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On pourra encore stipuler la totalité des acquêts en faveur de l'époux survivant, ou des acquêts en faveur des enfants, pourvu que l'ordre légal des successions soit maintenu, et la loi limitative des donations respectée.

Je n'ai pas besoin d'observer qu'en permettant au régime dotal sa stipulation d'une société d'acquêts, c'est permettre au régime de la communauté la stipulation d'une dot inaliénable.

Même principe, même motif, même conséquence. Ce dernier article est le dernier gage de la sollicitude attentive des rédacteurs du projet. Ils ont dû rappeler tous les mariages français sous le même empire d'une loi commune; mais ils n'ont voulu arracher aucune de ces institutions que l'habitude avait rendues cheres, et ils ont placé au milieu de la république la loi des mariages comme une divinité favorable à tous les vœux, et qui présente à chaque époux le contrat qu'il a choisi lui-même.

Déja l'opinion des bons esprits appelle sur ce bienfait la reconnaissance générale.

Des bords de la Meuse et du Rhin jusqu'aux embouchures du Rhône et du Var, on s'étonne et on applaudit à l'œuvre de sagacité et de patience qui combine et associe, dans l'acte le plus auguste et le plus utile, les lois de l'ancienne Rome et les lois de l'ancienne Gaule, la communauté des biens et le régime dotal.

Ce régime peut, sans effort et sans regret, devenir une institution française.

Le peuple français se présente aujourd'hui, dans les fastes du monde, au rang de ces nations mémorables qui laissent aux autres de grands monuments et d'immortels souvenirs.

Le recueil de ses lois, doit être le monument de sa propre sagesse.

Le peuple français mérite bien de n'être plus mis à la suite d'un autre peuple qu'il égale par son cou

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rage guerrier, et qu'il surpasse par sa modération politique.

Les hommes integres et sages dont l'expérience et les veilles concourent à la perfection de ses lois sont dignes de ne plus marcher à côté du corrompu Tribonien.

Et le nom du faible et vain Justinien s'éclipse devant un autre législateur qui donne sans ostentation l'exemple avec le précepte; qui conçoit seul ce qu'il exécute lui-même; qui rétablit les villes sans ruiner les provinces, et les temples, sans tourmenter la religion; qui préside aux délibérations de la paix, comme aux conseils de la guerre; et qui, tout en combattant pour défendre l'Empire, grave sur chaque livre du Code qu'il va publier, l'empreinte de son génie et le sceau de ses vic

toires.

Votre section de législation vous propose par mon organe de voter l'adoption du projet de loi concernant les contrats de mariage, et les droits respectifs des époux.

N° 67.

OPINION prononcé au tribunat par le tribun CARION-NISAS, sur la loi relative au contrat de mariage, et aux droits respectifs des époux. (Tome I, page 259.)

TRIBUNS,

Séance du 19 pluviose an XII.

Votre indulgence qui me fut toujours nécessaire, me devient aujourd'hui plus indispensable que jamais, et je vous prie de ne pas souffrir qu'elle se sépare un seul instant de l'attention que je réclame

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pour vous exposer les inconvénients que je crois trouver dans plusieurs parties d'une loi dont l'adoption vous est proposée par des autorités bien plus graves que la mienne.

Depuis sept jours seulement je connais la rédaction définitive du projet de loi et les motifs du conseil d'état.

Il y a vingt-quatre heures à peine que nous avons entendu et admiré le rapport de la section de législation.

Enfin, j'ose, sans être jurisconsulte, traiter devant les jurisconsultes les plus éclairés une question importante de droit civil.

Mais cette question se rattache par toutes ses racines à ces questions élémentaires de la politique générale, pour la discussion desquelles il suffit de l'étude de l'histoire et de l'observation de la société ; et c'est ce qui m'enhardit à penser qu'il ne me sera pas impossible d'offrir dans cette matiere à des hommes d'état quelques lumieres qu'ils ne dédaigneront pas de recueillir.

Je me souviens qu'un membre distingué, président de l'assemblée constituante, se plaignant des difficultés de sa position, se comparait à un homme placé sur ces montagnes élevées, d'où l'on découvre en même-temps d'un côté un horizon au loin pur et serein, de l'autre une atmosphere chargée de vapeurs et d'orages.

