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même qui sert de point de départ à M. Kalkmann. Or ce principe est-il suffisamment démontré? On peut faire à M. K. quelques objections, que nous allons brièvement indiquer.

Il nous est impossible de voir autre chose qu'un procès de tendance dans l'assimilation de Pausanias aux sophistes de son temps. Les exemples de supercherie littéraire signalés par M. K. sont incontestables: il est certain que beaucoup d'écrivains du 11° siècle, pour ne pas remonter plus haut, ont voulu faire illusion à leurs lecteurs, en se servant des formules mensongères dont se moque Lucien. Mais qu'est-ce que cela prouve? Le mensonge adopte précisément le langage de la vérité, et, parce que des écrivains fantaisistes ont employé certaines formules, faut-il croire que personne n'ait pu les employer de bonne foi? Si Elien peut être convaincu de mensonge, quand il dit eidov ou beacáp.evos cida, les mêmes mots ne peuvent-ils être pris à la lettre dans Pausanias?

Quant à l'imitation d'Hérodote, elle est flagrante; mais une préoccupation littéraire de ce genre ne peut-elle pas se concilier avec un voyage réel? M. Wernicke a récemment mis en lumière les principaux emprunts faits par Pausanias à Hérodote 1; il n'a pas été jusqu'à nier les voyages de Pausanias. N'arrive-t-il pas constamment qu'un voyageur peu lettré, voulant écrire ses impressions de voyage, s'inspire des écrivains qui avant lui ont su mieux voir et mieux peindre?

D'autre part, dire que Pausanias n'a pas interrogé les indigènes, parce qu'effectivement ce qu'il a appris d'eux se trouvait déjà dans des livres, est-ce faire un raisonnement juste? Prenons quelques-uns des exemples cités par M. Kalkmann. Au livre V, ch. 6, § 2, Pausanias raconte qu'il a cherché en Messénie et en Elide les ruines de la ville. d'Aréné, et qu'il n'a pu recueillir à ce sujet aucune indication précise; mais il incline vers l'opinion de ceux qui assimilent Samicon à l'ancienne ville dont parle Homère, et il appuie cette opinion sur ce fait, que près de Samicon est un fleuve qui répond bien à l'indication fournie par Homère : ἔστι δέ τις ποταμὸς Μινυήϊος εἰς ἅλα βάλλων ἔγγυθεν Αρήv. Or la même assimilation se trouve déjà dans Strabon 2. Il y a donc, dit M. K., une forte présomption pour que Pausanias n'ait fait qu'utiliser et copier Strabon, en se donnant l'air, aux yeux du lecteur naïf, d'avoir examiné lui-même et discuté sur place ce problème géographique. Comment accorder beaucoup de valeur à de pareilles hypothèses? Ne voit-on pas que si Strabon a cherché par lui-même à identifier l'emplacement de l'antique Aréné, d'autres avaient pu le faire avant lui, comme Pausanias a pu tenter après lui la même recherche? La géographie homérique a dû de tous temps préoccuper les Grecs, et il ne devait pas être rare, au 1er ou au ne siècle de notre ère, de rencontrer en Grèce, jusque dans les plus petits villages, des hommes empressés à faire auprès des voyageurs l'étalage de leur science archéologique, en même

1. C. Wernicke, De Pausaniae studiis Herodoteis, Berlin, 1884.

2. Strabon, VIII, 346.

temps que les honneurs de leur pays. - Au livre VI, ch. 24, §9, Pausanias, décrivant l'agora d'Elis, parle d'un monument en forme de temple, qui ressemblait à un tombeau, et il ajoute les gens du pays ne disent pas de qui est ce tombeau, « εἰ δὲ ὁ γέρων ὅντινα ἠρόμην εἶπεν ἀληθῆ λόγον, Ὀξύλου τοῦτο ἂν μνῆμα εἴη ». Or Strabon (X, 463) parle d'une statue d'Oxylos à Elis. Qui ne voit, dit M. K., que Pausanias a imaginé d'attribuer à ce vieillard d'Elis une hypothèse qu'il avait faite luimême, d'après le passage de Strabon, ou qu'il avait trouvée toute faite dans l'une de ses sources? - Cette explication ingénieuse aurait sans doute quelque valeur, s'il était prouvé que Pausanias n'a pas voyagé; mais c'est là précisément la question, et dès lors de pareils arguments ne prouvent rien. J'en dirai autant du raisonnement que fait M. K. à propos des récits merveilleux rapportés par Pausanias, de ces napáda qui se trouvaient, nous dit-on, réunis dans des recueils. Parce que ces ma páca étaient ainsi publiés dans des livres, est-ce une raison pour que la tradition locale les eût oubliés? Pausanias n'a-t-il pas pu les recueillir sur place, dans les endroits mêmes où les avaient déjà trouvés les auteurs de ces recueils?

