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LA MISSION

DE CUSTINE A BRUNSWICK

EN 1792,

D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS.

Objet de cette étude.

I.

-La correspondance de Custine.

Le nom du duc Ferdinand de Brunswick est attaché au souvenir du manifeste du 25 juillet 1792, c'est-à-dire à l'intervention étrangère dans ce qu'elle a de plus blessant, à l'invasion dans ce qu'elle a de plus odieux. Ce n'est donc pas sans étonnement qu'en lisant les histoires de la Révolution on voit, au commencement de 1792, quelques mois avant le manifeste, le ministère constitutionnel Narbonne et de Lessart charger le jeune Custine, fils du général, d'offrir au duc de Brunswick le commandement supérieur des armées françaises. Ce fait est mentionné, d'une manière succincte, mais avec assez d'exactitude, dans les Mémoires d'un homme d'État. La plupart des historiens ont reproduit ce récit; mais beaucoup d'entre eux ont ajouté une version nouvelle fondée sur une insinuation des Mémoires de La Fayette2, sur l'autorité fort suspecte de d'Allonville3 et sur une note très-incertaine trouvée dans les papiers de Mallet du Pan'. D'après cette version, l'offre faite à Brunswick de commander les troupes françaises cachait l'arrière-pensée de le substituer à Louis XVI: une lettre adressée par Brunswick au roi aurait dévoilé cette trame. Cette histoire, plus ou moins enjolivée, se retrouve non-seulement dans une composition toute littéraire comme les Girondins de Lamartine, mais même dans des écrits de forme historique comme l'ouvrage de M. Louis

1. Tome I, p. 186-189.

2. Tome IV, p. 445.

3. Mémoires secrets, II, 219.

4. I, p. 259-261.

Blanc. M. de Bourgoing la rapporte sous toutes réserves, sans la contester, mais sans la contrôler 2. M. de Sybel, qui a eu entre les mains des correspondances de la cour de Brunswick, se borne à dire un mot de la proposition de commandement faite au duc par Custine; il ne parle pas d'un projet de changement de dynastie. Il se borne à renvoyer le lecteur aux lettres échangées entre Narbonne et le duc, et qui ont été publiées en Allemagne pendant la Terreur 3.

La lecture de la correspondance de Custine pendant sa mission pouvait seule dissiper les équivoques, et permettre de rétablir dans sa réalité cet épisode, à coup sûr un des plus singuliers de l'histoire diplomatique de la Révolution. Les minutes de ses lettres sont aux Archives nationales. Admis à dépouiller différents dossiers de l'époque, j'ai eu la bonne fortune de les rencontrer. La forme même dans laquelle elles sont écrites ne permet pas de supposer que Custine ait eu avec Brunswick d'autres entretiens que ceux dont elles font mention. Depuis lors, M. le duc Decazes a bien voulu, sur l'avis de la commission des Archives diplomatiques, m'autoriser à compléter mes recherches au dépôt des affaires étrangères. J'ai pu ainsi ajouter plusieurs indications importantes à celles que ces minutes m'avaient fournies. C'est donc avec des documents absolument authentiques et, si je ne me trompe, entièrement inédits, que j'ai composé l'étude qu'on va lire. Il me sera permis avant de l'aborder de remercier ici publiquement M. Alfred Maury, directeur des Archives nationales, et M. Prosper Faugère, directeur des Archives aux affaires étrangères, de la bienveillance avec laquelle ils m'ont accueilli et de la bonne grâce qu'ils ont mise à me faciliter les moyens de poursuivre mon travail.

Outre l'intérêt qu'il y a toujours à dissiper une calomnie et à dégager une vérité historique des légendes qui l'obscurcissent, le lecteur, je l'espère, trouvera un attrait de plus dans les documents qui vont lui être présentés. Il y verra se dessiner, avec une grâce extrême et un relief singulier, la figure jusqu'ici assez effacée de François de Custine. Ses lettres montrent en lui une maturité précoce jointe à l'ardeur des sen

1. Histoire des Girondins, livre V, ch. XXII. 2. I, p. 441.

Louis Blanc, VI, p. 249.

3. Par Girtanner, Politische Annalen, Berlin 1793-1794.

LA MISSION

DE CUSTINE A BRUNSWICK

EN 1792,

D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS.

I.

Objet de cette étude. La correspondance de Custine.

