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Stipulation se dit de toutes les clauses, de toutes les conditions, de tous les engagemens qui interviennent dans un acte. V. les articles Acte sous seing-privé, §. 2, Pacte, Clause, Convention, etc.]]

[[ STIPULATION POUR AUTRUI. Dans quels cas peut-on stipuler pour un tiers ab sent? La Stipulation insérée dans un contrat, au profit d'un tiers absent, peut-elle être révoquée par les parties contractantes, sans le consentement de ce tiers?

V. l'article Révocation de Substitution, S. 2, et le plaidoyer ainsi que l'arrêt du 8 messidor an 13, rapportés à l'article Acte sous seing-privé, §. 2. ]]

*SUBHASTATION. Vente publique faite en justice, au plus offrant et dernier enchérisseur, d'un ou de plusieurs héritages d'un débiteur.

Ces ventes ont été ainsi appelées, parcequ'elles tirent leur origine des ventes judiciaires usitées chez les romains, qui se faisaient sub hasta. On plantait une pique au lieu où la vente se faisait à l'encan, pour marque de l'autorité; car cette vente ne se faisait qu'en vertu d'une ordonnance du prêteur.

Les Subhastations sont pratiquées dans les provinces de Bresse, Bugey, Gex et Valromey. L'usage y en a été confirmé par des lettres-patentes du mois de novembre 1601, et par deux déclarations des 3 juillet et 6 décembre 1702.

On observe peu de formalités pour les adju dications des biens qui se vendent par Subhastation. Toutes les enchères s'y reçoivent sans ministère de procureur ; et à la troisième criée, on adjuge le bien au plus offrant et der nier enchérisseur. On dresse un procès-verbal de l'adjudication, et cet acte transfére à l'adjudicataire la propriété, en telle sorte que les fruits du bien subbasté lui appartiennent du jour même qu'il lui a été adjuge.

Les oppositions à fin de distraire, de charger ou de conserver, ne sont pas nécessaires dans le cas de Subhastation, parcequ'elles ne pur gent ni les hypothèques ni le droit de propriéte; mais on y voit souvent des oppositions à fin d'annuler, quand il y a des nullités dans la forme ou dans le fond.

Lorsque celui dont le bien est subhasté, a été condamné par le juge à payer, il ne peut être admis à proposer ses moyens de nullité qu'il n'ait auparavant consigné en deniers la somme pour laquelle il a été exécuté, et une somme convenable pour les intérêts, s'il en est dû. C'est ce qu'observe Collet sur les statuts de Bresse; mais la consignation n'est pas né

cessaire quand un tiers qui n'est pas le débiteur, débat la Subhastation, ou que ce débiteur soutient que la dette est acquittée.

Les statuts de Bresse accordent aux personnes dont les biens ont été subhastés, le droit de retirer leurs biens dans les six mois, en remboursant à l'acquéreur le prix principal et les frais. Ces six mois ne commencent à courir que du jour que l'adjudicataire a fait signifier à la partie subhastée, les lettres de mise en possession du bien vendu par Subhastation. (M. GUYOT.) *

[[Ce droit de retrait a été aboli par l'art. 18 de la loi du 25 août 1792. V. l'article Rabatement de décret.

Quant aux Subhastations elles-mêmes, l'abrogation en a été prononcée par l'art. 36 de la deuxième loi du 11 brumaire an 7. V. les articles Expropriation forcée, et Saisie immobilière. ]]

*SUBORNATION. Séduction par laquelle on engage quelqu'un à faire quelque chose contre son devoir.

Ce terme est principalement usité pour exprimer la corruption des témoins qu'on engage à certifier ou déposer quelque chose contre la

vérité.

I. Ce délit est punissable en raison des conséquences qu'il peut avoir, et qui sont toujours en proportion du chef de demande, ou des chefs d'accusation.

On peut suborner des témoins dans les affaires civiles comme dans les affaires criminelles, parceque, dans les affaires civiles, il arrive souvent que le juge fait précéder son jugement d'une enquête, et le fait, par là, dépendre de la déposition des témoins.

Il y a donc, dans tous les cas, toujours un crime à faire déposer par un témoin ce qui est contraire à la vérité, puisque c'est tendre un piége à la justice et lui faire prononcer une décision contraire à ses principes d'équité.

