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avec les art. 2 et 3 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667, il résulte que le but unique du legis lateur a été de proscrire la preuve testimoniale qui serait offerte seule pour constater l'existence d'une Société, ou d'une obligation, lorsqu'il s'agit d'une somme ou valeur excédant cent livres, ou de quelque modification des conventions écrites dans les actes;

» Mais que, loin que le legislateur ait établi, dans aucun des articles cités, que la preuve ne pourrait être faite que par la représentation même de l'acte écrit contenant la Société, l'obligation ou la modification de la convention, ila, au contraire formellement déclaré, par le dernier de ces articles, qu'il n'entendait pas exclure la preuve testimoniale, lorsqu'il y aurait un commencement de preuve par écrit ;

» Qu'ainsi, en jugeant, en point de droit, qu'une Société ne pouvait être prouvée que par la représentation de l'acte écrit qui la constitue, et que la preuve par témoins ne pouvait être admise, quels que fussent les commencemens de preuve par écrit, la cour d'appel de Paris a fait une fausse application de l'art. 1er du tit. 4 de l'ordonnance de 1673, et violé l'art. 3 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667;

» Que, par suite, elle a commis un excès de pouvoir, en annulant les jugemens du tribunal de commerce, des 16 et 19 prairial an 12, qui avaient admis la preuve testimoniale,sur le fondement des commencemens de preuve par écrit, lorsqu'elle ne pouvait que confirmer ou infirmer ces jugemens, selon qu'il lui eût paru qu'il y avait ou qu'il n'y avait pas commencement de preuve par écrit suffisant pour admettre la preuve par témoins, ou que l'existence de la Société était ou n'était pas définitivement prouvée ;

» Par ces considérations, la cour, après en avoir délibéré en la chambre du conseil, casse et annulle l'arrêt de la cour d'appel de Paris, du 12 pluviose an 13.... ».

III. Du principe consacré par cet arrêt, que, sous l'ordonnance de 1673, il n'était pas de l'essence du contrat de Société de commer. ce, que la rédaction en fût faite par écrit, sort naturellement, et même à fortiori, la conséquence qu'il pouvait être supplée à un acte de Société par les reconnaissances des parties et par toute espèce de preuve qui n'était pas prohibée.

C'est en effet ce qu'ont jugé les trois arrêts de la cour de cassation, de l'ang, de l'an 10 et de l'an 12, qui sont cités dans le plaidoyer que je viens de transcrire ; en voici un quatricme qui juge encore la même chose.

Une Société en commandite, par actions, avait été formée pour l'exploitation de l'aciéris de...., entre le sieur C.... de C....., propriétaire de cet établissement, le sieur L...., le sieur L.... F...., et d'autres particuliers.

Cette Société ayant été dissoute, le sieur L.... acheta l'acierie du sieur C.... de C..... par contrat du 28 thermidor an 11. Il parait qu'il avait été porte à faire cette acquisition, par la promesse que lui avait faite le sieur L... F... d'y conserver douze actions de 3,000 francs chacune.

Effectivement, le sieur L.... F.... versa entre les mains du sieur D...., caissier de l'acierie, une somme de 36,000 francs ; et le sieur L.... lui ep fournit la reconnaissance par une lettre du 7 vendémiaire an 12, ainsi conçue : « M. D........ m'a fait part du versement que » vous avez fait dans ses mains, tant par com» pensation des sommes que vous aviez précé» demment fournies à M. de C...., qu'en es» pèces, d'une somme de 36,000 francs, pour » prix des douze actions que vous avez prises » dans l'acierie de S...., que j'ai acquise de » M. de C.... Je vous fournirai, incessamment » les titres de ces douze actions, dont le prix » est par vous soldé au moyen dudit verse»ment, et dont je vous passe décharge par la » présente. La rédaction des clauses desdites » actions a été momentanément retardée par les causes particulières dont vous a parlé » M. D.... ; mais elle va, sous peu de jours, » être livrée à l'impression. Je n'attends plus, » pour le faire, que la remise de la vignette en » bois portant l'empreinte de la médaille d'or >> obtenue par l'acierie, et que l'ancien impri» meur de cet établissement n'a pas encore >> rendue ».

Le 27 du même mois, le sieur L.... F...., écrivant au sieur L...., sur un objet étranger à cette affaire, terminait sa lettre par cette phrase: Notre aciérie va-t-elle bien? Êtesvous content des ouvriers et de l'ouvrage ?

