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en présence de 2 COR. II, 5-11, ils écrivent ceci : « Verbum verbo reddere conabimur quo ingentes difficultates melius appareant. Et de vant ce mot-à-mot réalisé, ils s'écrient : « Quid attinet demonstrare neminem unquam tam hiulca et hiantia scribere potuisse? Quam stulta arrogantia! etc. (p. 100). Plus loin (p. 284), à propos d'un savant théologien allemand, ils émettent le vœu suivant dans lequel ils opposent leur méthode d'interprétation à la sienne : « Utinam requiescens ab omni polemicâ et apologeticâ, doctus vir Epistulam ad Galatas aliquando interpretari vellet, sive latino sermone, sive vernaculo. Modo ne paraphrastice, quemadmodum hodie solent, sed, quod fidi interpretis est, verbum verbo. » Comp. encore p. 290-291. Ainsi, d'après MM. P. et N., le seul moyen sûr de juger si un texte ancien enferme un sens admissible ou des absurdités et des non-sens, c'est de le traduire mot à mot dans une autre langue, comme le latin, ou même dans une langue moderne! Nous ne sommes plus étonné des jugements sommaires et péremptoires, des adverbes et des adjectifs vitupérants, dont leur travail est semé. Nous avons la clef de leur critique; la méthode étant donnée, le résultat ne pouvait être différent. Mais nous doutons fort que cette méthode ait jamais l'approbation des hommes qui visent à l'intelligence de l'antiquité ou d'une race éloignée de la nôtre. C'est le cas de répéter tradutore, traditore. Si le procédé du verbum verbo triomphait, c'en serait fait, nous l'avouons, des épîtres de Paul, mais nous demandons quel document grec, hébreu, chinois, arabe ou égyptien, résisterait à un pareil traitement? MM. P. et N. ne veulent pas de la paraphrase: soit, mais ne pouvons-nous pas faire un effort pour penser dans les formes mêmes d'une langue antique? S'ils avaient fait cet effort, nous osons croire qu'ils auraient jugé tout autrement les épîtres aux Galates, aux Corinthiens et aux Romains. Ils y auraient découvert une logique interne qui n'est pas toujours, sans nul doute, la nôtre, mais qui est d'une force singulière et sert de fil conducteur à tous ceux qui, convenablement préparés, s'engagent dans cette lecture. Malheureusement, les aspérités du détail, étudiées au microscope, les ont empêchés de saisir la puissante architecture de l'ensemble et l'unité de la construction entière.

2o Les observations critiques des deux savants ne sont pas désintéressées. Elles ont pour but de préparer la solution plus étrange encore qu'ils ont imaginée. Quand ils ont montré que tel morceau est inintelligible, ils le purifient, en élaguant tantôt quelques mots, tantôt de longs fragments qui ne sauraient provenir de la même main. Ils arrivent ainsi à décomposer les épîtres de Paul dans les éléments divers qui ont servi à les former. Ils en distinguent deux espèces principales : d'abord des morceaux d'une philosophie spiritualiste et rationnelle très hardie, où toute valeur est déniée à la loi de Moïse et où le culte en esprit et la foi intérieure sont substitués au culte de la lettre et des rites, culte sans attache particulière au Christ des Chrétiens, pas plus qu'à

aucune autre tradition historique : quelque chose comme « la religion dans les limites de la raison ». Ces morceaux, d'une si étonnante philosophie, proviennent, à les entendre, d'une secte juive toute spiritualiste, affranchie de toute servitude religieuse, et qu'ils nomment la secte des pneumatici. Elle était probablement antérieure au christianisme lui-même. Plus tard, au second siècle, un personnage énigmatique qu'ils nomment Paulus episcopus, préoccupé d'édification et de discipline ecclésiastique, a repris ces morceaux pneumatiques, les a adoucis, paraphrasés, expliqués en composant les lettres pastorales que nous avons aujourd'hui. Ainsi le Paul, apôtre des païens, l'adversaire des judaïsants, le théologien militant du premier âge, comme le grand missionnaire, disparaît de l'histoire et ses écrits avec lui.

Cette hypothèse vaut-elle beaucoup mieux que l'exégèse dont elle est le fruit? Le droit de faire des hypothèses est incontestable. Mais ici, comme en exégèse, il y a des règles à observer ou des conditions à remplir. Ce sont ces règles ou ces conditions qui distinguent une hypothèse scientifique d'une conjecture purement fantaisiste. Or, la première de ces conditions, c'est qu'une hypothèse ait un point d'appui résistant ou dans les faits contemporains ou dans les textes eux-mêmes. Or, celle qu'ont imaginée MM. P. et N., pour expliquer la formation des épîtres de Paul, est absolument en l'air.

Tout revient à ces deux éléments: la secte juive des pneumatici, et le Paulus episcopus du second siècle. Ce sont deux fictions historiques absolument gratuites.