Le suborneur, dans une demande d'intérêt, fait de la justice un instrument de spoliation et de vol, il la contraint d'employer ses mains pures à la rapine, pour l'enrichir aux dépens d'un autre qui ne lui doit rien.

Dans une demande en séparation de corps formée par une femme, souvent plus tourmentée du désir de l'indépendance, qu'incommodée de la chaîne du mariage, plus occupée de se réunir à l'objet de son nouvel amour, qu'obligée de s'éloigner de celui qui a le droit de s'opposer à cette criminelle reunion, la Subornation rend la justice complice de ses égare. mens, en lui faisant relâcher les nœuds sacrés

du mariage, et faciliter ceux du vice et de l'adultère.

Mais ce crime est bien plus punissable, lorsqu'il a pour objet de charger un innocent des apparences du crime, et de le faire traîner au tribunal de la sévère loi, soit pour qu'elle le frappe de son glaive, soit pour qu'elle le fasse descendre dans une servitude fletrissante, soit pour qu'elle le bannisse de la société comme un être impur.

Combien ce crime a d'effets funestes! Il commence par corrompre des hommes faibles, et en fait des parjures: il transforme les juges, établis pour effrayer le crime, en fléaux de l'innocence; il livre le juste à la mort ou à l'infamie; et il expose ceux qui ont été séduits par lui, à mourir victimes de sa séduction, si le ciel ne permet que leur mensonge soit dé

couvert.

Il n'est pas nécessaire que le suborneur ait réussi à faire effectivement déposer le faux, pour qu'il soit envisagé comme coupable et puni comme tel; il suffit qu'il l'ait tenté.

[[ V. ci-après, no 7. ]]

On peut pareillement être un suborneur et puni comme tel, quand bien même on n'en gagerait des témoins qu'à déposer ce qui serait réellement arrivé, mais dont ils n'auraient pas été témoins. Ainsi, par exemple, j'ai été volé par un homme que je connais; j'étais seul et sans armes ; il était armé et soutenu par des complices: il a fallu céder à la force, et lui remettre ce que j'avais d'argent et d'effets précieux. J'ai le plus grand intérêt qu'il soit condamné à me restituer ce qu'il m'a pris ; je m'adresse à des amis, à des serviteurs qui ont confiance dans mes paroles, qui savent que je suis incapable de calomnier qui que ce soit; je leur raconte ce qui vient de m'arriver; je leur détaille toutes les circonstances du vol qui m'a été fait ; ils voient la vérité sur le bord de mes lèvres; ils partagent ma peine, mon indignation; je leur exprime mon embarras. J'étais seul, leur dis-je; la justice ne veut pas ajouter foi à ma simple deposition; rien ne prouvera que cet argent qui m'a été pris, m'appartienne plutôt qu'à celui qui s'en est emparé et à l'égard de mes effets, il les a donnés à d'autres que je ne connais pas. Si quelqu'un pouvait m'avoir entendu appeler du secours, si un autre avait seulement vu le brigand s'enfuir, je serais écouté, mon argent me serait restitué, et le vol ne serait pas impuni. Plusieurs de ceux auxquels je parle, partagent mes regrets, s'écrient mais ne pouvons-nous pas déclarer que nous avons vu de loin le voleur s'enfuir? Quel mal y aurait-il? Nous ne chargerions pas un inno

