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contre lui de premiers échecs. « C'était, écrivait Lally-Tolendal, un ministre de Louis XVI (M. de Narbonne), qui pressait, qui conjurait, qui suppliait l'Assemblée de s'occuper de tout ce qui était nécessaire pour entrer en campagne : c'était lui qui se plaignait le 27 décembre, du retardement apporté aux achats ; et le 7 février, de l'obstacle apporté aux transports; c'était lui qui, le 11, le 16, le 21 janvier, sollicitait le complément de l'armée en hommes et en cheraux ; c'était lui qui, le 23, était réduit à demander quel inexplicable sentiment pouvait entraîner à vouloir la guerre, et à rejeter tous les moyens d'avoir une armée ; c'était lui qui, le 7 février, était réduit à dire qu'il était dangereux de renvoyer, à la veille du manifeste, ce qui importait au service de l'armée;... c'est lui qui, à la veille de la guerre, ne pouvait obtenir un décret, ni pour le commandement des places, ni pour le remplacement des officiers, ni pour la réparation des fortifications. »

Napoléon qui avait connu les actes de M. de Narbonne et apprécié ses mérites, le nomma général de division et plus tard, lui confia le soin de négocier son mariage avec Marie-Louise.

Les motifs allégués pour justifier l'insurrection du 10 août, étaient sans aucun fondement. On avait réduit à quelques centaines d'hommes le nombre des défenseurs des Tuileries, grossi les forces de l'émeute d'auxiliaires appelés du Midi, on avait assassiné Mandat, commandant de la Garde nationale, immédiatement remplacé par Santerre, prêt à prendre la place le crime accompli. Il n'y a pas à s'arrêter ici à ce qui avait été dit des projets d'agression de la Cour, du transport aux Tuileries de corbeilles de poignards, d'un bateau chargé de boulets et d'armes, Sosie du fameux bateau fantôme et autres balivernes propres à surexciter les imaginations en temps de troubles.

Au sujet de la journée du 10 août, voici ce qu'écrivait M. de Narbonne : « On sait indiscutablement que depuis le commencement de la Révolution, le Roi a repoussé tous les projets qui pouvaient exposer la vie de ses amis et de ses adversaires; et le 10 août même, on n'a pu lui arracher que l'ordre de se défendre. Ceux qui se glorifient maintenant d'avoir préparé les événements de ce jour, auront de la peine à expliquer comment la gloire en est pour eux, et le crime pour Louis XVI. »

Cet ancien ministre de la guerre constatait qu'après sa sortie des affaires, la préparation de la guerre avait été confiée à un ministère

jacobin et que, si quelques semaines avant le 10 août, ce ministère s'était retiré, c'était par la volonté de Dumouriez non par celle du roi.

A constater en passant, c'est qu'une des accusations de perfidie dirigées contre Louis XVI était d'avoir choisi tantôt des ministres feuillants, tantôt des ministres jacobins, fait assez naturel de la part d'un roi constitutionnel, assujetti à tenir compte non de ses préférences personnelles, mais des mouvements de l'opinion.

L'ineptie des masses permet d'user des procédés les plus grossiers pour surprendre leur ignorance.

M. de Narbonne se rencontrait avec Faure, il écrivait en effet : <«< Une nation a le droit de changer sa constitution; et, si véritablement le peuple français a cessé de croire à l'avantage du gouvernement monarchique, ses représentants ont pu, ont dû en prononcer la destruction. Vous n'avez pas besoin d'entasser des calomnies sur cette auguste victime, comme s'il vous fallait une

excuse... D

Necker, résumant les témoignages contemporains, constatait les qualités morales de Louis XVI, sa bonté, son extrême, on peut dire, sa préjudiciable modestie, voilant ses mérites et ses services, ses mœurs exemplaires, ses sentiments religieux unis à cet esprit de tolérance qui devait faire si complètement défaut à ses adversaires.

Enfin, l'ancien Ministre relevait les actes du Prince pratiquement libéral que l'on qualifiait de tyran.

