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Et bien loin de là, l'art. 979 porte sans distinction, « qu'en cas que le testateur ne puisse parler, mais qu'il puisse écrire, il pourra » faire un testament mystique; à la charge » que le testament sera entièrement écrit, daté » et signé de sa main, qu'il le présentera au no» taire, aux témoins, et qu'au haut de l'acte de » suscription, il écrira, en leur présence, que » le papier qu'il présente est son testament ». Je dis que cet article dispose ainsi sans distinction; et en effet, il ne distingue, ni enfre celui qui n'est que muet, et celui qui est à la fois muet et sourd, ni entre celui qui est Sourdmuet par accident et celui qui l'est de naissance; il les comprend donc tous dans sa dispo

sition.

Mais, dit-on, comment l'individu qui est, non-seulement muet, mais encore sourd, pourrait-il profiter de la faculté qu'accorde l'art. 979 à celui qui ne peut parler, mais qui peut écrire, de faire un testament mystique en observant les formalités particulières qui y sont prescrites ? Le notaire aurait beau Îui donner lecture de l'acte de suscription qu'il en aurait dressé, il ne l'entendrait pas ; et cependant il faut nécessairement que l'acte de suscription d'un testament mystique soit lu au testateur, de manière qu'il puisse l'entendre.

D'ailleurs, ajoute-t-on, quand on pourrait, d'après la généralité de l'art. 979, l'appliquer à celui qui serait à la fois muet et sourd, comme à celui qui n'est que muet, serait-ce une raison pour l'appliquer à celui qui serait à la fois muet et sourd de naissance? Remarquons bien qu'il n'est que la copie littérale de l'art. 12 de l'ordonnance de 1735. Or, peut-on supposer que l'ordonnance de 1735 ait abrogé la distinction que faisait le droit romain, par rapport à la faculté de tester, entre le sourdmuet de naissance et le sourd-muet par

accident? Elle n'aurait pu l'abroger qu'en admettant la possibilité d'apprendre les sourds-muets de naissance à écrire; mais à l'époque où elle a été publiée, la méthode de l'abbé de l'Epée n'existait pas encore. Il faut donc nécessairement reconnaître que l'art. 12 de l'ordonnance de 1735 avait laissé subsister la distinction que faisait la loi romaine entre le Sourd-muet par accident et le Sourd-muet de naissance; mais, dès-lors, il faut bien reconnaître aussi que le Code civil l'a également maintenue, puisqu'il n'a fait que copier cet article.

Ces objections n'ébranlent nullement la doctrine qu'elles combattent.

La première suppose qu'un testament mystique ne peut être valable qu'autant que l'acte de suscription en est lu au testateur; et où cela est il écrit ? Sans doute la lecture est, pour le testament nuncupatif, une formalité essentielle, et dont l'omission emporte nullité; les art. 972 et 1001 l'ont ainsi voulu, parcequ'il faut bien que le testateur soit assuré par la lecture de ses dispositions, qu'elles ont été écrites par le notaire, telles qu'il les lui a dictées. Mais ni l'art. 976 qui règle la forme des testamens mystiques ordinaires, ui l'art. 979 qui règle la forme spéciale du testament mystique du muet, ne parlent de l'acte de suscription; et pourquoi n'en parlent-ils pas ? Parce que l'auteur d'un testament de cette na. ture qui le présente à un notaire devant six témoins, a déjà rédigé ses dispositions; parce que, dès-lors, il les connaît nécessairement; parceque d'ailleurs il n'entre pas dans ses vues de les divulguer, et qu'il ne s'agit plus que de dresser un acte qui en constate la présentation. Il est vrai que cet acte est soumis aux formalités communes à tous les actes notariés, et que l'art. 13 de la loi du 25 ventose an 11 place la lecture au nombre de ces formalites, mais sous quelle peine? Sous celle de nullité qui est écrite, par rapport aux testamens, dans l'art. 1001? Point du tout : à peine (porte-t-il) de cent francs d'amende contre

le notaire contrevenant.

