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ceux-ci les prenaient sans biens; ils les recevaient de leurs familles sous la formule d'une vente, et ce contrat fut appelé mariage par achat.

Mais cet état de choses cessa quand les femmes furent rendues habiles à succéder alors s'établit le régime dotal, dont les principaux effets consisterent à donner les fruits de la dot au mari pour soutenir les charges du mariage, en frappant d'inaliénabilité les immeubles dotaux de la femme, et en laissant à celle-ci la pleine disposition de tout ce qui n'avait point été stipulé dotal.

Cette regle de l'inaliénabilité des fonds dotaux de la femme fut puisée dans cette considération d'ordre public qui devint une maxime : Interest reipublicæ dotes mulierum salvas esse.

Dans ce dernier état de la législation romaine, la séparation entiere des deux patrimoines fut le but constant de ses dispositions : la femme devait, à la dissolution du mariage, recouvrer le principal de sa dot; elle conservait pendant le mariage la disposition de ses biens paraphernaux, et demeurait étrangere à tout le reste.

Cet isolement des intérêts respectifs était en harmonie avec les autres institutions du peuple qui nous a transmis un si grand nombre de ses lois.

Celle-ci pourtant est loin d'avoir obtenu un succès général en France.

Je n'entreprendrai point la recherche de l'époque précise où la communauté conjugale s'introduisit dans un grand nombre de nos provinces.

Le voile qui couvre cette origine, comme tant d'autres, n'a pas besoin d'être levé pour fixer nos résultats.

Il serait sans doute difficile de déterminer le degré d'influence que purent obtenir soit le régime dotal, soit la communauté, quand les lois étaient sans territoire, et lorsque le Romain, le Franc, le Bourguignon et le Gaulois, quoique habitant le

même pays, étaient jugés chacun selon les lois per- ART. sonnelles qui pouvaient les régir, d'après le seul titre de leur origine; ce qui a fait dire à Montesquieu que le territoire était le même, et les nations diverses.

Sans recourir à de vagues hypotheses, il est du moins certain que la communauté conjugale était déja, et depuis long-temps, dans les habitudes d'une grande partie de la nation française, lorsque nos coutumes furent rédigées par écrit, et vinrent toutes (à l'exception de celles de Normandie, Reims et Auvergne) consacrer, chacune dans leur ressort, la communauté comme une loi territoriale, qui devenait le droit commun de quiconque n'y avait pas formellement dérogé.

Tel est le dernier état des choses qui nous laisse apercevoir la France divisée sur ce point en deux grandes parties, se composant, l'une des pays appelés de coutume, et l'autre de pays restés fideles au droit romain; les premiers vivant sous le régime de la communauté, et les seconds sous le régime dotal.

car,

Dans une telle situation, on comprend combien de ménagements exige la matiere que nous traitons; loin de heurter des habitudes qui ne nuisent point au corps social, celui-ci doit, sans distinction de lieux, inviter les citoyens au mariage; et cet appel de la patrie sera d'autant mieux reçu, que chacun pourra plus librement régler ses conventions matrimoniales.

Que la plus grande liberté y préside donc, et 1387 qu'elle n'ait d'autres limites que celles que lui assignent les bonnes mœurs et l'ordre public: car rien en cette matiere ne doit être spécialement commandé; mais ce qui serait contraire à l'ordre public peut et doit être positivement défendu.

C'est d'après ces vues que notre projet exprime, 1388 dans ses dispositions générales, que les époux ne

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le

peuvent déroger ni aux droits résultant de la puis→ sance maritale sur la personne de la femme et des enfants, ou qui appartiennent au mari comme chef, ni aux droits conférés au survivant des époux par 1389 titre de la puissance paternelle et par le titre de la minorité, de la tutele, etc.; et c'est dans les mêmes vues que toutes conventions tendant à intervertir l'ordre légal des successions sont spécialement défendues.

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Mais sera-t-il aussi défendu de stipuler, en termes généraux, que les droits des époux seront réglés selon telle ancienne loi ou coutume?

Cette disposition, qui au premier coup-d'œil ne semble renfermer rien de contraire à l'ordre social, aurait cependant l'inconvénient majeur de perpétuer comme lois de l'Etat cette foule d'usages divers qui couvraient le territoire français.

Le but du Code civil serait totalement manqué, s'il pouvait en être ainsi : notre projet défend donc de tels référés, sans néanmoins porter atteinte à la faculté qui appartient aux époux de stipuler spécialement, et sauf les limites ci-dessus indiquées, tout ce qui leur conviendra.

