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nonçait à ses souscripteurs que l'ouvrage serait complet en quatre volumes. Depuis les matériaux se sont accumulés entre ses mains à tel point, que le dernier paru ne va que jusqu'en 1515, et qu'il lui reste de quoi remplir encore deux nouveaux volumes, pour mettre au jour l'ensemble des pièces réunies sur l'histoire de Mulhouse, jusqu'au moment de sa réunion à la France. Il espère que les hommes de bonne volonté, dont le concours a rendu possible, dans une certaine mesure au moins, l'exécution de ce grand travail, lui prêteront encore leur concours bénévole pour le mener à bonne fin. Il serait vraiment honteux qu'il pût en être autrement, et que la réussite matérielle d'une œuvre capitale pour l'histoire de Mulhouse et de l'Alsace, pût être mise en question, quand il s'agit d'une cité si riche dans le présent et si justement fière de son passé! Nous souhaitons vivement que M. Mossmann se trouve bientôt à l'abri de pareilles inquiétudes et qu'il puisse continuer, avec la même rapidité que le passé, et terminer heureusement cette œuvre monumentale élevée à la gloire de sa ville d'adoption.

R.

200. Vie de Monseigneur Henry de Belsunce, évêque de Marseille, par le R. P. dom Théophile BÉRENGIER, bénédictin de la Congrégation de France, Paris et Lyon, Delhomme et Briguet, 1887, deux volumes in-8 de x1x-453 et 407 pages.

Il fut un temps où les bénédictins français se livraient avec ardeur aux travaux historiques; ils avaient nom Mabillon, Montfaucon, Martène, Louvard, Calmet, etc.; quelques-uns d'entre eux étaient peut-être jansénistes ou gallicans, peu importe, tous ont mérité l'estime et l'admiration de la postérité. Le XIXe siècle a changé tout cela; on ne s'en aperçoit que trop en lisant la vie de Belsunce publiée cette année même par le bénédictin dom Bérengier. L'auteur de cette monographie en deux volumes a des prétentions à la science: il parle d'archives et de documents tout comme un bénédictin du siècle dernier, et il est heureux de dire (p. xiv) qu'il a cède un peu, comme tant d'autres, à ce goût si vif de notre temps pour tout ce qui tient à l'inédit ». Mais quelle science! et comme on serait tenté de conseiller à ce bénédictin les occupations plus modestes et plus lucratives de quelques-uns de ses confrères qui, du moins, ne distillent pas de venin!

En effet, dom B. entend l'histoire d'une façon toute particulière : dès la première page de son livre, il met flamberge au vent contre ceux qui ont «< outragé la glorieuse mémoire » de son héros, contre les « démagogues et radicaux partisans des funestes principes de 1789 », contre les « jansénistes, gallicans ou parlementaires » coupables de n'admirer pas sans réserve l'ex-jésuite Belsunce qui a bataillé toute sa vie pour la plus grande gloire des Jésuites et de Marie Alacoque. Il

s'attend, dit-il ingénûment, à être attaqué, mais par qui? Par des sectaires dont les accusations nécessairement très « sottes » ne sauraient l'émouvoir; il sait fort bien qu'on ne pourra lui opposer que des « pamphlets odieux », et il a conscience de les avoir réfutés d'avance.

La question du jansénisme a surtout le privilège de mettre dom B.. hors des gonds; il lui a consacré, au début même de son livre, une étude spéciale, une Introduction historico-théologique qu'il considère comme un « flambeau » destiné à éclairer tout l'ouvrage. Je ne suivrai pas dom B. sur ce terrain; il connaît si mal l'histoire de Port-Royal qu'il ne saisirait pas la portée de mes critiques. On ne discute pas avec un historien qui ne sait même pas écrire les noms de Fontaine et d'Arnauld (il confond ce dernier avec Arnaud de Baculard 1) et qui ressasse des calomnies mille fois détruites, comme celle des Monita secreta du Jansénisme, document inédit découvert en 1667 par le P. Rapin, et plus tard, en 1740, par l'évêque de Montpellier, Charancy, alors qu'il était imprimé en 1654 et réduit à néant par Pascal, dès 1656, dans une de ses immortelles « Menteuses 2 ».

