Quant aux Servitudes urbaines, on est dans J'usage d'y suivre la coutume de Paris. ART. VII. Parlement de Pau. Ce parlement a, dans son ressort, la province de Béarn et la Basse-Navarie, qui suivent des lois différentes à cet égard. La coutume de Béarn, titre des prescriptions, art. 4, veut que, pour prescrire des Servitudes, on suive le droit commun, c'est à-dire, le droit écrit. Lalaure conclud de là que les Servitudes continues s'y acquièrent sans titre, par une possession de dix années entre présens, et de vingt ans entre absens, et que les discontinues ne peuvent s'acquérir sans titre que par la possession immémoriale. Mais on a vu dans le paragraphe précédent, no 3, que ce n'étaient point là les principes du droit romain; et l'on ignore si la jurisprudence du parlement de Pau y a dérogé sur ce point. Quant à la Basse-Navarre, l'art. 8 du tit. 15 de la coutume dit que les Servitudes, tant continues que discontinues, se prescrivent par une jouissance paisible, avec titre et bonne foi, par dix ans entre présens, et vingt ans entre absens. L'art. 9 porte qu'on ne prescrit les unes et les autres sans titre que par une possession immémoriale. Et l'art. 22 ajoute que, par quelque laps de temps que ce soit, de trente et quarante ans, et même par la possession immémoriale, on ne peut acquérir de Servitude sans titre en terre ou place vide appartenant au seigneur ; et quelque temps qu'on ait passé avec des bestiaux dans un champ non clos ni cultivé, le proprietaire pourra le faire labourer, cultiver et fermer à son profit, et comme bon lui semblera. ART. VIII. Parlement de Toulouse. On n'admet au parlement de Toulouse la prescription de dix et vingt ans, que pour l'hypothèque; mais la propriete ne s'acquiert que par trente ans. Ce principe est aussi admis pour les Servitudes continues. Fromental, dans ses décisions de droit, au mot Servitude, rapporte un arrêt du 4 mai 1714, qui l'a ainsi jugé pour le droit de vue. A l'égard des Servitudes discontinues, qui ne peuvent s'exercer que par le fait de l'homme, elles ne peuvent s'acquérir dans le ressort de ce parlement, que par titre ou posses. sion immemoriale. On se fonde, pour cela, sur la loi 3, §. 4, D. de aquá quotidiana et æstivá, qui dit que la possession immémoriale d'une prise d'eau tient lieu de titre. Maynard, liv. 10, chap. 9, Catellan, liv. 3, chap. 7, Berthou en ses décisions, titre des Servitudes, l'enseignent unanimement. Cependant Fromental dit que la Servitude de passage s'acquiert par trente ans sans titre, lorsque la possession est au vu et au su du propriétaire. Il assure, d'après Graverol, que la question fut ainsi jugée par un arrêt du 14 mai 1665, qui maintint un particulier dans le droit de passer dans le fonds d'un autre avec ses bestiaux, à l'effet de les faire abreuver à une fontaine qui y était, en justifiant par lui qu'il y avait fait passer ses bestiaux pendant trente ans. Mais il cite plus bas un arrêt contraire du 29 mai 1721, rapporté par Vedel sur Catellan, liv. 3, chap. 6; et il ajoute que, si la fontaine était situce dans la cour ou dans la maison du voisin, ceux qui y auraient puisé de l'eau pendant un temps immemorial, ne pourraient y prétendre aucun droit, parcequ'il est censé que c'est par honnêteté et familiarité. Le même auteur rapporte un dernier arrêt du 12 août 1734, qui a rejeté la possession trentenaire où le sicur Albare pretendait être d'aller puiser de l'cau au pré du sieur de Bezombe. Enfin, Lalaure observe que les Servitudes négatives ne se prescrivent qu'à compter du jour de la défense, ce qui est très-juste. S. XXIII. De l'établissement des Servitudes par la prescription dans les pays coutumiers en général. Il y a sur ce point, comme sur tous les autres, une diversité presque infinie dans nos contumes. On remet à traiter l'historique de nos lois à cet égard, au mot Voisinage, §. 