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quelque peu croisés avec la population nègre qui les avait précédés; en sorte que la race de Cousch dut présenter des caractères physiques assez distincts selon les contrées où on la rencontrait. Assurément les descendants de cette race, qui sous le nom de Cosséens subsistaient encore au commencement de notre ère dans les montagnes situées entre la Susiane et la Médie, étaient fort différents des Couschites qui figurent sur les monuments égyptiens; il est dès lors difficile de tracer d'une telle race un portrait qui convienne à tous ses rameaux, comme a essayé de le faire l'ethnologiste anglais Pritchard, auquel M. Maspero emprunte une peinture des Couschites peu d'accord avec les données récentes de la science. Ces Couschites que la Genèse assigne pour frères aînés aux Égyptiens, issus comme eux de Cham, avaientils précédé en Chaldée les Touraniens, ou faut-il voir dans ceux-ci la population primitive de la Mésopotamie? C'est là une question qu'il est impossible de résoudre dans l'état actuel de nos connaissances. Si l'on procède par voie d'induction et si l'on tient compte de la primogéniture de Cousch dans la descendance chamitique, on sera tenté de supposer que les Couschites qui étaient demeurés par leur langue et leurs mœurs plus rapprochés des Sémites que les Touraniens, avaient d'abord occupé la contrée qu'arrose le bas Euphrate. Ces Touraniens dont les invasions sous le nom de Scythes, de Saces, de Magog et vraisemblablement aussi de Cimmériens, se sont succédé à certains intervalles dans l'Asie occidentale pendant bien des siècles, devaient avoir offert le même spectacle antérieurement. Ils ravageaient le pays, rançonnaient la population, et Justin, l'abréviateur de Trogue-Pompée, va jusqu'à nous dire (II, 3) que les choses se passèrent ainsi pendant 1500 ans. C'est là une raison de croire que l'apparition des Touraniens dans l'Asie occidentale se place au seuil de l'histoire. Aussi les anciens représentaientils volontiers les Scythes comme étant avec les Égyptiens les plus vieilles des nations. Mais le chiffre que donne Justin et qui peut sembler exagéré, si l'on fait attention que ces 1500 ans se terminent à l'avénement du fabuleux roi Ninus, ne s'oppose pas à ce que l'arrivée des Couschites date de plus loin encore. Nous ne rencontrons nulle part dans l'histoire une nation touranienne s'élevant par elle-même à une civilisation correspondant à celle qu'indique l'usage de l'écriture cunéiforme, et depuis le temps de Cyaxare jusqu'à l'invasion des Turcs, derniers rejetons des Touraniens, nous n'observons guère en eux que des barbares empruntant leur civilisation à des peuples plus avancés qu'ils subjuguent. Je serais donc plutôt enclin à chercher chez les Couschites le point de départ de la société babylonienne. La Genèse ne rapporte-t-elle pas à Nemrod, fils de Cousch, la fondation des premières villes de la Mésopotamie? Reportons-nous à la patrie originelle des Touraniens, et nous serons amenés à croire qu'ils avaient, comme ils firent plus tard, débordé dans le bassin du bas Euphrate et du Tigre inférieur par le Nord et le Nord-Est, quand les Couschites se trouvaient déjà dans l'Irak-Arabi. Les inscriptions cunéiformes n'ont point encore

