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La toponomastique a jusqu'ici tenu peu de place dans l'étude et dans l'enseignement de la géographie, et elle n'avait pas le droit d'en réclamer davantage avant le progrès de la linguistique et de la grammaire comparée. Mais elle a droit d'espérer un meilleur avenir; les travaux qu'elle a suscités sont aujourd'hui nombreux, et une bonne part d'entre eux peuvent inspirer pleine confiance : l'ouvrage de M. E., indispensable au géographe et utile au linguiste, a le double mérite de centraliser et de passer au crible ce qui a été fait jnsqu'ici dans le monde entier, et d'attirer l'attention des géographes sur cet ordre d'études. M. Egli a bien mérité de la géographie et de l'histoire en consacrant sa vie à cette étude spéciale et en se faisant à la fois son avocat et son historien '.

Pour terminer par une critique, nous dirons que l'éditeur de ce livre est un de ces très rares libraires allemands, indifférents au progrès de l'industrie moderne, qui ne cousent pas leurs livres : c'est de la librairie préhistorique!

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H. GAIDOZ.

P.-S. Une branche plus modeste de la toponymie, mais importante par le point de départ qu'elle présente et les éléments de comparaison qu'elle fournit, est l'étude des lieux-dits et des dénominations locales (rues, chemins, quartiers, fontaines, champs, prés, bois, etc.) d'une seule commune. Nos voisins de Belgique paraissent vouloir inaugurer une série de ces monographies, et M. Godefroi Kurth, professeur à l'Université de Liége, vient de publier comme exemple et modèle à suivre, un Glossaire toponymique de la commune de Saint-Léger, 98 p. in-8° et une carte (Namur, Lambert de Roisin, 1887). Ce travail se termine par une communication faite par M. Kurth au congrès archéologique de Namur, le 17 août 1886, sur « la méthode à employer dans la confection des glossaires toponymiques. Une cuvre de ce genre avait déjà vu le jour en Espagne : Apuntes para un mapa topográfico-tradicional de la villa de Burguillos, perteneciente á la provincia de Badajoz, par M. R. MARTINEZ; forme le t. VI (1884) de la Biblioteca de las tradiciones populares españolas, publiée à Séville, à la librairie Alexandre Guichot. - Dans le même ordre de recherches, M. Maxe-Werly vient de publier un très intéressant

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1. Comme nous avions communiqué à M. Egli, pendant la rédaction de son travail, ce que nous avions de notes bibliographiques sur la matière, nous n'avons presque aucune addition à signaler. Nous ajouterons pourtant, à la p. 235, que l'éminent linguiste H. Ebel s'est occupé du nom de Berlin dans les Beitrage zur vergleichenden Sprachforschung, t. IV (1865), p. 341-344; et nous remarquerons que l'ouvrage de M. Th. Lohmeyer sur les noms des fleuves allemands (p. 210), a été l'objet d'une critique sévère dans le Literaturblatt für germanische und romanische Philologie, 1882, col. 175 et suiv. Ajoutons aussi une polémique sur l'orthographe des noms de lieux de l'Afrique centrale, entre le capitaine R. F. Burton et M. W. D. Cooley, dans The Ocean Highways de Londres (numéros de mai, juin, septembre, novembre 1873 et janvier 1874).

mémoire que montre l'intérêt général et comme la philosophie de ce sujet Reconstitution, au moyen du cadastre, de l'état ancien du Barrois aux diverses époques de son histoire: Indications que peut fournir à l'histoire, à la topographie, à l'archéologie l'étude des noms des lieux-dits, par L. Maxe-Werly, correspondant du Ministère de l'Instruction publique. (Extrait du Bulletin de la Société de Géographie de l'Est). Nancy, imprimerie Berger-Levrault et Cie, 1887; 50 p. in-8.

253. Rituale Romanum Pauli V Pont. Max. Jussu editum et a Benedicto XIV Auctum et Castigatum cum Supplemento ad usum insignis Ecclesiæ Rothomagensis Illustrissimi ac Reverendissimi DD. Leonis-Benedicti-Caroli THOMAS, Archiepiscopi Rothomagensis, auctoritate promulgatum. Rothomagi, ap. E. Cagniard, Typographum-bibliopolam, 1887.