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cent, et ce serait un coquin de moins à craindre pour la société. Reconnaissant de cette offre généreuse, je n'ai pas la prudence de la rejeter; je rends plainte contre le coupable; il est à l'instant décrété de prise de corps et conduit en prison on fait assigner différens particuliers, du nombre desquels sont ceux qui m'ont montré tant de zèle ; ils déposent ce qu'ils sont convenus de déclarer; on les récolle, ils persistent dans leurs dépositions; on les confronte : l'accusé paraît hardiment devant eux, et soutient qu'il ne m'a rien volé ; qu'il n'est pas même entré dans ma maison : qu'ils sont des imposteurs, s'ils disent l'avoir vu. Les témoins sont un peu déconcertés de son assurance: il entrevoit leur incertitude, il en devient plus audacieux, il les accable de questions. Par quel endroit me suis je introduit? Quelle heure était-il ? Quel habit avais-je? De quel cóté me suis-je enfui? Un témoin balbutie, se trouble : l'accusé, qui démêle le mensonge, rend plainte en Subornation...... Voilà tout-à-coup la procédure qui était suivie contre lui, interrompue: l'accusateur, les témoins deviennent à leur tour des accusés. Pressés par le juge, les derniers se coupent, et finissent par avouer qu'ils n'ont vu ni le vol, ni le voleur, mais que, frappés du récit que je leur ai fait, et convaincus que j'étais incapable de leur en imposer, ils n'ont pas cru commettre un crime en appuyant la vérité de leurs témoignages. Cet aveu, qui établit la preuve d'une Subornation active de ma part, et passive de la leur, nous enveloppe tous dans un jugement affreux, tandis que, s'il ne survient point d'autres indices contre le premier accusé, il sort, quoique coupable, triomphant de la prison, enrichi de dommages et intérêts auxquels nous avons été condamnés envers lui. Mais quand même la preuve de son vol serait venue depuis frapper les regards de la jus-. tice, et aurait justifié les témoins et moi, nous n'en serions pas moins criminels et punissables, pour avoir voulu etayer la vérité par le mensonge.

La supposition que nous venons de faire, n'est pas dénuée de vraisemblance. J'ai vu, dit Jousse, dans son Traité des matières criminelles, « au présidial d'Orléans, en 1746, >> condamner deux particuliers, l'un aux ga» lères à perpétuité, et l'autre, qui était une » fille, à être renfermée dans une maison de >> force, pour avoir, sur leurs dépositions, » fait condamner un accusé à mort pour vol » avec effraction extérieure et violence pu»blique, auquel vol ils disaient avoir été » présens, ce qui fut trouvé faux ; et néan.

» moins il fut prouvé d'ailleurs, et même » avant la condamnation de ces deux témoins, » que le particulier condamné à mort, était » véritablement l'auteur du vol »..

II. La peine des suborneurs et des subornés, même en matière d'intérêt, peut aller jusqu'à la mort. Par un édit de François Ier, du mois de mars 1531, et par une ordonnance de Henri III de 1585, il est déclaré « que tous >> ceux qui seront atteints et convaincus d'a» voir fait et passé faux contrats, et porté » faux témoignage en justice, soit en matiere » civile ou criminelle, ensemble les suborna »teurs desdits faux témoins, seront exécutés » à mort, tel que les juges l'arbitreront, selon » l'exigence des cas ».

Cette loi, qui, au premier coup d'œil, parait très-sévère lorsqu'elle porte sur des témoins subornés qui n'ont déposé que dans des affaires d'intérêt, ne l'est pourtant pas plus que celle qui condamne à mort un voleur qui dépouille les passans sur les grands chemins. Car n'est-ce pas un acte de violence et d'injustice bien public,bien authentique,que de faire enlever à un homme ce qui lui appartient légitimement, en jurant ou en faisant jurer à la justice qu'il le doit à un autre? Trois hommes de mauvaise foi qui s'entendent ensemble, l'un pour demander une somme qui ne lui est pas due, deux autres pour affirmer qu'ils la lui ont vu déposer, ne sont-ils pas aussi dangereux que trois brigands qui réunissent leurs forces pour obliger un voyageur à leur donner sa bourse? Il est souvent même plus facile d'échapper aux derniers, ou de les vaincre, que de triompher des premiers.

Néanmoins il est bien rare, ou, pour mieux dire, il n'arrive jamais de condamner à mort les faux témoins et les suborneurs dans les

affaires civiles. Imbert, liv. 3, chap. 2, rapporte un arrêt du 2 septembre 1595, qui condamne Noël Lebret à faire amende honorable in figuris, au fouet et en cinq ans de bannissement, pour avoir corrompu quelques témoins dans une affaire criminelle.