Parlons d'abord du Paulus episcopus. En divers endroits et progressivement, les deux savants hollandais en ont dessiné la figure. On imagine sans peine maintenant comment ils y ont réussi. Mettant à part tout d'abord, dans les épîtres, les parties les plus hardies et les plus belles portées au compte d'un auteur juif de la secte des pneumatici, ils n'ont plus trouvé qu'un résidu d'exhortations édifiantes, un peu banales et sans mordant. De là, ils ont conclu à la physionomie paterne et doucereuse d'un bon évêque catholique, dont le plus grand mérite a été de sauver de l'oubli les beaux fragments d'un auteur juif plus ancien, en les noyant dans une sauce fade, mais propre à les faire goûter de ses ouailles. Vous demanderez où et quand ce bon évêque Paul a vécu; les deux écrivains ne nous en disent rien, et, pour ma part, je cherche vainement à caser cette figure et son œuvre à la fin du premier siècle ou durant le second; je ne sais où la mettre ni à quoi la rattacher dans l'histoire connue. Il me paraît bien, en lisant le morceau des deux critiques intitulé: de Pauli ingenio in actis apostolorum, qu'ils ont pensé rattacher leur Paulus episcopus au Paul des Actes des Apôtres. Mais eux-mêmes avouent que la concordance n'existe guère, et ils sont obligés, par une singulière ironie des choses, à plaider l'unité et la vraisemblance historique de ce portrait du livre des Actes, si inférieur par l'originalité à celui des épîtres. Voir dans le Paul des Actes un reflet

du problématique Paulus episcopus serait avouer encore que l'image est plus vivante, plus accusée, que l'original lui-même. Ainsi tout arrive à se contredire et à se confondre. Cette création imaginaire n'a donc aucun autre appui que l'exégèse de nos deux auteurs, et sera jugée comme elle...

Serons-nous plus heureux avec la seconde découverte historique de MM. P. et N., c'est-à-dire avec cette secte juive des pneumatici dont personne n'avait encore ouï parler? Si ces Juifs ont écrit les pages les plus hardies et les plus profondes de la littérature paulinienne, comme l'affirment nos deux critiques, il faut avouer qu'aux alentours de l'ère chrétienne il n'y eut pas de penseurs plus originaux et d'une portée philosophique plus haute. Ils dépassent de beaucoup Philon et son école. Mais plus ils paraissent distingués et plus leur existence devient invraisemblable, plus notre étonnement grandit de ne pas trouver d'autre trace de leur action dans l'histoire. Nos deux critiques hollandais l'ont senti, et, ici, ils ont essayé de trouver hors du Nouveau Testament des témoignages de l'existence de ces Juifs. Ils en citent deux : le premier est un passage bien connu de Josèphe (Anti. XX, 2, 4), où il est question de la conversion d'Izate, roi de l'Adiabène, par un certain marchand juif nommé Ananias. Malheureusement on ne nous le donne pas en entier et on en tire une conclusion tout à fait fausse. Ananias, par concession opportune et pour ne pas créer d'embarras au roi, son néophyte, le dispense de la circoncision. Mais est-ce qu'Izate aurait demandé d'être circoncis, si Ananias lui avait enseigné que la circoncision doit être abolie? Et n'est-il pas évident qu'Ananias, loin de nier comme Paul la valeur de cette opération, ne fait ici, selon la doctrine des rabbins mêmes de Jérusalem, que céder à la force des circonstances et aux dangers qu'il pouvait courir? Impossible de voir en ceci la doctrine profonde et radicale du paulinisme.

Un second témoignage est tiré de Strabon (page 760). Cet écrivain dit, en effet, que les commandements touchant les viandes et la circoncision n'appartenaient pas au Mosaïsme primitif, et que ce sont des superstitions surajoutées plus tard. Or, MM. Pierson et Naber veulent que Strabon rapporte ici le jugement d'une secte juive, des pneumatici. Mais c'est une pure conjecture, et, de plus, tout à fait improbable, car toute sa théorie de l'évolution religieuse, la même, d'après lui, chez tous les peuples, décèle, non pas une origine juive, mais une origine grecque et philosophique. Strabon ne pouvait avoir recueilli chez les Juifs les données erronées qu'il transcrit en racontant leur histoire.

Donc, ce second appui s'évanouit avec le premier, et les pneumatici doivent aller rejoindre le Paulus episcopus, ayant tout juste la même réalité que lui.

Nous nous sommes un peu longuement arrêté aux Verisimilia, qui méritent, on le voit, fort mal ce nom, non pas seulement parce que c'est un ouvrage curieux, mais surtout pour montrer, par cet exemple, où va

se perdre la critique historique lorsqu'elle s'affranchit des règles essentielles qu'elle doit s'imposer dans l'exégèse des textes anciens et dans la construction d'hypothèses nouvelles. Elle ne fait plus de la science, elle fait de la poésie et crée des légendes moins belles et beaucoup moins sérieuses que celles qu'elle veut dissiper. C'est la moralité qu'il faut tirer de l'aventure des deux savants hollandais, et par laquelle il nous paraît surtout que de ce long travail peut sortir quelque profit pour la science.