Enfin l'absence de détails précis, de descriptions pittoresques, d'impressions de voyage dans le livre de Pausanias ne permet en aucune façon de supposer qu'il n'a pas parcouru la Grèce. Nous devons prendre l'œuvre de Pausanias pour ce qu'elle est: n'y cherchons ni les aventures d'un touriste, ni les notes topographiques et ethnographiques d'un géographe, ni les observations d'un moraliste : c'est une description des principaux temples de la Grèce, faite par un admirateur pieux de la religion et de l'art antiques, et voilà tout!

Les objections qui précèdent ne tendent pas à prétendre que Pausanias n'ait employé absolument aucun livre pour rédiger son ouvrage. Telle n'est pas notre pensée, bien au contraire sur plus d'un point, les recherches savantes de M. K. nous paraissent aboutir à des résultats fort vraisemblables. Ce qui nous semble encore contestable, c'est l'opinion qui représente Pausanias comme un simple sophiste, comme un compilateur qui se dissimule sous le masque d'un périégète. Sur ce point, les raisons générales et les discussions de détail de M. K. ne nous ont pas pleinement convaincu, et certains faits, qu'il est inutile de rappeler ici, parce qu'ils ont été cités bien des fois dans ces derniers temps par MM. Brunn, Schubart et Purgold, subsistent incontestablement, qui prouvent que Pausanias a souvent vu par lui-même les sanctuaires qu'il décrit: nous ne pouvons donc pas, avec M. Kalkmann, lui refuser entièrement l'autorité d'un témoin oculaire.

Am. HAUVEtte.

199. Cartulaire de Mulhouse, par X. MOSSMANN, archiviste de la ville de Colmar. Ouvrage couronné par la Société industrielle de Mulhouse. Strasbourg, Heitz, Colmar, Barth, t. III-IV, 1885-1886, VII, VIII, 589 p. in-4. Prix du volume: 25 fr.

Nous avons rendu compte des deux premiers volumes du Cartulaire de Mulhouse dans la Revue du 1er juin 1885. Depuis, deux nouveaux volumes, de dimensions plus considérables encore, sont venus s'ajouter à leurs aînés et montrer avec quel zèle et quel entrain M. Mossmann se consacre à l'œuvre capitale d'une carrière scientifique et littéraire déjà longue. Les premiers tomes embrassaient les six premiers siècles de l'histoire de Mulhouse; leurs successeurs ne nous présentent, dans leurs 1,200 pages, que les documents relatifs aux trente dernières années du xv° siècle et aux quinze premières du siècle suivant. C'est que, pour cette époque, les documents abondent dans les archives alsaciennes et suisses, se rapportant non-seulement aux évènements contemporains d'une importance majeure, mais aux mille et mille épisodes de la vie féodale d'alors et de ses incessantes querelles. C'est d'abord, dans le troisième volume, le tableau des luttes de Mulhouse contre les seigneurs. voisins, vassaux de la maison d'Autriche, puis ses rapports, pacifiques ou hostiles, avec la puissance bourguignonne qui tend à remplacer un instant, en Haute-Alsace, l'hégémonie des Habsbourgs. Dans le qua trième volume, nous assistons au dénouement de cette crise, qui semblait devoir mettre fin à l'indépendance de Mulhouse, englobée dans le Sundgau, alors que Pierre de Hagenbach, le grand-bailli de Charles le Téméraire, guette la petite ville libre et croit déjà la tenir. La fin subite de Hagenbach, puis les victoires de Granson, de Morat et de Nancy qui se succèdent, délivrent Mulhouse de ce danger; mais il reparaît sous une forme nouvelle. Maximilien d'Autriche, le gendre et l'héritier du Téméraire, convoite à son tour ce petit territoire, perdu dans les possessions héréditaires de sa famille. Il lui fait offrir sa « protection perpétuelle » par lettre du 11 mai 1502 (IV, 393), mais Mulhouse n'éprouvant aucune envie d'aliéner son indépendance, et l'empereur revenant sans cesse à ces propositions de tutelle amicale, la ville, pour y échapper, finit par signer avec Bâle, sa plus proche voisine, un traité d'alliance. perpétuelle, le 5 juin 1506. Elle prépare de la sorte son entrée dans la Confédération helvétique, qu'elle réclame auprès des Eidgenossen en août 1514 et que ceux-ci lui accordent par le traité de Zurich, signé le 19 janvier 1515. Le 1er juillet suivant, le magistrat de Mulhouse prête le serment solennel qui le rattache « à perpétuité » aux cantons helvétiques et bientôt les citoyens de la ville libre scellent cette alliance de leur sang en combattant aux côtés des fameux lansquenets suisses, dans la plaine de Marignan. C'est à cette date de septembre 1515 que s'arrête le tome quatrième.