1, parceque les usages et les réglemens de police dans cette matière, ont eu la plus grande influence sur la prescription des Servitudes en pays coutumier. Il suffira de faire ici une ou deux observations. Il n'est pas douteux que nos lois sur la prescription en général n'aient été principalement puisées dans le droit romain; on le consultait même autrefois dans les pays coutumiers, pour la prescription des Servitudes, comme on en peut juger par tous nos plus anciens commentateurs; mais on l'avait différemment modifié dans chaque endroit, en suivant les interprétations diverses que les docteurs ont données à ce sujet, et qui ont tant influé sur la jurisprudence même des pays de droit écrit, comme on l'a vu dans les deux derniers paragraphes. Les inconvéniens des Servitudes dans les villes, la négligence ou la connivence même des locataires pour les maisons que les propriétaires n'habitaient pas, l'usage général enfin de permettre certaines vues sur les voisins, ont fait abroger les lois de la prescriptibilité dans la ville de Paris et dans beaucoup d'autres. On retrouve la prescription prohibée pour les vues et égoûts, dans le Grand coutumier, dans les coutumes notoires du chatelet, art. 8, 77, 78 et 156, et dans la décision 389 de Jean des Mares, qui sont du quatorzieme siecle. Mais Jean des Mares doute si cette règle doit s'étendre aux autres Servitudes. L'ancienne coutume de Paris même ne prononçait l'imprescriptibilité des Servitudes, qu'en la ville et faubourgs de Paris, seulement; et cette restriction se retrouve encore dans quelques coutumes. Mais l'art. 186 de la nouvelle coutume a rejeté cette distinction, et Ja jurisprudence tend beaucoup à rapprocher les autres coutumes de cette règle. S. XXIV. Des coutumes qui rejettent l'établissement des Servitudes par prescription. On peut diviser ces coutumes en trois classes: la première contient les coutumes qui rejettent toute Servitude sans titre, comme la coutume de Paris. La seconde a pour objet les coutumes qui, en rejetant la prescription, n'énoncent qu'un certain nombre de Servitu des, sans s'expliquer sur les autres. La troisième enfin, comprend les coutumes qui rejettent la prescription des Servitudes, à moins que la possession n'ait été précédée de contradiction. ART. I. Coutumes qui rejettent toutes les Servitudes sans titre. I. L'art. 186 de la coutume de Paris porte que « droit de Servitude ne s'acquiert par lon» gue jouissance, quelle qu'elle soit, sans titre, > encore qu'on en ait joui par cent ans ; mais » la liberté se peut acquérir contre le titre de » Servitude, par trente ans entre agés et non » privilégiés (1) ». Cette décision est tirée d'une ordonnance de Charles VIII, de 1495, dont l'art. 5 porte qu'aucun droit ne peut être acquis sans titre spécial faisant mention de la Servitude. Les coutumes de Bayonne, tit. 1, art. 1 de Calais, art. 172, de Cambrai, tit. 27, art. 6, de Clermont en Beauvoisis, art. 216, de Crespy, art. 124, de Dourdan, art. 63, de la ville de Lille, chap. 6, art. 9, de Limoges, art. 38, de Montfort-l'Amaury, art. 85, d'Orléans, art. 155, 226, 248, 251 et 253, de Sedan, art. 278 et 294, de Tournay, chap. 22, art. 1, et de Troyes, art. 61, ont des dispositions confor mes. Toutes ces coutumes ne s'expliquent pas dans les mêmes termes. On a déjà parlé des coutumes de Bayonne et de Limoges dans le §. 