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contre la Servitude appartenant à la maison qu'il possède. Mais on peut ajouter que celui qui possède un domaine avec mauvaise foi, peut aussi y acquérir une Servitude, soit par contrat, soit même par la prescription dans les pays où elle a lieu, pourvu que sa mau vaise foi n'ait pas la Servitude pour objet. Car on peut fort bien croire qu'une telle Servitude dépend d'une maison dont on a usurpe la possession sans titre, ou en vertu d'un ti tre vicieux; et cela suffit pour qu'on puisse avoir une possession valable de la Servitude.

La loi 13, §. 8, D. de usufructu, porte néanmoins que l'usufruitier ne peut pas acquérir la Servitude au fonds dont il a l'usufruit; et cette décision est adoptée par Antoine Mathieu, disput. 7, no 11, et Despeisses, tome 1, part. 2, tit. 1, art. 4, sect. I, no 12.

Lalaure prête mal à propos la décision contraire à ce dernier auteur; mais il l'embrasse, et il l'établit dans les termes sui

vans :

« C'est une pure subtilité du droit romain, de dire que l'usufruitier d'un fonds ne peut pas acquérir une Servitude en faveur de ce fonds; il est d'abord incontestable qu'il peut valablement acquérir cette Servitude,our durer pendant tout le temps qu'il sera usufruitier de ce fonds, soit parcequ'il y a inté rét, soit parcequ'on peut acquérir une Servitude pour durer jusqu'à un certain temps.

» L'usufruitier peut aussi acquérir pour toujours et pour le propriétaire du fonds; car quoique, suivant la subtilité du droit, nemo alteri stipulari possit ( §. 4, instit. de inu tilibus stipulationibus ), l'usufruitier peut stipuler qu'en cas d'inexécution de la convention, apres l'usufruit fini de la part de celui qui a constitué la Servitude, il sera tenu de payer une certaine somme aux héritiers de l'usufruitier, laquelle stipulation est valable, suivant le §. 19. Instit. eod. tit. ».

Suivant cette maxime, on peut dire aussi qu'un particulier qui possede un bien à titre de substitution, peut acquérir une Servitude au profit de l'heritage substitué; mais que, si celui qui a etabli cette Servitude, n'en faisait pas une donation ou un legs à celui qui est destiné pour recueillir la substitution, les héritiers de celui qui a établi la Servitude, pourraient prétendre récompense de celui qui profiterait de la Servitude ».

Le droit des fiefs ( de usibus feudorum), liv. 2 tit. 28, §. 2, adapte cette décision à la Servitude acquise par le vassal, dont le TOME XXXI.

fief retourne au seigneur par extinction de ligne.

Rien n'empêche même que l'usufruitier ne puisse acquérir de plein droit une Servitude pour le bien dont il a l'usufruit, en se portant fort pour le propriétaire, ou simplement en insérant dans son contrat la durée de la Servitude, comme une clause de ce contrat, suivant les principes que Pothier a développés dans son Traité des obligations, part. 1, chap. 1, art. 5, §. 3 et 4.

[[ V. l'article Stipulation pour autrui. ]]

II. La loi 11, D. de Servitutibus, porte qu'on ne peut point acquérir de Servitude pour une partie d'un fonds: pro parte dominii Servitutem acquiri non posse vulgò traditur. priétaire d'un fonds stipule un droit de cheElle ajoute en conséquence que, si le promin, et aliene ensuite une partie de son fonds, il vicie la stipulation (corrumpit stipulationem), en la réduisant à un cas où elle n'a pu

commencer.

De telles décisions ne doivent point être observées parmi nous. Rien n'empêche que le co-propriétaire d'un fonds ne puisse stipuler les Servitudes qui se rapportent plus à la personne qu'au fonds, par exemple, un droit de passage pour lui et pour ses ayant-cause dans la portion dont il est le propriétaire. Il en serait de même de toutes les Servitudes négatives. Celui qui a une portion indivise dans un domaine, a un droit dans chaque partie du tout. Il lui importe donc que le voisin ne puisse pas faire certaines choses qui procureraient quelque préjudice à son fonds, par exemple, en borner la vue, en boucher les jours et détourner les eaux qui y coulent. Ces Servitudes vaudront, à la vérité, pour la totalité du fonds, par la nature des choses; mais le droit en résidera toujours dans la personne du co-propriétairequi a stipulé cet avantage, et il dépendra de lui d'y renoncer quand il jugera à propos.