On voit qu'il y a, dans ces nouveaux volumes du Cartulaire, bien des matériaux intéressant l'histoire générale de l'époque et l'histoire particu

lière des Etats différents de l'Europe centrale. Mais ce qui nous a le plus captivé c'est le mot propre ce ne sont pas ces documents d'une portée plus générale, ce sont les nombreuses pièces, disons mieux, les dossiers se rapportant à certaines querelles locales, avec les seigneurs voisins de Mulhouse, avec les bandes d'aventuriers qui désolaient alors la Haute-Alsace, et qui nous permettent d'entrer dans le vif des mœurs d'alors, dans tous les détails de l'existence urbaine et rurale des gens du xve siècle, et nous procurent, pour ainsi dire, la sensation immédiate du passé. Il y a là une mine féconde à exploiter, soit pour des tableaux strictement historiques, soit pour des récits fictifs, à la Walter Scott, le jour où la mode reviendrait aux romans d'histoire sérieux. Nous citerons les nombreuses pièces relatives à la guerre déclarée à Mulhouse par Conrad Kueffer, varlet du chevalier Frédéric de Montreuil (14661467); les pièces relatant l'enlèvement d'une jeune fille de Cernay par quatre bourgeois de Mulhouse (III, p. 22-31); le récit des aventures des députés de la ville, Nicolas Rüsch et Conrad Wockenstein, se rendant aux conférences de Bâle (III, p. 133-137); le Journal de ce qui se passa dans la guerre de Mulhouse, du 29 mai au 18 juin 1468, et la continuation, d'août 1468 à avril 1470 (III, 235 suiv.; III, 450-456); l'attentat de Frédéric zu Rhein sur le juif Isaac de Mulhouse (IV, p. 215226); la curieuse enquête sur les méfaits d'un chef de bandes, nommé Ulrich Traber (IV, p. 231-249), etc.

Dans un autre ordre d'idées, nous relèverons encore le Règlement militaire des bourgeois de Mulhouse, entrant en campagne, en 1467 (III, p. 40-42); la lettre par laquelle Pierre de Hagenbach offre à la ville la protection de Charles le Téméraire, en 1473 (IV, p. 95-100); la correspondance de Maximilien Ier avec Mulhouse pour l'engager à prendre part à la guerre contre la France (III, p. 381-385); enfin les très curieux rapports de Jean-Oswald Gamshart, greffier de la ville, sur ses missions diplomatiques auprès de Maximilien d'Autriche, en 1505 (IV, p. 420-424) et du pape Jules II, en 1513 (IV, p. 474-496).

