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tageuse; et pour cest effect faire passer les vaisseaux et ceux du s' de Soubize desquels la despense est déjà faite, et ainsi à l'improviste paroistre tous ensemble a la coste de Gennes pour puis après essayer de traitter advantageusement et se retirer glorieusement.

» Reste maintenant l'Allemagne, les intérests de laquelle semblent devoir estre si sensibles à la France, qu'il faut dire qu'elle ne les peult abandonner qu'en s'abandonnant elle-mesme, en ce que, outre le voysinage, c'est que la perte de ce païs qui est si grand, si populeux, et si remply de puissantes villes, rendra la maison d'Austriche si redoutable avec les intelligences et alliances qu'elle a avec Espagne, qu'il sera impossible à la France de pouvoir subsister au milieu de deux si puissantes monarchies ennemyes de cest Estat.

>> On doibt encores considérer que ceste nation est simple, facile à gaigner, et la plus part des princes qui sont en icelle, anciens alliez de ceste couronne, et qui mesme ont pris nos Roys pour protecteurs de leur liberté, tiltre que Sa Majesté doibt estre jalouse de conserver, si elle désire conserver sa réputation et son honneur, en ce que c'est en quelque chose partager pour soy la dignité impériale.

» Il n'y a homme prudent qui ne juge l'importance de la perte des pais de Clèves, Julliers, Hault et Bas Palatinat, et qui ne taxe la France de son oubly ou de son aveuglement; et ce d'autant plus qu'il estoit facile au Roy d'en empescher la perte, voire de les conserver : le mesme peut-on dire aujourd'huy du reste de l'Allemagne, si la France se néglige tant que de l'abandonner, et qui se peult aussi facilement maintenir en sa liberté avec la protection et assistance du Roy, que facilement elle tombera soubs le joug espagnol si Sa Majesté ne la secourt promptement.

>> Henry II en la mesme conjoncture que sont aujourdhuy les affaires (bien qu'il y eust alors aussi bien qu'à ceste heure diversité de religion dans son Royaume) ne fit néantmoins aucune difficulté de dresser une puissante armée et de marcher luy-mesme à la teste pour protéger ses alliez, lesquels l'empereur Charles le Quint alloit opprimant ainsi que fait maintenant la maison d'Austriche; et comme son voyage fut utile, tant pour luy que pour ses alliez, qui empeschera à présent le Roy de faire de mesme? Toutes choses y devant incitter Sa Majesté, et nulles l'en détourner, sinon ceux qui seront jaloux de sa gloire et des advantages qu'il en peut retirer.

» Les armes du Roy ne peuvent estre que très-honorables et profitables dans l'Allemagne : honorables, en ce que, empeschant la ruine de tant de princes et Républiques qui ne peuvent estre accablées qu'au détriment de la France, Sa Majesté se conservera le tiltre que ceste nation a donné à nos Roys de protecteur; et utiles en ce que

dans cette protection le Roy trouvera moyen de s'accommoder de plusieurs païs voysins de son Royaume, ainsy que Henri II a fait de Toul, Verdun et Metz, duquel dernier évesché il y a encores plusieurs places, bourgs et villages dans l'Allemagne qui en dépendent, dont Sa Majesté se peult facilement emparer, sans ce qui se pourra faire dans l'Alseace et le long du Rhin sur lequel il importe à la France d'avoir un passage que l'on acquerra bien aysément en entreprenant ce dessein, y ayant mesme des Princes qui en donneront volontairement pour estre delivrez de l'oppression où ils sont.

» Davantage le Roy est obligé, et par raison d'Estat et par considération de l'alliance d'Angleterre, de procurer le restablissement du prince Palatin dans ses païs et dignitez; et c'est tenter en vain d'en remettre l'exécution au comte de Mansfeld, si Sa Majesté ne s'en mesle à bon escient. Les Princes de la Ligue protestante et toutes les villes Anséatiques estans si abattues qu'ils n'oseront jamais rien entreprendre s'ils ne voyent une armée royalle pour les animer; auquel cas il ne faut pas doubter que tous unanimement ne fassent un grand corps d'armée et qu'ils ne reprennent vigueur; au moyen de quoy Sa Majesté renversera les usurpations de la Maison d'Austriche, ostera le Palatinat à l'Espagnol, s'acquittera envers Angleterre d'un effect d'assistance promis, et trouvera encores occasion d'alonger les limites de son Estat, lesquelz advantages elle ne trouvera ni dans la guerre d'Italie, ni dans celle des Huguenots.

>> De plus, est à considérer que le Roy entreprenant la guerre d'Allemagne il fait (comme on dit) d'une pierre deux coups, en ce qu'il oblige Angleterre et traverse l'Espagnol. Car il peult faire incommoder Espagne par le Roy de la Grand Bretagne, et, la France attaquant l'Allemagne, elle ruine l'Empereur, et ainsi c'est brusler par les deux bouts la Maison d'Austriche, sans qu'on puisse dire que le Roy rompe par guerre avec le Roy d'Espagne.