Au commencement de l'année suivante, le compte de la première année de l'administration ayant été rédigé, le projet en fut remis au sieur L.... F...., pour qu'il y fit ses observations en sa qualité de co-intéressé.

Dans une lettre du 13 pluviose an 13, le sieur L.... F.... écrivait au sieur L.... : « J'ai prévenu M. D.... que des besoins de fonds, nécessités par l'acquisition de ma terre du B...., m'avaient déterminé à vous donner un AUTRE associé commanditaire que MOI ».

Dans une autre lettre, du 28 thermidor de la même année, discutant, non sur l'existence de son association, mais sur l'espèce de cette association, qu'il supposait contestée par le

sieur L...., il lui disait : Je n'ai jamais entendu acquérir, mais bien être actionnaire en commandite n.

Après avoir ainsi, pendant plus de deux ans, reconnu par des écrits et des versemens de fonds, sa qualité d'associé, le sieur L.... F.... a cru pouvoir la nier, et le 20 brumaire an 14, il a cité le sieur L.... devant le tribunal civil de l'arrondissement de...., pour le faire condamner à lui rendre la somme de 36,000 francs, qu'il lui devait.

Le sieur L.......... a soutenu ne devoir autre chose au sieur L.... F...., que le titre définitif de ses actions, dont la délivrance avait été suspendue de commun accord; et il lui en a fait l'offre.

Le 30 janvier 1806, il est intervenu, sur cette contestation, un jugement dont voici les termes :

«Y a-t-il lieu à condamner le défendeur (M. L....) à payer au demandeur ( M. L.... F.... la somme de 36,000 francs par lui réclamee, avec intérêts; ou, au contraire, de donner acte au défendeur, des offres par lui faites de délivrer les titres des actions dont il s'agit, et à ordonner qu'il sera tenu de les realiser dans le mois ?

» Considérant 1° qu'il résulte de la correspondance du demandeur avec le défendeur, et de l'aveu des parties, qu'il a existé une première association entre eux et le sieur C.... de C...., propriétaire alors de l'aciérie de S.... ; que des motifs indifférens aujourd'hui ont détermine le demandeur et le défendeur à rompre cette association; que M. L.... F.... a engagé M. L... à acquérir la totalité de l'usine, avec l'offre par lui L.... F.... de rester associé, pour une portion quelconque, dans cette entreprise; que, par son billet du 6. thermidor an 11, écrit au sieur D........, fondé de pouvoir de M.L...,L... F... convient lui-même qu'il devait mettre 24 à 25,000 francs dans la Société ; que M. L.... l'avait déterminé à aller jusqu'à 30,000 francs pour dix actions; que, sur une nouvelle demande de M. L...., il consentit à prendre douze actions pour 36,000 francs; que c'est dans cet état de choses que le défendeur a acquis l'aciérie de S... du sieur C.... de C.... ; que la correspondance qui a eu lieu, depuis cette acquisition, entre les parties, établit que le demandeur a versé depuis, dans la caisse de cet établissement, le complétement du fonds de ses douze actions; que le défendeur, en lui annonçant, par sa lettre du 7 vendémiaire an 12, qu'il est crédité de la somme de 36,000 francs pour ces douze actions, s'engage de lui fournir incessamment les titres de ses douze actions ; que l'émission

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dans.

n'en a été retardée que par des causes dont le
demandeur n'est pas disconvenu avoir connais.
sance; que, depuis, M. L.... F.... s'est réel-
lement regarde comme associé dans cette
entreprise; que, par sa lettre à M. L...., dụ
27 du même mois, il s'exprime en ces termes :
Notre aciérie va-t-elle bien? Êtes-vous con-
tent des ouvriers et de l'ouvrage ? Que, dans.
une autre lettre du 27 thermidor an 13, à une
époque où les parties commençaient à se di-
viser, M. L.... F...., en rejetant la qualité
d'acquéreur en commun de l'acierie de S...
qu'il parait que M. L.... lui avait donnée,
lui déclare qu'il n'a jamais entendu étre que
simple actionnaire en commandite; que,
cet intervalle, le compte de la premiere an-
née de la gestion de cette usine a été remis
par
· le défendeur au demandeur; que ce der-
nier est convenu à l'audience que ce compte
est encore entre ses mains ou dans celles de
ses conseils ; que tout concourt donc à établir
incontestablement qu'il existe une Societé en
commandite entre les parties; que le deman-
deur a verse dans cette Société une somme de
36,000 francs, non pas à titre de simple prêt,
mais pour le fonds de douze actions,à raison
de 3,000 francs chacune; lesquelles actions
le défendeur s'est engagé à lui fournir inces-
samment ; Que le demandeur s'est livré, à
cet égard, à la foi du défendeur; qu'il s'est
contenté du titre provisoire qu'il a entre ses
mains ; qu'il n'a jamais mis le defendeur en
demeure de réaliser les actions promises, et
que celui-ci offre de remplir ses engagemens
à cet égard ;