éclairé le problème, et au plus haut qu'elles nous fassent remonter, nous voyons la Chaldée occupée par deux populations, les Soumirs et les Accads. La détermination ethnologique de ces deux nations est incertaine, car tandis que les uns voient avec sir Henry Rawlinson les Touraniens dans les Accads, d'autres les reconnaissent dans les Soumirs. Nous n'avons guère pour nous guider aux premiers temps de la Chaldée, que les fragments tirés de l'ouvrage du prétendu Bérose, qui a été fort 'remanié par Alexandre Polyhistor, au 1er siècle avant notre ère. Or nous ne rencontrons dans les textes cunéiformes aucun des noms que ces fragments nous fournissent, non plus que celui de Nemrod, que mentionne la Bible et qu'Eusèbe identifiait fort arbitrairement à Evêkhoûs. Bérose nous parle d'une invasion mède qui aurait renversé l'ancien empire babylonien et partagé la Chaldée en un certain nombre de principautés. Pour retrouver ces Mèdes, il faut, comme le fait M. Maspero, les identifier aux Élamites dont, d'après la lecture des inscriptions, l'invasion en Chaldée marque la fin de la première époque de son histoire. Une supputation tirée d'un texte cunéiforme place entre l'an 2300 et 2280 avant notre ère l'arrivée dans les plaines de l'Euphrate d'un roi de Suse Koudour-Nakhounta. Cette date s'accorde, il est vrai, assez avec celle que l'on peut conclure de la chronologie de Bérose. En effet si l'on identifie avec M. Schrader le Phul de la Bible à Touklat-Habal-Asar, on a pour date approximative de l'avènement de ce monarque l'an 760, laquelle ajoutée à la durée des rois arabes et à celle de l'autre dynastie chaldéenne fournit pour la date de ces rois l'année 1533, et en additionnant avec ce chiffre les deux nombres exprimant la durée des dynasties antérieures, on obtient pour l'arrivée des Mèdes le chiffre 2185.

Le roi le plus ancien que les textes cunéiformes nous fassent connaître est Ouroukh ou Ourkham dont les assyriologues lisent le nom dans les textes en idiome touranien, Likbagas. Le nom d'Ouroukh qu'on a tour à tour identifié à l'Ariokh de la Genèse et à l'Orchamus mentionné par Ovide, se retrouve en une foule d'endroits de la Chaldée et notamment à Our, où l'on croit reconnaître la capitale du monarque qui le portait. Non-seulement, écrit M. Maspero, les briques estampées à son nom sont enfouies plus profondément que celles des autres princes chaldéens, mais le style même des monuments où on les trouve employées est rude et primitif. Ce sont des temples de proportions gigantesques dont les quatre angles étaient orientés soigneusement sur les quatre points cardinaux. Le règne de cet Ouroukh fut donc marqué par de grands travaux que continuèrent ses successeurs; mais de la plupart de ceux-ci, on n'a guère que des noms sans histoire. La dynastie arabe dont parle Bérose parait correspondre à l'époque de l'invasion cananéenne, invasion qui se répandit en Égypte, et à laquelle notre auteur consacre un chapitre particulier. C'est seulement à dater de cette époque que le jour se fait sur les événements qui s'accomplissaient aux bords du Nil. Alors la terre des Pharaons était en contact 20

REV. HISTOR. I. 1er FASC.