Je laisserai donc absolument de côté ce qui concerne la « lutte doctrinale de Belsunce » et ses attaques contre des auteurs morts depuis 40 ans ou contre des évêques dont il avait été le subordonné très humble, dont il avait même accepté les bienfaits; arrivons à l'histoire proprement dite, et relevons quelques-unes des erreurs, quelques-unes des habiletés du nouvel historien.

Dom B. nous apprend que Belsunce voulait être jésuite, mais qu'il dut renoncer à son projet, et quitter «< ce saint institut » parce qu'il était affligé d'une maladie « assez pénible et difficile à guérir en communauté » (I, 20). Pourquoi laisser ainsi le champ libre à des interprétations malveillantes? Pourquoi ne pas dire simplement que Belsunce avait alors la gale? C'était au XVIIe siècle, si nous en croyons Thomas Corneille, une maladie aristocratique; dans certaines familles on considérait comme bâtards ceux qui ne l'avaient pas, et l'on pouvait s'en voir affligé sans recevoir le nom de brebis galeuse, réservé aux partisans de Port Royal. Je signale ce détail en passant pour montrer le procédé constant de dom B. Il prétend (p. xv) qu'il s'est toujours « défié de cette tendance au panégyrique qui est presque naturelle à tous les biographes; mais depuis le commencement de son livre jusqu'à la fin, il n'a qu'une préoccupation, exalter son héros; et pour cela, tantôt il passe sous silence tout ce qui ne pourrait pas entrer dans le panégyrique d'un saint, tantôt il fait subir aux textes des modifications que la

1. Ailleurs (I, 146), il cite les Epitres et Evangiles pour toute l'année par Praland (Paris 1705); c'est un ouvrage du P. Quesnel, publié chez le libraire Pralard. Au reste, dom B. est on ne peut plus malheureux quand il s'agit de bibliographie; on pourrait relever au moins CENT UNE bévues dans la liste des écrits de Belsunce qu'il donne à la fin de son livre.

2. V. à ce sujet la Revue historique de M. Gabriel Monod (année 1878, p. 196); la question s'y trouve traitée avec de grands détails.

critique a l'habitude de qualifier sévèrement. Ainsi (I, 164) dom B. cite le fragment suivant d'une lettre autographe de Belsunce au Régent: << Si j'ai peut-être paru vif dans cette affaire, ce n'a été que par des motifs de conscience et de religion; cette prétendue vivacité cesse dès que ces mêmes motifs ne subsistent plus. » Il fallait citer le commencement et la fin de cette lettre de soumission aux ordres du Régent: « L'envie de plaire à V. A. R.... Je n'ai pas de plus forte passion que celle d'obéir à vos ordres. » Il fallait surtout parler des circonstances dans lesquelles la lettre fut écrite : il s'agit d'une adhésion donnée par Belsunce du «<< meilleur de son cœur » aux Explications du cardinal de Noailles sur la bulle Unigenitus. L'évêque de Marseille contresigna cet écrit avec cent autres évêques, sauf à dire plus tard qu'il avait agi à contre-cœur, et c'est la seule fois que ce prélat ait fait preuve de tolérance dans la discussion. Dom B. ne dit pas un mot de cette affaire, et c'est apparemment pour n'avoir pas à déplorer une défaillance de son héros.

