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227.

Recherches sur le poète Claude de Buttet et son Amalthée, par Eugène RITTER, doyen de la Faculté des lettres de Genève. Genève, librairie Georg, 1887, in-8 de 32 p.

M. Ritter rappelle d'abord que Claude de Buttet, longtemps négligé de tout le monde, même de Sainte-Beuve, qui l'avait seulement nommé, en passant, d'après Pasquier, et sans l'avoir lu, a été grandement dédommagé d'un aussi long oubli dans ces dernières années. On a donné deux éditions de ses poésies, l'une à Lyon, avec une introduction par A. Philibert-Soupé, professeur à la faculté des lettres de cette ville (N. Scheuring, 1877), l'autre à Paris, avec une notice du bibliophile Jacob (Jouaust, 1880). Peu de temps après, MM. Aug. Dufour et François Rabut publièrent, dans le tome XIX des Mémoires de la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie (1881), un poème inédit de Claude de Buttet en 905 vers: Ode à Madame Marguerite de France, duchesse de Savoie. De plus, le comte Amédée de Foras a rédigé (Armorial et Nobiliaire de l'ancien duché de Savoie) la généalogie de la famille de Buttet, encore aujourd'hui florissante; M. Théophile Dufour, dans un excellent travail fourni aux Mémoires de la Société d'histoire de Genève (t. XIX, 1877), a fait connaître le testament du poète et quelques autres actes notariés où son nom figure; enfin le comte d'Oncieu de la Batie a tiré du livre de raison de Jean de Piochet de Salins les éléments d'une Note instructive (Mémoires de l'Académie de Savoie, t. X, 1884) sur l'auteur d'Amalthée, qui était le cousin et l'ami d'enfance du seigneur de Salins. M. R., utilisant tous ces travaux et coordonnant avec autant de soin que de sagacité les indications que les vers de Buttet nous offrent pour retracer l'histoire de sa jeunesse, a raconté cette histoire avec beaucoup plus de précision qu'on ne l'avait fait jusqu'à ce jour.

On savait, par le témoignage de Jacques Peletier du Mans et par un renseignement indirect de Buttet lui-même, qu'il était né à Chambéry, mais la date de sa naissance était restée incertaine et flottante. Un des documents publiés par M. d'Oncieu permet de la fixer à quelques mois près c'est l'épitaphe que Jean de Piochet avait composée pour son cou. sin et où il nous apprend que le poète, le jour de sa mort (10 août 1586) n'avait pas encore 56 ans complètement révolus. Il était donc né dans les derniers mois de 1530, ou dans les premiers de 1531. Sa mère, Jeanne-Françoise de la Mare, était fille du syndic genevois Jean de la Mare. C'est à la cour de France qu'il passa toute sa jeunesse et qu'il rencontra la beauté qu'il a célébrée sous le nom d'Amalthée. M. R. montre que ce n'était pas du tout une Iris en l'air, comme l'a cru le professeur Philibert-Soupé; et il établit que l'on doit placer en 1550 environ le moment où Buttet s'est épris d'Amalthée, jeune fille de grande fortune et de rang élevé, probablement de la suite de la reine Catherine de Médicis. Il retrouve dans les sonnets du poète les étapes de son amour, et, à l'aide de rapprochements ingénieux, il cherche à

reconstruire tout le petit roman que Buttet aurait voulu couronner par un bel et bon mariage. A ce propos, l'habile critique combat, s'appuyant sur la chronologie, une hypothèse qui a obtenu beaucoup trop de succès 1: sur la foi de deux sonnets mal compris, on a identifié Amalthée avec Jacqueline, fille unique de Sébastien, comte d'Entremont, et de sa femme, Béatrix de Pacheco, laquelle Jacqueline épousa en premières noces (16 février 1561) Claude de Bastarnay, comte du Bouchage et baron d'Anton, mort à la bataille de Saint-Denis (10 novembre 1567), et en secondes noces (25 mars 1571) l'amiral de Coligny.