incessant avec l'Asie, et ce sont ses annales qui éclairent celles du
pays de Canaan, habité par de nombreuses tribus que nous font aussi
connaître les livres hébreux. Il y avait là notamment un peuple qui a
joué un grand rôle dans l'histoire d'Égypte depuis les 18e et 19e dynas-
ties, celui de Heth mentionné par la Bible, autrement dit les Hittites, dont
les diverses fractions se rencontraient depuis l'Amanos jusqu'aux envi-
rons d'Hébron et que les Égyptiens désignaient sous l'appellation de Khé-
tas. Ramsès II, que la tradition classique désigne sous le nom de
Sésostris, remporta sur eux une victoire célèbre, après avoir failli être
accablé par leurs chars de guerre, victoire que la poésie et la peinture
égyptiennes ont immortalisée. Ce sont les textes hiéroglyphiques qui
nous ont permis d'apprécier l'importance des Khétas dont les auteurs
grecs et latins n'avaient pas parlé ou plutôt qu'ils semblent avoir con-
fondus avec les Scythes; car les Égyptiens appelaient du nom de
Satiou (archers) ou Shasou (voleurs) les tribus pillardes, qui, connues
depuis sous l'épithète de Bédouins, n'ont pas cessé jusque de nos jours
d'infester la vallée du Nil et qui sont d'une race différente des Fellahs;
les anciens attribuaient en effet au mot scythe le sens d'archer; ce qui
a dû aider à la confusion. Sans doute, comme le remarque M. Maspero,
la légende a beaucoup exagéré les conquêtes de Ramsès II, qu'elle
fait pénétrer jusqu'au cœur de l'Asie, et qu'elle représente comme ayant
soumis la Syrie, la Médie, la Perse, la Bactriane, l'Inde. Toutefois
la résistance que, suivant Justin, Sésostris, dont les manuscrits altè-
rent le nom,
rencontra chez les Scythes, cadre assez bien avec ce qui
est rapporté de la guerre des Khétas. Il n'y a pas d'ailleurs que les
textes hiéroglyphiques qui aient gardé le souvenir de ces peuples à la
race desquels appartenaient les rois appelés Hiksos ou pasteurs, et
M. Maspero aurait pu renvoyer à une tradition curieuse consignée
dans les auteurs arabes. Ceux-ci nous parlent d'un conquérant nommé
Cheddad, qui porta ses armes dans l'Occident, subjugua les Égyptiens
et s'avança jusqu'à la mer du Maghreb. Il resta plus de 200 ans dans
le pays conquis. Comment ne pas reconnaître dans ce héros la per-
sonnification des Khétas, surtout quand on lui trouve attribuée pour
résidence une ville d'Égypte nommée Awar dans la région où fut bâtie
plus tard Alexandrie? Cette Awar est incontestablement l'Avaris (Ha-
Ouar) où fut établi, lors de la douzième dynastie, un vaste camp retran-
ché qu'occupèrent le roi pasteur Shilat (Salatis) et ses successeurs.
L'histoire du pays de Canaan, pour laquelle la Bible nous fournit de
si précieux secours, est une des parties les mieux établies de l'ouvrage
de M. Maspero. Là encore s'offre à nous la preuve de la supériorité de
la culture des Couschites sur celle des Touraniens, car c'est non avec
ces dernières populations mais avec les premières que les Cananéens
ont un lien étroit de parenté; leur berceau doit être placé dans l'Arabie
méridionale, la tradition représentant les Phéniciens comme des émi-
grés de ce pays. Aussi les Égyptiens appliquaient-ils le nom de Pount,
qui n'est autre que celui de Pœni ou Puni, en grec Phænices, à l'Arabie

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entière. Les migrations qui se sont reproduites à certains intervalles de l'Arabie en Syrie, et parmi lesquelles on peut citer la migration des Amila et celle des Ghassanides, viennent à l'appui de cette tradition. C'est également à la Bible que M. Maspero doit demander les matériaux les plus solides de son livre III consacré à l'histoire de l'empire assyrien et du monde oriental jusqu'à l'avénement des Sargonides. Disons pourtant que les témoignages cunéiformes deviennent plus clairs pour la période du second empire assyrien et le sont encore davantage après l'événement de Sargon, chef d'une dynastie qui remplit le livre IV et se termine à l'avénement de Cyrus (Kyros). Le livre V et dernier traite de l'empire perse.

Ce qui domine toute l'histoire de l'Orient antique, c'est la rivalité entre l'Égypte et l'Assyrie dont la Perse prend ensuite la place. Ces deux contrées forment pour ainsi parler deux pôles entre lesquels oscillent les nations répandues du golfe de Cilicie et des côtes de Phénicie aux bords du golfe Persique et de la Caspienne. L'Égypte a d'abord la supériorité et c'est elle qui sous Thotmès I, Thotmès III, Séti I, Ramsès II, impose sa suzeraineté à la Syrie et plus tard jusqu'à l'Assyrie. Celle-ci, unie par ses destinées à la Chaldée, reprend la prépondérance sous Sargon (Saryukin). Ce prince bat Sabak à Raphia. Asar-Haddon (Assour-akhé-iddin) fait la conquête de l'Égypte et parcourt en sens inverse la route que suivaient, quatre à cinq siècles auparavant, les armées triomphantes des Pharaons, route dont M. Maspero nous donne la carte à l'aide des indications tirées des textes hiéroglyphiques. Sous la dynastie saïte, l'Égypte retrouvera des jours de prospérité et de gloire. Neko II (Néchao), après avoir vaincu les Juifs à Mageddo, s'avança jusqu'à l'Euphrate, mais ces lointaines conquêtes devaient. être de courte durée et il succombait à son tour près de Karkemish (Circesium), qui avait déjà vu passer tant d'armées. Nabuchodonosor (Nabou-koudour-oussour), le héros de l'empire chaldéen, accablait le Pharaon et reprenait possession de la Syrie. Cambyse devait, moins d'un siècle plus tard, faire de l'Égypte une province de son empire. Les guerres entre les deux monarchies rivales forment donc comme la ligne principale autour de laquelle se groupent les événements de l'histoire ancienne de l'Orient; mais si la Perse héritière de l'antique puissance de Ninive et de Babylone avait pour un temps anéanti l'autonomie égyptienne, elle n'enleva à la terre des Pharaons ni ses institutions, ni sa langue, et quand la domination d'Alexandre eut passé comme un météore, l'Égypte retrouva sous des rois grecs une partie de la grandeur qu'elle avait eue dans le passé. La rivalité recommença entre l'empire de Syrie et elle, et l'on put croire sous Ptolémée III Évergète, qui envahissait la Syrie, franchissait l'Euphrate, prenait Babylone, qu'elle était revenue aux temps de Sésostris. Cette lutte entre l'Asie et l'Égypte était tellement dans la nature des choses qu'on l'a vue se rallumer huit et dix siècles plus tard. L'islamisme nous offre le spectacle d'événements analogues à ceux auxquels l'antiquité nous fait

