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ral begründen schwer ». M. Sigwart et M. Steinthal sont certainement deux penseurs distingués, deux hommes respectables par leur caractère et leurs études, qui s'accordent pour recommander les mêmes vertus et flétrir les mêmes vices dans un excellent langage. Pourtant on ne saurait rien imaginer de plus dissemblable que les points de vue auxquels ils se placent et les principes fondamentaux qu'ils assignent à la morale. M. Sigwart, malgré son respect pour Kant, est un eudémoniste résolu. « On doit affirmer, écrit-il (p. 6), que non-seulement l'eudémonisme la poursuite du plaisir en général - mais encore l'égoïsme, c'est-à-dire la poursuite du plaisir personnel, est contenu nécessairement dans toute volition humaine.. Même le sacrifice le plus désintéressé, comme on dit, pour le bien d'autrui, ou pour un but idéal, implique le retour sur soi-même, le souci de son propre bien-être ». Au contraire, M. Steinthal, disciple fervent de Platon, de Kant et d'Herbart, ne fait même pas à la morale du plaisir l'honneur d'une discussion. Le bien, comme le beau, est à ses yeux un fait primitif, irréductible, se manifestant au sujet pensant par des idées innées, aspects différents d'un même idéal idées de la personnalité morale, de la bonté, de l'union, du droit, de la perfection. Réaliser ces idées est l'œuvre de la vie morale. Cette œuvre est libre, car la liberté consiste précisément dans la faculté de se déterminer d'après des motifs moraux. Et comme les «< idées ont pour siège véritable, non le sujet individuel, mais «< le monde intelligible, l'esprit objectif » dont l'individu n'est que l'émanation, il s'ensuit que le devoir est la conformité voulue de l'homme phénoménal à l'homme nouménal; c'est nous-mêmes nous dictant la loi à nous-mêmes...

Comment se fait-il que venant de points de départ si diamétralement opposés, MM. Sigwart et Steinthal aboutissent néanmoins à des con. clusions pratiques à peu près identiques? Comment se fait-il que M. Sig. wart parvienne à ériger en lois morales obligatoires et générales les maximes empiriques qui tendent à l'acquisition du « souverain bien »> tel qu'il paraît à chacun et que M. Steinthal tire de son idéalisme nébuleux des recettes très positives pour le bonheur des familles et des Etats, un libéralisme éclairé et tolérant, un socialisme épuré, un patriotisme qui n'a rien de farouche et un laïcisme qui n'a rien de sectaire? C'est le secret de la dialectique philosophique, qui excelle à introduire dans des concepts en apparence fermés et stériles des éléments hétérogènes, des ferments invisibles qui en transforment peu à peu la substance la charité dans l'égoïsme, l'utilitarisme dans le formalisme abstrait, l'homme sociable et social dans l'homme-loup, etc., et cela si adroitement que le lecteur ne s'aperçoit de la substitution que lorsque le tour est joué et que les principes eux-mêmes s'étonnent des fruits qu'ils ont portés.

Miraturque novas frondes el non sua poma.

C'est aussi que l'humanité, sans se tourmenter des théories peut-être

vaines, et en tout cas abstruses des philosophes, a résolu depuis longtemps et continue à résoudre tous les jours les problèmes qui importent vraiment à la conduite pratique de la vie. La conscience humaine dicte les arrêts, et les philosophes rédigent les considérants.

T. R.

168. - Le chevalier Dorat et les poètes légers au XVIJI° siècle, par G. DesnoiresteRRES. Paris, librairie académique. (Perrin et Cie), 1887, in-18, orné de trois portraits.

M. G. Desnoiresterres, à qui l'histoire littéraire du XVIe siècle est redevable de quelques-uns de ses meilleurs chapitres, vient d'accrocher dans sa galerie trois nouveaux portraits en pied, ceux de Dorat, de Fanny de Beauharnais et de Dorat-Cubières, sans parler des médaillons de Colardeau, de Pezay, de Bonnard, de Bertin, de Parny, en un mot de tout le groupe que Grimm comparaît irrévérencieusement à une volière. L'auteur s'est moins attaché d'ailleurs à étudier les manifestations poétiques de cette petite école que les péripéties de leur existence littéraire et mondaine.