A. SABATIER.

226. Archives historiques de la Gascogne. Fascicule douzième. Comptes consulaires de la ville de Riscle de 1441 à 1507 (texte gascon), publiés pour la Société historique de Gascogne, par Paul PARFOURU, archiviste du Gers, et J. de CARSALADE DU PONT. Tome premier, 1441-1484. Paris et Auch, 1886, in-8, LXXIV et 343 pages.

La collection des Archives historiques de la Gascogne est bien connue des érudits méridionaux ; le premier volume a paru il y a quelques années à peine, et déjà elle compte 12 fascicules, presque tous excellents et des plus précieux pour l'histoire du nord-ouest de la France. On doit citer notamment les Documents inédits sur la Fronde (éditeur, de Carsalade du Pont); les Documents relatifs à la chute de la maison d'Armagnac-Fézensague (éd. Paul Durrieu); le Voyage à Jérusalem du seigneur de Montautx (éd. Tamizey de Larroque); les Chartes de coutumes de la Gascogne toulousaine (éd. E. Cabié); les Archives de Lectoure (éd. P. Druilhet), enfin le présent volume. Sept ou huit nouveaux fascicules sont sous presse ou attendent leur tour d'être livrés à l'impression; encore quelques années, et on aura une véritable bibliothèque de 25 à 30 volumes, non moins intéressants pour l'histoire politique de la France tout entière que pour celle de la province de Gascogne. Il est à souhaiter que la Bibliothèque languedocienne, dont on annonce la prochaine publication à Toulouse, marche aussi bien et aussi vite; pour l'instant, on peut comparer les Archives de la Gascogne aux meilleures publications analogues: Archives du Poitou, Société de l'histoire de Normandie, Analecta Divionensia, etc. Les directeurs de la collection ont tenu à ne négliger aucune des parties du vaste territoire composant l'ancienne Gascogne, et à traiter successivement les différents points de son histoire. Aux institutions municipales on a déjà consacré deux bons volumes, ceux de MM. Cabié et Druilhet, qui sont venus heureusement compléter la publication, ancienne déjà et assez défectueuse, des Coutumes de Gascogne de M. Bladé. Les érudits qui s'occupent de ces institutions auront également beaucoup à prendre dans l'excellente publication de MM. Parfouru et de Carsalade du Pont. La préface, très nourrie de faits et très

méthodique du premier de ces deux érudits, renferme une bonne étude sur la géographie, l'administration, le commerce, l'industrie, la situation morale et politique du comté d'Armagnac à la fin du xve siècle; l'auteur a employé non-seulement les comptes de Riscle, publiés par lui, mais une foule de documents inédits conservés aux archives de la préfecture du Gers et dans les autres dépôts du même département. On doit signaler principalement dans cette étude, nourrie de faits et écrite avec une grande sobriété, les paragraphes relatifs aux états d'Armagnac, utile complément du beau travail de notre confrère Antoine Thomas, à la répartition et à la levée des tailles et autres impositions, aux affaires militaires, si importantes à cette époque troublée, au prix des denrées, etc. Tout cela est excellent et dénote des recherches étendues.

Mais on aurait tort de croire que les comptes de Riscle ne fournissent que des renseignements d'un intérêt purement local; les historiens de Louis XI, de Charles VIII et de Louis XII auront également beaucoup à y prendre. Tout évènement en effet : mouvements de troupes, passages de souverains, levée d'impôts, réjouissances et services funèbres, impose aux communautés des dépenses plus ou moins fortes, notées soigneusement par les comptables. Or le pays où est située la petite ville de Riscle, principalement sous Louis XI et sous Charles VIII, fut le théâtre d'évènements importants; la féodalité méridionale y livre son dernier combat à Lectoure; un peu plus tard, la restitution des domaines d'Armagnac au dernier héritier de cette maison, Charles, est un des faits les plus saillants de la régence d'Anne de Beaujeu; pour tous ces faits, les comptes de Riscle fournissent mille renseignements détaillés, bien des dates précises. Il serait à souhaiter que l'exemple de MM. Parfouru et de Carsalade du Pont fut imité par les érudits languedociens; la publication, même partielle, des comptes de Toulouse, de Montpellier, de Narbonne et d'Albi rendrait les plus grands services aux historiens français, et fournirait des bases sûres pour la critique des chroniqueurs.

Le volume des comptes de Riscle fait grand honneur aux deux éditeurs; M. Parfouru a établi le texte et écrit l'introduction citée plus haut; M. de Carsalade du Pont s'est chargé de l'annotation, très copieuse et riche en renseignements empruntés à des sources inédites, souvent d'un difficile accès. On ne peut que souhaiter le prompt achèvement de cette utile publication; le tome II renfermera les comptes de 1485 à 1524, et probablement une table alphabétique, complément indispensable d'un tel recueil.

A. MOLINIER.

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