Mgr Thomas, archevêque de Rouen, est un de ces prélats qui aiment les bons et beaux livres. C'est sous ses auspices qu'a eu lieu, à Rouen, au mois de mai dernier, dans les salles restaurées de la Bibliothèque de l'archevêché, une exposition curieuse de manuscrits et de livres ancicns. Peut-être en rendrons-nous compte ici. Il faut féliciter Mgr Thomas d'avoir confié l'impression de ce Rituel à M. Cagniard, qui en a fait un vrai bijou typographique. Le texte sur beau papier vélin, légèrement teinté, est encadré dans des filets rouges; il est d'une admirable netteté, et la beauté du caractère réjouit les yeux. Il y a encore, comme on le voit, des imprimeurs qui font un art de leur métier.

Les papes Pie V, Clément VIII, Innocent X, Paul V, Urbain VIII, Benoît XIII et Benoît XIV, avec l'aide des plus habiles et des plus savants théologiens, « accitis undequaque viris in sacra doctrina disciplinaque ecclesiastica versatis, » ont apporté, chacun, successivement, leurs soins et leur expérience à la rédaction de ce Rituel. Il a été fait, comme il est dit dans la teneur d'une lettre du pape Paul V, pour corriger les erreurs, pour mettre l'ordre à la place du désordre, pour ôter les choses inutiles et rétablir celles qui étaient nécessaires, afin que l'Église catholique ne fût pas troublée dans l'unité de sa foi, et que, partout, on usât des mêmes chants et des mêmes prières, « unum psallendi et orandi ordinem. » Les préceptes donnés aux clercs pour l'administration des sacrements tiennent dans cet ouvrage, cela va sans dire, une place importante; on y remarque un esprit de sagesse et de discrétion qui ne laisse point de prise aux railleries ou aux attaques <«< des libertins. » Il est facile de voir, qu'en face de la Réforme, l'Eglise s'est observée et s'est recueillie; je ne crois pas qu'un homme de bonne foi trouve quelque chose à reprendre aux conseils, aux recommandations que l'on adresse aux confesseurs, aux prêtres qui visitent les malades. C'est sérieusement et religieusement que l'on fait intervenir Dieu

dans le commerce et la société des hommes. De tous les chapitres qui composent ce Rituel, un seul peut-être sent quelque peu le temps passé, celui qui est intitulé : « De exorcisandis obsessis a Dæmonio. » Mais il faut s'entourer de tant de précautions pour reconnaître un obsédé, on exige tant de signes et de preuves manifestes de la présence du Mauvais, que le cas doit être introuvable. Il y a encore, il y aura toujours des fous de toute espèce, il n'y a plus d'énergumènes.

A la suite de ce Rituel, auquel mit la dernière main Benoît XIV, le pape tolérant par excellence, ennemi seulement des thaumaturges et des visionnaires, vient un supplément destiné plus spécialement au diocèse de Rouen. La partie la plus curieuse est celle qui donne les formules des bénédictions autorisées par la Congrégation des Rites. Ces bénédictions sont très populaires dans la Normandie, surtout celles des navires, des calvaires et des enfants. Cette dernière a lieu dans chaque paroisse, le dimanche ou le lundi de Pâques : on n'a pas besoin d'être un catholique fervent, il suffit seulement d'avoir du cœur, pour comprendre, ce jour-là, la beauté du Psaume « Laudate, pueri, Dominum, » quand il retentit sous la voûte des hautes cathédrales ou dans une simple église de village.

A. DELBOULle.

VARIÉTÉS

Lettre d'Anese de Viloison à D. Wyttenbach.

(B. N. Nouv. acq. lat. 168, fos 81 et 82).

A Paris, rue de Bièvre n° 22, ce 13 juillet 1800.

Monsieur et cher ami,

Votre eloge de notre savant ami Ruhnkenius', que je pleurerai sans cesse, est un chef-d'œuvre de sensibilité, de gout, d'erudition et de critique, parfaitement bien écrit, il fait autant d'honneur, Monsieur, à votre cœur qu'à votre esprit, et montre votre sensibilité profonde, comme l'étendue de vos connoissances, la pureté de votre style, et votre belle ame. Vous avez surpassé infiniment, et c'est tout dire, l'eloge que notre respectable ami avoit fait d'Hemsterhusius 2, et vous avez composé une vie beaucoup plus intéressante et instructive. Recevez, Monsieur et cher ami, tous mes remercimens de la maniere si flatteuse et si obligeante dont vous vous êtes exprimé sur mon compte, et de l'attention dont vous m'avez honoré. A ces traits je reconnois mon ancien ami.