Si les amours y tiennent, comme de juste, la plus large place, les ambitions académiques, les déboires habituels aux auteurs dramatiques, et parfois même les déceptions ou les revirements de la politique y ont également joué leur rôle. Nous ne pouvons, on le comprendra, suivre pas à pas M. D. et reprendre un à un les douze chapitres où il a montré ses personnages aux prises avec leurs maîtresses, leurs rivaux ou leurs créanciers. Ses informations sont, comme toujours, puisées aux meilleures sources, et leur mise en œuvre a parfois tout l'attrait d'un roman. M. D. nous paraît toutefois d'une sévérité exagérée pour CubièresPalmereaux ou Dorat-Cubières. Que le poète ait plus d'une fois, comme l'on dit, retourné sa casaque, cela n'est pas douteux; mais n'est-ce pas excéder la mesure que de le traiter de « bête féroce », parce qu'il avait accepté les fonctions de secrétaire-greffier de la commune révolutionnaire du ro août, et qu'il avait, en cette qualité, écrit et signé un bon de deux brocs de vin « pour nos frères d'armes », daté du 3 septembre 1792? En vérité, le fonctionnaire ne faisait ici qu'exécuter un ordre et si son nom figure au bas d'une foule d'affiches de la même période, il n'est pas plus responsable de leur contenu que le typographe qui les imprimait. M. Ch. Monselet, dans une étude que, par parenthèse, M. D. ne cite pas une seule fois, s'est montré, selon nous, plus équitable. Cubières fut aussi éloigné d'être un monstre qu'un héros : il usa de son pouvoir pour rendre service à nombre d'amis et même d'adversaires; le témoignage formel de la Biographie Michaud, à cet égard,

1. Les Oubliés et les Dédaignés, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1858, 2 vol. in-12.

n'est point suspect. S'il a plus tard chanté la palinodie, il n'a fait en cela qu'imiter d'illustres et nombreux exemples, et s'il accepta

Ce lis qui des Bourbons est un touchant emblême,

cette distinction tardive ne l'empêcha point de mourir de misère, ou peu s'en faut. Cette réserve faite, il ne nous reste plus qu'à souhaiter à M. Desnoiresterres un meilleur correcteur pour ses épreuves, et à lui demander de mettre au jour d'autres études sur les minores du XVIII° siècle qu'il a certainement en portefeuille.

Maurice Tourneux.

169.

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Dictionnaire blographique de l'ancien département de la Moselle, contenant toutes les personnes notables de cette région, avec leurs noms, prénoms et pseudonymes, le lieu et la date de leur naissance, leur famille, leurs débuts, leur profession, leurs fonctions successives, leurs grades et titres, leurs actes publics, leurs œuvres, leurs écrits et les indications biographiques qui s'y rapportent, les traits caractéristiques de leur talent, etc., par Nérée QUÉPAT. Paris, Picard. Metz, Sidot, 1887. Un volume grand in-8, 625 p. sur deux colonnes. Prix: 20 francs.

Depuis le livre de Bégin, paru de 1829 à 1832, on n'avait pas eu de travail bibliographique d'ensemble sur le pays messin. Le volume de M. Paquet qui est d'ailleurs d'une très belle exécution - forme le digne supplément de l'œuvre de Bégin 2. Il est le fruit de plusieurs années de recherches assidues, si assidues que l'auteur a travaillé jusqu'au dernier moment à son œuvre, la tenant, pour ainsi dire, à jour, et qu'il lui a donné quatre suppléments (p. 511-565; p. 567-576; p. 577-588; p. 586-595). M. P. n'a rien négligé pour rendre ses notices précises et complètes. Pas une seule source d'informations qu'il ait laissée de côté. Il s'est mis en relation avec un grand nombre des personnes dont les noms figurent dans son ouvrage ; il a consulté à Paris et à Metz tous les documents imprimés ou manuscrits qui renfermaient des renseignements utiles à son œuvre et il les a soumis à un sévère contrôle; il

