Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[ocr errors]

231. Eug. MUNTZ. Les antiquités de la ville de Rome aux XIV' XV¢ et XVI siècles; topographie, monuments, collections, d'après des documents nouveaux. Paris, 1886, E. Leroux, in-8 de 176 pp., avec 4 pl. et plusieurs gravures intercalées.

Parmi les érudits, on trouve ceux qui, sans cesse à la recherche de documents inédits, les publient sans en tirer ce qui peut servir à l'étude de l'archéologie. Parallèlement il s'en rencontre d'autres qui, ne voyant que les monuments, les étudient, les classent et les datent par des comparaisons empruntées exclusivement à ceux-ci; ils dédaignent souvent les textes. Les uns et les autres rendent de signalés services au troisième larron qui sait se servir des textes et des monuments. L'érudit le plus complet est celui à qui ses connaissances permettent de chercher luimême les témoignages écrits et de juger les faits archéologiques. C'est le cas de M. Müntz, l'un des plus infatigables fouilleurs d'archives et qui est, en outre, l'un de ceux auquel l'art italien et celui de la Renaissance sont les plus familiers.

L'ouvrage dont nous venons de transcrire le titre est un précieux travail sur l'étude de la topographie de la ville de Rome, à l'époque de la Renaissance, et sur le sort qui fut fait aux monuments antiques depuis la fin du xv" siècle.

M. M. commence par résumer tout ce qui touche à l'histoire de la topographie romaine; il donne le dessin et la description d'un plan peint dans les Heures du duc de Berry, et énumère ceux qui ont déjà été publiés. Il parle ensuite de ce que les peintres ont emprunté soit à la topographie, soit aux monuments de Rome pour accompagner leurs œuvres; à cette occasion, il reproduit une curieuse fresque de l'église Saint-Augustin de Gemignano, jadis décrite succintement par lui à la Société des Antiquaires de France.

Arrivant aux monuments antiques, M. M. donne le texte du voyage de Bernard Bembo en 1504; celui d'un voyageur anonyme français de la fin du xviR siècle, décrivant en détail les murs et les portes de Rome; cette description est complétée par une copieuse collection de notes inédites, prises dans les archives et relatives aux travaux faits à ces murs et portes depuis le pontificat de Martin V jusqu'à celui de Paul III; à la suite, on trouve des indications du même genre pour le Capitole et plusieurs autres monuments.

Nous appelons l'attention sur le chapitre qui traite du vandalisme; il ne faut pas se figurer, en effet, que les papes respectassent strictement tous les souvenirs de l'ancienne Rome. A côté de brefs qui défendaient la démolition des édifices encore debout, on en voit qui autorisaient la destruction de ruines utiles à conserver; nous savons, par notre propre expérience, combien il est facile, lorsque l'on désire détruire un monument encore entier, de faire croire qu'il est sur le point de s'écrouler; pour avoir de beaux matériaux tout prêts, on a toujours « fait des ruines ». Mais à côté du vandalisme dont il ne faut pas faire un re

proche exclusif aux papes, alors qu'en France, à cette heure, nous voyons certains faits dont on peut rougir-l'homme aime assez démolir M. M. nous révèle, avec textes à l'appui, de nombreux détails de nature à réjouir le cœur de l'archéologue; ce qui a rapport au groupe de Laocoon et à sa découverte, à la statue de Cléopâtre, etc.; aux collections particulières, aux fouilles faites officiellement, aux bustes, statues envoyés à l'étranger, aux travaux entrepris au Mausolée d'Hadrien, etc.

La table détaillée qui termine ce volume prouve, par son étendue, quelle richesse de matériaux on est sûr d'y trouver.

M. Müntz donne prise à la critique sur un seul point. Il a été trop avare de notes. Il lui appartenait, à lui mieux qu'à tout autre, de fournir quelques commentaires moins rares aux textes qu'il publie le premier.

A. DE BARTHÉLEMY.

232. Lettres inédites du roi Henri IV à Monsieur de Villiers, ambassadeur à Venise (1601), publiées d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale, par Eugène HALPHEN. Paris, librairie des bibliophiles et H. Champion, 1887. In-8 de 60 pages. Tiré à 72 exemplaires.

Le nouveau recueil de M. Halphen se compose de onze lettres écrites par le roi Henri IV, du 11 janvier 1601 au 27 septembre de la même année. Ces lettres, publiées avec un soin qu'il est superflu de louer, la réputation de M. H. comme éditeur étant faite depuis longtemps, renferment des passages fort intéressants. Le 11 janvier, le roi de France rappelle en ces termes (p. 1) la modération dont il a usé : « Les advantages et prosperités que mes armes assistées de la grâce de Dieu et de la justice de ma cause m'ont donnés sur le duc de Savoie, m'ont plustost augmenté que diminué la volonté que j'ai tousjours déclaré et demontré par mes actions avoir au repos de la crestienté. » A la page suivante, Henri IV se plaint de n'avoir pu réussir, malgré toutes ses concessions, à satisfaire le cardinal Aldobrandin, neveu du Pape : « Et toutesfois il fault que je vous dise avec regret que je n'ay peu contenter led. Cardinal, lequel s'est monstré si partial pour le duc de Savoie, que j'ay tout occasion de m'en plaindre. » Reproduisons une curieuse appréciation (Lettre du 27 février, p. 14) de l'affaire du comte d'Essex : « J'ay icy depuis deux jours eu advis d'un accident advenu en Angleterre qui y pourra mettre de la brouillerie, et affin que vous le compreniez mieux, je vous envoie l'extraict de la lettre que m'en a escrite mon Ambassa. deur, par où vous jugerez que le comte d'Essex et ceux de sa partie sont en grand danger de paier de leurs testes la faute qu'ils ont faicte, qui est grande pour le dessein, et n'est guere moindre en l'exécution. Mais pour cela la Royne d'Angleterre ne laissera pas d'en demeurer en

