jamais varié dans ses sentiments. Mais si l'on consulte les correspondances de l'époque, on reconnaît que les Mémoires, rédigés dans la vieillesse de Saint-Simon, sont loin d'être d'accord avec les lettres écrites au moment même où les événements s'accomplissaient.

I.

Prenons d'abord l'année 1718 où l'abbé Dubois négocia et conclut la quadruple alliance destinée à arrêter les vues ambitieuses d'Alberoni et à réunir, pour lutter contre ce ministre, la France, l'Angleterre, l'Autriche et la Hollande. Saint-Simon a condamné ce traité de la manière la plus formelle et la plus

1. T. XX, p. 8 et suiv. de l'édit. in-8° des Mémoires de Saint-Simon, publiée par la maison Hachette (1856-1858). Les citations de cet article seront tirées de cette édition. Pour les lettres de Saint-Simon, je me servirai du t. XIX de l'édition publiée en 1873-1875.

énergique, traité, dit-il, qui montroit toute notre servitude pour l'Angleterre et notre aveuglement sur nos intérêts les plus évidents, qui conservoit et augmentoit la puissance de l'Empereur, le commerce et les richesses des Anglois, resserroit l'union de ces deux monarques, en leur en faisant sentir toute l'utilité, ne nous étoit d'ailleurs d'aucun profit, bien loin de compenser en rien aucun des avantages que ces deux puissances en retiroient..... accabloit l'Espagne et la brouilloit irréconciliablement avec nous, qui étoit le plus grand et le plus fort préjudice que nous pouvions faire à nous-mêmes et l'avantage le plus inespérable et de l'usage le plus continuel et le plus grand que nous puissions procurer aux ennemis naturels et continuellement éprouvés tels de la Couronne, etc. »

Il est impossible de se prononcer avec plus de force contre la politique de l'abbé Dubois. C'était vers 1740 que Saint-Simon écrivait cette condamnation; mais en 1718 il ne pensait pas de même, si l'on en croit des correspondances authentiques conservées dans les archives des affaires étrangères. Elles nous montrent, au contraire, Saint-Simon soutenant l'abbé Dubois pendant les négociations de la quadruple alliance. Ces correspondances ont été signalées par M. Ch. Aubertin dans son intéressant ouvrage sur l'Esprit public au xvII° siècle. J'ai pu, à mon tour, les consulter et en extraire des passages, qui fournissent un piquant commentaire des Mémoires de Saint-Simon.

Dubois, pendant qu'il négociait à Londres, avait plusieurs correspondants à Paris, et entre autres Théodore Chevignard de Chavigny, que Saint-Simon a fort maltraité dans ses Mémoires et qu'il appelle le faux Chavigny. On peut opposer à son témoignage le jugement d'un historien aussi calme que Saint-Simon est passionné. Le grave et savant auteur de l'His

1. Addition au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 336 de l'édition complète du Journal. Saint-Simon a reproduit en partie cette addition dans le t. XIV, p. 189 et 190, des Mémoires. Mais par une étrange distraction, il y a confondu les traités de la triple et de la quadruple alliance, conclus l'un en 1717 et l'autre en 1718, et il a appliqué au premier ce qui se rapporte au second. On trouvera la rectification de cette erreur dans les notes jointes à la nouvelle édition des Mémoires.

2. Je ne m'arrête pas à l'irrégularité des phrases. Les lecteurs de Saint-Simon y sont habitués. Il s'agit, dans ce passage, de l'empereur Charles VI, et du roi d'Angleterre Georges Ier.

3. T. VIII, p. 109 et suiv.

toire de la diplomatie française, Flassan, fait remarquer 1 qu'en supposant que les assertions de Saint-Simon sur l'origine de la famille de Chavigny soient fondées, « le mérite universellement reconnu de M. de Chavigny doit effacer les impressions qui pourraient en résulter. » Chavigny remplit, au XVIIIe siècle, plusieurs missions diplomatiques avec succès, à Gênes, en Espagne, en Portugal, en Angleterre, en Danemark. Ce fut lui qui, en 1744, pendant que Saint-Simon écrivait ses Mémoires, conclut l'union de Francfort contre la maison d'Autriche. Il termina, en 1771, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, une carrière honorablement remplie.