1. Les seules erreurs imputables à M. D. sont bien minimes et méritent à peine d'être relevées; il parle (p. 42) du frère de Me Dubois; c'est la conduite du père de celle-ci qui provoqua en 1765 le scandale à la suite duquel M" Clairon quitta la Comédie Française. P. 341, il attribue à Grimm un jugement de Meister. A diverses reprises, M. D. cite le nom de Ginguenée (à qui sa Confession de Zulmé eut dû valoir ici une place qui ne lui a pas été accordée). Cette orthographe inexacte est-elle du fait de l'auteur ou de ses compositeurs? Ceux-ci ont bien d'autres méfaits à leur actif: p, 105, les Pipes (1) pour les Piples, résidence du maréchal de Saxe; p. 258, Frinquelesse pour Trinquesse, le portraitiste; p. 267, Lerson pour Person; p. 310, Jobineau pour Jabineau; p. 321, Bonzon pour Bentzon; etc., etc.

2. Il n'a été tiré qu'à 600 exemplaires, dont 500 seulement sont mis dans le commerce. Les 600 exemplaires sont tous tirés sur beau papier chamois. Il n'a pas été fait de clichés et par conséquent l'ouvrage n'aura point de seconde édition; en outre il ne sera jamais réimprimé.

a dépouillé tous les recueils biographiques français, les notices individuelles, les revues littéraires, historiques et archéologiques publiées à Metz, tous les journaux messins parus depuis 1789 jusqu'à aujourd'hui; enfin il a compulsé les actes de l'état civil de Metz et fouillé les archives municipales et départementales. On trouve, par exemple, dans l'ouvrage de M. P. les noms suivants : parmi les érudits, savants, ingénieurs, professeurs, Paul Albert, Barral, Daubrée, Delesse, Gandar, Gannal, Godron, Lorédan Larchey, Mézières, Michelant, Eugène Rolland, Th. de Puymaigre, Wiesener; parmi les hommes politiques, Antoine, Bamberger, Bezanson, Bouchotte, de Bouteiller, Dornès, Frébault, de Geiger, Germain, Gisquet, Humbert, Jaunez, les de Ladoucette, Limbourg, Noblot, de Puymaigre, Rehm, Jean Reynaud; parmi les généraux, Crémer, Danner, Dichon, Durand de Villers, de Geslin, Hanrion, Innocenti 1, Jamais, Lanty, de Ligniville, de Maud'huy, Poncelet, Putz, Thomassin, de Vercly, de Vernéville, Vesco, Zentz d'Alnois, etc., etc. Les notices biographiques n'ont pas un très grand développement, mais elles contiennent des dates, des faits rigoureusement exacts et méthodiquement groupés, des détails précis, sans appréciation politique d'aucune sorte, souvent aussi des passages entiers, empruntés à la critique impartiale et compétente. L'auteur a donné le plus grand soin à la partie bibliographique. Il note, suivant l'ordre chronologique, les brochures, les plaquettes, les articles de journaux avec autant d'exactitude que les gros ouvrages en plusieurs volumes. C'est ainsi qu'il mentionne la plupart des comptes-rendus donnés à la Revue critique par un de nos collaborateurs; ainsi qu'il énumère toutes les productions de M. Charles Abel (p. 2-5), toutes les publications de Bégin (p. 32-35), de M. Prost (p. 409-414), de M. Th. de Puymaigre (p. 418422), d'E. de Bouteiller (p. 63 65) et de M. Fr. Bonnardot qui n'est pas originaire de la Moselle, mais qui s'est spécialement occupé de l'histoire de cette région » (p. 51-52), tous les travaux si nombreux de M. Daubrée (p. 111-122), les plus beaux vitraux sortis des ateliers de Maréchal (p. 328-329). Il cite, à la suite de chaque notice, les ouvrages, brochures et articles à consulter. M. René Paquet avait déjà bien mérité de la science historique et du pays messin par son Histoire de Woippy, par ses Recherches sur la Grande-Thury, par son recueil de Chants populaires messins, par une bonne étude sur La Mettrie, que M. Du Bois Reymond a mise à profit. Son nouvel ouvrage comptera parmi nos meilleures biographies provinciales, et il faut souhaiter que tous les tra vaux de ce genre soient rédigés avec autant de conscience, de scrupule et de savoir que le Dictionnaire biographique de l'ancien département 1. M. Innocenti a communiqué à l'auteur une relation de ce combat de Chellala qui a été si mal jugé par les journaux.