D

grande peine, car, cela lui arrivant sur la vieillesse de son aage et de sa fortune, il est pour en advenir de périlleux effects... » 1. Citons encore une tirade remarquable par la fierté de l'accent contre les Espagnols qui auraient voulu attaquer Genève (Lettre du 24 avril 1601, p. 20): « Il en succedderoit aultant de l'entreprise de Genève s'il [le roi d'Espagne] la faisoit, car elle est comprise aud. traicté de Vervins, soubs le nom général des ligues de Suisses leurs alliés et confederés, elle est aussi en ma protection particulière, ainsi qu'il a esté déclaré aux légats et ministres de sa Sté, et à elle mesmes faisant led. traicté et celui de Lyon, et hazarderois de rechef en tel occasion ma couronne et ma propre vie pour en empescher l'effect. Je me confie tant de la prudence et bonté de sa Sté, qu'elle ne se laissera jamais aller à chose qui me remette aux armes avec led. Roy, car il en arriveroit plus de mal à la religion crestienne qu'elle ne recevroit d'avantage de la ruine de lad. ville de Genève, l'entreprise de laquelle seroit encores très douteuse et incertaine, quoyque discourent ceux qui veullent croire que sa Sté et led. Roy d'Espagne en soit d'accord. Lesquels s'abusent aussi grandement, quand ils s'imaginent qu'il en arriveroit après l'execution, comme de la démolition du fort Ste-Catherine, car il faudroit conter avec moy, qui recevrois mal volontiers tel payement... ».

On trouve à la fin de l'excellent petit recueil le procès-verbal de réception de Philippe Canaye, sieur de Fresnes, successeur de Villiers, document par lequel ce dernier clôt son registre d'ambassade.

Espérons que M. Halphen trouvera encore quelques gerbes dans le champ où déjà il a tant et si heureusement moissonné.

T. DE L.

233. - Le Développement de la Constitution et de la Société poli tique en Angleterre, par E. BOUTMY, membre de l'Institut, directeur de l'Ecole libre des sciences politiques. Paris, 1887, Plon et Marescq aîné. Un vol. de 348 pp. Prix: 3 fr. 5o.

Il n'y a guère, depuis le commencement du siècle, de pays civilisé qui ne se soit donné une constitution; il y a même des pays qui en ont pris successivement plus d'une. Toutes ces constitutions, jusqu'à celles dont l'Égypte et la Turquie ont eu la gloire éphémère, ont été plus ou moins copiées sur la constitution anglaise, qui n'étant écrite nulle part se prête

1. Henri IV revient sur ce sujet dans une des lettres suivantes (16 mars, p. 18): « Je croy que vous aurez sceu l'emprisonnement qui fut faict du comte d'Essex en Angleterre, pour une entreprise et soulevation du peuple que l'on dict qu'il a voulleu faire; son jugement lui fut prononcé le premier de ce mois, par lequel il est déclaré traistre, et condamné en une mort cruelle, et jugé ignominieusement. L'exécution en a été différée jusques au VIIe qu'il eut ceste grâce sur la peine, qu'il n'eust que la teste tranchée, dans l'enclos de la Tour où il estoit prisonnier, » Notons, de plus, deux passages curieux sur le prétendu roi de Portugal (p. 14 et p. 31).

facilement aux adaptations. Rien de surprenant par suite qu'on se soit appliqué à rechercher les origines et à expliquer la formation du système de gouvernement de nos voisins, et c'est pourquoi les histoires de la constitution anglaise sont innombrables.

Malgré tant d'ouvrages dont quelques-uns sont admirables, par Guizot, Leplay, Freeman, Gneist, Stubbs, etc., etc., les lecteurs de M. Boutmy trouveront qu'il comble une lacune. Rien, en effet, d'aussi précis, d'aussi court et d'aussi attachant à la fois, n'avait été écrit sur ce grand sujet. De plus, M. B. est impartial; son livre n'est pas, comme c'est parfois le cas pour les études de ce genre, un commentaire allégorique des évènements contemporains; il ne cherche pas non plus à démontrer, ce qui n'est pas rare encore dans ces travaux, la prééminence de telle race d'hommes sur telle autre race. Son livre a le mérite d'être un livre de bonne foi, mai n'est pas pour cela terne de couleur; il est écrit d'un style vif, brillant, catégorique qui relève le charme de cette qualité si honnête.