Ce n'est pas tout. Quand le défaut de lecture entendue par le testateur Sourd-muet, emporterait la nullité de l'acte de suscription, le testament serait-il nul pour cela? Oui, comme testament mystique; mais il n'en vaudrait pas moins comme testament olographe? V. l'article Testament, sect. 2, §. 4, art. 6.

La seconde objection n'est pas moins frivole. En fait, pourquoi l'art. 12 de l'ordonnance de 1735 n'aurait-il pas pu abroger, par la généralité de sa disposition, et pour le cas où le Sourd-muet de naissance saurait écrire, l'in

capacité dans laquelle la loi romaine plaçait tout sourd-muet de naissance de faire un testament? La méthode de l'abbé de l'Epée n'existait sans doute pas encore à l'époque où a paru cette ordonnance; mais déjà Jean Wallis, savant mathématicien anglais, avait fait d'heureux essais pour mettre les Sourdsmuets de naissance à portée d'exprimer leur pensée. Un moine espagnol, nommé Ponce, les avait perfectionnés ; et le médecin suisse Amman, mort en 1724, les avait portés encore plus loin par deux ouvrages dont l'un avait été imprimé à Harlem, sous le titre de surdus loquens.

Aussi trouve-t-on dans le recueil de Catellan, liv. 2, chap. 48, un arrêt du parlement de Toulouse, du mois d'août 1679, qui juge que « le Sourd et muet de naissance peut faire » un testament, pourvu qu'il sache écrire, et » soit capable d'affaires par l'écriture ». On s'est fondé, dit l'arrétiste, sur ce que, dans le droit, il est à croire que Justinien n'a pas prévu un cas aussi extraordinaire que celui d'un Sourd et muet de naissance qui sait écrire, et que, dans le fait, l'auteur du testament dont il s'agissait, avait donné, pendant sa vie, une foule de preuves de son habileté à traiter des affaires par écrit.

Il est vrai que, malgré ces considérations, l'arrêt n'avait passé qu'avec beaucoup de difficulté; mais cela même prouve que c'est en pleine connaissance de cause que l'illustre rédacteur de l'ordonnance de 1735, qui ne peut pas être supposé l'avoir ignoré, n'a pas restreint l'art. 12 de cette loi aux Sourds-muets par accident.

Il est vrai encore que Védel, dans ses observations sur Catellan, critique cet arrêt. Mais quelles sont ses raisons ?

« Il n'est pas nouveau ( dit-il d'abord ), au » temps de Justinien, que des Sourds et muets » de naissance pouvaient être capables de » commerce et d'affaires, ayant appris à écri»re, ce que l'expérience avait sans doute fait » connaître dans ce siècle, comme dans ces » derniers temps. La loi doit donc être ap»pliquée indistinctement aux Sourds et muets » à natura».

Mais où cet auteur a-t-il pris que l'art d'apprendre les Sourds-muets de naissance à écrire, fût déjà connu du temps de Justinien? Nulle part. Ricard, qui en savait là-dessus bien autant que lui, s'exprimait tout différemment dans son Traité des donations publié avant que fussent connus en France les procédés inventés par Wallis, Ponce et Am. man, avant même qu'eût paru le recueil d'arrêts de Catellan :« quoique la nature (disait-il,

» part. 1, no 131) ait fait paraître des prodiges » dans des particuliers qui avaient apporté >> cette double disgrace en naissant, de les >> rendre excellens dans la peinture ou quel » qu'autre art difficile à concevoir; néanmoins » on n'en a point vu jusqu'à présent, qui » aient pu se rendre capables de témoigner » leurs sentimens par écrit ; parce que, pour » y parvenir, il serait nécessaire d'avoir des » notions qui supposent la science de la lan»gue, et qui ne peuvent se communiquer que » par les discours et par l'ouie »; et des la, tombe de lui-même le prétexte sur lequel se fonde Vedel pour dire que la loi de Justinien s'applique même au Sourd-muet de naissance qui sait écrire.

Vedel ajoute que l'on ne doit pas argumenter de la capacité de traiter des affaires, à celle de tester; et il emploie, pour le prouver, le principe de M. d'Aguesseau rappelé à l'article Testament, sect. 1, §. 1, no 3.