En revanche, il s'évertue à laver sa mémoire d'une accusation de défaillance bien autrement grave, car il s'agit de la conduite de Belsunce durant la peste de 1720. Dom B. raconte longuement les évènements de cette affreuse année; il nous apprend même les causes morales qui ont amené le fléau, et l'une des causes physiques qui l'ont aggravé. La peste a eu pour cause les mœurs dissolues des Marseillais, et le jansénisme public ou caché de quelques-uns d'entre eux (I, 79); les grands feux que la municipalité fit allumer dans les rues pour purifier l'air « ne firent qu'augmenter la mortalité (I, 230). Le rôle des médecins qui vinrent de Montpellier à Marseille et celui de Belsunce sont appréciés de la manière suivante (I, 233): « Pendant que les médecins les plus dévoués, comme les Verny, les Bertrand, les Chycoineau, les Peysonnel, ne s'aventuraient plus dans les hôpitaux et les infirmeries qu'avec ce luxe de précautions (masque de maroquin avec des yeux de cristal, énorme nez en forme de bec de corbeau ou de perroquet tout rempli de parfums, etc.), Belsunce se mêlait aux morts et aux mourants sans en prendre aucune, etc. » C'est tout simplement le contraire de la vérité. Si dom B. avait lu le Journal de Pichatty qu'il paraît si mal connaître, il aurait vu (p. 124) comment se conduisaient les médecins de Montpellier, Chycoineau, Verny et Deidier: « Ils approchent des malades, dit Pichatty, de sang-froid, sans répugnance et sans précaution; ils s'asseoient même sur leurs lits, touchent leurs bubons et charbons, et restent là avec tranquillité autant de temps qu'il en faut pour se bien informer de l'état où ils sont, des accidents de leur maladie...; ils vont partout, ils parcourent tous les quartiers, ils abordent tous les malades, dans les rues, sur les places publiques, dans les maisons, dans les hôpitaux; on dirait qu'ils sont invulnéraires (sic). »

Quant à Belsunce, il prenait bel et bien de grandes précautions; il s'en allait dans les rues, c'est lui-même qui l'a déclaré, avec une « sou

tane de gros de Tours, parce que la soie prend moins que la laine,» il avait grand soin de la « relever bien haut » et de la retrousser même sous son bras; il avait constamment sous le nez une éponge trempée dans le vinaigre. Il finit même par trouver ces précautions insuffisantes, et au plus fort de la peste, alors que le fléau emportait 1,500 personnes par jour, il s'enferma dans son palais, sans communiquer en aucune manière avec ses diocésains qui le croyaient mort. Cette séquestration volontaire dura de 15 à 25 jours, durant lesquels périrent plus de 20,000 pestiférés. Dom B. contestera-t-il la vérité de ces assertions? J'ose espérer que non, car il cite, non sans les tronquer, quelques passages d'une lettre de Belsunce, datée du 4 septembre 1720, où se lisent les lignes que voici : « Le spectacle et l'odeur des cadavres dont les rues sont pleines m'ont empêché de sortir DEPUIS NOMBRE DE JOURS (mots omis par dom B. 2), ne pouvant soutenir ni l'un ni l'autre. J'ai même demandé un corps de garde pour empêcher que l'on ne mette encore des morts dans les rues qui m'environnent... (I, 246.)

Le 14 septembre, il sortit de l'évêché « le soir » et alla loger chez le Premier Président Le Bret; et puis, quand la contagion eut sensiblement diminué, quand il n'y eut plus dans les rues ni cadavres ni malades, quand on eut constaté dans les hôpitaux mêmes de nombreux cas de guérison, il fit les processions que tout le monde connaît, et il leur attribua sans hésiter la diminution du fléau 3. J'avais donc raison de dire ici même, en 1884, ce qui a si fort scandalisé dom B., que Belsunce ne doit pas confisquer à son profit exclusif la gloire qu'ont méritée aussi bien et mieux que lui le bailli de Langeron, le chevalier Rose, le marquis de Pilles, les médecins de Montpellier et beaucoup d'autres encore. M. Maxime du Camp avait raison de dire que Belsunce se sentant moins fort que le fléau, abandonna tout à coup la partie, » et je doute que, malgré sa « loyauté bien connue, l'honorable académicien se fonde sur la lettre du 4 septembre 1720 pour modifier son juge

ment.

Après avoir ainsi montré, par deux ou trois exemples, quelle est la valeur historique des assertions de dom B., je ne crois pas nécessaire de pousser plus loin cette enquête; je passerai donc sous silence le vilain chapitre XIII, qui est relatif aux Oratoriens de Marseille, coupables d'avoir appelé de la Bulle Unigenitus et attiré par là une peste que les appels réitérés de Noailles, de Colbert, de Soanen et de plusieurs autres auraient bien dû attirer sur leurs diocèses respectifs. J'omets à dessein

1. Ce n'est probablement pas ainsi que le représente la statue de 1853.

2. Cette omission est grave, car elle laisse croire que Belsunce n'est pas sorti le jour où il écrit sa lettre, mais qu'il est sorti les jours précédents. La lettre en question est aux Archives de Marseille.