[[On a vu aux mots Faux témoignage, quelles sont, relativement aux faux témoins, les dispositions du Code pénal du 25¦ septem1791, de la loi du 5 pluvióse an 2, et du Code pénal de 1810.

bre

Quant aux suborneurs, V. ci-après, no 7.]] III. L'ordonnance de 1667, a sagement prévenu l'effet de la Subornation en matière d'intérêts, en déclarant, par l'art. 11 du tit. 20, que la preuve par témoins ne pourra être proposée ni reçue pour une somme plus forte que celle de cent livres. Mais il y a des excep

tions à cette régle, dont la Subornation peut abuser, telle que celle qui est relative au dépót fait entre les mains d'un hôte ou d'un hôtesse, dont la preuve peut être établie par témoins, quoique ce dépôt excéde plus de cent francs.

[[V. l'article Preuve, sect. 2, S. 3. ]]

IV. La Subornation ne se rencontre que trop souvent dans les affaires qui portent sur des demandes en interdiction, ou sur des demandes en séparation de corps ; et elle est tres punissable, puisqu'elle enlève souvent à l'homme victime de ses machinations, l'usage de ses facultés, son état, la libre disposition de sa fortune, et le fait descendre dans la classe des inutiles et des insensés.

Combien de fois n'a-t-on pas vu des parens avides, et même des enfans, dénoncer injustement un oncle, un père comme un imbécille, un dissipateur, et faire entendre des témoins corrompus qui attestaient de fausses dissipations, des dépenses chimériques, ou des traits de démence inventés ?

Certainement si la justice eût reconnu la fraude et l'intelligence qui régnaient entre les témoins et les dénonciateurs, elle les eût punis sévèrement.

Les femmes qui ont formé leur demande en séparation, ne sont, pour la plupart, si téméraires dans les faits de vexation, de fureur

qu'elles articulent contre leur mari, que l'inconstance ou le dégoût transforment à leur égard en des objets odieux, que parcequ'elles se flattent que, si elles peuvent être admises à la preuve, des serviteurs, des ouvriers que l'intérêt attache à leur sort, se prêteront à attester les mauvais traitemens qu'elles ont inventés.

Cette subornation, si elle était découverte, exposerait la suborneuse et les témoins à une punition sévère ; et elle mérite d'autant moins l'indulgence de la justice, que son effet est de mettre les magistrats da ns la nécessité de séparer deux êtres que la mort seule semblait pouvoir désunir, et de les condamner à la stérilité, ou du moins à ne produire que des enfans illegitimes.

Combien, au fond, ne résulte-t-il pas d'inconvéniens de cette espèce de Subornation, que les gens du monde regardent comme assez indifférente ? 10 calomnie affreuse de la part de la femme contre le père de ses enfans; 20 parjure des témoins corrompus, qui, sous la foi du serment, attestent à la justice des faits dont le récit leur a été suggéré; 3o jugement injuste et, en quelque sorte, flétrissant, contre le mari; 4o tous les enfans qui auraient pu naî

tre des époux séparés, perdus pour la société et ensevelis dans la crainte du déshonneur. Nous, qui ne cesserons de faire des voeux pour que le législateur, en s'occupant de réformer nos lois criminelles, veuille bien pren dre conseil de son cœur, apporter quelques adoucissemens à la sévérité des peines, nous réclamerons toujours l'exécution des lois rigoureuses qui existent contre les faux témoins et leurs corrupteurs, parcequ'ils sont les fléaux les plus dangereux que l'intégrité et la vertu aient à redouter.

V. Toutes les fois que le juge, dans le cours de l'instruction, découvre des traces de Subornation, il doit, sans attendre que l'accusé rende plainte en Subornation, la faire rendre par le ministère public, et instruire sur cette plainte qui reste disjointe du procès, par la raison que la Subornation n'est pas, pour nous servir des termes du palais, un fait justificatif, mais un fait péremptoire. Cela a été jugé ainsi par arrêt du 6 avril 1675, rapporté au Journal des audiences, contre un médecin de Paris, qui avait rendu plainte de mauvais traitemens qu'il disait avoir reçus. Les témoins produits donnèrent lieu à les soupçonner de corruption. Le procureur du roi en forma une accusation incidente; et, par sentence du 20 octobre 1674, il fut ordonné qu'avant faire droit au principal, le procès serait instruit contre les témoins; et le tout ayant été joint, il intervint sentence le 19 janvier 1675, confirmée par l'arrêt ci-dessus, qui renvoya les principaux accusés absous et condamna les témoins au fouet.