Mais j'ai prouvé dans les conclusions du 19 décembre 1814, rapportées au même endroit, que ce prétendu principe, echappé à M. d'Aguesseau dans sa jeunesse (1), n'est rien moins qu'exact.

En droit, quand on admettrait que l'art. 12 de l'ordonnance de 1735 n'avait été rédigé d'une manière aussi générale et aussi évidemment exclusive de toute distinction entre le Sourd muet de naissance et le Sourd-muet par accident, que dans la supposition qu'il n'était pas possible que le premier apprit jamais à écrire, il est du moins très-certain que ce n'est pas dans la même supposition, que c'est, au contraire, avec la parfaite connaissance, non-seulement de la possibilité, mais encore de la facilité d'apprendre les Sourds-muets de naissance à exprimer leurs pensées par écrit, que cet article a été copié littéralement de nos jours dans le Code civil; et assurément le Code civil a dû, en le copiant, y attacher toute la latitude du sens que comportent aujourd'hui les termes dans lesquels il est conçu.

C'est ainsi au surplus que la question a été jugée dans la seule affaire où il paraît qu'elle se soit élevée depuis la publication du code civil.

Michel Hirn, Sourd-muet de naissance, avait présenté, le 9 décembre 1808, à un notaire, en présence de six témoins, dans la forme prescrite par l'art. 979, un testament écrit, daté et signé de sa main; et un acte de

(1) C'était en 1696 que M. D'Ague ssau le professait à l'andience du parlement de Paris; et il était né en 1668.

suscription en avait été dressé dans la forme déterminée par le même article.

Après la mort du testateur, procès entre Ursule Hirn, sa sœur, épouse de Pierre Schoef fer, qui demande la nullité du testament, et Jacques Schoeffer, legataire universel, qui en soutient la validité.

« Suivant le droit romain (disait on pour la demanderesse), le Sourd-muet de naissance ne pouvait faire ni testament ni aucune disposition à cause de mort.

» C'est ce qui résulte formellement de la loi 10, C. qui testamenta facere possint...., "Point de distinction dans cette loi entre le Sourd-muet qui sait lire et écrire, et celui qui n'a pu recevoir ce dégré d'instruction. Dèslors que l'infirmité a été apportée en naissant, l'incapacité existe, quels que soient les efforts qui ont été faits pour réparer les torts de la

nature.

» Si cette sage disposition n'a plus aujourd'hui force de loi, elle conserve du moins toute l'autorité de la raison écrite; car il n'y a rien dans le Code civil d'où l'on puisse induire qu'il y a été dérogé.

» On ne trouve dans le Code qu'un seul article où il soit parlé du Sourd-muet: c'est l'art. 936, qui lui permet, s'il sait écrire, d'accep ter lui. même, ou par fondé de pouvoir, la donation faite à son profit.

» Il est bien évident qu'on ne peut tirer de là aucune conséquence relativement à la capacité de tester. De ce que la loi accorde au Sourd-muet qui sait lire et écrire, la faculté de rendre sa condition meilleure en acceptant une donation, il n'y a pas moyen de conclure qu'elle l'ait considéré comme capable de faire lui-même des libéralités.

>> On n'invoquerait pas avec plus de succès l'art. 979, qui prévoit le cas où un testateur ne peut parler, mais peut écrire, et lui donne alors le droit de tester dans la forme mystique, pourvu que ses dispositions soient écrites de sa main, et qu'en les présentant au notaire et aux témoins, il écrive, en leur présence, que le papier qu'il leur remet, est son testament.

On pourrait dire d'abord que le principal objet de cette disposition est de réserver un moyen de tester aux personnes accidentellement privées de la parole; ce qui était d'autant plus nécessaire, que la plupart des hommes attendent, pour exprimer leurs dernières volontés, qu'ils soient atteints d'une maladie

grave.

» Mais en admettant que l'art. 979 s'applique au muet de naissance, il est impossible de l'étendre à celui auquel la nature a en même temps refusé l'organe de l'ouie. Il y a,

entre ces deux individus, une telle différence, relativement aux moyens de développer leurs facultés intellectuelles, qu'on ne peut établir, de l'un à l'autre, aucune espèce de rapprochement; aussi la même loi romaine, qui déclarait le Sourd-muet de naissance absolument incapable de tester dans une forme quelconque, permettait-elle à celui qui était seulement muet, de faire un testament par écrit....