>> Tout ce que dessus est faisable et se doibt faire, si on ne s'arreste qu'aux intérestz du Roy. Que si, par un contrepied, on porte Sa Majesté à des résolutions de quitter le dehors pour guerroyer au dedans, elle mettra infailliblement son Royaume en désolation, quelque bon succez qu'elle puisse avoir, et perdra le fruict de l'alliance d'Angleterre avec hazard d'avoir ce Roy pour ennemy, outre que, quelque paix qu'on fasse avec l'Espagnol, la France ne se peut asseurer de ses promesses, ni de l'avoir doresnavant pour meilleur amy. »

Une lettre de Lorkin du 25 juillet nous apprend le cours suivi par la négociation. Après des difficultés, il sembla que tout avait été arrangé

`la veille au soir; cependant, comme certaines des conditions offertes n'avaient pas été prévues dans les instructions des députés, on décida que plusieurs d'entre eux retourneraient pour obtenir l'approbation de ceux qui les avaient envoyés. « Les députés se bornèrent à remercier le roi d'avoir si gracieusement reçu leur Cahier; après quoi ils tombèrent à genoux ; ils le prièrent de leur faire sur le champ, de vive voix, la promesse de leur donner une lettre patente pour la démolition du fort; le roi y consentit aussitôt. Ce qui facilita grandement et hâta la conclusion du traité, après l'avoir du reste retardée pendant plusieurs jours, fut une nouvelle inattendue arrivée de La Rochelle le mercredi dans la nuit (23 juillet), d'un combat engagé entre une partie des deux flottes, et terminé à l'avantage de Soubise. »

Une autre lettre du 29 juillet nous dit que de nouvelles difficultés s'étaient élevées; mais elles avaient été surmontées, et la réponse du roi remise aux députés le 26. Elle n'était pas tout à fait satisfaisante, mais elle était assez bonne pour être envoyée à La Rochelle.

Le 14 août, on apprit à la cour que ces conditions avaient été prises en considération, le baron de Chavanne ayant été envoyé par le roi pour ordonner de cesser les hostilités aussitôt après l'acceptation des conditions de paix.

La lettre de Lorkin en date du 21 août donne le résultat de tous ces pourparlers La promesse que faisait ma dernière lettre du 14, celleci ne peut la tenir; les discussions à propos du traité de paix avec ceux de La Rochelle ont été malheureusement embrouillées par un nouvel incident. Pendant qu'à La Rochelle on se livrait à des délibérations sérieuses, et qu'on employait avec empressement le moyen le meilleur et le plus modéré pour persuader au peuple d'accepter les offres du roi, Toiras, poussé, dit-on, par le prince de Condé, fit une sortie avec toutes ses forces contre les moissonneurs, qui ramassaient leur blé sous la protection des soldats de la ville; en un instant, plusieurs furent faits prisonniers, et l'on mit le feu à une grande partie de leurs récoltes, ce qui irrita les habitants assez mal disposés déjà : abandonnant tout pourparler, ils prirent les armes, firent jouer le canon sur les troupes et le fort ennemis, et, envoyant tous les vaisseaux disponibles à Soubise, lui donnèrent l'ordre de livrer bataille à première occasion. La nouvelle n'arriva pas plutôt ici, que les ministres crièrent hautement non-seulement contre la perfidie des Rochelois (comme si ces derniers étaient seuls coupables, bien qu'en réalité les premiers torts fussent de leur côté), mais encore contre toute pensée de réconciliation. »

Après cela, tout espoir de réconciliation fut perdu.

Si le discours qui a été donné plus haut est bien de la main de Richelieu, et c'est plutôt aux critiques français qu'à un étranger de décider la question, non-seulement un nouveau fait est acquis à l'histoire d'un grand homme d'État, mais une nouvelle lumière est jetée sur les célèbres mémoires du cardinal. Non-seulement ce discours

y est passé sous silence, mais ils ne contiennent pas un mot sur l'accord avorté qui avait été le résultat des négociations de Fontainebleau. Il semble qu'on ne puisse tirer qu'une conclusion du silence de Richelieu. Richelieu ne songeait à rattacher à son nom que le souvenir de ses succès. Il se peut qu'il ait donné le meilleur avis; mais si cet avis n'était pas suivi, ou si, pour quelque cause, il manquait d'atteindre son objet, il devait être enseveli sous le silence.

En lisant la plupart des mémoires, on se demande si leurs auteurs valaient autant que leur portrait peint par eux-mêmes.

En lisant ceux de Richelieu, rappelons-nous qu'il a peut-être été plus perspicace et plus tolérant que son récit ne le donnerait à penser. Samuel R. GARDINER.

UNE CONVERSATION DE NAPOLÉON Ier
ET DE SISMONDI.