» 2o Que, quoiqu'il soit de principe en général, que toute Société, même en comman dite, doit être rédigée par écrit, l'usage dans tous les tribunaux n'est point d'en prononcer la nullité par le défaut de cette formalité, soit vis-à-vis des associes, soit même vis-à-vis de leurs créanciers, quand la Société est d'ail leurs prouvée par lettres ou par des actes passés entre les parties; que, dans l'espèce, tout concourt à prouver la Société qui existe entre le demandeur et le défendeur, et les bases sur lesquelles cette Société repose;

» 3o Que, s'il est également de principe qu'une obligation indéterminée est nulle, ce n'est que lorsqu'on ne peut pas connaitre quel est l'engagement que les parties ont contracte; mais quand l'obligation est déterminable, quoique le montant n'en soit pas connu au moment où elle est contractée, on ne peut pas dire pour cela qu'elle est nulle ; ce principe, allegué par le demandeur, ne peut donc pas avoir d'application à l'espèce, puisque Tengagement souscrit par le defendeur, est

de fournir douze actions de 3,000 francs chacune, obligation bien déterminée ; que la valeur de l'établissement qui a donné lieu à l'association faite entre les parties, est connue; et que, quand elle aurait varié depuis l'acquisition, sa valeur est toujours determinable, et que conséquemment le demandeur ne peut pas être livré à l'arbitraire du défendeur;

» Qu'au surplus, les droits des parties, à cet égard, ne peuvent être réglés que par des arbitres, conformément aux art. 9, 10, 11, 12 et 13 du tit. 4 de l'ordonnance du mois de mars 1673, dont les dispositions sont conservées par l'art. 1873 du Code civil ;

Le tribunal donne acte au défendeur des offres par lui faites de remplir et exécuter l'obligation qu'il a contractée par sa lettre du 7 vendémiaire an 12, de fournir au demandeur douze actions de 3,000 francs chaque, pour son intérêt dans la Société en commandite relative à l'établissement de l'acierie de S....; ordonne, en conséquence, que le defendeur sera tenu, suivant ses offres, de delivrer au demandeur lesdites actions dans le délai d'un mois, à compter de ce jour ; faute de quoi faire, et ledit délai passé, condamne le défendeur à payer au demandeur la somme de 36,000 francs, avec les intérêts à six pour cent, à compter de l'époque des différens versemens, à titre d'indemnité de l'inexécution de l'obligation du défendeur; sauf, dans le cas de contestation entre les parties, pour le règlement du mode d'exécution de leur Société, à se retirer devant des arbitres dont elles conviendront, sinon, qui seront nommés par le tribunal ».

Le sieur L.... F.... a appelé de ce jugement; mais par arrêt du 22 avril 1807, la cour d'ap. pel de Paris, adoptant les motifs des premiers juges, a mis l'appellation au néant, avec amende et dépens.

Recours en cassation de la part du sicur L.... F....

« Cet arrêt (dit-il ) viole 1o l'ordonnance de 1673 et le Code civil, en ce qu'il établit une Société entre M. L.... et M. L.... F...., quoique la prétendue Société ne soit prouvée, ni par actes constitutifs, ni par écrit, ni par aucun acte équipollent, qu'elle n'ait jamais été qu'un projet, et que l'ordonnance et le Code civil exigent que toute Société de commerce soit rédigée par écrit, le projet d'une convention n'étant pas obligatoire et ne valant pas contrat ;

"20 Il est en opposition avec les dispositions du droit sur la nullité des pactes dont l'objet est indéterminé, en ce que la prétendue Société a été déclarée valable, quoique le temps de sa

durée et les autres conditions qui sont de la substance de ce contrat, n'aient pas été déterminées et réglées; et que ni les parties clles-mêmes, ni des arbitres, ne puissent les déterminer aujourd'hui que les choses ne sont plus entières par le fait de M. D..., qui a. grevé de ses hypothèques légales et conventionnelles, l'usine qui devait être originairement la propriété d'un corps social ».

