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conduisirent à la lenterne, on lui passa la corde au col, on le suspendit, mais la corde cassa; on voulu l'y remettre une seconde fois; mais, comme il se deffendait, un soldat de Royal cravatte lui fendit le ventre d'un coup de sabre et à l'aide d'un autre soldat lui coupa la tête avec son sabre; le répondant a été poussé par la multitude jusqu'au cadavre dud. s Berthier, sur lequel il tomba; un particulier arracha le cœur dud. s' Berthier, le remit au répondant; le soldat de Royal cravatte qui lui avoit ouvert le ventre, força le répondant qui tenoit le cœur dans sa main de monter avec lui à la ville le montrer à M' de la Fayette; ce soldat lui donna ensuite son sabre au bout duquel il mit le cœur du s. Berthier, et le porta au Palais Royal accompagné de la cavalerie; le répondant fut avec ce soldat dans un cabaret, et, pendant qu'ils y soupoient, le peuple ayant demandé à voir le cœur et la tête du s. Berthier, ils les ont jetté par la fenêtre du premier où ils étoient, et le peuple les a ramassé; le répondant passa la nuit avec ce soldat et s'en fut ensuite chez lui.

A lui représenté un petit couteau à manche d'yvoire cy-devant désigné, interpellé de le reconnoitre et de nous déclarer s'il n'a pas été trouvé cejourd'huy saisi de ce couteau, et de nous déclarer si ce n'est pas avec ce couteau qu'il a coupé la tête à M. Delaunay.

Le répondant a reconnu ce couteau pour lui appartenir; mais déclare que c'est avec un autre couteau plus grand et à manche noir qu'il a achevé de couper le col dud. s. Delaunay; que le couteau dont il a été trouvé saisi lui sert habituellement pour son usage et que ce couteau appartient à une des apprenties de sa femme; que le couteau dont il s'est servi pour couper la tête de Mr Delaunay doit se trouver chez lui, ajoutant que ce couteau est fermant.

Interpellé de nous déclarer à quel dessein il a rôdé depuis quelques jours dans le Châtelet, pourquoi il s'est particulièrement trouvé dans le corridor par où l'on passe les prisonniers et notamment ce jourd'huy, et si ce n'étoit pas à dessein d'attenter à la vie des s's Bezenval et Favras,

A répondu qu'il n'avoit aucun mauvais dessein, qu'il n'y est venu que comme le public, qu'il y a même amené des Dames de sa maison et du quartier, qu'il n'y entré que deux fois, la première du consentement du s. Noiseux, et aujourd'hui de celui du s. Samson, tous deux cavaliers de robbe courte, que lorsqu'il étoit rendu chez lui, il en fesoit rapport à ses voisins.

Lecture faite au répondant, en présence desd. sieurs notables adjoints, de nos interrogatoires, représentation et réponses, a dit ses réponses contenir vérité, y a persisté et persiste, et a signé avec lesd.

Notables adjoints et nous commissaires en fin du présent interrogatoire, et au bas de toutes les pages d'icelui qui ont été cottées et paraphées par première et dernière, en exécution du Décret de l'Assemblée nationale du mois d'octobre dernier et des Lettres patentes expédiées sur icelui.

Quarante neuf mots rayés nuls, y compris trois dans un renvoy

en marge.

(Signé :) DÉNOT - DUPUY - CALLET GRANDIN

VIGNIER DE CURNY.

-Et après avoir donné acte aud. Dénot de ses réponses, et, attendu le fait qui résulte de l'interrogatoire cy-dessus, led. Dénot est resté entre les mains de Mr Deplainville, adjudant major général actuellement en fonction au Châtelet, qui s'en est chargé pour le remettre au premier officier du guet requis, lequel le conduira de notre ordonnance ès prisons du Châtelet; le couteau à manche d'ivoire blanche fermant et désigné au procès-verbal d'interrogatoire cy-dessus est resté entre les mains dudit sieur Deplainville qui s'en est chargé pour le déposer au greffe criminel du Châtelet.

