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sha « ce qui », littéralement : « possession de »; comparez le génitif m'ta' ou b'ta' de l'arabe vulgaire; de même, les désinences hamitiques t et n formant des verbes passifs et réfléchis, sont des racines usitées dans le sens de «< être », ce qui n'est nullement le cas des préformantes sémitiques du niphal et du hitpaël. Un exemple curieux d'identité trompeuse nous est donné par le préfixe i, ya de la troisième personne, masculin, qui est commun aux deux familles linguistiques en question, sans cependant qu'il existe le moindre rapport entre eux le préfixe hamitique a pour origine le verbe a qui, du sens propre de dire, nommer >> a passé à celui de être », tandis que le préfixe sémitique présente la contraction du verbe h-w-y qui n'a que le sens de « être ». Suivant moi, la parenté des langues ne réside pas uniquement dans les procédés gram. maticaux, ni dans la conformité syntactique qui sont des phénomènes purement psychologiques, mais il faut encore qu'aux procédés formatifs. se joigne l'identité primordiale du vocabulaire; or, sous ce dernier rapport, la divergence entre les langues sémitiques et les langues hamitiques est aussi grande que possible, car les très rares coïncidences comme ham. mou, aman et sém. máy « eau » ne peuvent pas entrer en ligne de compte. Comme conclusion de ce qui vient d'être dit, on ne se trompera pas beaucoup en soutenant que la patrie des Sémites n'est pas hors de la région où on les trouve aux époques historiques et que nos moyens d'investigation ne permettent de préciser davantage (p. 12)1.

Après avoir tracé d'une façon très nette la division des langues sémitiques en deux groupes bien définis (p. 12-16), M. N. traite de chaque langue à part. L'hébréo-phénicien ouvre naturellement la série du groupe septentrional et le savant auteur y consacre des pages intéressantes que tout le monde lira avec profit (p. 16-27). Certaines pièces de l'Ancien-Testament remontent au deuxième millénaire avant J.-C., surtout le chant de Débora (Juges V) qui éclaire vivement l'état des Israélites à cette époque. L'exil de Babylone marque la dernière floraison de l'hébreu ancien. Au retour de l'exil, l'hébreu recule peu à peu devant l'araméen, la langue officielle de l'administration perse. Au temps de Néhémie, les enfants juifs parlaient un langage hybride, moitié hébreu, moitié asdodéen, c'est-à-dire araméen. Dans le mémoire que j'analyse, M. Noeldeke, invoquant deux légendes de monnaies. d'Asdod, déchiffrées par M. Hoffmann, avait soutenu que cent cinquante ans après Néhémie on parlait encore de l'hébreu pur dans cette ville, mais sur les observations que je lui ai faites par lettre relativement à l'impossibilité du déchiffrement proposé, M. N. m'a autorisé à annoncer qu'il retire tout ce qu'il a écrit à ce sujet à la page 20 et qu'il

1. L'idée que les Sémites sont descendus du plateau arménien a aussi fait son temps, comme le dit avec raison M. N. (p. 9-10), mais je ne comprends pas comment on peut identifier l'Arpakschad de la Genèse, où l'élément Kschad = Kasd « Chaldée » saute aux yeux, avec l'Arrhapachitis des Grecs, l'Albaq des modernes, qui a toutes les chances d'être une dénomination d'origine perse.

se rallic à mon opinion, confirmée par l'autorité de M. Six, suivant laquelle lesdites monnaies appartiennent à la Cappadoce et portent des légendes grecques. L'extinction de l'hébreu, comme langue populaire, en Palestine, était donc un fait accompli au ive siècle avant notre ère et dès lors l'hébreu ne subsista plus que comme une langue sacrée et

savante.