Par arrêt du 28 juillet 1808, au rapport de M. Lachése, et conformément aux conclusions de M. Giraud,

«Attendu, sur le premier moyen proposé par Jean-Baptiste L.... F...., contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, du 22 avril 1807, que la cour d'appel n'a jugé qu'en fait l'existence d'une Société en commandite, entre le demandeur et L....; et qu'en jugeant ainsi d'après le titre qui servait de base à sa demande, et d'aprés la correspondance qui avait eu lieu entre les parties, elle n'a point contrevenu aux dispositions du tit. 4 de l'ordonnance de 1673, modifiées par l'usage et la jurisprudence antérieurs au nouveau Code de commerce;

» Attendu, sur le deuxième moyen, qu'en jugeant que l'obligation était déterminée, que la valeur de son objet était connue, que si elle avait varié, elle était déterminable, l'a cour d'appel n'a violé aucune loi ;

» Par ces motifs, la cour rejette.... » ]] IV. On a vu plus haut, no 1, qu'après avoir ordonné que l'acte de Société de commerce serait rédigé par écrit, le législateur a exige qu'il fût enregistré par extrait au greffe de la juridiction consulaire, s'il y en avait une dans le lieu, sinon, au greffe de l'Hôtel-de-Ville ou de la juridiction ordinaire, et que cet extrait fut inséré dans un tableau exposé à la vue du public, afin que chacun pût être instruit des differentes Sociétés qui se contractaient, des noms de ceux qui s'associaient, de la durée des Sociétés, etc., et que l'on pût conséquem. ment contracter avec les associés en pleine connaissance de cause.

Mais, quoique ces formalités aient été prescrites sous peine de nullité, et qu'elles aient eu pour fondement un motif d'utilité publique evident, tel que d'obvier aux fraudes, en empêchant qu'en cas de faillite de quelqu'un des associés, les autres associés ne pussent éviter de payer les dettes de la Société, elles sont tombées en désuetude et ne s'observent plus. C'est ce qu'atteste l'auteur des notes sur Bornier, ainsi que tous les commentateurs de l'ordonnance de commerce.

[ Écoutons, entre autres, Jousse sur l'art. 2 du tit. 4 de l'ordonnance de 1673 : « Cette » formalité est sagement établie........; cependant

l'usage contraire a prévalu, et il est rare, aujourd'hui, que les Sociétés des marchands » s'enregistrent ».

Brillon, au mot Société, no 2, confirme cette assertion par un arrêt qu'il rapporte en ces

termes :

« Le lundi 21 juillet 1681, à l'audience tenue » à la grand'chambre, il a été jugé, contre la disposition précise de l'art. 6 du titre des » Sociétés de l'ordonnance de 1673, que, nonnobstant le défaut d'enregistrement, les So» ciétés qui sont d'ailleurs constantes, doivent » être exécutées ». Ainsi, à peine y avait-il huit ans que l'ordonnance était promulguée, que déjà on contrevenait à sa disposition, et que les contraventions s'étaient déjà assez multipliées pour former un usage auquel les cours ne pouvaient pas refuser leur indulgence.

Denisart, sous le même mot, assure que « la » conservation de Lyon a attesté, par un acte » de notoriété du 9 mars 1729, que l'usage de Lyon, autorise par la jurisprudence des arréts, est de ne pas regarder comme une » nullité le défaut d'enregistrement de la So» ciété. »

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L'arrêt du 23 février 1763, que rapporte le même auteur, fortifie cette vérité, et contient une nouvelle preuve de l'usage dont on vient de parler :