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Quels avaient été les actes méritoires successivement accomplis par Louis XVI? L'abolition des corvées remplacées par les prestations, la réforme de la taille, l'exemple donné de la suppression de la servitude personnelle, la suppression de la torture, l'amélioration des prisons et des hôpitaux. Le prince a porté, constatait Necker, les regards d'un père tendre et d'un ami pitoyable dans les asiles de la misère et dans les réduits de l'infortune ou de l'erreur ». Au point de vue administratif, le roi en décidant la création des assemblées provinciales, contrôlant ses intendants, les préfets d'aujourd'hui, avait établi une institution analogue aux conseils généraux? Comment pouvait-on faire un crime à Louis XVI de défendre la liberté religieuse des catholiques, alors que Necker constatant la conduite qu'il avait tenue à l'égard des protestants, écrivait : « N'est-ce pas de lui qu'une partie des habitants de la

France, persécutés sous tant de règnes, ont reçu non seulement une sauvegarde légale, mais encore un état-civil qui les admettait à tous les avantages de l'ordre social? »

Necker posait cette question: Qui pourrait reprocher à Louis XVI d'avoir jamais fermé son cœur à la compassion et à la pitié ? »

Et après cette énumération et la constatation de la résolution qu'avait prise spontanément le roi de partager avec les représentants de la Nation, une responsabilité qu'il estimait trop lourde pour un seul homme, l'ancien collaborateur du malheureux Souverain donnait cette conclusion saisissante.

« Le voilà pourtant celui que l'on tient enfermé dans une rigoureuse prison; le voilà celui dont vous demandez vengeance: le voilà, celui dont les malheurs inouïs ne sont pas encore assez pour vous; le voilà, celui dont vous dites comme les Juifs : Livrez-le et délivrez les Barabbas ». O mon Dieu, versez dans son cœur quelques consolations et soutenez son courage! »

Dans une lettre reproduite par M. Clérembray, Faure, au moment où il avait été envoyé à la Convention par les électeurs, écrivait à l'un de ses amis : « Lorsque j'ai eu l'honneur de diner avec vous chez M. Manuel, vous paraissiez déplorer le sort de la France. Que sera-ce aujourd'hui? où sont ces âmes sensibles, dans la nouvelle assemblée, capables de proposer des décrets modérés, et qu'on pourra écouter encore? Non, l'esprit républicain dominera. La famille royale est perdue. Quelle alternative! Ou périr par le fer du despotisme, ou voir s'établir une république de vingtcinq millions d'hommes égaux de droits; enfin, plus de monarchie chez nous que par les armes des Germains. Que de pillages, que de sang! que de carnage! >>

Quel dilemme redoutable envisageait le nouvel élu et, sans doute avec lui, les treize de ses collègues qui voulurent comme lui sauver le Roi!

C'était avec raison que Faure devait mettre en doute que le Roi eût attiré les étrangers en France? Les accusateurs même de Louis XVI le croyaient-ils ? Dans tous les cas, en affirmant que le fait était prouvé, ils altéraient sciemment la vérité, ils donnaient leurs suppositions pour une certitude. Les démarches inconsidérées des princes émigrés Outre-Rhin, faites contrairement aux instructions du Roi, fournissaient contre lui des armes

aux factieux. Dans une lettre adressée à Monsieur et au Comte d'Artois (1), Louis XVI relevait les fautes commises, mais avec sa mansuétude et sa générosité ordinaires, il ne pouvait se résigner à adresser des reproches, « son cœur ne le lui permettait pas ». L'oubli des convenances avait été tel de la part des princes, que le roi avait connu par la publicité qu'ils lui avaient donnée, la lettre qu'ils lui avaient adressée, avant qu'elle lui fût parvenue.

Le comte d'Artois s'était rendu à Pilnitz, sans en demander l'autorisation, Monsieur et lui avaient, sans l'aveu de leur frère, de celui qu'ils devaient tenir pour leur maître, sollicité l'intervention de l'empereur d'Autriche et du roi de Prusse.