L'examen en un court volume d'une suite de phénomènes sociaux qui couvrent une étendue de huit siècles, de la conquête normande jusqu'à nos jours, est nécessairement sommaire, et il faut bien prendre garde, en lisant, que la série de graves et importantes affirmations qui marquent chez M. B. les jalons de la route parcourue, représentent des idées d'ensemble, des moyennes, des résultantes générales. L'espace et non la connaissance a manqué pour indiquer le détail et les exceptions. Dans l'élaboration d'oeuvres pareilles on est toujours assailli par la préoccupation des détails contraires et des phénomènes en minorité; ils vous persécutent, ils demandent place; ils menacent si on les oublie, de devenir vos accusateurs et de vous faire taxer d'ignorance ou d'injustice. Si l'on n'a pas travaillé soi-même sur ces matières, on ne peut comprendre tout ce qu'il faut de courage pour résister à ces sollicitations, négliger ces menaces et se fier à l'intelligence du lecteur qui devra comprendre qu'il a entre les mains un travail d'ensemble dans lequel on a dû, pour la clarté, arrondir les chiffres et négliger les fractions. C'est ce qu'a su faire M. B. et il faut l'en féliciter. Il écarte tout détail qui n'est que curieux et tout phénomène qui n'est qu'exception. Mais aucun des changements importants dans l'ordre social dont il retrace à grands traits l'histoire, ne lui échappe, et chacun vient à sa date pour être examiné de près ou de loin, selon les conséquences plus ou moins graves qu'il devait entraîner par la suite.

Pour la période ancienne de son sujet, M. B. recherche les causes du double « paradoxe » présenté par l'histoire de France et par l'histoire d'Angleterre : comment dans le premier de ces pays une organisation faible du pouvoir central finit par aboutir au pouvoir absolu, et comment au contraire, dans le second, une royauté de conquête, irrésistible et despotique, aboutit à un gouvernement national, bientôt démocratique. Avec beaucoup de raison, à notre avis, M. B. ne cherche

pas la principale explication de ces différences, dans des différences de races, explication par trop facile et bonne à tout faire, équivalant à un renvoi à une cause mystérieuse; il la trouve avant tout dans la dissem blance des situations et des nécessités politiques (p. 52). Peut-être même M. B. eût-il pu aller plus loin encore dans ce sens; les dernières recherches archéologiques ont porté en effet une forte atteinte à la théorie jadis si commode d'une race purement germanique par le sang établie en Angleterre. La survivance, dans de très larges proportions, de l'élé ment breton est aujourd'hui hors de doute et serait même hors de conteste si quelques esprits, et non des moindres, n'avaient vu là affaire de patriotisme et n'avaient mêlé, dans une question où il n'avait que faire, ce sentiment respectable, mais, ici, légèrement déplacé peut-être.

L'organisation de la puissance royale anglaise au moyen âge est fort intéressante à rapprocher de l'organisation française du même temps: chez nos voisins point de provinces semblables à de petits royaumes, mais seulement des comtés, divisions administratives moins grandes qu'un de nos départements actuels; point de parlements locaux, et au lieu de cela des juges de paix commissionnés par le roi et des juges errants apportant une même loi et une même justice dans tout le pays; point de ces coutumes diverses, si nombreuses chez nous que, lorsqu'on les réunit sous Henri III, au xvi° siècle, on arriva au total de 285, dont 65 principales. En résumé: « un roi fort, un baronnage faible, un royaume. homogène »; et comme conséquence une union plus étroite qu'en France entre l'aristocratie et le peuple qui luttent de bonne heure et d'un commun accord, non par générosité, mais par intérêt, pour la conquête des libertés. Le contrôle du pouvoir royal au moyen de ce Parlement qui nous est familier et qui fonctionnait avec tous ses organes principaux dès le xive siècle est le résultat de ce groupement particulier des forces nationales.

L'étude de la période plus récente dont les problèmes, posés au siècle dernier, ne sont point encore résolus et font aujourd'hui encore le sujet des débats à Westminster, présente un intérêt non moins émouvant. On voit croître à ce moment les grands domaines fonciers, les deux tiers de l'Angleterre et du pays de Galles devenir la propriété de 10,207 habitants; les deux tiers de l'Écosse, celle de 330 personnes; on voit grandir l'autorité et les privilèges de la gentry qui tend à s'attribuer le pouvoir absolu avec une persistance et une ambition égales à celle de notre noblesse, mais avec plus de clairvoyance; ce qui la sauve de la brusque catastrophe où sombra celle-ci. Ainsi que l'a très bien montré M. Taine dans son admirable Ancien Régime, toute classe privilégiée qui cesse de justifier ses privilèges par des services présents, est condamnée à mourir, et ni les lois, ni le roi, ni son propre désir de vivre et son courage ne peuvent la sauver : c'est pourquoi notre noblesse périt; et c'est pourquoi la gentry anglaise et la noblesse proprement dite de ce pays, payant en services locaux, en charités, en administration gratuite, ses

« VorigeDoorgaan »