«Dans l'espèce de cet arrêt (dit Denisart), » on ne rapportait aucune Société par écrit » entre les beaux-frères ; mais celui qui récla" mait contre la lettre-de-change dont on lui >> demandait le paiement solidaire, convenait » qu'à la mort de son père, étant âgé seule»ment de 16 ans, il avait consenti que son » beau-frère écrivit aux divers correspondans » qu'ils continueraient le commerce du père » et beau-père. Et, quoique le réclamant con»tre la lettre-de-change, invoquat la faveur » de la minorité, on a cru qu'un mineur au» quel le commerce est permis, et qui avait » souffert que le public le crût associé de son » beau-frère,devait payer les lettres-de-change » souscrites par celui à qui il avait permis de »se dire chef de leur Société, parceque le » commerce exige de la sincérité, et qu'il n'est pas permis de tromper le public Nous trouvons la même doctrine dans le Praticien des consuls, ouvrage imprimé à Paris en 1742:

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« Cet article (2 du tit. 4 de l'ordonnance de 1673) ne regarde que les Sociétés des marchands et négocians. Il s'exécute assez ordinairement ; mais, quand il est arrivé que l'extrait d'une société qui a eu lieu, n'a pas registréni inséré dans un tableau, la peine de

été

nullité portée par l'ordonnance, n'a point été prononcée par les juges, soit entre leurs associés, soit avec leurs créanciers. Deux marchands, par exemple, s'associent par un traité ; ils font un commerce ouvert, et ont des livres de Société. Ils ont manqué à la formalité prescrite par l'article, et l'un d'eux s'en veut prévaloir pour rompre la Société avant le temps; l'équité veut que le juge ordonne que l'extrait de l'acte sera registré et inséré dans le tableau, et ne souffre pas que la Société finisse par la negligence de tous les deux dans la formalité..... In curia mercatorum negotia deciduntur ex æquo et bono, non observatis apicibus seu subtilitatibus juris.....

» Il est certain que, si les formalités de l'ordonnance étaient bien observées par ceux qui contractent des Sociétés, et que, si on ne faisait d'affaires avec eux, qu'après qu'on serait informé d'un bon enregistrement, il y aurait moins de contestations; mais le défaut de précautions qui ne vient que de la confiance que les gens de commerce ont les uns envers les autres, ne doit point profiter à celui qui en voudrait abuser; c'est pourquoi les art. 2 et 3 sont excellens dans leur disposition pour servir à ceux qui veulent incontestablement assurer une Société, ou ne pas douter que le negociant, qui s'engage pour soi et compagnie, ne soit associé; mais ils n'ont leur effet, que lorsqu'il n'y a pas d'ailleurs de preuve certaine ct par écrit de la Société ».

C'est aussi ce qu'ont jugé plusieurs arrêts du parlement de Flandre.

Le 11 août 1775, cette cour a confirmé une sentence des consuls de Valenciennes, qui ordonnait, entre deux armurièrs, nommés Robbe et Leclerc, l'exécution d'une Société qu'ils avaient formée ensemble, et que l'un d'eux arguait de nullité, par le défaut d'enregistre

ment.

En 1780, le sieur Martel, négociant à Paris, s'est pourvu devant les juges-consuls de Lille contre le sieur Billon, marchand à Cambrai, pour le faire condamner, comme associé de son père, à lui payer une somme de deux ou trois mille livres, pour laquelle ce dernier s'était obligé envers lui. Billon est venu soutenir qu'il n'avait jamais été en Société avec le débiteur de cette somme. Martel a prouvé le contraire par une lettre dans laquelle Billon fils avait pris la qualité d'associé de son père. Billon a répliqué qu'aux termes de l'ordonnance de 1673, tout acte de Société qui n'avait point été enregistré et publié, devait être déclaré nul; mais ce moyen a été rejeté, et par sentence des juges-consuls, Billon a été condamné au paiement de la somme dont

s'agissait. Il s'en est rendu appelant an parlement de Flandre; mais, de tous les avocats auxquels il s'est adressé, il n'y en a pas un qu ait ose se charger de sa cause, en sorte que la sentence a été confirmée par défaut. L'arrêt est du 21 mars 1780.

L'arrêt suivant est le plus remarquable de

tous.

Le 17 novembre 1779, le sieur et la dame Mathieu Hamoir, négocians à Valenciennes, ont fait avec le sieur Borniche une convention sous seing privé, pour affaires de commerce pendant le terme de six ans. C'étaient les propres termes de l'intitulé de cet acte. Voici quelles en étaient les clauses :

10 M. et madame Mathieu feront des fonds pour le commerce, pour la somme de cent mille livres d'abord.

20 M. Borniche percevra les deux premières années 1,200 francs par chacune, et donnera ses soins en général pour le commerce.