Claude de Buttet revint dans sa province natale après le mariage du duc de Savoie avec Marguerite de France (9 juillet 1559. « Il avoit honnestement de quoi », nous dit son ami Jean de Piochet, « oncques ne fut marié ». Il mena l'existence d'un gentilhomme campagnard qui a du goût pour les lettres et vécut ainsi doucement pendant 25 ans, ne quittant guère la Savoie que pour aller de temps à autre à Genève 2, où l'appelait l'administration des biens-fonds qu'il avait hérités de son oncle de la Mare; et c'est là que, suivant l'expression de M. Ritter, « la mort le surprit au seuil de la vieillesse 3 ».

On trouvera bien d'autres curieuses particularités dans la brochure, et sans parler d'une note sur les éditions de l'Amalthée, où sont complétées les indications du bibliophile Jacob, j'y signalerai la riche série des citations relatives au savoir peu commun de Buttet, citations empruntées à Ronsard, à Belleau, au seigneur de Coudray (sonnet publié par M. d'Oncieu), à La Croix du Maine, à Louis de Richevaux, et à Jean de Piochet, lequel déclare en son Livre de raison que le seigneur de Buttet estoit très docte de toute science, mais surtout excelloit en la géomancie, faisant des preuves quasi miraculeuses, sans touttes foys aucune superstition.

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T. DE L.

1. Cette hypothèse, qui a été présentée en 1845 dans un article (signé Reynaud) du Courrier des Alpes, journal de Chambéry, a été acceptée par M. Jules Philippe (Des gloires de la Savoie) et développée par M. Victor de Saint-Genis (Histoire de Savoie, t. II, 1869).

2. M. Philibert-Soupé a parlé (Introd., p. x1) de « quelques excursions probables du côté de Paris ». C'est une conjecture sans fondement, dit M. R., qui ajoute que le poète ne fit qu'un petit voyage à Lyon, pour y faire imprimer la seconde édition de son Amalthée.

3. Les héritiers de Buttet firent transporter son corps à Chambéry, où il fut enterré dans l'église, aujourd'hui détruite, de Notre-Dame de l'Observance.

228.

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La lettre N du Dictionnaire de l'ancienne langue française, par F. GODEFROY. Paris, Vieweg.

7o Article.

La lettre N n'a fourni à M. Godefroy (récolte qui me paraît assez maigre) que la matière d'un seul fascicule, d'où l'on pourrait encore retrancher un certain nombre de mots restés dans la langue moderne, comme nettoyeur, nubileux, nuptial, une grande partie de l'article noveleté et particulièrement celui de notonnier qui est absolument inutile. Je me trompe nautonnier, ère, adj., qui est relatif à la marine, à la navigation, devait trouver place dans le Dictionnaire, mais c'est justement ce qui a été oublié. On ne trouve pas nasard, celui qui a un grand nez, nafre, blessure (navre, autre forme de ce mot, est suivi d'un seul exemple), naulager, naie ou née, sorte de mesure pour le charbon et le bois; nage, courant, nacelle, petite corbeille, vase en métal, nacaireur, naquareur, celui qui joue du nacaire, naudin, sot, niais, qui est resté comme nom propre; nasé (un alambic nasé), nariniere et nasipurge, remèdes pour purger le cerveau, nabile, navigable, se nater, se préparer à, s'empresser de, naquissement, naissance, natural, chose, objet : « Ahi chités! font-il, saintisme natural! » Il y a lieu de s'étonner que M. Godefroy, dans ses immenses et nombreuses lectures, n'ait point rencontré negocier (negotiari), faire un travail quelconque, nerver, mettre une corde à un arc, nerval, nerveux et qui sert contre les maladies de nerf; negocieux, celui qui est affairé et aussi embarrassant, difficile; neuchu, noueux, neanteux, de néant. Citons encore: neffre lèvre, nigromancer, nigromant, nivelet sorte d'outil ou d'instrument aratoire? nectareux et nectarin, niveter = jouer, folâtrer, nielleux, nidoreux qui vient de nideur, niaud qui a le même sens que nieu, nitidité pureté, éclat, niller nicher. Nover que ainsi que novercal et novercalement ont été omis par M. G., et pourtant le premier est fort usité dans tout le xve et le xvie siècle; on pouvait aussi trouver des exemples de nonnetier au sens d'épinglier, et de navigature avec celui de navigation.