A plus forte raison, lorsque quelqu'un a stipulé un droit de passage pour la totalité du fonds, il a bien le droit d'en aliéner une partie sans porter atteinte à la validité de la stipulation. L'action qui résulte de la stipulation, peut être aussi comprise dans l'aliénation; et alors, l'acquéreur même pourra se servir du droit de passage comme le vendeur, ainsi que le pourraient faire plusieurs heritiers de celui qui a établi la Servitude. Mais si l'acte d'aliénation ne contient pas le transport de l'action qui résulte de la stipulation, elle pourra toujours être intentée par le vendeur pour la portion qui lui reste.

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- {[ Elle pourra même l'être par l'acquéreur pour la portion qui lui est advenue. Car toute Servitude forme, pour le fonds à qui elle appartient, un droit réel, et passe par consé quent, sans stipulation, au tiers-acquéreur. ]]

S. XII. Des choses sur lesquelles on peut imposer des Servitudes.

I. On peut établir des Servitudes sur toutes sortes de fonds appartenant aux particuliers. On peut même en établir sur la superficie d'une maison. Rien n'empêche, par exemple, que le propriétaire de la surface d'un édifice n'y accorde un droit de passage.

On peut même établir des Servitudes sur un édifice qui n'est pas encore construit, par exemple, s'engager à ne pas l'élever au-delà d'une certaine hauteur, à en diriger les eaux sur la maison voisine, ou tout au contraire.

Quoique la nature des Servitudes ne permette pas d'ordinaire qu'on puisse en établir d'autres sur elles, et que les lois romaines même le décident ainsi, lorsque la chose est possible et qu'il n'en résulte aucun préjudice contre celui qui a concédé la première Servitude, il dépend de celui à qui elle appartient, d'y en imposer une autre, en se renfermant dans les bornes de ses droits. Rien n'empêche, par exemple, que je m'engage envers mon voisin à ne pas laisser couler ailleurs que dans son fonds, les eaux que je tire du votre à titre de Servitude d'aqueduc. La raison doit encore ici prévaloir sur les textes du droit.

Lorsqu'une chose est commue à plusieurs personnes, on ne peut pas, comme on l'a déjà dit, y acquérir de Servitude sans avoir le consentement de tous les co-propriétaires.

La loi 6, §. 3, D. communia prædiorum, porte que, si, de deux maisons, l'une m'ap partient en propre et l'autre en commun, je ne puis imposer aucune servitude sur l'une au profit de l'autre. Au contraire, la loi 30, S. 1, D. de Servitutibus, dit que, si j'acquiers une partie du fonds qui me doit ou à qui je dois une Servitude, elle ne sera pas éteinte par la confusion, parcequ'une Servitude peut être retenue en partie.

Les interpretes du droit romain tâchent de sauver ces contradictions, en disant qu'il faut plus pour établir une Servitude que pour la retenir. Mais une raison si vague ne prouve rien ici. Il n'y a aucune incompatibilité à ce que je convienne avec mon co-propriétaire, que la maison commune sera assujetie à l'autre, ou lui devra une Servitude; ce ne sera pointà la vérité une Servitude pour la partie qui m'appartient, si l'on suit la rigueur du droit : mais

l'établissement n'en vaudra pas moins, comme Servitude, pour la partie qui appartient à mon co-propriétaire, et comme arrangement de commodité pour celle qui m'appartient.

II. Il y a des Servitudes naturelles auxquelles les lieux publics sont assujetis de plein droit. Tels sont le passage, les vues, l'écoulement des eaux qui ont lieu sur les rues, les chemins, les ponts, les places publiques, etc. Mais le souverain restreint quelquefois ces Servitudes dans certaines bornes, et peut même les defendre entièrement. Il y a, par exemple, des ponts et des chemins où l'on ne peut faire passer des voitures qu'avec une char ge déterminée; il y a des jardins publics où les propriétaires même des maisons voisines n'ont pas droit d'ouvrir un passage ou des vues sans la permission du souverain. On n'a pas le droit de puisage dans certaines pièces d'eau qui sont uniquement pour la décora

tion.