Cependant, comme cette spécification même, si elle devait s'appliquer à toutes les parties d'un grand systême, serait presque toujours accompagnée de graves difficultés, il a été jugé non-seulement commode, mais utile pour les citoyens, de tracer séparément et les regles qui s'adaptent le mieux au régime de la communauté, et celles qui ont paru le mieux convenir au régime dotal.

Ces regles posées dans deux chapitres distincts, et parallelement, auront pour avantage certain d'offrir aux citoyens une collection de principes auxquels ils pourront se référer en termes généraux ; et s'ils veulent y déroger en quelques points, le soin du rédacteur se bornera à exprimer les modifications dictées par la volonté particuliere des contractants.

Jusqu'à présent, législateurs, la marche de notre

projet est simple et facile; mais il faut aborder une difficulté plus sérieuse.

Nous n'avons vu encore que des époux stipulant leurs intérêts avec toute la liberté que la matière réclame, adoptant l'un des deux systêmes qui leur sont offerts, ou les modifiant selon leur volonté.

Mais il fallait apercevoir aussi le cas assez fréquent on nulles conventions particulieres n'auront précédé l'acte civil du mariage.

ART.

En l'absence de toutes conventions, la loi doit 1393 nécessairement régler les droits respectifs des époux, ou en d'autres termes, il doit Ꭹ être pourvu par un droit commun quelconque : mais quel sera-t-il ?

On avait à se décider ici entre les deux systêmes que j'ai exposés : car il n'était pas possible, sans renverser toutes les idées d'uniformité, d'établir un droit commun qui ne fût pas le même pour toute la République, il était nécessaire d'opter, et le plus mûr examen a présidé au choix qu'a fait le projet.

Sans doute le régime dotal pourvoit mieux à la conservation de la dot, puisqu'il en interdit l'aliénation.

Sans doute aussi il présente quelque chose de plus simple que la communauté : voilà ses avantages; mais la communauté a aussi les siens.

D'abord l'union des personnes ne conduit-elle pas à la société des biens, et la communauté des travaux n'établit-elle point la communauté des bénéfices?

A la vérité, quelques personnes ont voulu rapporter au mari seul les bénéfices comme provenant presque exclusivement de son propre travail; mais cette proposition est-elle bien vraie, et doit-elle surtout s'appliquer à la classe nombreuse des artisans et des agriculteurs? Leurs femmes ne travaillent-elles pas autant qu'eux, et ne sont-elles pas ordinairement plus économes? Et comme c'est principalement dans cette classe qu'on se marie sans contrat, n'est-ce pas elle que le législateur doit avoir en vue quand il éta

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blit un droit commun précisément pour le cas où il n'y a point de contrat.

Au surplus, si l'on examine la question d'une maniere plus générale, on trouvera qu'un grand nombre de femmes, autres que celles dont nous venons de parier, contribuent aux bénéfices, sinon par des travaux semblables à ceux de leurs maris, du moins par les capitaux qu'elles ont versés dans la communauté, et par les soins qu'elles prennent du ménage.

Mais d'ailleurs cette société serait-elle la seule où l'on exigeât une mise parfaitement égale, et la femme devrait - elle rester sans participation aux bénéfices parce qu'elle n'y aurait pas contribué autant que son mari?

Laissons ces froids calculs, et revenons à ce que prescrit, en cette matiere, la simple qualité d'époux, en l'absence de toutes conventions; car alors c'est la nature des choses qui exerce son empire, et certes elle ne saurait prononcer la séparation des intérêts pécuniaires de toute espece entre personnes aussi étroitement unies que le sont un mari et une femme.

Jusqu'ici je n'ai examiné la communauté que sous les rapports de la justice; mais ce régime a paru aussi plus favorable à l'ordre social et plus conforme au caractere national.

Loin de nous l'idée d'imprimer aucun caractere de réprobation au régime dotal; nous avons indiqué ses avantages, et le projet lui réserve une place honorable parmi ses dispositions: cependant si l'on calcule la juste influence des deux régimes sur l'union conjugale, on devra trouver sous l'un plus de froides compagnes, et sous l'autre plus de femmes affectionnées et attachées par leur propre intérêt aux succès

communs.

Disons aussi que les mœurs françaises sont géné– ralement plus en harmonie avec le régime de la communauté, et que peut-être les femmes n'ont acquis chez nous la juste considération dont elles jouissent

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