» Il n'y a donc dans l'art. 979 rien de contraire à la disposition du droit romain que nous avons invoquée ;

» Eufin, l'on ne peut induire une dérogation tacite de ce que le code, en désignant, dans les art. 902 et suivans, les personnes incapables de disposer par acte entre-vifs ou par testament, n'a point compris dans ce nombre le Sourd muet de naissance.

» Il est des incapacités qui résultent tellement de la nature des choses, que la loi n'a pas eu besoin de les établir par une disposition formelle; ce sont celles qui consistent dans une impossibilité physique, de la part du testateur, de manifester sa volonté et de remplir les formalités prescrites par la loi.

On ne trouve dans le Code aucune dispo. sition spéciale par laquelle le Sourd-muet qui ne sait pas écrire, soit expressément déclaré incapable de tester, et l'on ne niera point cependant qu'il ne soit réellement privé de cette faculté. Quel moyen aurait-il en effet de l'exer

cer ?

» Il ne pourrait faire, ni un testament par acte public, ni ́un testament mystique ordinaire, puisqu'il faudrait pour cela qu'il pût parler. Il ne pourrait tester, ni dans la forme olographe, ni dans la forme mystique prescrite par l'art. 979, puisqu'il faut, dans ces deux cas, que les dispositions soient écrites de la main du testateur.

» Cette incapacité est commune au sourd qui ne sait ni lire ni écrire; car il paraît d'abord qu'ayant la faculté de parler, il peut faire un testament nunca patif; mais on voit bien ensuite que cette forme même lui est interdite, parceque l'une des formalités essentielles, la lecture de l'acte au testateur, ne pourrait avoir lieu, ou du moins ne remplirait pas le vœu de la loi. On ne peut supposer raisonnablement, dit M. Grenier, quelqu'effet dans une lecture faite à un sourd.

» La même raison s'oppose à ce qu'un indi. vidu privé de l'ouie, fasse un testament mystique, puisqu'il faut également que l'acte de suscription soit lu au testateur.

» Ainsi, le testament mystique d'un sourdmuetest nul, sous un double rapport: au fond, parceque l'imperfection présumée des facultés

morales du testateur, le fait considérer comme généralement incapable de disposer de ses biens; en la forme, parcequ'il est impossible que toutes les formalités prescrites pour ce mode particulier de disposition, aient été observées ».

Ces raisonnemens n'étaient que des sophismes. Aussi ont-ils été rejetés par arrêt de la cour royale de Colmar, du 17 janvier 1815,

« Attendu que la faculté de tester est dévolue à l'homme qui est sain d'esprit, et que toute personne peut disposer par testament, lorsque la loi ne l'en déclare pas incapable; >>Qu'aucune disposition du Code n'a privé un Sourd-muet, même de naissance, de la faculté de faire un testament, lorsque d'ailleurs il jouit de la raison, de l'intelligence et du discernement nécessaires; que les défenses établies par la loi, sont générales, et désignent nommément les individus qu'elle frappe d'incapacité ;

» Que la constitution organique de l'homme est telle que les facultés iutellectuelles qui sont départies par la nature, ne reçoivent que par l'éducation le développement dont elles sont susceptibles; que, si ce développement devient et plus pénible et plus difficile vis-à-vis des personnes avec lesquelles on ne peut communiquer que par signes, il est d'une étroite justice de les faire jouir de leurs droits civils, lorsque cette difficulté a été vaincue, et que la raison a succédé à l'imbécillité;

» Que la loi romaine n'a interdit aux Sourds et muets de naissance la faculté de disposer, que parcequ'abandonnés à eux-mêmes et restés dans une espèce d'abrutissement, le législateur ne les croyait pas alors capables de manifester leur volonté; mais que ce motif disparaît aujourd'hui, lorsque, par une ins titution bienfaisante ou par des soins particų. liers qui honorent l'humanité, on est parvenu à développer, dans de pareils êtres, leurs facultés intellectuelles, et à leur faire exprimer leur volonté, soit par des signes, soit par l'écriture (1)».