Il faut suivre, à cet égard, les lois de police de chaque endroit; et lorsqu'elles sont muettes, observer les règles qui résultent de la destination de ces lieux. Il est clair que les particuliers ne peuvent pas y imposer les Servitudes qui pourraient les rendre moins avantagex ou moins agréables au public, sauf au souverain à déroger à ces règles quand il le juge à propos.

Les maisons religieuses sont sujettes à quelques exceptious relativement au droit de vue, qu'on n'y peut pas toujours avoir, comme on l'aurait sur celles des particuliers, surtout quand il s'agit d'un couvent de femmes.

On peut, au contraire, avoir sur les cimetières les mêmes vues que sur une rue ou sur une place publique, sans qu'il soit nécessaire d'observer les hauteurs prescrites par la coutume pour celles qui ont lieu sur les maisons des particuliers; mais la police exige qu'elles soient à fer maillé et verre dormant. V. l'article Vue.

Bouvot, tome 2, quest. 7, rapporte un arrêt du 12 décembre 1609, rendu au parlement de Dijon, par lequel il fut jugé que le propriétaire d'une maison et d'une grange proche la cure, devait être maintenu dans la possession immémoriale de passer par un cimetière pour y entrer et heberger ses bestiaux.

[[ Mais V. l'article Cimetière, n° 9. ]]

On trouvera de plus grands détails au mot Voisinage, sur ce qui concerne l'établissement des Servitudes légales, qui ont lieu entre voisins dans les lieux publics ou consacrés.

III. La loi 12, D. de Servitutibus prædio

rum urbanorum, dit, avec raison, qu'on ne peut pas établir la Servitude de faire porter ses poutres, ses gouttières, ou telle autre partie de son edifice, sur une rue, pour les placer sur la maison voisine, parceque l'espace qui est entre le ciel et la voie publique, doit être libre. Cependant on voit dans bien des villes, et à Paris même, différentes arcades qui supportent des bátimens au-dessus de la rue; et ces édifices ne peuvent pas être critiqués, lorsqu'ils subsistent depuis un temps immémorial. Ils peuvent avoir une cause très légitime, et provenir de ce que le terrain audessus duquel sont ces arcades, ne formait point une rue autrefois. On a toléré ces bátimens, en faveur de ce que les propriétaires ont fourni le sol pour y percer la rue. C'est l'observation de Lalaure sur cette loi.

}) pas faire une grande fumée dans sa chemi>>née, parcequ'on ne peut empêcher quelqu'un » de faire du feu chez lui ».

Mais la loi qu'on vient de citer, parle d'un peu de fumée : d'où l'on peut conclure, en sens contraire, qu'elle n'entend pas exclure la faculté de permettre ou d'interdire le droit de faire une fumée considérable, qui pourrait être nuisible ou fort désagréable. Qui peut douter, par exemple, que je puisse stipuler de mon voisin qu'il n'établira point un four à chaux, une fonte de suifs, ou d'autres ateliers de cette espèce qu'on tolère dans bien des villes, et qui néanmoins sont fort incommodes. Les réglemens de police de plusieurs villes qui prohibent de plein droit ces établissemens hors d'un ce rtain quartier (1), montrent assez. combien il serait déraisonnable, dans les autres villes, d'empêcher les particuliers de stiS. XIII. Quelles servitudes peut-on puler de pareilles Servitudes à leur profit. On

établir?

I. En général on peut établir telles Servitudes qu'on juge à propos, pourvu qu'elles ne soient pas prohibées par les lois, tant naturelles que civiles, ou par des obligations antérieures, [[ et qu'elles n'aient d'ailleurs, comme ledit l'art. 686 du Code civil, rien de contraire à l'ordre public. ]] Il dérive plusieurs conséquences de ce principe, qui ne paraît pas susceptible d'exceptions.

II. comme le droit naturel ne nous permet pas de gêner la liberté des autres, même par des conventions, sans qu'il en résulte aucun avantage pour nous, et que l'intérêt du demandeur est le fondement nécessaire de toutes les actions qu'il voudrait intenter, il suit de là qu'un propriétaire ne peut pas stipuler de son voisin, des Servitudes qui ne sont d'aucune utilité ou agrément prochain ou éloigné. La loi 15, D. de Servitutibus, déclare nulle, par cette raison, la stipulation en vertu de laquelle on obligerait quelqu'un à ne pas passer sur son propre héritage, ou à ne pas s'y arrêter.