Non moins important et non moins instructif est l'historique des langues araméennes, M. Noeldeke est ici sur un terrain qu'il a le mieux cultivé et fécondé par ses travaux. La description qu'il fait de la littérature et des dialectes araméens peut être considérée comme le dernier mot de la science dans son état actuel (p. 27-40). Des réserves ne sont possibles qu'en ce qui concerne un petit nombre de points, pour la plu. part d'ordre historique. Le nom hébreu Aram ne désigne dans l'Ancien-Testament que des pays voisins de Damas, et spécialement la région intermédiaire entre le Chrysorrhoas (Amana) et l'Euphrate; là était la Hârân des Abrahamides, ville située à sept journées de marche au nord du mont Galaad. L'identification d'Aram Naharaïm avec la Mésopotamie, et celle de Hârân avec Carrhae, dues à la version des Septante, ne soutiennent pas l'examen et doivent être définitivement abandonnées. De plus, il me paraît maintenant certain que les Kheta aussi bien que les habitants anciens de la Mésopotamie supérieure parlaient des dialectes phéniciens et nullement l'araméen. Les Araméens sont, suivant moi, une race méridionale dont l'habitat primitif comprenait la partie sud du désert de la Syrie, aux frontières du Hidjâz et du Nedjd, ainsi que la région maritime de la Babylonie. Bien des traits communs à l'araméen et à l'arabe, comme par exemple la dentalisation des sifflantes, les noms propres à formes mi-assyriennes et mi-arabes, la conservation du relatif zi dans certains documents, tout cela s'explique très bien par le voisinage des Assyriens d'une part, des dialectes arabes du Çafa et d'el-'Ola d'autre part. Grâce à ces traits caractéristi ques, l'araméen nous apparaît comme un idiome dans lequel s'opère régulièrement la transition des langues du nord aux langues du sud. Une autre question est celle de savoir si l'application du nom Aram à certaines parties de la Syrie n'est pas particulière aux écrivains bibliques. Les Assyriens ne connaissent d'Araméens qu'en Chaldée, aux embou chures du Tigre et de l'Euphrate; ils désignent la Damascène par un nom qui est énigmatique, mais qui doit être celui que se donnaient les indigènes eux-mêmes et n'ayant rien de commun avec l'appellation hébraïque. Il ne me paraît pas même bien certain que l'idiome national de la Damascène, avant sa soumission aux Assyriens, était réellement l'araméen. A en juger par les noms royaux, tels que Ben-Hadad, Reçin, Hadad-ezer et Rehôb, on pencherait plutôt en faveur d'un dia

1. Un premier essai de déchiffrement des inscriptions hittites a été communiqué par moi à la Société asiatique dans la dernière séance annuelle ; j'y reviendrai dans le prochain numéro de la Revue des études juives.

lecte phénicien. L'expression araméenne mise dans la bouche de Laban par l'auteur de la Genèse, xxx1, 47, ne s'oppose nullement à cette conclusion, puisque la famille de Nahor était originaire de la Chaldée, le pays araméen par excellence; mais qu'est-ce qui nous prouve qu'à une époque postérieure les Nahorides eux-mêmes, tout aussi bien que les Abrahamides en Palestine, n'aient pas adopté la langue du pays qui était restée phénicienne jusqu'à la transplantation des nombreuses colonies araméennes par les rois d'Assyrie? Dans des questions aussi obscures, un peu de scepticisme n'est pas tout à fait hors de propos.

La langue des inscriptions de l'Assyrie et de la Babylonie n'est pas encore assez reconnue dans toutes ses parties. M. N. se contente donc d'en donner une esquisse très sommaire (p. 40-42). La grande affinité de l'assyrien et de l'hébréo phénicien, en ce qui concerne par exemple les sifflantes et le relatif sha (p. 40) donne à penser qu'ils étaient en contact avant l'invasion de l'araméen dans la Mésopotamie supérieure. Depuis des époques très reculées, l'assyrien avait perdu l'usage des gutturales aleph, hê et 'aïn; celui du 'hết' s'est mieux conservé et cette gutturale ne disparaît que dans un petit nombre de racines. C'est le cas de la langue officielle, mais il se peut que certains dialectes populai res aient été plus conservatifs à cet égard. Le nom divin babylonien écrit en hébreu 'Anammalek, avec 'aïn, vient peut-être d'un de ces dialectes. Quant au nom hébreu de la Babylonie, Shin'ár, et aux noms des tribus Sho'a et Qo'a que la Bible met en connexion avec l'Assyrie (Ezéchiel, xxIII, 29), l'origine assyrienne en semble bien peu certaine. Je pense avec M. N. qu'on n'a pas encore dit le dernier mot sur la question de savoir si les voyelles finales de l'm de la soi-disant mímmation étaient réellement prononcées. Je ne vois pas ce qui oblige à admettre que la langue assyrienne ait déjà cessé d'être parlée, même avant la chute de Ninive (p. 42): l'araméen n'était pas encore prépondérant en Babylonie au temps de Darius qui employa l'assyrien dans ses inscriptions. Je pense aussi que la complication de l'écriture cunéiforme n'a pas beaucoup enrayé la propagation de la littérature. Le nombre énorme d'inscriptions publiques dans toutes les villes de l'Assyrie et de la Babylonie n'aurait pas sa raison d'être si l'on ne pouvait pas compter sur de nombreux lecteurs. Du reste, les difficultés du système cunéi forme sont bien moindres qu'on se l'imagine en jugeant uniquement d'après les lenteurs et les hésitations inévitables du déchiffrement.