1. Vita Davidis Ruhnkenii, auctore Daniele Wyttenbachio. Leide et Amsterdam, 1799, in.8°; Leide, 1824, in-8°; Fribourg, 1846, in-8°.

2. Ruhnkenius. Elogium Tiberii Hemsterhusii, Leyde, 1768, in-8°.

J'ai prêté votre excellent éloge, qui fait en même temps le votre, à M. Chardon de la Rochette. Il s'est offert à en rendre compte dans le Magasin Encyclopédique, où vous verrez de temps en temps quelques articles de ma façon 1. Il a du vous écrire, ou vous écrira incessamment. J'avais écrit il y a déja assez longtemps à M. Luchtmans de Leyde pour le prier de me fournir, et de m'envoyer avec la note du prix que je lui ferai tenir sur le champ les Acta-litteraria Societatis RhenoTrajectinae, tous les volumes qui en ont paru jusqu'à ce jour. Comptant sur votre ancienne amitié, je l'avais prié de vous demander pour moi un Exemplaire de votre excellente Edition de Plutarque et au neveu de feu Mr Bernard un Exemplaire de son Edition du Médecin Nonnius (sic) 2. J'avais envoyé à mon ami feu M. Bernard quelques notes pour cette Edition, et je lui avois fait avoir la collation des mss. grecs par M. Corai. Le neveu de Mr Bernard m'avoit écrit dans le temps de la terreur pour me faire part de la mort de ce grand critique. Je n'ai pas pu lui répondre, parce que c'étoit dans un moment où toute lettre en pays étranger suffisoit pour rendre suspect, et de suite faire arrêter, et peut-être même guillotiner. L'ignorance de ceux qui décachetoient les lettres étoit alors telle, qu'une correspondance sur la littérature, où on auroit trouvé des mots grecs, auroit paru fort dangereuse, et auroit pu singulièrement compromettre. C'est ce que je vous prie de vouloir bien dire à Mr Bernard, en lui rappelant que feu Mr son oncle, dont la mémoire me sera toujours fort chère, m'avoit promis le premier exemplaire de son Nonnus (sic) par amitié, et par reconnaissance des notes et des variantes que je lui avois procurées. Si par hasard Mr Bernard le neveu ne jugeoit pas à propos d'acquitter cette dette, ou ce legs, de son oncle, d'après ce que vous lui aurez dit, ou écrit, vous voudrez bien prier Mrs Luchtmans de joindre un Nonnius de Mr Bernard aux Acta Litteraria Societatis Rheno-Trajectinae, de m'envoyer ces deux ouvrages par une occasion sure d'un Voyageur ou d'un Libraire, dont il me marqueroit l'adresse. Mrs Luchtmans mettroient (sic) la mienne sur le paquet très exactement d'Ansse de Villoison, rue de Bievre n° 22 (renvoi à côté) 3, et m'indiqueroit (sic) par sa lettre d'avis,

1. Quo temporis spatio aliquot scripsit V. libellos Gallica lingua, in Millini Horreo Encyclopaedentico, ni fallimur, editos..... (Wyttenbach, Bibl. Crit. P. xI, p. 127, sqq. et Opuscula, Leyde et Amsterdam, 1821, t. II, p. 78).

2. Bernard (Jean-Etienne), médecin et philosophe allemand, d'origine française (1718-1793). L'ouvrage dont il est ici question, a pour titre : « Theophrasti Nonni epitome de Curatione morborum, graece et latine : ope codicum manuscriptorum recensuit, notasque adjecit..... Gotha et Amsterdam (1794 et 1795), 2 vol. in-4°. 3. Voici ce renvoi :