23, art. 3, en rendant compte de la jurisprudence du parlement de Bordeaux. Celles d'Auxerre, Calais, Dourdan, Montfort-l'Amaury, Paris et Tournay, sont les seules qui excluent nommément la prescription centenaire. D'autres énoncent la possession immémoriale; d'autres enfin, comme celle d'Orléans, disent simplement que la prescription n'a pas lieu parquelque laps de temps que ce soit Plusieurs auteurs, tels que Pothier sur cette dernière coutume, pensent que la possession centenaire n'est point exclue par ces mots, quelque laps de temps que ce soit. Cela est conforme, dit Pothier, à la doctrine de Dumoulin, qui enseigne, en son conseil 26, nos 24 et 25, que la possession centenaire a la force de titre, et n'est jamais censée exclue par une loi prohibitive, ni par quelques termes que ce soit. La raison sur laquelle se fonde la (1) Il n'est question ici que de la première partie de cet article, qui est relative à l'acquisition des Servitudes par la prescription. On traitera de la prescription contre les Servitudes, dans le S. 34. coutume de Paris, est que la possession précaire, telle qu'est présumée celle des Servitudes sans titre, ne cesse pas d'être précaire par le laps de temps, quel qu'il soit. Mais on peut répondre que le laps de temps peut faire changer les présomptions touchant la qualité d'une possession dont on ne connaît pas l'origine, sans faire changer la qualité même de la pos session, parcequ'une possession aussi longue fait présumer un titre qui s'est perdu par l'injure des temps. Ricard, sur la coutume de Senlis, rapporte un arrêt du 11 février 1658, qui l'a ainsi jugé dans la coutume de Valois, qui porte que prescription n'a point de lieu, si ce n'est par titre spécial. Pothier ajoute néanmoins « que, quelque >> puissantes que soient ces raisons et ces au» torités, on aurait peut-être aujourd'hui de » la peine à réussir à établir une Servitude » sans titre parla seule possession centenaire, » parceque la nouvelle jurisprudence incline » beaucoup à interpréter les autres coutumes » par celle de Paris ». Brodeau, sur l'art. 186 de la coutume de Paris et la plupart des nouveaux commentateurs sont de ce dernier avis. On trouve même dans la cent. 2 de Leprêtre, un arrêt du 4 mai 1570, qui l'a, ainsi jugé pour un droit de vues, contre les Blancs-Manteaux, quoique l'ancienne coutume de Paris fût entièrement conforme à l'art. 124 de la coutume de Valois. Enfin, Lalaure rapporte, liv. 3, chap, 12, un dernier arrêt qui a exclu la preuve de la pos session immémoriale dans la coutume de Senlis, dont l'art. 268 est aussi conforme à l'art. 124 de celle de Valois. Il s'agissait, dans cette affaire, de deux petites fenêtres que Nicolas Roche et MarieLouise Barbeau, sa femme, avaient dans leur maison située au village de Baron prés Senlis. Ces deux fenêtres, qui étaient aussi anciennes que l'édifice, servaient à donner du jour sur l'escalier; mais elles formaient des vues droi tes sur la cour de Henri-Michel Varlet, huissier et greffier de la prévôté de Baron. Ce dernier fit assigner Roche et sa femme, le 18 novembre 1745, à la justice de Baron, pour se voir condamner à justifier des titres en vertu desquels ils jouissaient des vues qu'ils avaient dans leur escalier, et faute de ce faire, être condamnés à les boucher. Roche et sa femme se défendirent sur leur possession immémoriale: ils furent néanmoins condamnés à boucher ces vues, et la sentence fut confirmée à Senlis. Roche et sa femme interjetèrent appel au parlement; ils se défendirent avec beaucoup de force, et se fondèrent principalement sur la décision de Dumoulin, sur l'arrêt de 1658, rendu pour la coutume de Valois, et sur l'opinion de Ricard et de Saint-Leu, qui disent que cet arrêt avait depuis passé pour loi dans les coutumes de Senlis et de Clermont. Ils invoquaient enfin un arrêt du 6 février 1745 qui, en confirmant une sentence de Senlis, ordonnait que le nommé Verneau serait tenu d'avouer ou contester la possession que la veuve Lenoir alléguait avoir d'une ouverture fermée de barreaux de bois dans le mur qui séparait sa maison du jardin de Verneau. Mais on pouvait répondre que, dans l'arrêt de 1658, il s'agissait d'un droit d'égoût, que Dumoulin, sur l'art. 130 de la coutume de Blois, et