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des institutions, histoire des philosophies, histoire des religions, toutes les études qui ont l'homme et les phénomènes de l'esprit humain pour objet ont pris un caractère historique. Notre siècle est le siècle de l'histoire.

Grâce aux progrès des sciences et des méthodes scientifiques, l'histoire possède aujourd'hui de merveilleux moyens d'investigation. Par la philologie comparée, par l'anthropologie, par la géologie elle-même, elle plonge ses regards dans des époques pour lesquelles les monuments font défaut aussi bien que les textes écrits. Des sciences accessoires, la numismatique, l'épigraphie, la paléographie, la diplomatique, lui fournissent des documents d'une autorité indiscutable. Enfin la critique des textes, établie sur des principes et des classifications vraiment scientifiques, lui permet de reconstituer, sinon dans leur pureté primitive, du moins sous une forme aussi peu altérée que possible tous les écrits historiques, juridiques, littéraires qui ne nous ont pas été conservés dans des manuscrits originaux et autographes. Ainsi secondée, armée de pareils instruments, l'histoire peut, avec une méthode rigoureuse et une critique prudente, sinon découvrir toujours la vérité complète, du moins déterminer exactement sur chaque point le certain, le vraisemblable, le douteux et le faux.

C'est l'Allemagne qui a contribué pour la plus forte part au travail historique de notre siècle. D'autres pays peuvent citer des noms d'historiens aussi illustres que les siens; aucun n'en pourrait citer un aussi grand nombre; aucun ne peut se glorifier d'avoir fait autant progresser la science. Cette supériorité, l'Allemagne la doit sans doute à son génie même, essentiellement propre aux recherches patientes de l'érudition, elle la doit aussi au peu de développement que la vie politique et la vie industrielle ont eu de l'autre côté du Rhin jusqu'à une époque récente et à la haute estime où elle a toujours tenu les travaux de l'esprit; elle la doit surtout à la forte organisation de ses universités. Au lieu de disparaître lentement comme en France à partir du xvre s. pour ne laisser subsister que les colleges d'instruction secondaire, l'enseignement supérieur s'était, au contraire, graduellement modifié selon les besoins du temps, avait dépouillé les traditions ecclésiastiques et théologiques du moyen-âge pour s'ouvrir à l'esprit libre et laïque, et avait conservé la haute direction intellectuelle du pays. Les habitudes

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quelquefois que la science allemande est dépourvue d'idées géné rales et se réduit à des recherches de curiosité érudite. Les idées générales y abondent au contraire, seulement ce ne sont pas des fantaisies littéraires, inventées en un moment au caprice et pour le charme de l'imagination; ce ne sont pas des systèmes et des théories destinées à plaire par leur belle apparence et leur structure artistique; ce sont des idées générales d'un caractère scientifique, c'est-à-dire des généralisations de faits lentement et rigoureusement établies, ou des hypothèses destinées à expliquer les faits déjà connus et à servir à l'exploration des faits encore obscurs. C'est grâce à ces idées générales que les sciences historiques peuvent mériter réellement le nom de sciences, établir des bases solides et réaliser des progrès certains. — Nul pays n'a plus contribué que l'Allemagne à donner aux études historiques ce caractère de rigueur scientifique.

Le développement des études historiques en France est loin d'avoir eu la même régularité. Les causes doivent en être cherchées comme en Allemagne dans le génie de la nation, plus spontané, plus impatient, plus enclin aux séductions de l'imagination et de l'art; mais aussi dans l'absence de tout enseignement supérieur efficace, de toute discipline scientifique générale, de toute autorité directrice, de ces règles de méthode, de ces habitudes. de travail collectif, que donne la haute éducation universitaire. L'Académie des Inscriptions qui succéda en 1816 aux Béné dictins pour l'achèvement des grands travaux qu'ils avaient entrepris, les Historiens de France, le Gallia Christiana, et l'Histoire littéraire, qui reprit les travaux de l'ancienne Académie, les Tables et le Recueil des diplômes et chartes, et le Recueil des Ordonnances, qui entreprit même une collection nouvelle, celle des Historiens des Croisades, et qui décerne des prix nombreux pour les travaux historiques, n'a jamais cependant exercé d'influence sensible sur la direction des études. Nous y avons gagné peut-être en originalité, du moins au point de vue de la forme littéraire; nous y avons perdu au point de vue de l'utilité scientifique des travaux de nos historiens. Ils sont presque tous auto-didactes; ils n'ont point eu de maîtres et ils ne forment pas d'élèves. Ils imposent à l'histoire l'empreinte de leur tempérament, de leur personnalité. Ils sont d'ordinaire, même les plus érudits, des littérateurs avant d'être des savants. La preuve en est qu'on ne les voit pas reprendre et remanier leurs ouvrages

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