Dans une autre affaire criminelle, au châtelet de Paris, un témoin etant devenu suspect par ses variations, il fut rendu plainte contre lui pour raison de Subornation. Le lieutenant criminel joignit cette plainte au fond; mais y ayant eu appel de ce jugement de jonction, la cour, par arrêt du 18 mars 1712, infirma la sentence, permit d'informer de la subornation, et ordonna que le lieutenant criminel serait mandé.

Il faut pourtant observer que, dans le cas où un accusé, qui ne serait pas poursuivi à la requête d'une partie civile, et contre lequel il existerait des preuves certaines de son crime, rendrait de son chef et sans être appuyé de l'intervention du minstère public, une plainte vague en Subornation, cette plainte seule n'arrêterait pas l'instruction. Il a même été jugé par arrêt du 7 septembre 1726, que, dans les procés qui s'instruisent à la requête d'une partie civile, lorsque la Subornation ne parait tomber que sur quelque témoin, et

qu'il y en a un grand nombre d'autres intacts et auxquels on ne reproche point d'avoir été corrompus, le proces doit être suivi. La raison de cette distinction est sensible. Si une accusation quelconque n'est appuyée que de la déposition de deux ou de trois témoins qui paraissent subornés, il est essentiel d'éclaircir le fait de la Subornation, avant de statuer sur l'accusation principale, parceque, s'il vient à être reconnu que ces deux ou trois témoins ont été subornés, leurs témoignages s'anéantissent en faveur de l'accusé : les juges courraient donc le risque de rendre une sentence de condamnation nulle, puisqu'elle ne porterait plus que sur une plainte dénuée de preuves. Mais si, au contraire, sur six témoins qui déposent conformément à ce qui est énoncé dans cette plainte, un seul est accusé d'avoir été suborné, et qu'il ne s'élève aucun soupçon de Subornation contre les autres, les juges peuvent continuer l'instruction, parce qu'ils sont assurés que le jugement qu'ils rendront, portera sur une base certaine et légale.

[[ V bis. Le Code d'instruction criminelle de 1808, après avoir dit, art. 330, que si, d'après les debats, la déposition d'un témoin paraît fausse, le président pourra le faire arrêter, ajoute, art. 331, que, dans ce cas, « le » procureur général, la partie civile ou l'ac» cusé, pourront immédiatement requérir, et » la cour ordonner, même d'office, le renvoi de » l'ailaire à la prochaine session ».

Mais alors, faut-il que le témoin ainsi arrêté soit jugé définitivement avant que l'accusé puisse être, dans la session suivante, soumis à un nouveau debat; ou bien doit-il être sursis même à la mise en accusation du témoin, jusqu'après le jugement de l'ac

cusé ?

Cette question s'est présentée dans l'espèce suivante:

Le 11 janvier 1813, arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, qui met en accusation le nommé Jean Pérignon, prévenu d'un meurtre commis, le 31 mai 1812, sur la personne de Jean Delavaux, et le renvoie devant la cour d'assises du département de la Meuse.

Le 11 fevrier suivant, la cour d'assises, après avoir entendu, en présence des jurés, tous les témoins produits tant à charge qu'à décharge, en fait arrêter six qui lui paraissent avoir déposé faussement, et renvoie l'affaire à la prochaine session.

L'instruction contre les six prévenus de faux témoignage achevée, le rapport en est

fast a la chambre d'accusation de la cour d'ap pel de Nancy; et le procureur general conclad a œ que les six prevenus soient mis, l'un en liberte, les cinq autres en accusation. Mais, par arret du 27 avril de la même anDée,

> Considerant que l'accusation de meurtre portée contre Jean Perignon, demeure pendante par-devant la cour d'assises, et doit étre, à sa premiere session, soumise de nouveau aux debats et à la deliberation du jury; » Que, dans une telle conjoncture, il paraitrait inconvenant et premature de porter sur la veracite cu la suspicion d'aucun des temoigmages recueillis dans cette instruction, un jugement qui, en prejugeant le fait principal de l'accusation, serait de nature à gener la liberte et l'independance de l'opinion des jurés ;