Mais voici une autre question. Si les héritiers ab intestat d'un sourd muet de naissance vien. nent alléguer qu'il ne lisait et n'écrivait que machinalement, et sans comprendre le sens attaché aux caractères qu'il lisait ou traçait; qu'ainsi, il n'a pu écrire le testament presenté comme l'expression de sa volonté personnelle, que sur un modèle dressé par une main étran

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1815, Supplément, page 73.

gère; et qu'en copiant ce modèle, il n'a pas pu savoir ce qu'il faisait : est-ce sur eux que doit tomber la preuve de ces allégations, ou bien est-ce à l'héritier institué à les détruire par la preuve directe que le testateur comprenait parfaitement ce qu'il lisait et écrivait?

Deux arrêts ont jugé cette question contre l'heritier institué.

Le premier est celui de la cour royale de Colmar que je viens de rappeler.

A leur demande en nullité du testament de Michel Hirn, fondée sur le seul fait qu'il était né Sourd-muet, Ursule Hirn et Pierre Schoef fer, son mari, ajoutaient des conclusions subsi diaires tendant à ce que l'héritier institué füt tenu de prouver que le testateur avait écrit les dispositions de son testament en parfaite connaissance de cause; et ils articulaient, avec

offre de justifier en forme de preuve contraire,

que

souvent le défunt avait donné des mar»ques d'imbecillité et de fureur; qu'il était » incapable de lire et d'écrire de son propre » mouvement et dans la véritable acception » de ces mots; qu'il savait seulement copier » sur exemplaire; que c'était aussi à vue d'un » formulaire qu'il avait écrit, par copie, en » tête de l'acte de suscription du prétendu tes»tament, ces mots : ce paquet contient mon » testament »,

L'héritier institué répondait à ces conclusions qu'il n'avait rien à prouver, parceque le testament constatait par lui-même que Michel Hirn savait écrire, et par conséquent était capable de tester dans la forme réglée par l'art. 979 du Code civil. Cependant il offrait surabondamment de prouver 10 que le testateur jouissait de toutes ses facultes intellectuelles, et les avait conservées jusqu'à sa mort; 2o qu'il dirigeait et soignait les affaires de sa sœur et de son beau-frère; qu'il faisait fréquemment pour eux des voyages par eau à Strasbourg; qu'il y conduisait leurs marchandises et leurs denrées avec un grand bateau; 3o qu'il avait,

à

plusieurs reprises, prêté de l'argent à interêt, pour son propre compte ; 4o qu'il écrivait et rédigeait couramment la langue allemande; 50 qu'il était instruit des lois du culte qu'il professait; 60 qu'il exerçait le métier de barbier ; 7o que, pendant sa dernière maladie, sa sœur et son beau frère avaient voulu l'engager à faire un testament en leur faveur, et lui avaient même amené à cet effet un notaire ; mais qu'il s'y était refusé, en prétextant qu'il ne voyait plus assez clair pour tracer par écrit un testament.

Le premier juge, en accueillant les conclusions subsidiaires d'Ursule Hirn et de son mari,

1

avait décidé tout à la fois, et que c'était par l'héritier institué qu'il devait être prouvé que le testateur comprenait parfaitement ce qu'il lisait et écrivait, et que cette preuve serait atl'héritier teinte par celle des faits articulés par institué.

Mais sur l'appel, la cour royale de Colmar, tout en réformant le jugement de première instance sur le second point, l'a confirmé sur le premier :

« Considérant ( a-t-elle dit) qu'en faisant jouir les Sourds-muets de la même faculté et des droits que la loi accorde aux personnes capables de contracter, ce privilège ne peut être que d'exception; et que, pour en faire nne juste application en leur faveur, il faut au moins qu'ils sachent lire, écrire et transmettre leur volonté, dans l'acception véritable de ces

mots;

» Que le sens du mot lire s'étend, non seulement à l'action de parcourir des yeux ce qui est écrit, mais encore à le parcourir avec connaissance de la valeur des lettres, soit qu'on profère, soit qu'on ne profère pas les mots;