bien d'autres auteurs regardent moins comme une servitude, que comme une sorte de propriété. a Quant à l'arrêt de Verneau, il n'a rien prononcé sur le fond de la question. Ce particulier, au lieu de contester la possession, devait l'avouer, et se borner à soutenir qu'elle ne lui portait aucun préjudice. L'affaire fut rappor tée à la quatrième chambre des enquêtes, où elle fut discutée avec beaucoup de soin.. Avant de juger la question, on crut même devoir consulter les chambres et inviter deux de MM. de chacune, d'assister au jugement du procés. L'arrêt rendu le 13 mars 1755, confirma la sentence de Senlis, et condamna Roche et sa femme, malgré la possession immémoriale par eux alléguée, à boucher leurs vues et fenêtres, si mieux ils n'aimaient les réduire suivant les us et coutumes. Lalaure observe néanmoins « que la note » que l'avocat des appelans lui avait donnée de » cet arrêt, faisait mention qu'il y avait douze » juges contre l'arrêt, et seize pour ; et que, » dans le nombre des députés des chambres, » la pluralité était pour admettre la posses» sion immemoriale ». On peut remarquer enfin, pour terminer ce qui concerne cette question, que presque toutes les coutumes qui excluent la prescription par quelque laps de temps que ce soit, ajoutent expressément qu'elle n'est pas suffisante sans titre. Legrand, sur l'art. 63 de la coutume de Troyes, gl. 6, conclud de là, non sans quelque raison, « que ces mots montrent évidem>>ment que le titre est du tout nécessaire pour » acquérir par prescription les Servitudes, et » que c'est l'intention de la coutume, suivant » les auteurs, nonobstant qu'elle n'ait pas » ajouté, encore qu'on en ait joui par cent » ans, comme la coutume de Paris, art. 186 ». Il faut en excepter néanmoins les coutumes de Lille, de Limoges, de Sedan et de Tournay. Celle de Lille porte que « possession et >>> prescription n'ont point lieu pour cours » d'eau, vues ou autres Servitudes, entre cir» convoisins, s'il n'en appert par lettres ou » autrement dûment ». La coutume de Limoges dit: si l'on n'a titre ou quelque signe équipollent à titre; celle de Sedan porte: sans titre, ou chose équipollente à titre; enfin, celle de Tournay dit : « S'il n'est fondé de » juste titre, dont il est tenu de faire apparoir » dûment par lettres passées devant lesdits » échevins, ou autrement suffisamment ». Il ne faut pas croire que ces coutumes aient entendu par-là autoriser la prescription des Servitudes visibles: elles veulent seulement que certains signes puissent tenir lieu de titres pour certaines sortes de Servitudes, de la même manière que la coutume de Paris, dans l'art. 214, et presque toutes les autres, indiquent des signes de mitoyenneté ou d'exclusion de mitoyenneté dans les murs de clôture. Ces signes de Servitude peuvent varier suivant les lieux. On doit, à cet égard, s'en rapporter aux usages et aux coutumes de chaque endroit. Par exemple, la coutume de Tournay a quelques dispositions à ce sujet, au titre des héritages. L'art. 6 dit que des corbeaux désignent que celui du côté duquel ils sont, a droit d'héberge audit mur, et d'asseoir ses poutres sur les corbeaux, mais non de les entrer dans le mur. L'art. 7 ajoute que celui qui n'a que ce droit d'héberge, est sujet de recevoir les eaux du voisin à qui le mur appartient, si son héritage est à ce apte et disposé. Plusieurs auteurs proposent une exception à la règle nulle Servitude sans titre, pour les égoûts incorporés qui ne tombent pas seule. ment sur le fonds du voisin, mais qui sont batis dans son héritage, ou qui y sont appuyés. Ils pensent qu'on peut les acquérir sans titre par prescription; c'est la décision de Dumoulin sur l'art. 230 de la coutume de Blois : Intellige, dit-il, de simplici stillicidio in area, id est, non quiescente in fundo vicini, sive pendeat suprà fundum