assister. Les Khétas revivent dans les Sarrasins et les Ommiades ressuscitent l'empire de Cambyse. Celui d'Assyrie reparait avec les Abbassides. La terre de Mizraïm, d'abord subjuguée, échappe à la domination asiatique, comme cela était arrivé tant de fois aux époques antérieures, et les Thoulounides reconstituent sur les bords du Nil une monarchie qui rappelle, bien que sous des traits affaiblis, celle des Pharaons. Tandis que ce phénomène se produisait, renaissait avec les Bouides, devenus les rivaux des Abbassides, le vieil antagonisme des Sémites et des Iraniens dont la Syrie et l'Assyrie avaient été le théâtre. Les conditions où se trouvent les populations de l'Orient ont si peu changé que l'histoire antique de cette partie du globe s'éclaire par celle des mêmes contrées au moyen àge. L'intéressant ouvrage de M. Maspero permettra de mieux poursuivre de tels rapprochements, et entre ses nombreux mérites ce n'est pas un des moindres.

Alfred MAURY (de l'Institut).

Notice sur un manuscrit mérovingien, contenant des fragments d'Eugyppius, par M. L. DELISLE.

Ce manuscrit, qui appartient à M. J. Desnoyers, est intéressant surtout au point de vue de la paléographie; c'est à ce point de vue que l'étudie M. L. Delisle. Il a choisi dans ce ms. 6 feuillets qui, reproduits par la photogravure, nous montrent différentes sortes d'écritures, et surtout la transition entre ces écritures différentes. Ainsi pl. I, nous avons l'onciale avec des notes marginales en cursive mérovingienne. Pl. II l'onciale, la capitale et la minuscule sont mélangées; pl. III, V et VI, la cursive minuscule apparaît seule, tandis que l'onciale reparaît au milieu de la planche IV. Ces différentes écritures sont de la même époque, d'un moment où l'on écrivait encore la cursive mérovingienne, et où l'on commençait à employer les formes carolingiennes. Les planches III, V, VI par exemple, ont pu être écrites par un vieux copiste resté fidèle à l'ancienne écriture; la planche II serait plutôt d'un scribe jeune, un des précurseurs de la belle école des copistes du viie siècle, qui rejettent les liaisons, détachent les lettres et leur donnent pour ainsi dire une valeur propre. Rien de plus intéressant pour un paléographe tant soit peu exercé, qu'une pareille publication due à la plume d'un des maîtres de cette matière; rien de plus instructif aussi. La notice de M. Delisle est une excellente leçon de paléographie mérovingienne et carolingienne.

Dispacci di Antonio Giustinian, publicate da P. VILLARI, Firenze, Lemonnier, 1876, 3 vol. in-12. XLV-516, 487 et 543 pp.

On sait de quelle importance pour l'histoire politique sont les dépêches des ambassadeurs vénitiens. Tandis que les Relazioni ou rapports faits au Sénat par les envoyés de la République à la fin de leur mission

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