3. Les dates ont ici leur importance; la peste diminua sensiblement dès les premiers jours d'octobre, dit Pichatty dans son journal; le 8, il n'y avait plus de pestiférés dans les rues; le 11 on constatait des guérisons dans les hôpitaux; la grande procession de Belsunce eut lieu le 1er novembre, c'est-à-dire 23 jours plus tard.

les détails relatifs au « vénérable » Père Girard, directeur de « l'infâme » la Cadière, au saint coeur de l'Egérie de Belsunce, de cette visitandine assez héroïque pour s'écrier, elle dont le couvent n'a pas eu un seul malade : « O heureux fléau, qui doit apporter à mon Sauveur la gloire [de voir établir le culte du Sacré-Cœur]. » Tout cela n'a rien à voir avec l'histoire, non plus que l'épiscopat de saint Lazare le ressuscité, premier évêque de Marseille, ou les pèlerinages de Marie-Madeleine que les anges transportaient sept fois par jour de la Sainte-Baume au SaintPilon (I, 56). Quand on raconte sérieusement de telles choses, on emprunte l'idiome des légendes dorées ou celui des troubadours, on n'écrit pas en français.

Pour tout dire en un mot, ce livre de dom Bérengier me parait pouvoir être lu a avec édification » dans quelques réfectoires de visitandines ou de bénédictins; c'est là sa véritable place; il encombrerait inutilement la bibliothèque de ceux qui aiment l'histoire sérieuse et sin

cère.

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CHRONIQUE

A. GAZIER.

ALLEMAGNE. La librairie Teubner annonce, comme devant paraître prochainement, les ouvrages suivants : 1o Comicorum atticorum fragmenta, edidit Theod. Kock, vol. III, Novae comoediae fragmenta, pars II, et adespota; 2o Demosthenis de corona oratio in usum scholarum iterum edidit J. H. LIPSIUS; 3o Servii grammatici qui feruntur in Vergilii carmina commentarii, rec. G. THILO et H. HAGEN, vol. III; 4o Orationes ex Sallusti, Livi, Curti, Taciti libris selectae, in usum Gymnasiorum, ed. P. VOGEL; 5o M. Tulli Ciceronis Laelius de amicitia, für den Schulgebrauch erklært von C. MEISSNER; 6° Lateinische Formenlehre, von G. BROMIG.

La librairie Hettler, de Berlin, entreprend la publication d'une Germanische Bibliothek qui comprendra deux parties; la première, contenant des textes inédits ou déjà connus, importants au point de vue de la littérature et de la langue, et qui seront accompagnés d'une introduction, de notes et d'un glossaire; la seconde, renfermant des recherches sur l'histoire de la civilisation, de la littérature et de la langue des peuples germaniques. Trois ou quatre volumes paraîtront chaque année au prix de souscription de 12 mark. La première année, seront publiés : I. Orendel, par M. Arnold E. BERGER; II. Nicholas Udall, Ralph Royster Doyster, p. p. M. Ottmar HABERSANG (première série). I. Die Metrik Lessings, par M. Edouard BELLING (VI, 140 p. 4 mark, ouvrage qui vient de paraître à l'instant); II. Untersuchungen über das Beowulfepos, ein Beitrag zur Geschichte altgermanischer Sage und Dichtung, par M. Gregor SARRAZIN (seconde série.) — Sont en préparation : la légende de saint Oswald; Beowulf, édition critique avec commentaire perpétuel; Roméo et Juliette de Shakspeare; œuvres complètes de Kleist; La métrique de Goethe, etc., etc.

1. La peste de 1720 fut sans contredit le plus démocratique de tous les fléaux : sur 50,000 morts, on n'en compta pas 1,000 « au-dessus du petit peuple et de l'ar

tisan. >>>

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