En tête du groupe méridional se place l'arabe, la langue la plus riche et la plus développée de la famille sémitique. M. N. le traite avec un soin particulier et signale tous les faits qui, grâce aux découvertes récentes dans le centre de l'Arabie, ont enrichi notre connaissance de cette contrée jadis si peu connue (p. 42-54). On connaît maintenant deux

1. Il s'agit du het doux, car le Kh dur des Arabes ne paraît pas avoir existé primitivement dans le groupe des langues sémitiques du nord.

dialectes septentrionaux représentés, l'un par les graffiti du Çafâ à l'est de Damas, l'autre par les inscriptions monumentales d'El-'Ola, au sud de Hidjr, l'ancienne Egra. La première épigraphie semble se rattacher aux textes que MM. Huber et Euting ont recueillis dans le Nedjd; celle d'El-'Ola a dû anciennement être en usage dans une grande partie du Hidjâz. Ces deux dialectes ont cela de particulier qu'ils forment l'article par ha comme l'hébreu et le phénicien et non par al comme l'arabe classique. M. N. se demande si les tribus que la Bible considère comme apparentées aux Israélites: Ismaélites, Midianites, Iduméens n'ont pas parlé ces dialectes qui marquent une certaine transition de l'hébreu à l'arabe (p. 43). La grande extension desdits dialectes vers le cœur de l'Arabie semble indiquer une population plus méridionale que ne l'étaient ces tribus. Si ce sentiment se confirmait, on serait conduit, pour expliquer le fait signalé, à admettre qu'avant l'arrivée des tribus abrahamides, les indigènes du nord du Hidjâz et de l'Arabie Pétrée parlaient des dialectes phéniciens. Fait digne de remarque, les noms géographiques anciens de la Péninsule sinaïtique, tel que Edom (Idumée) « rouge », Sela' (Pétra) « rocher », Hôréb « sec », Eçion Gaber (ville située sur le golte d'Akaba), ont une physionomie hébréo-phénicienne.

Sur l'origine du peuple nabatéen il subsiste une divergence de vue entre le savant auteur et moi. D'après M. N., les Nabatéens seraient des Arabes ayant employé l'araméen comme langue littéraire; je pense au contraire, que c'étaient des Araméens ayant emprunté quelques mots aux dialectes arabes voisins. Suivant moi, la désinence ou des noms virils simples n'est pas le cas nominatif de l'arabe classique (p. 43), mais une terminaison invariable, ne se changeant jamais en î au génitif, ni en a à l'accusatif. En tout cas, il me paraît inconcevable que les milliers de pâtres et d'hommes du peuple qui ont exécuté des légers graffiti depuis le Haouran jusqu'au Sinai et à Egra, aient tous employé par pédanterie une langue et une écriture étrangères. Du reste, la forme particulière de l'idiome des inscriptions nabatéennes, montre déjà à elle seule que c'était une langue parlée et organiquement développée et non pas seulement une langue littéraire immuable.