2. L'auteur reproduit intégralement la brochure du général Didion sur Poncelet (1869) et la substitue à la notice de la Biographie Bégin qui s'arrête à l'année 1831. 3. Comme la notice du général Didion sur Poncelet, comme le jugement de René Ménard sur Maréchal.

de la Moselle, M. Paquet dit de Bégin que ses œuvres attestent l'étendue de son érudition et un grand attachement pour son pays natal; on peut lui décerner le même éloge, en ajoutant que son Dictionnaire, si exact, si minutieux, si complet surtout pour la partie bibliographique, est bien supérieur à l'ouvrage de son devancier 1.

A. C.

CHRONIQUE

FRANCE. Notre collaborateur, M. P. de NOLHAC, vient de publier dans le dernier numéro du Giornale storico della letteratura italiana un article intitulé Pétrarque et son jardin, avec quatre pages inédites du poète.

- M. Ferdinand BRUNETIÈRE a publié une troisième série de ses Etudes critiques sur l'histoire de la littérature française (Paris, Hachette. In-8°, 326 p.`; ces études sont au nombre de sept : Descartes et la littérature classique 'p. 1-28); De quelques travaux récents sur Pascal (p. 28-62); Le Sage (p. 63-120); Marivaux (p. 121187); L'abbé Prévost (p. 189-258, une des études les plus neuves et les plus intéressantes que renferme le volume); Voltaire et Jean-Jacques Rousseau (p. 259-290, où M. B. indique sur quels points le livre de M. Maugras gagnerait à être complété); Classiques et romantiques (p. 290-326, à propos du « Romantisme des classiques », de M. Em. Deschanel).

- Le volume que M. Albert SOREL a consacré à Montesquieu dans la nouvelle collection des « grands écrivains français » publiée par la librairie Hachette, vient de paraître (in-8°, 174 p.), et renferme dix chapitres. I. Caractère de Montesquieu. II. Les Lettres persanes. III. Le monde, le Temple de Gnide, l'Académie, les voyages. IV. Les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, le dialogue de Sylla et Eucrate. V. Plan et composition de l'Esprit des lois. VI. L'Esprit des lois, les lois politiques et les gouvernements. VII. L'Esprit des lois, les climats, les lois civiles, le droit des gens, les lois économiques, la théorie des lois féodales. VIII. Critique et défense de l'Esprit des lois, dernières années de Montesquieu. Son influence en Europe sous l'ancien régime. Ses vues sur le gouvernement français. IX. Montesquieu et la Révolution. X. Postérité de Montesquieu dans la politique et dans l'histoire. Montesquieu et la critique.

I. Voici, au passage, quelques observations: p. 12, lire Landesausschuss et non <«< Landessauchuss »; p. 166, on regrettera de trouver si peu de détails sur Fischer, voir les Mém. de Dumouriez, I. 2, qu'il valait peut être mieux citer que le général Susane; p. 264, lire Wasserbillig et non « Wasserbilling », Maxence et non << Maxens »; p. 302, Clarke et non « Clarcke », p. 303, autant qu'il nous en souvienne, M Limbourg a fait au lycée de Metz un cours de droit et d'économie politique; p. 348, il fallait citer la deuxième édition des Récits de l'invasion de M. Mézières ; p. 447, on ne lit pas que Saint-Hillier commanda la place de Thionville; p. 452, voir sur Schauenbourg, pour plus de détails, notre Invasion prussienne, p. 212; P. 494, pourquoi n'avoir pas donné les titres des thèses de M. Thionville et dire de celles de M. M. Thirion qu'elles sont très remarquables ?; p. 516, ajouter à l'art. Villers le recueil de lettres publié par Isler (Hambourg, 1879; cp. Revue critique, 1880, no 36, art. 186); p. 592, M. Michelant, quoique né à Liège, méritait une notice plus étendue et toutes ses publications ne sont pas signalées.

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