On peut voir dans les lois romaines, et dans Lalaure, au liv. 1, chap. 8, d'autres exemples de cette espéce.

La loi 8, §. 6, si Servitus vindicetur, porte sans doute sur le même fondement: elle dit qu'on ne peut pas interdire à quelqu'un le droit de faire aller chez lui une légère fumée, ou le lui permettre, de même qu'on ne peut ni interdire ni accorder à personne le droit de faire du feu, de s'asseoir et de se lever.

Lalaure, liv. 1, chap. 8, se fonde sur cette loi, pour dire « qu'on ne peut point, à titre de » Servitude, stipuler qu'on pourra faire ou ne

peut invoquer, à cet égard, la décision même du §. 5 de la même loi, qui dit qu'on ne peut pas, sans Servitude, diriger sur les édifices supérieurs la fumée qui sort d'un endroit où l'on enfume les fromages; ex taberná casearia fumum jure immitti non posse,nisi ei rei Servitutem talem admittat. V. aussi le §. 7, du même texte.

Il y a lieu même de douter si la loi dont il s'agit, s'observerait bien parmi nous dans tous les cas indistinctement. On sait combien les dangers du feu sont redoutables : je puis donc avoir de fort bonnes raisons pour stipuler quelquefois que mon voisin ne pourra faire ni feu, ni fumée, dans une baraque de bois voisine de mon magasin plein de matières combus

tibles.

Les conventions des hommes sont quelque chose de si sacré, et dont l'exécution est si importante au bien de la société, qu'il faut être bien sûr que celui qui en réclame l'exé cution, n'y a aucun intérêt pour la lui refuser. Le jurisconsulte Labéon dit même, dans la loi 17, D. de Servitutibus, qu'on peut établir une Servitude inutile sur un fonds, en le vendant. La raison qu'il en donne, c'est qu'il est permis de posséder des choses qui ne sont d'aucune utilité..

Cette loi a occasionné bien des disputes. entre les commentateurs. Supérior, sur la loi 13, pense que le motif de cette exception aux règles générales,est qu'il ne s'agit pas ici d'une Servitude acquise sur le fonds d'autrui, mais d'une Servitude retenue sur son propre fonds en le vendant, et sur l'objet de laquelle l'acquéreur, n'a jamais eu de droit. Il y a lieu

(1) ([ . l'article Manufacture, a 4.]]

de croire que tel est en effet le motif de cette

loi.

Le même auteur pense néanmoins que, dans tous les autres cas, il est si nécessaire qu'une Servitude soit utile pour être valable, qu'il ne suffit pas qu'elle soit agréable, amœna. Il en donne pour exemple un aqueduc qu'on établirait pour fournir de l'eau à des cascades ou à des bassins d'agrement. Mais il n'est pas douteux que des Servitudes de cette espèce ne puissent être établies : le droit romain lui même en fournit des exemples dans la Servitude ne prospectui officiatur, et dans quelques autres qui ne sont pas plus utiles.

C'est encore mal à propos que tous les interprètes du droit, et Lalaure, liv. 1, chap. 8, disent qu'on ne peut pas établir la Servitude d'aller en bateau sur un lac qui est sujet à tarir. Ils se fondent, pour cela, sur la loi 23, §. 1, D. de servitutibus rusticorum prædiorum, qui paraît effectivement n'accorder cette Servitude que sur un lac perpétuel : « Si vous avez un »lac perpétuel (y est-il dit), on peut y imposer » la Servitude d'y naviguer pour parvenir au » fonds voisin ».

Le fondement de cette loi portait sur le prétendu principe, que la cause de la Servitude doit être perpétuelle; et c'est par la même rai son qu'une autre loi décide qu'on ne peut pas prescrire contre son voisin le droit d'y faire écouler par un trou les eaux qui servent à laver une salle à manger, à moins qu'on n'y établisse en même temps une gouttière pour l'eau de pluie.

Quoique Heineccius ait aussi adopté cette décision dans ses Elementa juris secundùm ordinem Pandectarum, part. 2, §. 145, elle n'en doit pas moins être rejetée comme la precédente. Quand un lac tarirait plusieurs mois de l'année, j'aurais toujours un intérêt sensible à pouvoir le traverser pour aller à mon héritage pendant les mois où il serait couvert d'eau ; et cet intérêt suffit pour qu'il me soit permis d'y acquérir une Servitude.