L'arabe classique présente un problème encore plus compliqué et plus difficile à résoudre sans le secours de découvertes épigraphiques ultérieures. Les noms des localités énumérées par Ptolémée entre El-Hidjr et la Mecque ne montrent pas trace des formes caractéristiques de l'arabe propre l'article al et la désinence oun, ou du nominatif; il est évident, par exemple, que pour transcrire Egra et Iathrippa (ancien nom de Médine), les Grecs ont dû entendre prononcer ces noms Higr et lathrib et non El-Hidjrou et Iathribou. La conséquence de ce fait remarquaible est toute simple au 11° siècle après l'ère chrétienne la langue courante des villes du Hidjâz septentrional n'était pas l'arabe littéral. Cet diome régnait-il alors à la Mecque ? C'est peu vraisemblable, puisque les inscriptions de Taïf, au sud de cette cité religieuse et qui appartien

nent bien à une époque tardive sont rédigées dans le dialecte d'El-'Ola. L'habitat primitif de l'arabe classique doit donc être reculé vers le cœur de l'Arabie moyenne. Dans l'espace de 300 ans, il avait déjà acquis une telle force d'expansion qu'il a pu remplacer les anciens dialectes du Hidjâz. Au vr siècle, il est déjà la langue de la poésie et des beaux esprits aux cours des dynastes arabes de Ghassân et de Hîra, mais rien n'oblige à le considérer comme l'idiome général de l'Arabie à ce moment (p. 44) et il se peut bien que les anciens dialectes étaient encore en usage dans la plupart des contrées éloignées du Nord, surtout à Hira, dont les habitants se composaient en grande partie de tribus qualifiées de « Yéménites ». Si le poète chrétien de Hîra, 'Adi ben Zaïd, a fait des vers en arabe classique (p. 49), c'est que sa famille était originaire des Tamîm, de race Maáddite qui comprend les habitants du Yamàma et du Hidjâz. Quant aux vers arabes que les chefs des Bekr et Taghlib auraient adressés au roi de Hîra, ils me paraissent de la même fabrique qui a confectionné les poèmes attribués aux rois d'Himyar et à certain prince sassa. nide l'histoire n'a rien à glaner dans ces œuvres apocryphes. Je dirai plus loin ce que je pense du royaume de Ghassân.

M. N. s'applique ensuite à détruire plusieurs erreurs courantes au sujet de la langue arabe. Il fait voir entre autres que l'arabe classique n'était pas le dialecte propre des Koréischites. Déjà au temps de Mahomet, l'idiome parlé dans les villes du Hidjâz différait sensiblement de celui que parlaient les Bédouins, et dans lequel chantaient les poètes. Ceux-ci ont été imités, souvent très malheureusement, par l'auteur du Coran et ils ont continué à servir de modèle aux poètes des premiers siècles de l'Islamisme (p. 47). Tout à fait inexacte est l'affirmation de quelques savants que l'arabe est impropre à traiter des sujets abstraits. Au contraire, peu de langues conviennent autant à être l'organe de la scolastique. Cet avantage l'a rendu très apte aux expressions philosophiques. Pour le développement d'une véritable éloquence seulement, les règles strictes de sa syntaxe ont constitué de sérieuses entraves (p. 51). Les divers dialectes de l'arabe vulgaire remontent en partie aux différences qui distinguaient déjà les idiomes des tribus préislamiques, et bien que ces dialectes ne modifient qu'incomplètement la grammaire, il ne faut pas s'imaginer que, par exemple, des gens de Mossoul, du Maroc, de Çanáa et de l'intérieur de l'Arabie puissent se comprendre sans difficulté (p. 53).

L'ancien idiome de l'Arabie méridionale, le sabéen, ne nous est connu que par l'épigraphie. On distingue deux dialectes, le sabéen ordinaire et le minéen. Les Minéens s'étaient établis à El-Ola dans le nord du Hidjâz, où ils ont laissé des inscriptions. M. N. indique les traits distinctifs de ces dialectes (p. 549). Je doute qu'ils fussent morts longtemps avant Mahomet et il me paraît vraisemblable qu'ils ont été absorbés par l'arabe par suite du progrès de l'islamisme. Fait curieux, les écrivains Jéménites des premiers siècles de l'hégire savaient encore lire les ins

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