» Que, si la valeur du mot écrire est res treinte à tracer, former ou figurer des lettres ou caractères, il faut l'étendre nécessairement, lorsqu'il s'agit de la manifestation d'une vo lonté qui ne peut se transmettre verbalement, à la rédaction même de cette volonté, dont le sens est de mettre par écrit et réduire en ordre des décisions ou des résolutions que vous avez prises;

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Considérant que, pour concevoir la faculté de tester, il faut nécessairement se rattacher à l'idée de la parfaite intelligence de ce que veut faire le testateur, c'est-à-dire, qu'il sache ce que c'est que la propriété d'une chose; qu'il connaisse l'étendue du droit d'en disposer, la valeur de ce dont il dispose; qu'il puisse se rendre raison de sa résolution ; enfin, qu'il ait une idée nette et saine de ce qu'il veut entreprendre, ou bien que son esprit se forme une notion de la chose qu'il veut exécuter;

» Considérant que, pour obtenir la preuve de cette intelligence d'un Sourd-muet, il faut nécessairement recourir au témoignage des personnes qui ont eu des communications habituelles ou de fréquens rapports avec lui, ou bien qui ont vécu dans sa société; mais que ce genre de preuve ne doit porter que sur des faits qui peuvent donner une entière conviction de sa capacité, et non sur des actions qui ne sont que le fruit de l'habitude et d'une imitation machinale;

» Considérant qu'au cas particulier, il est articulé et posé en fait, entr'autres et d'une TOME XXXL.

part, que Jean-Michel Hirn dirigeait et soig. nait les affaires et les biens des conjoints Schoeffer; qu'il faisait pour eux des voyages à Strasbourg, y conduisant leur bateau chargé de denrées: qu'il prêtait de l'argent et faisait le métier de barbier; que ces faits sont indifférens dans la cause, et que, lors même que la preuve en serait administrée, il n'en résulterait autre chose, si ce n'est que Michel Hirn avait contracté l'habitude d'imiter et de faire ce qu'il voyait exécuter habituellement ;

» Considerant que, d'autre part, les conjoints Schoeffer offrent de prouver que Michel Hirn était incapable de lire et d'écrire de son propre mouvement, que seulement il savait copier sur un exemplaire, et que la suscription du testament attaqué a été faite par lui sur un modèle qui lui a été mis sous les yeux;

» Considerant qu'aux termes de l'art. 254 du Code de procedure civile, les tribunaux peuvent ordonner d'office la preuve des faits qui leur paraissent concluans, lorsque d'ailleurs la loi ne la défend pas ; que, dans l'espèce particulière, il convient de préciser et de d'office les faits dont la preuve pourra, poser en définitive, convaincre la justice sur le degré de capacité et d'intelligence de Michel Hirn;

» La cour a mis et met l'appellation et ce dont est appel, au néant; émendant, avant faire droit aux parties, a ordonné d'office que, dans le mois ..., l'intimé fera preuve que Michel Hirn jouissait de ses facultés intellectuelles, et qu'il en a joui jusqu'à son décès; qu'il savait lire et écrire, rédiger avec intelligence, dans l'acception valable de ces mots; qu'il écrivait sans avoir besoin d'aucun formulaire; sauf la preuve du contraire ; et notamment que Michel Hirn a écrit la suscription de son testament à vue d'un modèle qu'on lui a mis sous les yeux; pour ladite preuve et contre-enquête faites, être statué ce qu'il appartiendra....".

Le second arrêt a été rendu par la cour su périeure de justice de Bruxelles, le 19 décembre 1822, au sujet du testament olographe de Constance Deurwaerdere, Sourde muette de naissance.

Les héritiers ab intestat convenaient que la défunte avait su lire et écrire ; mais ils soutenaient qu'elle n'avait jamais compris, ni ce qu'elle lisait, ni ce qu'elle écrivait ; et la question était de savoir sur qui d'eux ou des héritiers institues, devait tomber la preuve que cette allégation rendait préalablement néces saire.

Par l'arrêt dont il s'agit,

» Attendu que, pour qu'un Sourd-muet de 46

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