Dans le vieux français la particule négative non fait corps, comme l'on sait, avec beaucoup de substantifs et d'adjectifs; un bon nombre de ces composés manquent ici, comme nondigneté, nondigne, nonperissable, nonvouloir refus, nonpur, nonfeal, nonsiantre (à) = à l'insu, par ignorance, nongreit = mauvais gré, nonpuisable = inépuisable, nonjustice, noncreance et quelques autres. Noterie, connaissance (il est venu à ma noterie plusieurs choses, etc.), nombrilleux, rond, nucament, fleur ou feuille faite en manière de longue coquille, nublée, nuage, noncée, annonce, nonciateur, nogranier? nourrisserie, chambre de nourrice, (xive s.). mot auquel Molière a donné un sens nouveau, mais qu'il n'a pas forgé, comme le croyait Littré; nutritive, nourriture,

nuitant, obscur, nuiteux, nocturne, nuitier, garde de nuit, nominateur, nominable, novelesce, nouveauté, noctivage, nourrissonne, nourrice, terme encore usité dans quelques endroits du nord de la France; nonantin, nonagénaire, notement, note, remarque, noloboys, peut-être bois taillis, noos, tripes de morue tous ces vocables et bien d'autres ont échappé à M. Godefroy.

Quelques inadvertances, pour ne pas dire quelques bévues, se sont glissées çà et là. Par exemple, sous le mot noe marais, on lit ce passage:

Assez avez oï parler

Comme Renart soleit enbler

Les gelines costans de noes.

M. G. a eu tort de s'en rapporter à l'éditeur Hippeau qui interprète : <«<les gelines cotoyant les marais. Il y a ici une allusion à une historiette du Roman du Renart : il faut lire Costant Desnoes, nom d'un vilain qui figure dans ce Roman, v. 8623, de l'édition Méon. Ces sortes de méprises sont trop fréquentes dans le Dictionnaire; ainsi sous. marchois marécage, est cité un exemple tiré de Gui de Bourgogne où ce mot a le sens de « monnaie de la Marche ». Ailleurs domenche, qui est une forme variée de domesche apprivoisé, est expliqué par <«< barnache », sorte d'oiseau, claverie = recette, par « fabrique de clous », baudas Bagdad par « joie, allégresse ». Ce sont là des fautes à corriger dans le supplément. Navetast ou navetat ne signifie point <<< chaume », mais « paille de colza »; quant à nicole, mot suivi de cet exemple :

=

Et ot hueses d'antiquité

Au ploi de nicoles pelees

Et dures et ensanglantees.

Il faut l'expliquer par «< étoffe ou drap de Lincoln ». On sait que le nom de cette ville est généralement écrit Nicole dans la plupart de nos trouvères, dans Rutebeuf, entre autres. Le nom de la ville, ce qui n'est point rare, a fini par désigner l'un de ses produits.

Ces quelques critiques ôtent peu de chose à la valeur et au mérite du Dictionnaire de M. Godefroy. Il laisse bien loin derrière lui le Glossaire de La Curne que M. Brunetière, dans un article sur le Dictionnaire historique de l'Académie (Rev. des Deux-Mondes, 1er avril 1887) a qualifié d'« excellent, d'admirable ». Ce jour-là M. Brunetière avait oublié la valeur des épithètes.