(Signé) GRANDIN-DUPUY-DE PLAINVILLE.

II.

ASSASSINAT DE BERTHIER DE SAUVIGNI.

La pièce suivante vient compléter la partie du récit de Desnot con. cernant la mort de Berthier de Sauvigni. Il est au moins singulier de voir le commissaire sommé par un créancier de constater la mort de l'ancien intendant de Paris, ne pas oser s'opposer aux indignes traitements qu'on fait subir au cadavre décapité de la victime. C'est une nouvelle preuve du désarroi et de l'épouvante qui s'étaient emparés de toutes les administrations de la capitale. A la pièce que nous publions est jointe une information dont le seul intérêt est la constatation du nom de la victime.

Ce jourd'hui, mercredi 22 juillet 1789, dix heures et demie du soir, en notre hôtel et par devant nous Jean Odent, etc., est comparu sieur Denis François Picot, huissier ordinaire du roi en sa cour des monnoies à Paris, y demeurant rue et paroisse St-André des Arts: Lequel nous a dit et déclaré que le peuple, par un sentiment de vengeance contre M. Berthier de Sauvigni, intendant de Paris, accusé par le public de trahison envers la patrie et d'accaparemens de bleds, ayant appris qu'il avoit été arrêté à Compiègne et qu'il alloit être

conduit à l'Hôtel de ville de Paris, s'est rassemblé en foule dans la place de Grêve. Qu'effectivement M. Berthier fut amené à l'Hôtel de ville par une garde bourgeoise considérable; qu'il y est resté environ un quart d'heure ou une demi-heure, et que lorsqu'il descendoit les marches de l'Hôtel de ville pour en sortir, le peuple se jeta en foule sur sa personne et le fit mourir; qu'on traîne à présent dans les rues son corps duquel on a séparé la tête et qu'il va passer à l'instant dans ladite rue St-André où le peuple a l'air de le conduire. Que lui comparant, étant fondé de la procuration d'une créancière dudit feu sieur Berthier de Sauvigni et ayant intérêt de faire constater son décès pour parvenir à faire apposer les scellés sur les effets de sa succession, il vient nous en donner avis et nous requiert de nous transporter au devant de notre hôtel à l'effet de constater seulement ledit décès.

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Sur quoi nous, commissaire, etc., nous sommes à l'instant transporté avec ledit Picot au devant de notre hôtel susdite rue St-André des Arts, où étant nous avons aperçu un corps mort sans tête et trainé sur le pavé par six particuliers éclairés par trois autres qui tenoient à la main chacun une torche allumée, et suivis d'une foule considérable de peuple dont un grand nombre crioit à haute voix : « C'est M. Berthier, c'est l'intendant de Paris, le voilà. » Et n'ayant pas cru prudent de nous exposer à faire arrêter le corps mort, soit pour le réintégrer, soit pour le déposer en lieu de sûreté, ce à quoi nous n'aurions pu réussir, nous avons seulement ordonné qu'il va être par nous à l'instant informé d'office à la requête de M. le procureur du roi pour constater seulement le décès. De quoi nous avons fait le présent procès verbal.

(Archives Nationales, Y, 4020, comm. Odent.)

Signé : ODENT.

BULLETIN HISTORIQUE

FRANCE.