vicini, sive non pendeat, sed in illud stillet; secùs de incorporato et inædificato visibiliter, vel quiescente super fundo vicini, per l. in vendendo, D. de contrahenda emptione. Coquille est du même avis sur la coutume de Nivernais, chap. 10, art. 2, au mot Egoút. « Il semble (dit-il) qu'il faudrait excepter, si » celui qui fait égoutter ses eaux, avait fait » quelque structure destinée expressément pour les faire ainsi fluer, laquelle structure » fut incorporée en l'héritage du voisin, ou » reposat et portât sur icelui ; car, en tel cas, il n'y a pas simple souffrance, mais il y a » œuvre destinée pour entreprendre sur au»trui, qui est acte de vraie possession et sai» sine. L. Servitutes quæ, D. de Servit. urb. » præd., et à ce fait la distinction qui est es »lois romaines de immisso et projecto ». Chopin, sur l'ancienne coutume de Paris, liv. 1, tit. 4, et Ferrière, sur l'art. 186 de la nouvelle, gl. 1, no 20, admettent aussi cette distinction. Lhoste, sur la coutume de Montargis, chap. 10, art. 1, dit qu'on le jugea ainsi en son bailliage, le 20 juin 1607, pour un droit de gouttière assis sur la muraille de Jean Foucher; mais qu'il y eut appel au parlement, et que le procés ayant été brûlé dans l'incendie de la grand'salle en 1618, la question demeura indécise. Enfin, Ragueau, sur l'art. 2 du tit. 11 de la coutume de Berri, dit aussi qu'il l'a jugé de cette manière entre deux bourgeois de Meung, pour deux maisons qui avaient appartenu, cinquante ans auparavant, au même propriétaire, quoiqu'il n'en eût été rien dit dans le contrat de vente que le propriétaire avait fait de l'une de ces deux maisons, qu'il avait vendue seulement avec ses droits. Il ajoute que son jugement fut confirmé par le présidial de Bourges. Cependant Desgodets, dans ses notes sur l'art. 186 de la coutume de Paris, nos 7 et 8, rejette absolument cette distinction, et decide qu'il faut nécessairement avoir des titres valables, pour que le égoûts soient réputés Servitudes. Il n'excepte de cette regle que « les >> aqueducs publics dans les villes, et les petites >> rivières et ruisseaux en campagne, qui ser» vent à écouler les eaux de tout un pays; les» quels passent quelquefois sur différens héri»tages, et auxquels chacun de ces héritages » a droit de faire écouler ses eaux, sans que » les autres en puissent empêcher ». Cette exception ne peut pas être contestée, parcequ'elle a pour objet des Servitudes légales, comme on le verra au mot Voisinage. Quant au sentiment de Desgodets sur les autres sortes d'égoûts, il faut avouer qu'il paraît le plus conforme aux décisions de notre droit coutumier. Plusieurs des coutumes qui ont adopté la maxime, nulle Servitude sans titre, énoncent en propres termes les égoûts. Quelques-unes même ne nomment que cette espèce de Servitude et une ou deux autres. Cependant aucune n'a songé à distinguer les différentes sortes d'égoûts; ce qui semble annoncer qu'elles ont entendu les comprendre toutes dans leurs dispositions.. S'il s'agissait néanmoins d'un égoût voûté et édifié sous la maison d'un voisin, et dont l'ouvrage fut bien apparent, la possession imme mémoriale le ferait sans doute confirmer. C'est alors plutôt propriété que Servitude, comme le dit Bourjon, tome 2, livre 4, tit. 1, chap. sect. 3. Mais cet auteur suppose mal à propos que Brodeau, sur Louet, rapporte des arrêts qui l'ont ainsi jugé. Pesnelle, qui est tombé dans la même erreur, rapporte, sur l'art. 607 de la coutume de Normandie, un arrêt du parlement de Rouen, sans date, « par lequel il fut jugé » qu'une chausse de cloaque, qui était bâtie » sur la cour dépendante de la maison de la » Grange, et même une galerie qui était éle» vée sur ladite cour, pour aller au siége dudit » cloaque, n'étaient point une Servitude, mais >> un droit de propriété qui n'avait point be» soin