Il en est de même de tous les égoûts, de quelque espèce qu'ils soient, qui peuvent être utiles ou commodes à ma maison. Il y a bien des maisons dont les éviers se déchargent dans les maisons voisines; et on serait mal reçu à contester une telle Servitude, sous prétexte que la cause n'en est pas perpe

tuelle.

III. Il est important d'observer qu'en matiere de Servitude, plus encore que dans toute autre, toutes les lois conçues dans des termes négatifs, ne sont pas prohibitives, et n'em

pêchent pas qu'on ne puisse y deroger par des conventions particulières, Ainsi, quand l'art. 202 de la coutume de Paris porte « qu'on ne >> peut faire vues droites sur son voisin, ni sur » places à lui appartenant, s'il n'y a six pieds » de distance entre ladite vue et l'heritage du » voisin, et ne peut avoir bées de côté, s'il n'y » a deux pieds de distance »; cet article n'empêche pas qu'on ne puisse acquérir du voisin le droit de vues, sans observer ces règles.

Tout au contraire, il y a des lois relatives aux batimens, auxquelles il n'est pas permis de déroger à titre de Servitude, quoiqu'elles soient conçues en termes simplement dispositifs. Ainsi, l'on ne peut pas stipuler, de son voisin qu'il n'aura pas de puits dans une maison de ville, au moins dans celles qui sont bien policées, et particulièrement dans la ville de Paris, depuis les ordonnances de police qui ordonnent à chaque particulier d'avoir dans sa maison un puits avec corde, poulie et sceau, quoiqu'elles ne contiennent aucune prohibition.

La regle qu'on doit suivre à cet égard, est d'examiner si la loi qui ordonne ou défend quelque chose dans les édifices, à rapport à l'intérêt public, ou seulement à celui des particuliers. Dans le premier cas, il n'est pas permis d'y deroger à titre de Servitude; dans le second, ceux pour qui la loi a été établie, peuvent renoncer au benefice introduit en leur faveur.

IV. Lorsqu'on a accordé un droit de Servitude à quelqu'un, il n'est pas permis d'en accorder un autre à un tiers, si la concession portait quelque préjudice au droit du premier. Mais lorsque la nouvelle Servitude ne préjujudicie point à la première, on peut en accorder successivement plusieurs, quand même elles auraient absolument le même objet; car il y a des droits qui peuvent servir à plusieurs fonds à la fois. Par exemple, le droit de vue sur une cour, ceux de passage, de decharge d'eau, de puisage et d'aqueduc, peuvent servir en même temps à plusieurs maisons, pourvu, toutefois, que l'aqueduc ou la source fournisse de l'eau suffisamment. La loi 2. S. 1 et 2, D. de Servitutibus prædiorum rusticorum, permet même, dans ce cas, d'accorder ce droit à plusieurs pour le même lieu, le même jour et à la même heure : mais cela doit toujours recevoir les restrictions qui sont relatives à l'intérêt du premier concessionnaire, et de tous les autres, dans l'ordre de leur concession.

La loi 14, au même titre, dit néanmoins qu'on ne pourrait accorder une Servitude d'a

que duc sur le même endroit où l'on aurait accordé un droit de passage. Despeisses, tome 1, part. 2, tit. 1, art. 4, sect. 1, no. 13, et Lalaure, liv. 1, chap. 8. adoptent la décision de cette loi. Mais elle ne doit avoir lieu que dans le cas où le conduit de l'aqueduc rendrait le passage inutile ou moins commode.

V. De ce que les Servitudes doivent être de quelqu'utilité au proprietaire de l'heritage dominant, il suit qu'elles ont lieu d'ordinaire sur des fonds qui y sont limitrophes ; et l'on décide communément. par cette raison, qu'il est necessaire que l'heritage servant et l'heritage dominant soient voisins l'un de l'autre. Mais pour admettre cette règle, on doit donner au mot de voisinage une étendue proportionnée à l'objet de la Servitude.