Le nom du duc Ferdinand de Brunswick est attaché au souvenir du manifeste du 25 juillet 1792, c'est-à-dire à l'intervention étrangère dans ce qu'elle a de plus blessant, à l'invasion dans ce qu'elle a de plus odieux. Ce n'est donc pas sans étonnement qu'en lisant les histoires de la Révolution on voit, au commencement de 1792, quelques mois avant le manifeste, le ministère constitutionnel Narbonne et de Lessart charger le jeune Custine, fils du général, d'offrir au duc de Brunswick le commandement supérieur des armées françaises. Ce fait est mentionné, d'une manière succincte, mais avec assez d'exactitude, dans les Mémoires d'un homme d'État. La plupart des historiens ont reproduit ce récit; mais beaucoup d'entre eux ont ajouté une version nouvelle fondée sur une insinuation des Mémoires de La Fayette, sur l'autorité fort suspecte de d'Allonville3 et sur une note très-incertaine trouvée dans les papiers de Mallet du Pan'. D'après cette version, l'offre faite à Brunswick de commander les troupes françaises cachait l'arrière-pensée de le substituer à Louis XVI: une lettre adressée par Brunswick au roi aurait dévoilé cette trame. Cette histoire, plus ou moins enjolivée, se retrouve non-seulement dans une composition toute littéraire comme les Girondins de Lamartine, mais même dans des écrits de forme historique comme l'ouvrage de M. Louis

1. Tome I, p. 186-189.

2. Tome IV, p. 445.

3. Mémoires secrets, II, 219.

4. I, p. 259-261.

Blanc. M. de Bourgoing la rapporte sous toutes réserves, sans la contester, mais sans la contrôler 2. M. de Sybel, qui a eu entre les mains des correspondances de la cour de Brunswick, se borne à dire un mot de la proposition de commandement faite au duc par Custine; il ne parle pas d'un projet de changement de dynastie. Il se borne à renvoyer le lecteur aux lettres échangées entre Narbonne et le duc, et qui ont été publiées en Allemagne pendant la Terreur 3.

La lecture de la correspondance de Custine pendant sa mission pouvait seule dissiper les équivoques, et permettre de rétablir dans sa réalité cet épisode, à coup sûr un des plus singuliers de l'histoire diplomatique de la Révolution. Les minutes de ses lettres sont aux Archives nationales. Admis à dépouiller différents dossiers de l'époque, j'ai eu la bonne fortune de les rencontrer. La forme même dans laquelle elles sont écrites ne permet pas de supposer que Custine ait eu avec Brunswick d'autres entretiens que ceux dont elles font mention. Depuis lors, M. le duc Decazes a bien voulu, sur l'avis de la commission des Archives diplomatiques, m'autoriser à compléter mes recherches au dépôt des affaires étrangères. J'ai pu ainsi ajouter plusieurs indications importantes à celles que ces minutes m'avaient fournies. C'est donc avec des documents absolument authentiques et, si je ne me trompe, entièrement inédits, que j'ai composé l'étude qu'on va lire. Il me sera permis avant de l'aborder de remercier ici publiquement M. Alfred Maury, directeur des Archives nationales, et M. Prosper Faugère, directeur des Archives aux affaires étrangères, de la bienveillance avec laquelle ils m'ont accueilli et de la bonne grâce qu'ils ont mise à me faciliter les moyens de poursuivre mon travail.

Outre l'intérêt qu'il y a toujours à dissiper une calomnie et à dégager une vérité historique des légendes qui l'obscurcissent, le lecteur, je l'espère, trouvera un attrait de plus dans les documents qui vont lui être présentés. Il y verra se dessiner, avec une grâce extrême et un relief singulier, la figure jusqu'ici assez effacée de François de Custine. Ses lettres montrent en lui une maturité précoce jointe à l'ardeur des sen

1. Histoire des Girondins, livre V, ch. XXII. 2. I, p. 441.

1

Louis Blanc, VI, p. 249.

3. Par Girtanner, Politische Annalen, Berlin 1793-1794.

LA MISSION

DE CUSTINE A BRUNSWICK

EN 1792,

D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS.

I.

Objet de cette étude. La correspondance de Custine.

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Le nom du duc Ferdinand de Brunswick est attaché au souvenir du manifeste du 25 juillet 1792, c'est-à-dire à l'intervention étrangère dans ce qu'elle a de plus blessant, à l'invasion dans ce qu'elle a de plus odieux. Ce n'est donc pas sans étonnement qu'en lisant les histoires de la Révolution on voit, au commencement de 1792, quelques mois avant le manifeste, le ministère constitutionnel Narbonne et de Lessart charger le jeune Custine, fils du général, d'offrir au duc de Brunswick le commandement supérieur des armées françaises. Ce fait est mentionné, d'une manière succincte, mais avec assez d'exactitude, dans les Mémoires d'un homme d'État. La plupart des historiens ont reproduit ce récit; mais beaucoup d'entre eux ont ajouté une version nouvelle fondée sur une insinuation des Mémoires de La Fayette, sur l'autorité fort suspecte de d'Allonville3 et sur une note très-incertaine trouvée dans les papiers de Mallet du Pan'. D'après cette version, l'offre faite à Brunswick de commander les troupes françaises cachait l'arrière-pensée de le substituer à Louis XVI: une lettre adressée par Brunswick au roi aurait dévoilé cette trame. Cette histoire, plus ou moins enjolivée, se retrouve non-seulement dans une composition toute littéraire comme les Girondins de Lamartine, mais même dans des écrits de forme historique comme l'ouvrage de M. Louis

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1. Tome I, p. 186-189.

2. Tome IV, p. 445.

3. Mémoires secrets, II, 219.

4. I, p. 259-261.

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