Qu'il ne s'agit pas seulement ici d'une déposition isolée, qui, combattue par la reunion des renseignemens recueillis au proces, présenterait un caractere à peu près certain de faussete, et pourrait être rejeté de l'instruction, sans que la question de la culpabilité ou non-culpabilite de l'accuse se trouvat par là entamee; qu'il s'agit de plusieurs témoignages opposes entre eux, les uns venant à l'appui de l'accusation, les autres tendant à l'atténuer ou a la detruire; témoignages dont la suspicion resulte de cette opposition meme, et de ce que la vérite des uns parait induire la fausseté des autres; en sorte que, consideree dans son principe, la presomption de faussete milite indistictement contre tous, et divisément contre les uns à l'exclusion des autres ;

» Qu'il serait inconséquent d'accuser cu mulativement de mensonge les auteurs des deux assertions contraires; et que cependant, choisir entre ces assertions, déclarer l'une suspecte d'imposture, l'autre exempte de ce soupçon, porter accusation contre les auteurs de l'une, et defendre de toutes poursuites les auteurs de l'autre, ce serait équivalemment déclarer quel est le fait reputé faux, et, par une consequence ultérieure, mais nécessaire, déclarer si le fait de l'accusation est prouve, si l'accuse est reconnu coupable;

» Qu'il arriverait ainsi que la détermination du jury serait anticipée, que son attribution essentielle serait transferée dans la chambre d'accusation, et que le sort de l'accusé lui-même serait preliminairement fixé dans une instruction accessoire dans laquelle il ne serait pas partie, et dans laquelle il se pourrait que de fausses préventions vinssent à se former contre lui, par cela seul que sa dé.

fense n'aurait pu y être établie avec la latitude de développement que lui assure la discussion contradictoire des debats;

> Que la cour d'assises, renvoyant à une autre session le jugement du proces principal, en même temps qu'elle ordonnait l'arrestation des temoins dont les témoignages lui paraissaient suspects, a voulu que le debat futur sur l'accusation de meurtre, pût s'éclairer de tous les renseignemens qui pourraient être recueillis par une instruction intermédiaire;

» Qu'en effet, on ne peut prendre trop de soin de rassembler sous les yeux du jury toutes les lumières, toutes les raisons de décider qui doivent éclairer et fixer sa détermination; mais que les renseignemens et les preuves qui doivent sortir de l'instruction, peuvent atteindre au plus haut degré de developpement dont elles soient susceptibles, sans l'intervention du jugement intermediaire qui prononce sur la prévention de faux témoignage à la charge des uns ou des autres des témoins; » Que, sans doute, ce jugement deviendrait nécessaire au moment où il s'agirait d'acquérir contre les témoins eux mêmes une conviction légale de faux témoignage, et d'en préparer la punition; mais que, s'agissant, en premier ordre, de prononcer sur l'accusation de meurtre, à l'occasion de laquelle les témoins out diversément déposé, un jugement prealable sur la veracite des uns ou des autres, loin d'être un secours au jury, serait une entrave à la liberté de sa délibération; quec'est à lui qu'il appartient de peser les preuves et d'en fixer le résultat, de comparer entre eux les renseignemens et les témoignages opposés, d'en rapprocher les circonstances qui respectivement les confirment ou les atténuent, d'apprécier les motifs de suspicion ou de crédibilité de chaque témoignage, de rejeter les uns, de donner foi aux autres, et finalement defixer, d'après cette operation intellectuelle, quelle est la vérite qui surnage à travers les nuages ou les faussetés dont on a voulu l'envelopper;

» Que dans l'exercice de cette fonction que la loi confie à ses lumières et à sa conscience, nulle autorité ne peut intervenir entre sa raison et lui, et qu'une décision qui tendrait à préjuger le fait dont le jugement est remis à lui seul, serait une interversion dans l'ordre des pouvoirs, et une atteinte au principe essentiel et constitutif de l'institution du jury;

» Que cependant, dans les circonstances du fait actuel, et sous le rapport du jugement à porter sur la culpabilité de l'accusé et sur la véracité des témoignages qui l'accusent ou le

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