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A. SOREL, professeur à l'École libre des Sciences politiques;

H. TAINE, professeur à l'École des Beaux-Arts;

PH. Tamizey de Larroque;

M. THEVENIN, professeur à l'École des Hautes Études;

C. THUROT, de l'Académie des Inscriptions, professeur à l'École des
Hautes Études et à l'École Normale;

P. VIDAL-LABLACHE, professeur à la Faculté des lettres de Nancy;
P. VIOLLET, archiviste aux Archives Nationales.

La Revue historique rencontrera, nous l'espérons, un accueil sympathique, non-seulement parmi ceux qui font de l'histoire une étude spéciale, mais encore parmi tous ceux qui s'intéressent aux choses de l'esprit. La France a toujours tenu en honneur les recherches historiques; si elle n'a plus aujourd'hui dans cette branche du savoir humain la supériorité incontestée qui lui appartenait jadis, il paraîtra d'autant plus nécessaire de favoriser une entreprise destinée à aider et à encourager les travailleurs sérieux. L'étude du passé de la France, qui sera la principale partie de notre tâche, a d'ailleurs aujourd'hui une importance nationale. C'est par elle que nous pouvons rendre à notre pays l'unité et la force morales dont il a besoin, en lui faisant à la fois connaître ses traditions historiques et comprendre les transformations qu'elles ont subies.

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INTRODUCTION

DU PROGRÈS

DES ÉTUDES HISTORIQUES

EN FRANCE

DEPUIS LE XVI SIÈCLE.

Au moment d'entreprendre une publication qui contribuera pour sa part, nous l'espérons, au progrès des études historiques dans notre pays, il importe de bien déterminer quel but nous poursuivons, quel sera le caractère de nos travaux et quel esprit inspirera nos recherches.

Pour préciser ces divers points, il nous a paru qu'il ne serait pas sans utilité ni sans intérêt de jeter un rapide coup d'œil sur le chemin parcouru pendant les derniers siècles par les sciences historiques, afin de mieux apprécier le degré de développement qu'elles ont atteint aujourd'hui, la tâche qui leur reste à accomplir et la voie qu'elles doivent suivre1.

L'Histoire, qu'on la considère comme une branche de la littérature ou comme une science, date pour nous de la Renaissance. Sans doute le moyen-âge avait eu parmi ses chroniqueurs des écrivains remarquables tels que Joinville, Villani ou Froissart, mais ils ne sont pas à proprement parler des historiens; ils ont en vue plutôt le présent que le passé ; ils veulent conserver pour la postérité le souvenir des événements qu'ils ont vus et auxquels ils ont pris part, plutôt que retracer à leurs contemporains une image fidèle des temps antérieurs. Leur mérite littéraire consiste

1. Cet exposé du progrès des études historiques en France est en même temps l'introduction et le programme de notre Revue.

surtout dans la vie, le mouvement, la passion qui animent leurs récits, non dans l'art avec lequel l'œuvre est composée, dans la juste proportion de ses parties, dans l'équité impartiale des juge

ments.

Dans la portion de leurs ouvrages où ils ne sont pas témoins oculaires, mais où ils racontent des faits qui leur sont connus par des écrivains antérieurs, les chroniqueurs du moyen-âge sont incapables de se représenter les événements et de les raconter d'une manière originale et personnelle; ils ne savent pas faire autre chose que copier leurs sources, ou composer de leurs extraits une mosaïque sans s'inquiéter même toujours de les faire concorder entre eux. Aussi n'y a-t-il pas à proprement parler au moyen-âge de science historique. Il y a bien de laborieux compilateurs, comme Sigebert de Gembloux, Vincent de Beauvais, Ptolémée de Lucques, mais ils n'ont fait qu'amonceler des matériaux réunis un peu au hasard et sans discernement. Trop heureux de posséder des documents au milieu de la pénurie des bibliothèques, ils ne songeaient pas à discuter leur valeur, à les critiquer les uns par les autres. Ce n'était point d'ailleurs une curiosité scientifique qui les guidait. La plupart d'entre eux, même quelques-uns des plus éminents, sont poussés par des mobiles religieux; ils cherchent à fixer par la chronologie universelle les dates de la rédemption du monde et des principaux faits de l'histoire de l'Église1; ils trouvent dans les vices et les crimes des hommes les sujets d'exhortations pieuses et de sévères avertissements2; ils comparent les destinées du monde à celles de l'Église, la cité terrestre à la Jérusalem céleste3. D'autres sont à un point de vue plus historique, mais plutôt encore politique qu'historique; ce sont les grands chroniqueurs impériaux qui, embrassant dans son ensemble l'histoire du monde, y montrent la continuité de l'Empire depuis Auguste jusqu'aux princes Franconiens ou Souabes, ou bien ceux qui en France, en Angleterre, en Italie, écrivent l'histoire d'un pays, d'une race, d'une cité, d'un évêché, poussés par des