Te puis, par exemple, stipuler le droit de prendre du bois pour mon chauffage, et à plus forte raison pour mes edifices, dans des forêts situées à une très-grande distance de ma maison; et il peut en être de même du droit de pácage, de l'abreuvage des bestiaux, et de plusieurs autres Servitudes, selon les circonstances. On trouve beaucoup de détails à cet égard dans les auteurs: mais la raison en dit plus sur cet objet que toutes les lois et les jurisconsultes du monde.

On observera seulement qu'il y a des cas où une Servitude inutile et caduque au temps de son établissement, peut devenir valable et utile dans la suite. Si je stipule, par exemple, le droit de vue, d'aqueduc, etc., de quelqu'un dont l'heritage est séparé du mien par celui d'un tiers, la Servitude ne me sera d'aucun usage, si ce tiers ne m'accorde pas le même droit, ou si sa maison fait un obstacle à cette vue. Mais si la maison du tiers est détruite, ou s'il consent que l'aqueduc passe dans son heritage, il est clair que la première Servitude

aura tout son effet.

Tout au contraire, une Servitude utile dans le temps de son établissement, peut devenir inutile dans la suite. Lors, par exemple, que j'ai stipulé d'un voisin non immediat, qu'il ne pourrait pas faire tel ouvrage chez lui qui nuirait à mes vues, si le voisin immédiat fait une plantation ou construit un édifice qui mas. que entièrement ces vues, la Servitude que j'ai stipulée, devient inutile pour moi, et l'équité naturelle exige, dans ce cas, que je ne puisse pas empêcher le propriétaire de l'héritage servant, d'en disposer comme bon lui semblera, tant que subsistera l'obstacle intermédiaire, pourvu qu'il consente que la Servitude ait son entier ellet dans le cas où l'état des licus intermédiaires n'y ferait plus d'obstacle.

VI. On peut, parmi nous, établir des Servitudes conditionnelles, ou pour un certain temps seulement, et mettre à la constitution telles clauses qu'on jugera convenables, pourvu qu'il n'y ait rien de contraire aux lois qui concernent l'intérêt public. Voyez le §. suivant.

S. XIV. Des différentes manières dont les Servitudes peuvent s'établir en général.

I. Dans l'ancien droit romain, les Servitu. des rustiques et les Servitudes urbaines ne s'acquéraient pas de la même manière.

Les premières, qui étaient censées plus précieuses que les autres, comme les domaines dont elles dépendaient, etaient ce qu'on appelait res mancipi. Il fallait, pour les acqué-, rir, cette espèce de vente solennelle qu'on appelait mancipation, et qui produisait la garantie la plus étendue Les héritages urbains, au contraire, c'est-à-dire, les édifices, étaient naturellement réputés res nec mancipi; on ne les mettait dans la classe des res mancipi que par accession (V. ci-dessus, S. 9). Les Servitudes des héritages rustiques étaient aussi mises dans la même classe à titre d'accession, et elles pouvaient être acquises de la même manière que les autres biens de cette classe.

Il n'en était pas ainsi des Servitudes qui dé. pendaient des héritages urbains : elles n'étaient jamais réputées res mancipi, parcequ'on n'admettait pas d'accessoire d'un accessoire. Elles pouvaient donc être acquises de

toutes les autres manières dont les droits incorporels pouvaient être établis, mais non pas par la mancipation ni par les autres titres qui pouvaient être particuliers aux res mancipi, tels que l'usucapion (1).

Justinien ayant aboli toutes les différences qui avaient lieu entre les domaines connus sous le nom de res mancipiet res non mancipi, toutes les Servitudes, tant urbaines que rustiques, furent mises à cet égard sur le même pied; on les constitua, comme tous les autres droits réels, par les conventions (2), les stipu

(1) C'est par la même raison, sans doute, qu'on pouvait engager les Servitudes rustiqnes et non pas les Servitudes urbaines, suivant la loi 11, §. ult. et la loi 12, D. de pignoribus, que Davezan, part. 9, chap. 5, croit inexplicables.

(2) Le S. 4, Inst, de Servitutibus, dit pactio nibus et stipulationibus, et non pas pactis et conventionibus. Les pactions étaient des conventions que les lois autorisaient les simples pactes, au contraire ne valaient qu'autant qu'ils étaient autorisés par une loi expresse, on qu'ils étaient ínsérés dans un contrat obligatoire, comme des elauses qui en dépendaient.

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