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joignent, obtiennent de brillans succès: on prévoit néanmoins l'inutilité, les dangers d'une plus longue résistance. Des commissaires du gouvernement et les généraux signent avec l'ennemi une capitulation qui sera méprisée, quant à la sûreté promise aux militaires, et quant à la conservation des monumens d'art. Déjà les étrangers occupent la ville de Paris dans l'appareil le plus menaçant. Les palais des deux chambres sont interdits à leurs membres par une force armée. La chambre des députés constate cette violence. Louis XVIII a promis encore, par une proclamation, d'observer la Charte ; il est rentré aux Tuileries: la seconde restauration est commencée.

CHAPITRE X.

Exécution de la Charte depuis la seconde restauration.

114. Cette minorité qui, durant vingt-six années, n'avait, comme on l'observait, rien appris et rien oublié, se montre plus passionnée qu'en 1814. Elle avait alors osé dire que la révolution n'est qu'une rébellion de vingt-cinq ans. Elle n'avait pu mettre en pratique les conséquences d'un tel principe. Cette fois, elle entreprend de punir, de châtier les Français comme des esclaves révoltés. Elle répète : « L'armée n'est qu'une troupe de rebelles décimés à Waterloo. »

Les sociétés secrètes reparaissent en activité à Paris et dans les départemens; elles arment, sous le faux titre de gardes nationales, leurs affidés prolétaires ; elles désarment les propriétaires libéraux ; elles aspirent hautement au bonheur suprême de l'obéissance passive. On fait crier dans certains lieux, pour un salaire: Vive la noblesse! vivent le roi et ses droits! et même : Vive la féodalité!... à bas le tiers-état et la liberté !

Des troupes armées de chouans et de Vendéens se sont rassemblées et grossies, lorsqu'elles n'étaient plus utiles au roi, précisément après la bataille de Mont-Saint-Jean, et surtout après la capitulation et la rentrée du roi dans Paris. Ces bandes irrégulières et nombreuses, commencent dans l'ouest une réaction non moins dommageable au trésor royal qu'aux habitans des campagnes. Elles entretiennent l'anarchie. D'autres bandes entreprennent, dans le midi, sous prétexte de religion et de royalisme, un long cours de persécutions sanguinaires. Elles recommencent les pillages, les démolitions de maisons, les massacres inventés, exécutés au treizième siècle et depuis, afin d'extirper l'hérésie, commandés jadis au mépris de la religion, par quelques décrets de prélats de ces tems-là, et par des ordonnances royales, malheureusement trop conformes à ces honteux décrets, qu'on a voulu depuis appeler des lois de l'église.

Un généreux député, M. d'Argenson, entréprit d'arrêter ces crimes, en les dénonçant à la

Dans la séance royale d'installation, deux pairs d'entre ceux qui furent alors surajoutés, comme à la place des vingt-neuf, refusèrent le serment constitutionnel; et, par les motifs de leur conscience, ils persistèrent une année dans ce refus. Un député fit le même refus solennel; et, pour s'en justifier, il demanda la parole, qui lui fut refusée, sur l'allégation, très-inexacte, que jamais, dans l'ancien régime, il ne fut permis d'opiner dans les séances où le roi était présent.

Dans un discours impunément prononcé à la tribune, imprimé, publié, l'un de ces introuvables osa, dans la même session de 1815, supplier le roi de retirer la Charte, ajoutant cette apostrophe : Et alors, sire, nous tomberons à vos pieds, de reconnaissance et d'allégresse'.

D'autres ne rougissaient pas de soutenir également, à la tribune, qu'il n'y a rien de constitutionnel dans la Charte, que la distribution des pouvoirs publics. Un duc s'exprimait plus nettement à la chambre des pairs; il disait, dans un discours imprimé aussi et publié, qu'il n'y a rien d'irrévocable dans la Charte, que l'existence des deux chambres; et cette irrévocabilité, il prétendait encore qu'elle n'est fondée que sur ce que les chambres ne peuvent pas moralement se détruire; et qu'enfin le suicide est défendu par le droit na

1 Il a été plusieurs fois depuis, nommé par le ministre, son parent, président électoral, candidat ministériel.

turel. Il est juste de dire qu'il fut rappelé à l'ordre.

118. Malgré l'opposition glorieuse d'un prince qui avait voyagé à Gand, et de beaucoup d'autres pairs ou députés, on fit prévaloir les adresses nombreuses des deux chambres, sollicitant, comme la plupart de celles des colléges électoraux, des récompenses et des punitions ; des punitions pour ce qui n'était qu'un malheur, et la faute de presque tous. En conséquence, on voit commencer le cours des épurations ou destitutions en masse dans tout le royaume; partout les délateurs fourmillent; on compte environ dix-huit cents épurés dans un seul département, et les délateurs se font nommer aux places mêmes des victimes de leurs calomnies.

Il sort de la chambre des députés des opinions imprimées, sanguinaires autant et beaucoup plus que celles de Marat. Ces députés s'occupent de classer par catégories les citoyens à proscrire, et l'on n'entend parler que de ces horribles catégories. Les esprits sont frappés de terreur; on s'attend aux lois violatrices de la Charte, à ces contrelois qui ont signalé la session de 1815 à la haine des contemporains et à la censure de la postérité.

Avant de décimer, il fallait emprisonner. Une contre-loi fait de nouveaux suspects; elle autorise des arrestations arbitraires, des détentions, des surveillances non juridiques et arbitrairement prolongées : des préfets y ajoutent à volonté ces translations de domicile, qu'on appelait internemens en

Les quatre-vingt-cinq cours prévotales suivent de près, et ce sont des nouveautés inouies, spécialement dans leur multiplication, et dans l'attribution qui leur abandonne tous les Français à traiter comme des voleurs de grand chemin. On passe, comme un remède momentané, la contreloi des cris et des écrits séditieux, qui, plus oppressive que le Code Criminel de Napoléon, punit les crimes interprétatifs ou imaginaires, sous le nom de provocations indirectes. Depuis trois ans bientôt, les Français gémissent assujétis à cette loi momentanée que, sans doute, on n'aurait pas obtenue, si elle n'avait dû cesser avec l'établissement des cours prévôtales, et surtout s'il se fût agi de la faire durer plus d'une année. Les journaux officiels attestent que le grand-prévôt de la capitale, au lieu de prêter le serment constitutionnel suivant l'ordonnance royale du 3 mars 1815', fut ́admis à jurer seulement d'obéir à tous les ORDRES du roi.

119. Une amnistie est accordée, mais elle contient des proscriptions en forme de loi contre plusieurs centaines de citoyens: proscriptions rendues ensuite plus acerbes et plus nombreuses, par extensions ministérielles.

On ne veut plus souffrir que le clergé soit payé sur le trésor public comme le roi, comme les plus hauts fonctionnaires. On s'efforce de rendre les

1 Je trouve cette ordonnance occulte citée dans le procès-verbal de la chambre des pairs, du 9 octobre 1815.

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