3. La troisième année, il aura le dixième du produit du commerce, frais déduits, tels que tous les emballages, ports de lettres, droits sur les toiles, mis ou à mettre, blanchissage, frais de magasin et de bureau, journées d'ouvrières, racommodage de toiles, apprêts.

40 En cas qu'il survienne des pertes dans le commerce, qui ne puissent laisser de bénéfice à M. Borniche, dans cette circonstance il touchera la somme de 1,200 livres, et ne sera ja

mais tenu de faire aucun fonds

50 La répartition du bénéfice du commerce sera démontrée par un inventaire qu'on fera chaque année au temps convenable, comme en janvier, mai, et se fera de la manière suivante: M. et madame Mathieu, pour neuf dixièmes, M. Borniche pour un dixième. Il voyagera aux frais du commerce, lorsqu'on le jugera nécessaire pour en faire le bien-être.

» 6o La tenue des livres sera en parties doubles.

» 70 La raison de la maison dudit commerce sera sous les noms de Mathieu Hamoir et compagnie, dont les seules signatures seront connues; et, à leur défaut, le sieur Borniche signera comme fondé de procuration ».

Le 20 mars 1780, le sieur et la dame Mathieu ont signifié au sieur Borniche un acte portant qu'ils le remerciaient, et n'entendaient plus éxécuter la convention que l'on vient de transcrire.

Le sieur Borniche s'est pourvu à la juridiction consulaire de Valenciennes, et y a fait assigner le sieur et la dame Mathieu « pour se

voir condamner à entretenir le contrat de » Société du 17 novembre 1779, aux dommuges » et intérêts, comme aussi à nommer un arbitre

» pour faire droit sur leurs contestations res»pectives, conformément à l'ordonnance de » 1673, titre des Sociétés, art. 9, 10, 11 et 12 ». Le sieur et la dame Mathieu ont opposé quatre moyens à cette demande.

10 Ils ont soutenu que le sieur Borniche était leur commis, et non leur associé.

2o Ils ont ajouté que, s'il y avait une Société entre eux, elle était léonine, puisque le sieur Borniche devait toujours en tirer un profit certain, et ils ont cité à ce sujet la loi 29, S. 2, D. pro socio.

30 En supposant toujours que l'acte du 17 novembre 1779 fût un contrat de Société, ils ont dit qu'il etait nul, aux termes de l'ordonnance de 1673, par la raison qu'il avait été ni enregistré ni publié.

4o Enfin, ils ont prétendu qu'à tout évènement, il leur était permis de renoncer à la Société, et que telle était la disposition textuelle de la loi 14, D. pro socio.

Ces raisons ont fait sur les juges-consuls toute l'impression qu'en paraissaient attendre le sieur et la dame Mathieu. Par sentence du 2 mai 1781, la convention a été déclarée nulle; et néanmoins il a été donné acte au sieur Borniche es offres surabondamment faites par le sieur et la dame Mathieu, de lui payer une somme de cent écus.

Le sieur Borniche s'est rendu appelant de cette sentence au parlement de Flandre, et en a démontré le mal jugé par quatre propositions.

10 Il a fait voir que la convention du 17 novembre 1779 était une véritable Société; qu'en effet, elle mettait en commun une entreprise dont le profit devait se répartir dans les proportions réglées par cet acte; qu'il n'en fallait pas davantage, suivant Domat, liv. 1, tit. 8, sect. 1, pour former une Société proprement dite; qu'à la vérité, il ne devait prendre aucune part dans les gains des deux premières années ; mais que cela ne pouvait pas empêcher qu'il n'y eût une vraie Société entre lui et le sieur et la dame Mathieu, par la raison que les contrats de cette espèce sont, aux termes de la loi 6, C. pro socio, susceptibles de toutes sortes de pactes licites; qu'après tout, l'art. 7 de l'acte ne laissait là-dessus aucune espèce de doute, en déclarant que la raison dudit commerce serait sous les noms de Mathieu Hamoir et compagnie; qu'enfin, le sieur et la dame Mathieu avaient eux-mêmes écrit à leurs correspondans, qu'ils s'étaient associés avec le sieur Borniche.

2.0 Pour prouver que la Société n'était point léonine, le sieur Borniche a cité la loi

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