1. Isidore de Seville, Bède, Adon.

2. Grégoire de Tours, Réginon.

3. Otton de Freising.

4. Hermann de Reichenau, Ekkehard, Lambert d'Aschaffenbourg, Sigebert de Gembloux.

5. Hugues de Fleury, Guillaume de Jumiéges, Guillaume de Nangis, Henri de Huntingdon, Villani, etc.

intérêts nationaux ou dynastiques ou par un patriotisme local. Il y a enfin les auteurs de compilations ou de manuels, dont les ouvrages sont destinés à résumer les connaissances de l'époque et à remplacer dans les bibliothèques des monastères les livres trop rares et trop chers, ou bien à fournir aux prédicateurs, aux théologiens, et plus tard aux étudiants de tout genre, des notices historiques brèves et précises 2. Ce que nous nommons les recherches historiques, la critique historique, ne pouvait pas exister au moyen-âge. Il ne pouvait pas venir à la pensée d'un homme de ce temps l'idée de chercher dans divers ouvrages anciens des renseignements épars sur tel ou tel personnage, sur tel ou tel fait, sur telle ou telle institution pour en créer un ensemble nouveau, tableau original. La curiosité historique, quand nous la rencontrons, n'est que l'assemblage enfantin d'anecdotes prises de toutes mains, réunies plus en vue de l'amusement que de l'instruction, comme les Otia Imperialia de Gervaise de Tilbury ou les Nugae Curialium de Gautier Map. Il y a au moyen-âge des compilateurs et des chroniqueurs, il n'y a pas d'historiens.

un

Ce n'est qu'avec la Renaissance3 que commencent à propre ment parler les études historiques. La découverte de l'imprimerie, en rendant aisée la réunion d'un grand nombre de livres, leur emploi simultané et leur comparaison, en établissant une démarcation sensible entre les époques encore barbares où l'on ne possédait que de lourds et gros volumes écrits sur parchemin, et l'ère nouvelle où la pensée se répandait aisément partout à la fois sous une forme maniable et légère, cette découverte changeait toutes les conditions du travail intellectuel. En même temps que changeaient les conditions du travail, une révolution lentement préparée depuis le xr s. s'achevait dans l'esprit des hommes du xve et du xvr® s. L'antiquité, longtemps ignorée ou dédaignée, était retrouvée, connue, admirée dans ses monuments, dans ses institutions, dans son histoire, dans ses œuvres littéraires surtout,

1. Vincent de Beauvais.

2. Marianus Scotus, Martinus Polonus.

3. Je prends ici le terme de Renaissance dans le sens qui lui est donné le plus ordinairement. Je l'applique à la période historique qui commence au milieu du xv s. et s'étend jusqu'à la fin du xvI. Mais on doit toujours se rappeler qu'en Italie le mouvement de la Renaissance avait été préparé de longue main et qu'il commence en réalité au XIIe s. Au XIV S. Boccace et Pétrarque sont véritablement des hommes de la Renaissance, bien plus semblables aux humanistes du xvio s. qu'à nos écrivains du moyen-âge.

surtout dans la vie, le mouvement, la passion qui animent leurs récits, non dans l'art avec lequel l'œuvre est composée, dans la juste proportion de ses parties, dans l'équité impartiale des juge

ments.

Dans la portion de leurs ouvrages où ils ne sont pas témoins oculaires, mais où ils racontent des faits qui leur sont connus par des écrivains antérieurs, les chroniqueurs du moyen-âge sont incapables de se représenter les événements et de les raconter d'une manière originale et personnelle; ils ne savent pas faire autre chose que copier leurs sources, ou composer de leurs extraits une mosaïque sans s'inquiéter même toujours de les faire concorder entre eux. Aussi n'y a-t-il pas à proprement parler au moyen-âge de science historique. Il y a bien de laborieux compilateurs, comme Sigebert de Gembloux, Vincent de Beauvais, Ptolémée de Lucques, mais ils n'ont fait qu'amonceler des matériaux réunis un peu au hasard et sans discernement. Trop heureux de posséder des documents au milieu de la pénurie des bibliothèques, ils ne songeaient pas à discuter leur valeur, à les critiquer les uns par les autres. Ce n'était point d'ailleurs une curiosité scientifique qui les guidait. La plupart d'entre eux, même quelques-uns des plus éminents, sont poussés par des mobiles religieux ; ils cherchent à fixer par la chronologie universelle les dates de la rédemption du monde et des principaux faits de l'histoire de l'Église1; ils trouvent dans les vices et les crimes des hommes les sujets d'exhortations pieuses et de sévères avertissements 2; ils comparent les destinées du monde à celles de l'Église, la cité terrestre à la Jérusalem céleste3. D'autres sont à un point de vue plus historique, mais plutôt encore politique qu'historique; ce sont les grands chroniqueurs impériaux qui, embrassant dans son ensemble l'histoire du monde, y montrent la continuité de l'Empire depuis Auguste jusqu'aux princes Franconiens ou Souabes1, ou bien ceux qui en France, en Angleterre, en Italie, écrivent l'histoire d'un pays, d'une race, d'une cité, d'un évêché, poussés par des

1. Isidore de Seville, Bède, Adon.

2. Grégoire de Tours, Réginon.

3. Otton de Freising.

4. Hermann de Reichenau, Ekkehard, Lambert d'Aschaffenbourg, Sigebert de Gembloux.

5. Hugues de Fleury, Guillaume de Jumiéges, Guillaume de Nangis, Henri de Huntingdon, Villani, etc.

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