A. JACQUES.

CHRONIQUE

FRANCE. — M. l'abbé RoufF, professeur au séminaire de N.-D.-des-Champs, vient de publier une traduction française de la Grammaire grecque de Ernest Koch, << mise au courant des travaux les plus récents de la philologie ». Cette grammaire a été composée à l'usage des classes supérieures et des candidats à la licence et à l'agrégation. Il suffira, pour en faire apprécier la valeur, de rappeler que M. O. RIEMANN, dans une courte préface qui ouvre le volume, a mis en relief l'excellence de la grammaire elle-même et l'heureuse adaptation que M. Rouff a su en faire. C. E. R.

La librairie Alphonse Picard vient de faire paraître une nouvelle publication de M. Henri OMONT, Fac-similés de manuscrits grecs des xve et xvIe siècles reproduits en photolithographie d'après les originaux de la Bibliothèque nationale. Ce recueil, absolument nouveau dans son genre, contient 50 planches qui présentent une page d'autant de copistes. Comme l'auteur l'observe avec raison, les publications analogues qui ont précédé celle-ci ne donnent qu'un nombre très limité de spécimens des écritures grecques de la Renaissance. Neuve et originale à ce point de vue, sa collection offre au lecteur français cet intérêt particulier que plusieurs des copistes, dont la main y est représentée, ont travaillé aux gages de plusieurs princes et autres grands personnages appartenant à notre pays. Les planches, classées dans l'ordre alphabétique des noms des copistes, sont précédées d'un texte où ces copistes sont l'objet d'une notice courte mais substantielle, terminée par la description du manuscrit auquel est emprunté le fac-similé, et par l'indication du texte qu'il renferme. Tous les paléographes salueront avec joie et reconnaissance l'apparition de cet élégant recueil, exécuté avec un soin qui fait le plus grand honneur à notre jeune et infatigable collaborateur. C. E. R.

- Lettres de la reine de Navarre. Suivant l'usage italien, M. Pierre de NoLHAC vient de faire hommage d'une plaquette à M. André Pératé, son camarade à l'Ecole française de Rome, et à M Marguerite Fabre, à l'occasion de leur mariage célébré le 6 octobre. (Lettres de la reine de Navarre au pape Paul III per le nozze PératéFabre, Versailles, imprimerie Cerf, petit in-8° de 12 p.) Dans sa jolie dédicace aux jeunes époux, M. de Nolhac leur présente ainsi sa plaquette : « Voici quelques pages d'une reine au nom charmant, cette Marguerite des Princesses, qui fut vraiment, pour la grâce, l'esprit et la noblesse du cœur, la perle de notre Renaissance ». Le petit recueil se compose de quatre documents inédits extraits des Archives de Parme (Carteggio Farnesiano): trois lettres de Marguerite, la troisième écrite en commun par la reine de Navarre et par Henri d'Albret, son mari, et une lettre en latin de l'illustre diplomate Georges d'Armagnac, alors évêque de Rodez et futur cardinal. Les lettres de Marguerite sont très agréablement tournées et la spirituelle princesse avait bien tort de craindre « d'ennuyer » Sa Sainteté (p. 8). Une de ces lettres est relative au portrait de Vittoria Farnèse, petite-fille de Paul III, que ce pape voulait marier à Claude de Lorraine, comte d'Aumale. Dans la lettre de Georges d'Armagnac, autographe comme les trois autres, il est question de ce projet de mariage qui souriait plus à la cour de Rome qu'à la maison de Lorraine. La précieuse plaquette de M. de Nolhac n'a été tirée qu'à soixante exemplaires. — T. de L. - La Satyre des Satyres. — M. A. FABRE, qui s'est voué à l'étude spéciale de la littérature du XVIIe siècle et qui, après nous avoir donné d'excellents travaux sur Fléchier, nous donnera très prochainement un piquant travail sur Les Ennemis de

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