<< Je vous prie aussi, Monsieur, et cher àmi, de tâcher de me trouver, le plus tôt possible, ou faire trouver, et m'envoyer par Mrs Luchtmans, un livre intitulé, Entretiens sur les différentes méthodes d'expliquer l'écriture, de ceux qu'on appelle Cocceiens et Voétiens dans les provinces Unies, avec un portrait des Hébraïsans, et de leurs erreurs. Amsterdam, 1707, in-12 de 417 pages. J'aurois grand besoin de

la personne à laquelle je remettrois cet argent, ainsi que ce que Mr Quatremaire dont je lui ai procuré la connoissance, lui redoit pour le Castelli Lexicon 1. Vous pourriez profiter de cette occasion pour m'envoyer votre Plutarque. Je brûle d'envie de posséder ce bel ouvrage. Je vous prie de ne pas oublier de lire cet article (et la note d'à côté, le renvoi) à Mrs Luchtmans, après avoir reçu la réponse de Mr Bernard le neveu. Mille pardons de la peine que je vous donne, cher et ancien ami. On m'a dit que vous aviez eu la bonté de témoigner des inquiétudes sur mon sort dans la préface de votre Plutarque :

Vivo equidem, vitamque extrema per omnia duco.

La révolution m'a presque entièrement ruiné. Seul héritier de toute ma famille, je commençois depuis quelque temps à jouir d'environ vingt quatre mille livres de rente, placées sur la Nation, et sur des particuliers qui m'ont remboursé en papier; ainsi j'ai perdu la plus grande partie de ma fortune, et je le regrette mille fois moins que la facilité de me livrer sans partage à la littérature grecque ma passion dominante, et à mon ouvrage sur la Grèce ancienne et moderne dont je m'occupe depuis mon retour du Levant, et pour lequel j'ai déja fait d'immenses recherches. Voila en peu de mots, cher ami, mon Histoire. Vous avez su dans le temps que j'avais eu le malheur de perdre ma mère et ma femme que j'aimois tendrement, deux oncles, ensuite mon bien. J'ai passé sept ans dans la Bibliothèque d'Orléans sans en sortir 3, maintece livre qui est de Joncourt, ministre de l'Eglise Wallonne à la Haye, et qui doit être commun en Hollande. »

Pierre de Joncourt, né à Clermont en Beauvoisis, vers le milieu du xvire siècle, mort à la Haye en 1725. Voici le titre exact de l'ouvrage dont parle ici Villoison : Entretiens sur les différentes Méthodes d'expliquer l'Ecriture et de prêcher de ceux qu'on appelle Coccéiens et Voétiens dans les Provinces-Unies, où l'on voit quel tempérament on doit apporter dans l'explication des types, des allégories, des périodes, des prophéties, et d'autres choses de ce genre, avec un portrait des hébraïsants et de leurs erreurs. Amsterdam, 1707, in-12.

1. Edmond Castell, orientaliste anglais (1603 ou 1606-1685) : « Lexicon heptaglotton, hebraicum, chaldaicum, syriacum, samaritanum, acthiopicum, arabicum conjunctim, et persicum separatim, cui accessit brevis et harmonica grammaticae omnium praecedentium linguarum delineatio. » Londres, 1669, et, avec un titre nouveau, 1686, 2 vol. in-fol.

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2. Moralia de Plutarque, Oxford, 1795-1802, 5 vol. in-4°, gr. et pet. in-8°, auxquels il faut ajouter Animadversiones; ibid., 1810-21, 3 vol. in-8°, et Index graecitatis; - ibid., 1830, 2 vol. in-8°; cette édition a été réimprimée à Leipzig, 1829, 6 vol. in-16, et à Paris, 1841-1855, 5 vol. gr. in-8° dans l'édition de Plutarque de Dübner.

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3. Etienne Quatremère, dont il est parlé dans notre lettre et qui fut l'élève de Villoison, écrit (Nouv. Biogr. Univ.) : « Un décret de la Convention ayant expulsé de Paris tous les nobles, sans exception, Villoison fut obligé de fuir la capitale, et alla chercher un asile dans la ville d'Orléans. Là, comme on sait, se trouve une bibliothèque remarquable, composée en partie de celle de Prousteau, et qui renferme, entre autres trésors littéraires, les livres de Henri et Adrien de Valois, couverts de notes manuscrites des deux doctes frères. Villoison prit possession de cette bibliothèque, qui était alors complètement abandonnée, et se dit à lui-même :

Ce temple est mon pays, je n'en connais point d'autre.

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