Monsieur le Directeur,

Je regrette de ne pouvoir vous envoyer aucun travail original pour la Revue historique, pour le succès de laquelle je fais, vous le savez, les vœux les plus sincères; désireux de vous montrer tout au moins de la bonne volonté, j'ai cherché dans mes papiers si je n'aurais pas quelque chose à vous offrir, et j'y ai trouvé une conversation inédite de Napoléon Ier et de Sismondi écrite par ce dernier, et qui me paraît offrir un assez grand intérêt pour les lecteurs français.

Il ne sera peut-être pas inutile de dire comment je l'ai trouvée. On sait que la famille Sismondi, chassée de Genève par les agitations qui accompagnèrent la Révolution française, vint en 1795 en Toscane où, deux années après, elle s'établit dans une villa à Pescia. C'est dans cette villa qui s'appelait Portavecchia, et à laquelle Sismondi donna ensuite le nom de Valchiusa, à cause de sa situation et en mémoire de Pétrarque, que la famille resta jusqu'en 1800. Elle s'en revint alors à Genève; mais plus tard les parents de Sismondi s'établirent de nouveau en Italie et y restèrent jusqu'à leur mort; il vint souvent y faire des séjours. C'est ainsi que plusieurs de ses œuvres furent écrites ou conçues à Pescia.

Non-seulement il y composa son Tableau de l'agriculture toscane, mais ce livre n'est pas autre chose qu'une peinture fidèle des usages et coutumes des campagnes de Pescia. C'est à Pescia que fut projetée l'Histoire des Républiques italiennes, et qu'il en écrivit les premiers volumes. Il avait coutume, le soir, au milieu de la famille, à laquelle se joignaient quelques-uns des serviteurs, de faire des lectures à haute

voix; c'étaient tantôt ses auteurs favoris, tantôt des fragments de ses œuvres, ou bien le journal de sa vie, ou quelque roman, ou quelque comédie, écrits expressément pour ces réunions qui étaient pour lui son plus grand bonheur. La tradition de la famille nous apprend que c'est en vue de ces réunions que fut écrit le roman Julia Severa, plus tard imprimé, ainsi qu'une comédie restée inédite, le Distrait jaloux.

La sœur de Sismondi, Sara, épousa à Pescia Antonio Cosimo Forti; elle fut la mère du célèbre jurisconsulte toscan Francesco Forti, et d'Errichetta qui épousa un membre de la famille Desideri, et qui recueillit en 1850 tout l'héritage de Sismondi. Jusqu'alors, l'usufruit de cet héritage avait appartenu à Mme Sismondi, Jessie Allen, anglaise de famille, parente des Wedgwood et des Mackintosh. C'est ainsi que tous les manuscrits de Sismondi furent transportés à Pescia où ils se trouvent aujourd'hui. La villa est religieusement conservée par la famille Desideri dans l'état même où elle se trouvait lorsque l'historien si cher à l'Italie y habitait et y travaillait.

Me trouvant il y a quelques années à Monte-Catini, j'eus l'idée d'aller à Pescia faire un religieux pèlerinage pour y visiter la villa de Sismondi où habitait et habite encore un de mes meilleurs amis, le jeune et savant docteur Carlo Desideri, fils d'Errichetta Forti. Il me fit voir avec la plus grande complaisance tous les mss., parmi lesquels se trouve la conversation que je vous envoie aujourd'hui. Elle est copiée de la main de la femme de Sismondi et corrigée par l'historien luimême. Il avait déjà rendu compte de cette conversation dans deux lettres à sa mère, datées du 5 et du 15 mai 1815.

Cette conversation n'est pas restée absolument inconnue. Un écrivain de la Quarterly Review, qui avait eu communication du manuscrit, l'avait en partie analysé dans un article du mois de juillet 1843. Nous indiquons plus loin en note les passages de notre texte reproduits par la revue anglaise. Plus tard Mile Adélaïde de Montgolfier, dans la Notice sur la vie et les travaux de Sismondi qu'elle mit en tête d'un volume contenant des fragments de son journal et de sa correspondance 2, composa d'après le texte original de l'historien un récit de l'entrevue avec Napoléon; mais elle ne cita que quelques fragments de la conversation, et encore y introduisit-elle quelques modifications pour rendre le dialogue plus piquant. Nous relevons également en note ces rapprochements et ces divergences. M. Saint-René Taillandier, dans un article sur Sismondi, publié dans la Revue des Deux-Mondes en janvier 1862 et reproduit comme introduction aux lettres inédites de Sismondi, provenant du musée Fabre de Nimes 3, a transcrit à peu près textuel

1. Vol. LXXII, p. 318.

2. J.-L. de Sismondi, Fragments de son journal et correspondance. Genève et Paris, 1857, Cherbuliez, in-8°.

3. Lettres inédites de Sismondi, de Bonstetten, etc. Paris, 1862, Michel Lévy, in-12.

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