Il me semble que les jurisconsultes appelés à rédiger pour la France un Code civil, ont été précisé~ ment dans la position de cet homme placé sur une haute montagne. D'un côté brillait une lumiere vive et pure, la législation des Romains, de ce peuple qui était le genre humain, qui avait hérité de toute la sagesse des nations, et dont aussi les lois ont mérité d'être appelées d'un consentement unanime le commentaire de l'équité naturelle, la raison écrite.

De l'autre côté régnaient encore ce chaos, cette

confusion de coutumes diverses, de lois barbares, caprices superbes des vainqueurs, habitudes serviles. des vaincus; le reste est l'image de cette nuit profonde qui couvrit l'occident depuis l'invasion des barbares du nord, jusqu'au jour où, par une sorte de miracle, la lumiere fut tirée des tombeaux, et sortit, avec le Code et les Pandectes, des ruines de Ravenne et d'Amalphi pour éclairer une seconde fois l'Europe.

On a voulu d'abord donner la préférence à ces ténebres sur la lumiere: on a renoncé à ce vain projet.

On a voulu ensuite faire un pacte entre la lumiere et les tenebres; je ne pense pas qu'on ait mieux réussi.

Il eût mieux valu que le législateur ordonnât que la lumiere se fît par-tout également : elle se serait faite sans résistance et sans obstacle.

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Je conviens cependant qu'une transaction pouvait 158. être motivée par la considération de l'état ancien et de l'état actuel des sociétés, que des amendements favorables pouvaient être apportés à la législation romaine: mais, comme je le développerai plus loin, ces amendements sont tous, ou dans la partie du projet de loi qui organise le régime dotal, ou dans un court article appendice à cette partie; je veux parler de l'article qui permet d'établir une société d'acquêts. Cette mesure simple, facile, contient tout ce qui pouvait dans les sociétés modernes, et dans les circonstances qui régissent et modifient aujourd'hui les moyens d'accroissement des fortunes particulieres, contient, dis-je, tout ce qui pouvait manquer au régime dotal, tous les avantages du systême de communauté, si on peut appeler systême une si grande variété de coutumes; et tous ces avantages s'y trouvent dégagés des inconvénients sans nombre qui s'y sont toujours mêlés.

Les apologistes du droit coutumier, et dans cette 139r discussion les défenseurs des lois qui établissent la 1400 communauté, éprouveront toujours dans leur marche

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un embarras visible, et offriront des contradictions frappantes.

L'habile orateur du gouvernement était plus capable que personne de déguiser et de colorer les vices inhérents à la cause qu'il défendait; mais il était trop habile aussi pour les nier entièrement, ou même pour les dissimuler obstinément. « Je n'entreprendrai point, dit-il, la recherche de l'époque précise où la «< communauté conjugale s'introduisit dans un grand <«< nombre de nos provinces. Le voile qui couvre « cette origine comme tant d'autres n'a pas besoin « d'être levé pour fixer nos résultats. »

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Et plus loin, pressé par la force de la vérité, il convient que « sans doute le régime dotal pourvoit <«< mieux à la conservation de la dot, puisqu'il en in«terdit l'aliénation. Sans doute aussi il présente quelque chose de plus simple que la communauté. <«< Voilà ses avantages, ajoute-t-il; mais la commu«< nauté a aussi les siens. >>

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Pour montrer sous un jour plus favorable ces prétendus avantages, pour présenter la communauté comme bienfaisante pour les femmes, il importe sans doute de jeter un voile sur son origine : mais quel homme au fait de l'histoire peut nier que cette origine ne lui soit commune avec le mariage par achat des premiers Romains, espece de contrat dans lequel certes les femmes n'étaient pas ménagées.

Numa, qui établit la dot, fut regardé comme le premier auteur de l'égalité entre les sexes, comme le libérateur et le protecteur du sexe faible et opprimé; et c'est là sans doute ce qui fit dire à l'ingénieux paganisme qu'il avait été inspiré par une déesse.

Auguste, contre son opinion personnelle, fut obligé de renforcer ce systême par la loi Julienne. Constantin, qui fit asseoir sur le trône avec le' christianisme l'esprit de véritable égalité, se montra plus favorable encore que les Empereurs payens au systême dotal.

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