de titre ». II. Il faut bien prendre garde, au surplus, que les coutumes de cette classe, et toutes celles qui admettent la maxime, nulle Servitude sans titre, n'entendent pas néanmoins rejeter toute sorte de prescription. C'est ce que Pothier établit fort bien dans son introduction au titre des Servitudes de la coutume d'Orléans, no 9: « Si le possesseur (dit-il ) de l'héritage voisin, qui passait pour en être le propriétaire, sans l'être effectivement, m'a accordé sur cet héritage un droit de Servitude, ce possesseur n'ayant pu me donner un droit dans une chose dans laquelle il n'en avait pas lui-même, je n'en acquiers aucun; mais j'acquiers au moins causam usu capiendi. Car si, en vertu de ce titre, j'use pendant trente ans du droit de Servitude, j'acquerrai le droit par la prescription. » Ma possession n'est pas, en ce cas, destituée de titre, puisque je possède en vertu d'un titre d'acquisition ab eo quem boná fide credebam dominum esse ; et ma possession ne peut passer pour une tolérance, puisque j'use du droit de Servitude en ce cas, tanquam justè existimans me jus servitutis habere ». Legrand est du même avis sur l'art. 6: de la coutume de Troyes, gl. 6, no 8. Duplessis, liv. 1, observe aussi que la Servitude ayant été prescrite, pour la libération, contre le titre, elle se peut réacquérir par la prescription de 30 ans, à cause de l'ancien titre, parceque cette dernière possession n'est pas tant une prescription qu'une présomption qu'on n'a pas voulu tirer avantage de la première, mais exécuter de bonne foi le titre. ART. II. Coutumes qui, en rejetant toute prescription, ne parlent que de I. Ces coutumes sont celles d'Auxerre, art. 100 et 114; Bassigny, art. 181 et 187; Blois, art. 230; Chartres, art. 80; Château-Neuf, art. 95; Dreux, art. 68; Etampes, art. 72; Gerberoy, art. 81; la Gorgue, art. 50; Loudunois, chap. 21, art. 1; Melun, art. 188; Montargis, tit. 10, art. 1; Normandie, art. 608; Noyon, art. 32; Péronne, art. 212; Senlis, art. 268; Touraine, art. 212; Troyes, art. 61; Valois, art. 124, et Verdun, tit 15, art. 3. Toutes ces coutumes ne sont pas conçues dans les mêmes termes. Celle d'Auxerre ne nomme que les vues et égoûts sur l'héritage d'autrui dans l'art. 100, et le droit de passage dans l'art. 114. La coutume de Montargis est dans le même cas. Celles de Chartres et de Château Neuf ne parlent que des vues et fenêtres. Celles de Bassigny, Blois, Dreux, Gerberoy, Loudun, Senlis, Sens et Touraine, n'énoncent que les vues et égoûts. La coutume de Valois dit, en matière de vues, égoûts et glassouères (fosses d'aisances). La Gorgue ne parle que des gouttières, issues d'eau, piscine ou ressort, tombans ou courans sur, parmi ou au travers de l'héritage de son voisin. La coutume de Melun dit, droit de vues égouts autres semblables Servitudes de mai sons et édifices. Celle de Normandie, droitures de Servitudes de vues, égouts de maisons et autres choses semblables. Celle de Noyon, vues, égoûts, enclaves, et autres édifices secrets. Celle de Péronne ne parle non plus que des vues, égoûts, entrées, issues et enclaves. Celle de Troyes dit : « Ceux auxquels ap» partiennent héritages, maisons, places ou édifices à Troyes, joignans et contigus les » uns aux autres, n'acquièrent l'un sur l'autre » aucune Servitude ni possession de porter et » soutenir toutes vues d'huis, fenêtres, ou » passages les uns sur les autres, par quel» que temps qu'ils aient permis ou souffert les » choses devant dites, si ce n'était que de ce » eût titre exprès ». Enfin, la coutume de Verdun nomme les Servitudes tant d'égoûts d'eau, chinées, vues et chemins sur fonds d'autrui. II. Les auteurs ont été partagés sur le point de savoir si les décisions de ces différentes coutumes devaient s'entendre de toutes les Servitudes en général, ou de toutes Servitudes |