Chavigny avait trente et un ans lorsque l'abbé Dubois, qu'il avait accompagné à Londres, le renvoya à Paris, en mars 1718, en le chargeant d'expliquer l'état de la négociation au régent et aux principaux membres de son Conseil. Saint-Simon était un de ceux que Chavigny devait visiter. Il écrivait à Dubois le 28 avril 1718 : « J'ai été ce matin chez M. le duc de SaintSimon, qui est revenu de la campagne. Je ne l'ai pas encore rencontré. J'aurois pu lui parler hier au Palais-Royal; mais il y auroit eu trop d'affectation. Je réussirai à le voir cette semaine. » Dubois pressait Chavigny de tenir sa promesse : << Vous ne me dites rien de M. de Saint-Simon. Je vous prie, quand vous passerez dans ce quartier2, de lui faire mes compliments. Vous apprendrez par lui quelques faits curieux concernant le maréchal3. »

Chavigny parvint à voir Saint-Simon au commencement de mai, et il le trouva, à l'égard de Dubois, dans des dispositions bien différentes de celles qu'expriment les Mémoires. « J'ai réussi à rencontrer M. le duc de Saint-Simon, écrivait Chavigny à Dubois le 3 mai. Je l'ai trouvé non-seulement fort de vos amis, mais de vos plus zélés partisans. De la façon dont il m'a parlé, il adore votre besogne et ne cesse de la précher à S. A. R. (le duc d'Orléans). Il est entré avec moi dans le détail de cette

1. Hist. de la Diplomatie française, t. V, p. 113, note.

2. Saint-Simon demeurait alors rue Saint-Dominique presque en face de l'hôtel de Luynes.

3. Il s'agit probablement du maréchal d'Huxelles, qui était président du Conseil des affaires étrangères. Il en sera question dans la lettre suivante. Dubois regardait le maréchal comme son ennemi et aspirait à le remplacer dans la direction des affaires étrangères.

même besogne, et m'a paru fort bien instruit. Il m'a dit que, sans faire semblant de rien, il avoit demandé, depuis son retour de la campagne, à M. le maréchal d'Huxelles, s'il y avoit longtemps qu'il n'avoit reçu de vos nouvelles; à quoi celui-ci a répondu fort sèchement que vous ne lui écriviez point et que depuis trois mois il ne vous avoit point non plus écrit. J'ai dit à M. le duc de Saint-Simon que vous aviez été le dernier à écrire à M. le maréchal d'Huxelles; qu'ainsi il étoit dans son tort. Vous jugez bien que je n'ai pas perdu cette occasion pour me récrier contre le peu de correspondance, contre les contradictions et contre la malice des contradicteurs. M. le duc de Saint-Simon en est convenu; mais il m'a voulu dire qu'il falloit rendre justice à M. le maréchal d'Huxelles; qu'il avoit vu1, dans le Conseil de régence tenu il y a dimanche huit jours, le traité; qu'il en avoit fait l'éloge et d'un bout à l'autre, et avoit même rendu compte de ses fortes conversations avec le prince de Cellamare et le marquis de Monti3 pour engager l'Espagne à accéder à ce traité.

» J'ai bien désabusé M. le duc de Saint-Simon. Je lui ai fait voir le dessous des cartes. Il a bientôt senti le vrai de ce que je lui ai fait observer. Au reste, il m'a reçu on ne peut plus obligeamment; il a été sensible à votre souvenir. Les précautions que j'avois prises de me faire écrire à sa porte l'ont assez persuadé de ma diligence. Il m'a dit qu'il étoit votre ancien ami; qu'il comptoit toujours sur votre amitié, et m'a prié sur toutes choses de vous assurer de sa reconnoissance et de son dévouement. Il m'a fort prié de le voir de temps en temps; à quoi je ne manquerai pas. »

Dubois entretenait aussi une correspondance assidue avec un de ses neveux, qui résidait à Paris. Il lui écrivait le 16 mai 1718 « Priez M. de Chavigny d'éclaircir par M. le duc de Saint-Simon, ou par quelque autre, ce qu'il (Chavigny) m'a écrit qu'aucune de mes lettres n'étoit lue au Conseil de régence et que toutes celles de M. de Nancré y étoient lues régulière

1. Il y a bien vu dans le manuscrit; il semble que lu serait préférable. 2. Ambassadeur d'Espagne en France.

3. Le marquis de Monti, originaire d'Italie, était un des affidés d'Alberoni. Il s'attacha, dans la suite, à la France, fut nommé chevalier du Saint-Esprit en 1737 et mourut en 1738 à l'âge de 54 ans.

4. Le marquis Dreux de Nancré était, à cette époque, chargé d'une mission diplomatique en Espagne.

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