NÉCROLOGIE. La perte la plus sensible qu'aient faite les études historiques pendant ces derniers mois est sans contredit celle de M. Jules DE MOHL, né en 1800, à Stuttgart, mais naturalisé français et mort à Paris, le 4 janvier 1876. Membre de l'Institut, professeur au Collège de France, inspecteur de la typographie orientale à l'Imprimerie nationale, secrétaire, puis président de la Société Asiatique, M. de Mohl acquit partout une autorité considérable autant par la fermeté et la droiture de son caractère que par l'étendue de son savoir. Ses œuvres sont nombreuses. Après s'être occupé concurremment des langues chinoise et persane, et avoir publié en 1828 le 4er vol. du Livre des Rois de Ferdoouci, en 1829 ses Fragments relatifs à la religion de Zoroastre, en 1830 le Chi King, de 1834 à 1839 le Y-King, il se tourna définitivement du côté de la Perse, et fit du Livre des Rois qu'il était chargé d'éditer et de traduire dans notre magnifique Collection orientale in-fol., le centre principal de ses études. Le second vol. parut en 1843, puis à des intervalles plus ou moins longs, les t. III, IV, V, VI, VII. Aù moment où la mort le surprit, il allait donner à l'impression le t. VIII et dernier, consacré aux index et aux corrections, corrections nombreuses et importantes, fruit d'une expérience de plus de cinquante années. M. de Mohl, toujours jaloux de la perfection et du vrai, préparait aussi une édition remaniée de la traduction seule. Esprit doué d'un grand sens historique et philosophique, M. de Mohl s'intéressait à toutes les branches de l'érudition orientale. Ses rapports annuels à la Société Asiatique sur les progrès des études orientales sont des modèles de critique et une source admirable d'informations. Nous lui devons aussi la publication des Lettres si originales de Fresnel sur l'histoire antéislamique de l'Arabie, celle des Recherches de Layard sur le culte public et les mystères de Mithra en Orient et en Occident. Au nom de M. Mohl se rattache aussi l'une des grandes

découvertes du siècle. C'est d'après ses indications et instructions que Botta a retrouvé les ruines de Ninive.

Un autre orientaliste, M. SEDILLOT, né le 23 juin 1808, est mort un mois avant M. de Mohl, le 3 décembre 1875. Secrétaire du Collége de France et de l'École des langues orientales vivantes, il s'occupa spécialement de l'histoire des mathématiques et de l'astronomie chez les peuples de l'Orient. Son Histoire des Arabes (1854) est un manuel sans valeur originale.

M. DE COUSSEMAKER, né à Bailleul (Nord) en 1805, mort en janvier 1876, membre correspondant de l'Académie des Inscriptions et BellesLettres, a rendu à l'érudition des services exceptionnels dans une branche spéciale, l'histoire de la musique. On peut dire qu'il a été dans cette voie un véritable créateur. Son Histoire de l'harmonie au moyen-âge (1852), les 3 volumes de Scriptores de musica medii aevi (1866-69) qu'il a ajoutés au recueil de Gerbert, son Histoire de l'harmonie aux XIIe et XIIIe siècles, son Essai sur les Instruments de musique, forment le plus vaste ensemble de documents et de recherches qui ait été réuni sur ce sujet, et ont fait faire d'immenses progrès à la connaissance de la musique au moyen-âge et de ses rapports avec la musique moderne. Ses Drames liturgiques du moyenage (1860) ont révélé tout un côté presque inconnu de la vie religieuse et morale des x, xr et xire siècles, aussi important pour l'histoire du théâtre que pour celle de la musique elle-même. Au milieu de ces travaux de longue haleine, et malgré les occupations professionnelles que lui imposaient ses fonctions de juge, M. de Coussemaker trouvait encore le temps de publier les Chants populaires des Flamands de France, les Poésies d'Adam de la Halle, et une foule de mémoires historiques et archéologiques pour les Sociétés savantes du nord de la France et en particulier pour le Comité flamand de France qu'il avait fondé en 1853. M. de Coussemaker a donné le salutaire exemple d'un savant de premier mérite, demeuré 'fidèle à sa province, sachant y continuer ses travaux, avec autant d'activité qu'il aurait pu le faire dans un milieu scientifique plus important, et unissant à un patriotisme national très-vif un patriotisme local trop rare aujourd'hui.

M. le comte Louis DE CARNÉ, né à Quimper en 1804, mort à Paris le 12 février 1876, était homme politique avant d'être historien. Nonseulement dans ses Vues sur l'Histoire du gouvernement représentatif en France et en Angleterre, mais aussi dans ses Études sur les fondateurs de l'unité française, son but est moins l'investigation historique que l'exposition de théories politiques. Bien qu'il fût entré dans les Assemblées parlementaires comme adversaire de

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