Comment, écrivait Louis XVI, pourrait-on supposer, quelles que fûssent les affirmations faites à cet égard, que l'on eût commis de pareils actes contre sa volonté. L'homme d'honneur qu'était le malheureux prince s'indignait qu'en lui donnant l'apparence d'accepter la Constitution et en même temps de solliciter l'appui de l'étranger pour la détruire, on lui enlevât l'estime des honnêtes gens.

Louis XVI n'admettait pas qu'un prince pût porter la guerre dans son royaume, avec l'appui de forces étrangères; il considérait qu'un pouvoir rétabli avec un pareil concours demeurerait précaire.

Le Souverain, dont l'infortune a voilé les mérites, avait, sur ses adversaires de droite et de gauche, l'avantage d'être exempt de toute passion autre que celle du bien public. Esprit mesuré, ses actes prouvent qu'il était aussi éloigné de la routine que de l'utopie, aussi bien en matière économique que dans l'ordre politique. C'est ainsi qu'appréciant exactement la situation, il indiquait aux princes qu'ils se méprenaient sur l'état de l'esprit public, que le peuple aimait la Constitution, qu'il en attendait son bonheur.

Que le jeune comte d'Artois eût agi avec la légèreté que devait conserver le vieux roi Charles X, on ne saurait s'en étonner. Monsieur, au contraire, avait encouru une lourde responsabilité en s'associant à des actes de révolte effective, si funestes à son frère. Ce prince, devenu Louis XVIII, si entiché fût-il de son droit divin, sût composer avec des nécessités constitutionnelles.

Il est d'usage courant de considérer que Louis XVI a péché par faiblesse, peut-être serait-il plus exact et plus juste d'adresser

(1) Lettre conservée aux Archives nationales, section des rois K-163.

plutôt ce reproche aux assemblées successives, complaisantes et apeurées devant la dictature si nettement visée par Faure, de la municipalité et des sections de Paris.

Du jour où les premières atteintes à l'Ordre public, où les crimes contre les personnes étaient demeurés impunis, avaient été parfois glorifiés, l'oeuvre de la Révolution avait été compromise.

Pour s'en tenir à la Convention, on voit, au cours du procès du Roi, les inquiétudes des représentants, et tous n'étaient pas des modérés, au souvenir des massacres de septembre. Il était arrivé de rappeler, en empruntant le langage de l'époque, månes des victimes n'avaient pas été vengées ».

« que les Lous XVI avait été vers la fin du procès séparé de sa famille et l'objet de misérables vexations. La Convention faisant droit à sa demande, avait décidé de mettre fin à ces mesures odieuses. Cette décision, adoptée sans débat, devint l'occasion d'un incident violent. Tallien prit la parole pour déclarer que la mesure serait appliquée, si la Commune le permettait. Pétion se précipita à la tribune et protesta avec indignation contre la prétention d'une autorité pouvant méconnaître celle de la Convention.

La conduite de la presque unanimité des représentants de la Seine-Inférieure conservant, en se pliant à des entraînements de parole, un sang-froid courageux, contrastait avec le délire subi par un trop grand nombre de leurs collègues. Nos conventionnels. représentaient bien le caractère de modération sensée de leurs commettants. Ceux qui ont connu, grâce à leur âge, quelque témoin de la Révolution, savent combien sont exactes les indications fournies par M. le président Chanoine-Davranches, dans son œuvre de grand intérêt et de haute portée, la Vie sociale à Rouen, pendant la première partie de la Révolution 1789-1798.

Grâce à notre savant concitoyen, il demeurera établi que la sagesse de nos pères avait su atténuer les effets de la Terreur parmi nous. On regrette d'avoir à constater que la mesure si louable observée, ne s'étendit malheureusement pas au respect de la liberté religieuse.

Les hommes que n'aveuglait pas absolument la passion révolu tionnaire avaient, au cours des longs débats poursuivis par la Convention pour le procès du Roi, tenté de faire envisager les conséquences d'un attentat contre la personne royale, au point de vue des relations avec les puissances étrangères.

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