Ayant.exposé longuement, dans notre premier compte-rendu, le plan de l'ouvrage de M. M. et l'agencement matériel du Cartulaire, nous n'avons pas besoin d'y revenir ici. Disons seulement que l'auteur, désireux de perfectionner son travail, a joint à chacun des nouveaux volumes des suppléments, renfermant des pièces découvertes depuis, surtout aux archives de Strasbourg, et de nombreux errata pour les textes du tome premier et second. Nous n'avons qu'un seul regret à exprimer au sujet de l'index; nous l'avions formulé déjà dans notre premier article, et nous devons y revenir ici. M. M. a rédigé son ouvrage en français, d'où découlait pour lui l'obligation de mettre dans son répertoire des noms de personnes et de licux, la forme française de ces noms, qui dans ses textes mêmes, se rencontrent toujours sous leur forme allemande, souvent très dissemblable et parfois même absolument méconnaissable. Nous lui proposions alors de parer à cet inconvénient en pla

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çant dans l'index la forme véritable, autochthone, de ces noms, sauf à y joindre un renvoi à la désignation française. De la sorte, tout le monde aurait été content, mais j'ignore pourquoi M. M. n'a point voulu faciliter de la sorte la tâche d'un certain nombre au moins des travailleurs qui voudront utiliser son Cartulaire. On ne peut demander vraiment à quelqu'un, qui n'a pas vécu toute sa vie au milieu des chartes alsaciennes, comme le savant archiviste de Colmar, de savoir, par * exemple, que Habkuzhen (III, 148, 160, 194) est Habsheim; Yltzich (III, 178, 180, 181) Illzach; Sanen (III, 203) Gessenay; Judenhin (III, 235) Didenheim, etc. Comment deviner qu'il faut chercher Pusabontz (IV, 491) sous Poggibonsi; Dietrichsbern (IV, 474) sous Vérone, et Pfeydt sous Faido? Je n'ai pas réussi, pour ma part, à retrouver dans l'index la localité de Perlysin (IV, 492). Or le répertoire d'un Cartulaire, c'est personne ne l'ignore la partie capitale de l'ouvrage, au point de vue pratique s'entend. Ce qu'on n'y trouve pas du premier coup, n'existe pas, ne peut pas exister pour l'immense majorité des érudits, qui n'ont pas le loisir de feuilleter de nombreux volumes pour y découvrir un nom de lieu ou de personne 1. Il est fâcheux qu'un travail si soigneux à tous égards, et digne de tant d'éloges, prête, à ce point de vue, à des critiques que je ne puis m'empêcher de trouver légitimes 2. Je sais bien que M. M. pourra répondre qu'il met la forme française des noms de lieux et des personnes, dans le sommaire placé en tête de chaque pièce de son Cartulaire et qu'on n'a qu'à l'y chercher; mais c'est encore là un travail d'identification qu'on ne peut demander à tout le monde et d'ailleurs il y a des documents, et des plus importants, où les noms de localité ne sont nullement tous indiqués dans les sommaires 3. Si, par impossible, M. M. songeait jamais à refondre en une table. générale des matières les répertoires spéciaux de ses différents volumes, je l'engagerais vivement à tenir compte des observations qui précèdent ; cela ne grossirait guère le nombre de ses pages ni surtout la somme de son labeur personnel.

Au début de l'impression de son travail, il y a cinq ans, M. M. an

1. Notons encore en passant que Heitwiller [Heidwiller] (IV, 179) manque à l'index; après le nom de Berenfels, Hans de, il faut ajouter encore le no 1146; après celui de Ruttenstock, le n° 1191. Le nom de Kolner, Hans (IV, 286), est imprimé Kelner au répertoire; Au vol. III, p; 453, figure un Purlin, et p. 455, un Burlin; rien n'indique que ce soit le même personnage et cependant Burlin figure seul au répertoire. Au vol. III, p. 571, je lis dans l'index: Songern, localité inconnue. Je puis me tromper, mais je comprends autrement que M. M. la pièce 1155 où se rencontre ce nom, qui me semble être celui d'un bourgeois ou d'un allié de Soleure, der zu Songern « le sire de Songern ». — IV, 452, on désirerait connaître le sens du nom propre Eglifurern; est-ce le nom d'une localité?

2. Dans les sommaires, au moins, il faudrait conserver toujours la même orthographe aux noms propres; ainsi, pourquoi appeler (IV, 563) Zoigler le bourgmestre de Bâle, qui jusque-là est toujours nommé Zeigler?

3. Par exemple dans les comptes de voyage du greffier Gamshart, lors de son ambassade à Rome.

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